DE 1394 A 1789
Que devient le Juif de 1394 à 1789 ? On ne sait trop. Il s'est évanoui, il s'est rasé,
comme le lièvre poursuivi, il a changé son plan d'action, modifié ses ruses, éteint
beaucoup son ardeur. Il semble alors tout plongé dans la Kabbale97, absorbé dans la
lecture du Zohar ou du Sepher Zetzirah. Il est alchimiste, il tire des horoscopes, il
interroge les astres et il peut, en parlant du Grand OEuvre, avoir accès partout. Sur ce
sujet il est inépuisable, il sait en effet et les frères errants avec lesquels il s'abouche
dans chaque ville savent aussi ce que ce mot de Grand OEuvre cache sous son
mystérieux symbolisme. Faire de l'or, régner par le banquier sur ce monde qui ne croit
qu'au prêtre et au soldat, à la pauvreté et à l'héroïsme, la politique juive est toujours
là. Mais ce projet, sur la réussite duquel on consulte sans cesse les nombres, semble
bien chimérique ou plutôt bien lointain. Ce qu'il faut renverser avant de rien
entreprendre, c'est la vieille hiérarchie, l'Eglise, le Moine, le Pape.
Sur quel point agir ? A la France il ne faut pas penser. L'Espagne, que les Juifs
ont livrée aux Maures, reconquiert pied à pied le sol de la Patrie et c'est par
l'expulsion définitive des Juifs qu'elle se préparera aux grandes destinées qui
l'attendent sous Charles-Quint et Philippe II. L'Allemagne [190] est plus propice à un
mouvement, elle est divisée et on n'y rencontrera pas cette autorité royale déjà si
puissante qui de l'autre côté du Rhin centralise la force et défend les croyances de
tous. Autant que la France cependant, l'Allemagne répugne aux Juifs et en brûle
quelques-uns de temps en temps.
Le Juif, rendu plus prudent par ses mésaventures, ne s'attaque plus en face au
catholicisme, il souffle Luther, il l'inspire, il lui suggère ses meilleurs arguments.
« Tout catholique qui devient protestant, a dit Alexandre Weill, fait un pas vers
le Judaïsme, Tout protestant, serait-il plus juste de dire, est à moitié Juif.
Le protestantisme servit de pont aux Juifs pour entrer non pas encore dans la
société mais dans l'humanité.
En 1520, l'année même où Luther brûlait la bulle du pape à Wittemberg, la
première édition du Talmud s'imprimait à Venise.
Luther cependant que les Protestants représentent selon leur habitude, quand il
s'agit des leurs, comme un apôtre de la tolérance, fut dur pour les Juifs, plus dur que
ne l'avait jamais été aucun prêtre.
En cendres, s'écriait-il, cendres les synagogues et les maisons des Juifs, et
ceux-ci qu’on les parque dans les écuries ! Que de leurs biens on forme un trésor
pour l'entretien des convertis, que les juifs et les juives robustes on les astreigne
aux plus durs labeurs, qu'on leur prenne leur livre de prières, le Talmud, la Bible,
et qu'il leur soit défendu, sous peine de mort, même de prononcer le nom de Dieu.
Pas de faiblesse, pas de pitié pour les juifs! Que les princes sans forme de
procès les chassent ! Que les pasteurs inculquent à leurs ouailles la haine du juif.
J'aurais pouvoir sur les juifs, que [192] je réunirais les plus instruits et les
meilleurs d'entre eux et les menacerais de leur couper la langue au fond du gosier.
L'oeuvre de dissolution de la société chrétienne, entreprise par le protestantisme,
fut malgré tout profitable au Juif. Elle fut pour lui l'occasion de s'affranchir, du moins
en Allemagne, de cette interdiction de l'usure grâce à laquelle l'Eglise, avec une
maternelle sollicitude, protégea pendant des siècles la fortune de l'Aryen travailleur
et naïf contre les convoitises du Sémite astucieux et cupide. Un sermon de l'époque cité
par Janssen explique admirablement la situation.
Quels maux ne produit pas l'usure ? Rien n'y fait! Comme chacun voit que les
grands usuriers du commerce deviennent riches en peu de temps, tout le monde veut
aussi s'enrichir et tirer un rand profit de son argent. L'artisan, le paysan porte son
argent à une société ou à un marchand, ce mal n'existait pas jadis, il n'est devenu
général que depuis dix ans. Ils veulent gagner beaucoup et souvent ils perdent tout ce
qu'ils avaient.
Le tableau de cette époque de transition, dit M. de Bréda100, n'est pas moins
curieux à étudier par son analogie avec ce qui se passe de nos jours : « On perdait le
goût du travail, on cherchait les affaires qui rapportaient beaucoup en donnant peu de
peine. Le nombre des boutiques et des cabarets augmentait incroyablement jusque
dans les campagnes. Les paysans s'appauvrissaient et se voyaient contraints de vendre
leurs biens, les artisans [193] sortaient des corporations et, dénués de leur salutaire
protection, tombaient dans la misère. Trop de gens à la fois se jetant dans les mêmes
affaires de spéculation, la plupart échouaient et formaient un prolétariat irrité. La
richesse augmenta rapidement pour quelques-uns, la masse s'appauvrit. »
Louis XII avait étendu aux pays nouvellement réunis à la France l'édit définitif
d'expulsion de Charles VI, ce qui contribua sans doute à lui faire donner le surnom de
Père du peuple. La Réforme même resta en France militaire, plus désintéressée
qu'ailleurs de toute spéculation financière, c'est-à-dire étrangère à tout élément juif.
Quelques Juifs seulement, chassés d'Espagne, arrivèrent alors à prendre pied à
Bordeaux, mais avec quelles précautions ils durent agir, quels déguisements ils furent
obligés de revêtir !
Constatons seulement ici que les nouveaux venus ne se présentèrent
aucunement comme Juifs et qu'ils ne firent pendant cent cinquante ans au moins
aucun exercice de leur religion
Les lettres patentes d'Henri II autorisant le séjour furent délivrées non à des
Juifs mais à de nouveaux chrétiens.
Quelques-uns essayèrent encore d'entrer d'un autre côté et, en 1615, on dut
renouveler les édits portés contre eux, mais les Juifs, sous la minorité de Louis XIII,
n'en revinrent pas moins en France en assez grand nombre. Ils avaient à la Cour un
puissant protecteur. Concini était environné de Juifs. La Galigaï passait pour être
Juive d'origine. « Elle vivait constamment, dit Michelet, entourée de médecins juifs,
de magiciens et comme agitée de furies. Quand elle souffrait de la terrible névrose
particulière à la race, Elie Montalte, un Juif encore, tuait un coq et le lui appliquait
sur la tête.
Concini pillait tout, trafiquait, tripotait. La France était en pleines mains juives.
ndt : voir le film : Le Capitan, avec Jean Marais.
Ce tableau ne semble-t-il pas contemporain ? Que fut Gambetta, en effet, si ce n'est,
en bien des points du moins, une seconde incarnation de Concini ? Sous le ministère
de Farre, on distribuait dans les casernes une brochure intitulée : le Général
Gambetta. Ce général de la parole ne vous fait-il pas souvenir de ce comte della Penna
(comte de la Plume), de ce maréchal d'Ancre qui n'avait jamais tiré l'épée ?
Notre Concini à nous a pu malheureusement faire tout le mal qu'il a voulu sans
avoir trouvé de Vitry. La France n'enfante plus d'hommes comme ce vaillant qui,
tranquillement, son épée sous le bras, avec trois soldats aux gardes pour toute
compagnie, s'en vint barrer le passage, sur le pont du Louvre, à l'aventurier
orgueilleux qui s'avançait suivi d'une escorte nombreuse comme un régiment. - Haltelà!
- Qui donc ose me parler ainsi, à moi ? Et comme le drôle étranger ajoutait un
geste à ces paroles, Vitry, l'avant bien ajusté, lui cassa la tête d'un coup de pistolet.
[196]
Puis il entra chez le Roi et dit : C'est fait. - Grand merci, mon cousin, répondit
Louis XIII à l'humble capitaine, que son courage, ainsi qu'on le voit encore en
Espagne, venait de faire le parent du Roi, vous êtes maréchal et duc et je suis heureux
de vous saluer le premier de votre nouveau titre.
Par la fenêtre, une grande rumeur arrivait en même temps, c'était Paris qui,
enfin vengé de tant de hontes subies, battait frénétiquement des mains.
La destinée de cette race en effet est singulière : seule de toutes les races
humaines elle a le privilège de vivre sous tous les climats et, en même temps, elle ne
peut se maintenir, sans nuire aux autres et sans se nuire à elle même, que dans une
atmosphère morale et intellectuelle spéciale.
Avec son esprit d'intrigue, sa manie d'attaquer sans cesse la religion du Christ, sa
fureur de détruire la foi des autres qui contraste si étrangement avec son absence de
tout désir de convertir les étrangers à la sienne, le Juif est exposé dans certains pays à
des tentations auxquelles il succombe toujours, c'est ce qui explique la perpétuelle
persécution dont il est l'objet.
Dès qu'il a affaire à ces grandes cervelles d'Allemands avides de systèmes et
d'idées, à ces esprits français épris de nouveautés et de mots, à ces imaginations de
Slaves toujours en quête de rêves, il ne peut se contenir, il invente le socialisme,
l'internationalisme, le nihilisme, il lance sur la société qui l'a accueilli des
révolutionnaires et des sophistes, des Herzen, des Goldeberg, des Karl Marx, des
Lassalle, des Gambetta, des Crémieux, il met le feu au pays pour y faire cuire l'oeuf de
quelques banquiers et tout le monde se réunit à la fin pour le pousser vers la porte.
Sur les têtes solides d'Anglais et de Hollandais, au contraire, le Juif ne peut rien.
Il sent d'instinct, avec son nez qui est long, qu'il n'y a rien à tenter sur ces gens
attachés à leurs vieilles coutumes, fermes dans les traditions qu'ils ont reçues de leurs
aïeux, attentifs à leurs intérêts. Il se contente de proposer des affaires que les
indigènes discutent minutieusement et qu'ils font quand elles sont bonnes [202] mais
il ne raconte pas d'histoires, il ne dit pas aux fils que leurs pères étaient d'affreuses
canailles ou des serfs abjects, il ne les invite pas à brûler leurs monuments, il ne fait là
ni emprunt frauduleux, ni Commune ; il est heureux, et les autres aussi.
Cette petite Hollande, industrieuse et commerçante, étrangère elle-même à cet
idéal chevaleresque qui est si antipathique aux fils de Jacob, fut vraiment le berceau
du juif moderne. Pour la première fois Israël connut là, non point le succès éclatant
qui grise le Juif et qui le perd, mais le calme de longue durée, la vie régulière et
normale102 .
C'est Rembrandt qu'il faut, je ne dis pas regarder mais contempler, étudier,
scruter, fouiller, analyser si l'on veut bien voir le Juif.
Combien plus saisissant cet alchimiste en extase devant le cercle kabbalistique
autour duquel sont tracés des caractères mystérieux qui commentent le Sepher ou le
Zohar, qui révèlent l'heure et le jour où s'accomplira le Grand OEuvre ! N'est-ce point
un Juif encore que ce docteur Faust dont le visage émerge à peine de l'ombre intense ?
Tout allait mieux en effet pour les Juifs. En Angleterre, ils avaient trouvé
l'homme qu'ils aiment, le Schilo, le faux Messie, le chef exclusivement terrestre qui, ne
s'appuyant sur aucun droit traditionnel, est bien forcé d'avoir recours à la force
secrète que détiennent les Juifs104. Cromwell, soutenu par la Franc-maçonnerie
puissante déjà mais très occulte et très discrète encore105, avait été le protecteur zélé
des juifs et s'était efforcé de faire lever l'arrêt de proscription qui pesait sur eux.
On a affirmé que le droit de séjour leur avait été formellement [206]accordé à
cette époque, le Dr Tavey dans son Anglica judaïca nie le fait. Dans son curieux livre
sur Moses Mendelssohn et sur la réforme politique des Juifs en Angleterre, Mirabeau,
qui fut l'homme des Juifs comme Gambetta.
la haine du chrétien, la soif du sang du goy reprend le Juif en apercevant
Rochester endormi ; comme nous le dit le poète, il tente celui avec lequel il parle. Ce
pouvoir [208] suprême, Cromwell peut l'avoir, il suffit d'immoler le chrétien. N'est-ce
point l'éternel pacte qu'Israël propose aux ambitieux ? Qu'ils frappent l'Église ! Et ils
seront grands, on leur donnera en échange des persécutions une éphémère apparence
de puissance.
Mais Cromwell n'est point un Gambetta, ce n'est point un de ces généraux de
Directoire qui, après avoir massacré les républicains, demandent à la République un
peu d'or pour payer les filles, c'est l'intrépide et sombre héros de Worcester et de
Naseby, c'est un croyant. Il se réveille comme d'un songe, il tressaille à ce mot de
sabbat.
Michelet nous a montré l'usurier qui demande du sang pour de l'or, Shakespeare,
lui aussi, a peint dans Shylock le marchand de chair humaine, le type que Victor Hugo
incarne en Manassé est autre. C'est déjà le Juif moderne mêlé aux complots,
fomentant les guerres civiles et les guerres étrangères, tour à tour commanditaire de
Napoléon et de la Sainte Alliance.
Tout est Shakespearien dans cette scène du IVe acte, c'est le théâtre tel que l'a
compris Shakespeare dans Henri V et avant lui Eschyle dans les Perses, l'histoire
toute vivante mise en dialogue et présentée ainsi aux spectateurs assemblés. Écoutez
ce que dit « l'espion de Cromwell, banquier des Cavaliers. »
Des deux partis rivaux qu'importe qui succombe ?
Il coulera toujours du sang chrétien à flots,
Je l'espère du moins ! C'est le bon des complots.
Des bords de la Seine aux bords de la Sprée ne l'entendez-vous pas depuis près
d'un siècle ce monologue ? N'est il pas la conclusion de tous les coups de canon qu'on
tire en Europe ? Pourvu que ce soit de l'or et du sang de chrétien qui coule, Israël est
toujours d'accord et Berlin, par l'entremise de l'Alliance israélite universelle, donne
fraternellement la main à Paris.
Au XVIIe siècle, la France, fort heureusement pour elle, n'en était pas là et n'était
même pas entrée dans la voie de conciliation de l'Angleterre.
Sous Louis XIV, au moment où la France est à l'apogée de sa puissance et règne
véritablement sur le monde non seulement par les armes mais par l'ascendant de sa
civilisation, savez-vous combien Paris possédait de Juifs ?
On ne comptait pas plus de quatre familles de cette religion habitant la capitale
et cent cinquante allant et venant107. En 1705, il n'y avait en tout que dix-huit
individus, [210] la plupart employés aux services et étapes de Metz et autorisés par le
Chancelier à faire un séjour dans la capitale.
On ne peut douter, disait le lieutenant général de police, que l'agiotage et
l'usure ne soient leur principale occupation puisque c'est (si l'on ose s'exprimer
ainsi) toute leur étude et qu'ils se font une espèce de religion de tromper autant
qu’ils le peuvent tous les chrétiens avec lesquels ils traitent.
Il est question de loin en loin dans la correspondance des intendants de quelques
Juifs isolés, à Rouen notamment, à la date de 1693, d'un nommé Mendez, qui
possédait une fortune de 500.000 à 600.000 livres et dont l'expulsion aurait été
fâcheuse pour le commerce de la province.
Everard Jabach, né à Cologne, banquier et grand collectionneur, de tableaux,
paraît bien avoir été Juif. On peut, je crois regarder comme Juif le comédien
Montfleury, dont le vrai nom était Zacharie Jacob. C'est lui qui, pour se venger de
railleries inoffensives de Molière qui, dans l'Impromptu de Versailles, lui avait
reproché « d'être gros et gras comme quatre, » adressa au mois de décembre 1663 une
requête à Louis XIV, dans laquelle il accusait le grand comique d'avoir épousé sa
propre fille.
Samuel Bernard était-il Juif ? Voltaire affirme que oui. Nous lisons dans une
lettre adressée à Helvetius : « J'aimerais mieux que le Parlement me fît justice de la
banqueroute du fils de Samuel Bernard, Juif, fils de Juif, mort surintendant de la
maison de la reine, maître des requêtes, riche de neuf millions et banqueroutier. »
Mais cette question d'argent, qui avait toujours tant d'importance pour Voltaire,
a pu lui inspirer cette épithète de Juif. En 1738, dans son Discours sur l'Inégalité des
conditions, il consacra à Samuel Bernard, le père, deux vers que [211] le poète fit
disparaître de ses oeuvres quand le fils, qui portait le titre de comte de Coubert, eut
fait disparaître soixante mille livres de la bourse du poète.
Sous la Régence, nous voyons apparaître le Juif Dulys, dont les méfaits
occupèrent tout Paris.
Enrichi par le Système, ce Juif avait pour maîtresse une actrice nommée
Pélissier. Obligé, après avoir ruiné pas mal de monde, de fuir en Hollande où était
toute sa fortune, il donna cinquante mille livres à la Pélissier à la condition qu'elle
l'accompagnerait, mais celle-ci mangea l'argent avec Francoeur, un violon de l'opéra,
et ne bougea pas.
Barbier fait observer qu'on aurait dû appréhender la Pélissier et la condamner
pour avoir eu des relations avec un Juif. En certaines provinces, effectivement, le fait
pour des chrétiens ou des chrétiennes d'avoir eu des rapports avec les ennemis de leur
race était assimilé au crime contre nature.
Les Juifs étaient cependant tolérés à Metz où les rois de France en avaient trouvé
quelques-uns d'installés. Des lettres patentes données par Henri IV portent qu'il
prend sous sa protection « les vingt-quatre ménages juifs descendus des huit premiers
établis à Metz sous son prédécesseur.
Ces Juifs étaient installés dans la rue de l'Arsenal, près du retranchement de
Guise, le duc d'Epernon leur accorda, le 17 février 1614, le droit d'acquérir des
maisons dans le quartier de Saint Ferron, mais non ailleurs.
Au commencement du XVIIIe siècle, les Brancas découvrirent, je ne sais
comment, l'existence de ces Juifs et eurent l'idée ingénieuse de s'en faire des revenus.
Le 31 décembre 1715, Louis de Brancas, duc de Villars, pair de France, baron
d'Oise, obtint du Régent un arrêt par lequel les Juifs de Metz étaient astreints à un
droit de protection à raison de 40 livres par famille.
Cette redevance était abandonnée pour dix ans à Brancas et à la comtesse de
Fontaine. Les Juifs protestèrent qu'ils n'avaient nul besoin d'une pareille protection,
les Brancas s'obstinèrent à protéger quand même et l'on finit par transiger à 30 livres.
Le nombre des familles juives de Metz était de 480 lors du dénombrement de 1717. En
1790, les Juifs étaient environ 3.000.
C'est un des épisodes les plus comiques du XVIIIe siècle que ce débat entre les
Brancas et les Juifs, il fait songer à la célèbre ronde du Brésilien.
Voulez-vous ? voulez-vous ?
Voulez-vous accepter mon bras ?
- Je vous assure que je vais fort bien tout seul, s'écriait le Juif, quittez ce souci…
- Nenni! nenni! répondaient les Brancas, il pourrait [214] vous arriver malheur
si vous n'étiez pas protégés, et nous en serions inconsolables.
Israël multiplia en vain, par la suite, les démarches auprès du roi, les Brancas
défendirent mordicus le fief qu'ils s'étaient créé. Le brillant duc de Lauraguais, un
Brancas toujours, se fit continuer cette redevance et la toucha imperturbablement
jusqu'en 1792, il ne lâcha ses protégés malgré eux que devant l'échafaud
révolutionnaire.
« Voilà bien des abus dont nous a délivrés 89 ! » s'écrieront les écrivains
républicains, et les mêmes écrivains, qui trouvent abominable qu'un descendant de
Villars prélève sur des Juifs quelques centaines de louis pour ses menus plaisirs,
trouveront très juste qu'à l'aide d'escroqueries financières des Juifs prélèvent des
millions sur des chrétiens, qu'un mendiant de la veille soit le riche insolent du
lendemain.
En toute occasion ceux-là sont pour l'étranger.
Pour moi, je vois différemment. La France devait son salut à l'héroïque soldat de
Denain, elle s'acquittait de cette dette envers les neveux de son sauveur, quoi de plus
juste ? Tous ces grands seigneurs, d'ailleurs, faisaient honneur à cet argent qu'ils
dépensaient de la façon la plus magnifique et la plus large. Les artistes et les lettrés
étaient chez eux dans les incomparables demeures de ces patriciens bons garçons.
Lauraguais distrayait incessamment Paris par ses aventures, ses amours, ses mots, ses
duels, ses brochures, ses épigrammes, ses procès excentriques, les explosions de sa
belle humeur de français.
Très nombreux en Alsace, les Juifs y étaient fort durement traités. Ils
dépendaient non du souverain directement mais des seigneurs qui, cependant, par un
contraste singulier, avaient le droit de les recevoir et non de les expulser. Ils devaient
payer, outre le droit d'habitation, montant d'ordinaire à 36 livres par an, un droit de
réception fixé à peu près à la même somme, ils étaient, en outre, assujettis à des droits
de péage. A la suite d'une sédition qu'ils avaient excitée en 1349, ils n'avaient pas la
faculté de séjourner à Strasbourg et payaient un impôt toutes les fois qu'ils entraient
dans la ville.
La réunion de Strasbourg à la France améliora un peu leur situation. A partir de
1703, dit M. A. Legrelle dans son livre Louis XIV et Strasbourg, les autorités
françaises insistèrent pour qu'on se relachât de ces antiques usages parce que des
marchands israélites avaient accepté d'elles la charge de fournitures militaires. La
guerre finie, le Sénat dut tolérer encore, pour les mêmes motifs, un fournisseur
appartenant à la confession proscrite, Moïse Blien. Ce revirement, dont bénéficia
aussi la famille Cerfbeer, attira si bien les Juifs qu'avant 89 on en comptait vingt mille
dans le pays, possesseurs de 12 à 15 millions de créances.
Louis XII avait étendu à la Provence les ordonnances qui expulsaient les Juifs de
France, mais beaucoup d'entre eux avaient, dans ces régions, suivi le conseil que leur
avaient donné leurs coreligionnaires étrangers, et fait semblant de se convertir. En
1489, au moment où il était question d'une expulsion, Chamorre, rabbin de la Jussion
d'Arles, avait écrit au nom de ses frères aux rabbins de Constantinople pour demander
ce qu'il fallait faire et avait reçu la lettre suivante datée du 21 décembre 1489 :
« Bien aimés frères en Moïse,
« Nous avons reçu votre lettre par laquelle vous nous signifiez les travers et
les infortunes que vous pâtissez. Le ressentiment desquelles nous a autant touché
qu'à vous autres. Mais l'avis des plus grands rabbins et satrapes de notre loi est tel
que s'ensuit :
« Vous dites que le roi de France veut que vous soyez chrétiens, faites-le
puisque autrement vous ne pouvez faire, mais gardez toujours la loi de Moise dans
le coeur.
« Vous dites qu'on veut prendre vos biens, faites vos enfants marchands, et
par le moyen du trafic vous aurez peu à peu le leur.
« Vous vous plaignez qu'ils attentent contre vos vies, faites vos enfants
médecins et apothicaires qui leur feront perdre la leur sans crainte de punition.
« Vous assurez qu'ils détruisent vos synagogues, tâchez que vos enfants
deviennent chanoines et clercs parce qu' ils ruineront leur Église.
« Et à ce que vous dites que vous supportez de grandes vexations, faites vos
enfants avocats, notaires et gens qui soient d'ordinaire occupés aux affaires
publiques,et par ce moyen, vous dominerez les chrétiens, gagnerez leurs terres et
vous vengerez d'eux.
[217]
Ne vous écartez pas de l'ordre que nous vous donnons, car vous verrez par
expérience que d'abaissés que vous êtes vous serez fort élevés.
V. S. S. V. F. F. Prince des Juifs de Constantinople, le 21 de Casleu 1489.
Le texte original des deux lettres a été publié pour la première fois par l'abbé Bouis, prêtre d'Arles,
dans un ouvrage qui porte ce titre : La Royale couronne des roys d'Arles, dédiée à Messieurs les
consuls et gouverneurs de la ville, par J. Bouis, prêtre, à Avignon, par Jacques Brawerav, 1644.
Il est inutile de dire que cette lettre, elle aussi, est déclarée apocryphe. Nous ne
voyons pas, quant à nous, sur quoi on s'appuie pour contester l'authenticité de cette
pièce qui résume admirablement la politique juive110.
Dans le Comtat Venaissin seulement qui était alors terre papale, les Juifs de
France avaient trouvé une liberté à peu près complète et une sécurité relative. En
plein moyen âge, Avignon put être appelé « le Paradis des Juifs. »
Les Juifs avignonnais, qui comptaient parmi eux des rabbins distingués,
semblent avoir formé même pendant assez longtemps une branche particulière
différente des Juifs allemands et des Juifs portugais. Au XIVe siècle, le rabbin Roüber
leur fit adopter un rituel spécial qu'ils suivirent jusqu'au XVIIIe siècle, époque à
laquelle ils se fondirent définitivement avec les Juifs portugais.
Sans doute, de temps en temps, des mouvements populaires éclataient contre eux
à la suite d'usures trop criantes, mais le Pape ou le légat intervenait toujours pour
calmer les esprits.
Là, comme ailleurs, cependant, les Juifs ne se gênaient guère pour faire des
malhonnêtetés aux chrétiens qui consentaient à les accueillir, et pour insulter leurs
croyances.
Longtemps on aperçut, à l'entrée de l'église Saint-pierre d'Avignon, un bénitier
qui rappelait un de leurs tours : Le bénitier de la Belle Juive. Une Juive, d'une rare
beauté, avait trouvé plaisant de pénétrer dans l'église : le jour de Pâques et de cracher
dans l'eau bénite. La Belle Juive, [219] aujourd'hui, à la suite de cet exploit, serait
nommée inspectrice générale des écoles de France alors, elle reçut le fouet en place
publique, et une inscription commémorative rappela le sacrilège commis et la
punition subie.
La colonie juive de Bordeaux avait seule prospéré. Quand l'Espagne, après la
défaite définitive des Maures de Grenade, se vit appelée à jouer un rôle en Europe, elle
fit ce qu'avait fait la France dès que la monarchie s'était constituée, elle élimina de son
sein les éléments qui étaient une cause perpétuelle de trouble. Le 30 mars 1492, le roi
Ferdinand d'Aragon et la reine de Castille Isabelle, sur l'avis de l'illustre Ximénès,
rendirent un arrêt qui ordonnait à tous les Israélites de sortir du pays.
Quelques familles se réfugièrent alors en Portugal où elles trouvèrent une
précaire protection, bientôt elles furent expulsées encore, et Michel Montaigne, dont
les parents avaient fait partie de ces persécutés, a raconté les circonstances navrantes
de ce nouveau départ dans un chapitre où [220] l'on sent plus d'émotion que dans les
pages ordinaires du sceptique.
Quelques-uns de ces proscrits vinrent chercher un asile à Bordeaux. Parmi eux se
trouvaient Ramon de Granolhas, Dominique Ram, Gabriel de Tarragera, Bertrand
Lopez ou de Louppes, les Goveas qui se firent assez rapidement comme jurisconsultes,
médecins, négociants, une place dans la société de Bordeaux.
encore se vérifie ce que nous disions de l'influence du milieu pour le Juif. Malgré leur apparente
exubérance, les Bordelais sont au fond des gens froid, et sérieux comme leur vin. L'Angleterre, qui a
occupé si longtemps ces contrées, y a laissé un peu d'elle-même, de son bon sens, de son esprit
réfléchi, les Bordelais, par bien des points, sont des Anglais plus capiteux.
Israël représenté d'ailleurs par des hommes de mérite, ne trouva pas là une population qu’il put
troubler, mais une bourgeoisie très capable d'apprécier les sérieuses qualités commerciales des
nouveaux venus. Plus que les lettres patentes d'Henri II, les dispositions générales des classes élevées
protégèrent les arrivants, les détendirent, leur permirent de fonder un durable établissement.
Notons en passant le côté vil de la race qui rend toujours le mal pour le bien. Sous la Terreur,
dans une fête de la Raison, les Juifs de Bordeaux organisèrent une parodie sacrilège dans le genre de
celles d'aujourd’hui, la Papauté, qui dans tous les pays du monde avait pris la défense des Juifs, était
traînée dans la boue, un Juif d'une taille colossale marchait à la tète du cortège en vomissant des
obscénités.
Remarquons encore à ce sujet que c'est à Bordeaux que la Juive Déborah, pour déshonorer
l'armée française, vint ourdir cette trame dans laquelle furent pris trois officiers qui étaient, selon
toute apparence, absolument innocents, mais qui furent victimes du bruit que la presse juive fit autour
de cette affaire.
Au moment de l'exécution des décrets, toute la canaille juive de Bordeaux insulta dans la rue les
religieux qu'on venait de chasser de chez eux.
la colère qui prit les Athéniens
assemblés au théâtre de Bacchus lorsque, dans la pièce d'Euripide, Bellérophon s'écria
que l'or devait être adoré ! Le génie aryen se souleva devant ce blasphème, et l'acteur,
à moitié lapidé par les spectateurs, dut quitter la scène.
Les Juifs portugais, nous l'avons dit, n'avaient jamais été admis en France
comme Juifs, mais comme Nouveaux chrétiens. C’est à titre seulement de chrétiens
qu'ils avaient reçu au mois d'août 1550 des lettres patentes qui furent vérifiées à la
cour du Parlement et à la Chambre des comptes de Paris, le 22 septembre de la même
année et enregistrées seulement en 1574. Le Mémoire des marchands parisiens, qui
s'opposèrent en 1767 â l'entrée des Juifs dans les corps de métiers, insiste bien sur
cette circonstance.
Il est impossible, dit ce Mémoire, de voir un projet combiné avec plus de
finesse et de ruse que celui de l'établissement des juifs à Bordeaux. Ils se
présentèrent d'abord sous une autre qualité que la leur, celle de Nouveaux
chrétiens était bien imaginée pour surprendre la religion du roi très chrétien.
Henri II leur [225] accorda des lettres patentes. On croirait peut-être qu'ils se sont
empressés de les faire enregistrer, rien de cela, vingt-quatre années se passèrent,
non pas inutilement pour eux, mais à choisir le lieu le plus propre à leurs vues.
Bordeaux est choisi. On croirait peut-être encore qu'ils ont présenté au Parlement
de cette ville leurs lettres patentes à enregistrer, leur marche n'est pas si droite,
moins connus à Paris qu'à Bordeaux, ils s'adressent à la première de ces deux
cours et y font enregistrer leurs lettres patentes en 1574.
Quoi qu'il en soit, les Portugais protestaient avec énergie toutes les fois qu'on les
traitait de Juifs. Inquiétés un moment, en 1614, ils firent remontrer au roi « qu'ils
habitaient de longue main en la ville de Bordeaux et que la jalousie des biens qu'ils
avaient les faisaient regarder comme Juifs, ce qu'ils n'étaient pas, ains très bons
chrétiens et catholiques.
Ils se conformaient scrupuleusement à toutes les pratiques extérieures de la
religion catholique, leurs naissances, leurs mariages, leurs décès étaient inscrits sur
les registres de l'Église, leurs contrats étaient précédés des mots : au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit114.
Après avoir vécu près de cent cinquante ans ainsi, les Juifs étaient restés aussi
fidèles à leurs croyances que le jour de leur arrivée. Dès que l'occasion fut favorable,
en 1686, suivant Benjamin Francia, ils retournèrent ouvertement au Judaïsme, ils
cessèrent de faire présenter leurs enfants au baptême et de faire bénir leur mariage
par des prêtres catholiques.
Des Juifs même dont les familles, depuis deux cents ans, [226] pratiquaient
officiellement le catholicisme en Espagne, passèrent la frontière et vinrent se faire
circoncire et remarier selon le rite israélite, à Bordeaux, dès que des rabbins y furent
installés.
La persistance, la vitalité opiniâtre de ce Judaïsme que rien n'entame, sur lequel
le temps glisse et qui se maintient de père en fils dans l'intimité de la maison, est à
coup sûr un des phénomènes les plus curieux pour l'observateur.
Les rares esprits qui, en France, sont encore capables de lier deux idées de suite,
trouveront là occasion à réflexion sur le mouvement anti-religieux dont l'étude est
encore à faire, car les éléments de cette étude, c'est-à-dire la connaissance des
origines vraies des persécuteurs sont très incomplets, quoiqu'on s'occupe depuis
quelque temps de les rassembler.
Dans cet ordre d'idées, il faut lire le récit d'un voyage en Espagne publié par le Jewisch Chronicle
en 1848, et reproduit par les Archives israélites (tome IX). Ce n'est rien, en apparence, mais c'est un
document historique et humain excellent.
En 1839, un juif anglais désire se mettre en communication avec ses coreligionnaires d'Espagne
et obtient à grand peine une lettre pour quelques-uns d'entre eux. Il arrive chez l'un d'eux dans une
ville qu'il ne nomme pas par discrétion, il entre dans un salon encombré de statuettes de saints, de
crucifix d'argent, d'images de piété. Il se fait reconnaître, mais son hôte, en lui ouvrant ses bras, lui
recommande bien de ne rien dire qui puisse le compromettre, car le pays le croit zélé catholique et son
fils et sa fille ignorent qu'il est juif.
Au milieu de la nuit, le chef de famille et son visiteur descendent dans un souterrain. C'est là
que se réunissent les membres d'une petite communauté juive dont nul ne soupçonne l'existence.
Au plafond est suspendue la lampe perpétuelle. À l'orient, une armoire tendue de velours noir
renferme les rouleaux du Pentateuque et un exemplaire des sections des Prophètes, sur la table de
bronze sont gravés les dix commandements.
A côté de l'armoire se trouve un calendrier juif et la liste de tous les illustres personnages juifs,
qui, sans être reconnus pour tels, ont joué un rôle considérable dans les affaires de l'Espagne.
Au centre, sur une table de marbre noir, s'étalent les philactères, les taleths, les livres de prières
en hébreu.
Une seule tombe apparaît. Obligés de supporter l'humiliation d'être enterrés dans le cimetière
catholique et de subir les prières des prêtres, les juifs ont pu soustraire à cette profanation le corps de
leur rabbin, et ils l'ont enterré là. A la mort de chaque membre de la communauté, on vient déposer
une petite pierre près de la tombe vénérée.
L'étranger et l'Espagnol s'entretiennent longtemps dans ce sanctuaire de leurs communes
espérances, puis par un soupirail on aperçoit le jour qui pointe, voici l'heure de la prière du matin, « Il
ne faut pas quitter la synagogue sans avoir élevé nos coeurs vers le Dieu de nos pères. » La cloche d'un
couvent voisin jette dans l'air ses notes argentines et claires. Un léger mouvement se fait dans la
maison : C'est la jeune fille qui court à l'église, et qui se hâte pour ne point manquer la première
messe…
Le voyageur retourne en Espagne, dix ans après, il croit se tromper car il retrouve un palais à la
place où s'élevait jadis l'humble maison de son coreligionnaire. On se met à table et on récite la prière
d’usage à haute voix : la jeune fille est ouvertement juive.
Les juifs, du reste, ont repris presque entièrement possession de l'Espagne. Dès 1869, M. Jules
Lan constatait que la plupart des descendants des Juifs convertis avaient conservé un hebraïco
carazon, ce qu'on appelle en allemand ein Jedscher herz.
Il se livrait à des transports dithyrambiques en rencontrant partout dans le quartier des grands
négociants de Madrid, le Montara, la Calle faen Carral des Berheim, des Mayer, des Levy, des
Wesveiller, des Wertheimber.
Cela suffit à expliquer que l'Espagne se débatte au milieu de crises révolutionnaires incessantes.
Lors de l'inauguration de la synagogue de Lisbonne, il y a quelques années, « on a été surpris,
raconte M. Théodore Reinach, de voir des familles arriver de fort loin de l'intérieur du pays, pour
prendre part à la fête du Grand Pardon, c'étaient des « Marranes » qui avaient conservé intactes,
pendant trois cents ans, la foi et les traditions de leurs pères. »
Le mot « Marrane » vient du mot hébreu « Marran-âtha », « anathème sur toi ! » que le Juif
prononçait à demi voix pour maudire le prêtre catholique, lorsqu'on le forçait d'assister aux offices.
Parmi les innombrables Juifs étrangers qui se sont faufilés en France à la suite
de la grande poussée de 1789, beaucoup se sont installés sans tambour ni trompette et
ont vécu de la vie de tout le monde. Soudain l'occasion s'est présentée, la vieille haine
contre le christianisme, assoupie [228] chez les pères, s'est réveillée chez les enfants
qui, travestis en libres penseurs, se sont mis à insulter les prêtres, à briser les portes
des sanctuaires, à jeter bas les croix.
A Bordeaux, comme ailleurs, le développement du mal judaïque suivit son cours
psychologique, l'évolution qu'il a partout, sous tous les climats, à toutes les époques,
sans aucune exception.
Le 22 mai 1718, M. de Courson, intendant de Bordeaux, constatait la présence de
500 personnes appartenant à la religion israélite. Le rapport remis le 8 décembre 1733
à M. de Boucher, successeur de M. de Courson, mentionnait la présence de 4.000 à
5.000 Juifs. Dès qu'ils s'étaient sentis un peu libres ils avaient trouvé le moyen
d'ouvrir sept synagogues.
Avec leur aplomb ordinaire, ils allaient toujours de l'avant. Pour rehausser l'éclat
de leurs enterrements, ils se faisaient escorter par les chevaliers du Guet et les
sergents.
Nous avons vu les mêmes faits se reproduire dans un ordre identique.
Sous prétexte qu'un officier de service s'était conformé au texte strict du
règlement et avait refusé de suivre l'enterrement civil du Juif Félicien David, la Franc-
Maçonnerie juive poussa des hauts cris et s'écria : « La libre-pensée, cette chose
sublime, qu'en faites-vous ?»
C'est la première étape.
Lorsqu'il s'agit de conduire Gambetta [229] au Père Lachaise, la Francmaçonnerie
oblige des magistrats et des officiers à suivre un enterrement qui soulève
l'indignation de tous les honnêtes gens.
C'est la seconde étape.
Dans quelque temps on empêchera les magistrats, les officiers, les citoyens
d'assister à des obsèques religieuses en prétendant qu'il s'agit d'une manifestation
cléricale.
Ce sera la troisième étape.
Après cette étape il surgit généralement, dans les pays qui ne sont pas tombés
complètement en pourriture, un homme énergique qui, armé d'un vigoureux balai,
mettra ces gens-là dehors. Alors éclate la scène de protestation, c'est le coup de Sion,
comme on dit en argot. « Oh ! Les fanatiques! Pauvre Israël, victime des méchants !
Tu pleures, mais tu auras ton tour. »
Malgré la résistance opposée par les Dalpuget, les Astruc, les Vidal, les Lange, les
Petit, Juifs Avignonnais qui prétendaient exercer un commerce sérieux, un arrêt du
Conseil du 21 janvier 1734, signé Chauvelin, ordonna l'expulsion définitive sans aucun
délai de « tous les Juifs avignonnais, tudesques ou allemands qui sont établis à
Bordeaux ou dans d'autres lieux de la province de Guyenne. »
Grâce à cette mesure, les Juifs Portugais purent rester à peu près tranquilles à
Bordeaux jusqu'à la Révolution.
Bordeaux était cependant un bien étroit terrain pour les [231] Juifs, ils
essayèrent vainement en 1729 de s'établir à la Rochelle, un autre arrêt du 22 août
1729, rendu sur les conclusions de d'Aguesseau qu'on retrouve toujours lorsqu'il s'agit
de défendre la Patrie, les chassa de la ville de Nevers.
C'était Paris surtout qu'ils ambitionnaient, en 1767 ils crurent avoir trouvé un
moyen d'y pénétrer. Un arrêt du Conseil avait statué qu'à l'aide de brevets accordés
par le roi, les étrangers pouvaient entrer dans les corps de métiers. Les Juifs, toujours
à l'affût, s'imaginèrent qu'il serait facile de se glisser par cette porte.
Les six corps de marchands protestèrent énergiquement. La Requête des
marchands et négociants de Paris contre l'admission des Juifs est, à coup sûr, un des
documents les plus intéressants qui existent sur la question sémitique.
On ne peut plus, en effet, nous raconter les vieilles histoires de peuples
fanatiques excités par les moines, de préjugés religieux. Ces bourgeois sont des
Parisiens du XVIIIe siècle, des contemporains de Voltaire, assez tièdes probablement.
Ce qu'ils discutent ce n'est pas le point de vue religieux, c'est le point de vue
social. Leurs arguments, inspirés par le bon sens, le patriotisme, le sentiment de la
conservation, sont les mêmes que ceux des comités de Berlin, d'Autriche, de Russie,
de Roumanie et l'on peut dire que leur éloquente requête est la première pièce du
dossier anti-sémitique moderne sur lequel statuera définitivement le vingtième siècle
commençant, si le procès dure jusque-là.
Les marchands parisiens protestent avec énergie contre l'assimilation qu'on veut
établir entre le Juif et l'étranger, l'étranger s'inspire à un fond d'idées qui est commun
à tous les civilisés, le Juif, est en dehors de tous les peuples, [232] c'est un forain,
quelque chose comme le circulator antique :
L'admission de cette espèce d'hommes dans une société politique ne peut
être que très dangereuse, on peut les comparer à des guêpes116 qui ne
s'introduisent dans les ruches que pour tuer les abeilles, leur ouvrir le ventre et en
tirer le miel qui est dans leurs entrailles. Tels sont les juifs auxquels il est
impossible de supposer les qualités de citoyen que l'on doit certainement trouver
dans tous les sujets des sociétés politiques.
De l'espèce d'homme dont il s'agit aujourd'hui, aucun n'a été élevé dans les
principes d'une autorité légitime. Ils croient même que toute autorité est une
usurpation sur eux, ils ne font de voeu que pour parvenir à un Empire universel, ils regardent tous les biens comme leur appartenant et les sujets de tous les États
comme leur ayant enlevé leurs possessions.
Ces marchands du XVIIIe siècle qui sont moins sots que nos boutiquiers
d'aujourd'hui, qui consentent à se laisser chasser de chez eux pour faire place à des
envahisseurs, indiquent en des termes dignes de Toussenel, ce don d'agrégation
qu'ont les Juifs qui s'attirent entre eux et se coalisent contre ceux qui leur ont donné
l'hospitalité. Ce qu'ils écrivent, à propos des fortunes faites honnêtement par le
travail, est en quelque sorte comme le testament des vieux commerçants parisiens si
probes, si consciencieux, [233] si éloignés de tous les procédés de réclame éhontée
qu'en emploie maintenant pour vendre de la camelotte et qui font regarder Paris par
les touristes comme un vrai repaire de brigands :
"Tous les étrangers sont pressurés de la part des juifs. Ce sont des particules
de vif argent qui courent, qui s'égarent, et qui à la moindre pente se réunissent en
un bloc principal.
Les fortunes dans le commerce sont rarement rapides quand il est exercé
avec la bonne foi qu'il exige, aussi pourrait-on en général garantir la légitimité de
celle des Français et particulièrement des marchands de Paris. Les Juifs, au
contraire, ont de tout temps accumulé en peu d'années des richesses immenses et
c'est encore ce qui se passe sous nos yeux.
Serait-ce par une capacité surnaturelle qu'ils parviennent si rapidement à
un si haut degré de fortune ?
Les juifs ne peuvent se vanter d'avoir procuré au monde aucun avantage
dans les différents pays où ils ont été tolérés. Les inventions nouvelles, les
découvertes utiles, un travail pénible et assidu, les manufactures, les armements,
l'agriculture, rien de tout cela n'entre dans leur système. Mais profiter des
découvertes pour en altérer les productions, altérer les métaux, pratiquer toutes
sortes d'usures, receler les effets volés, acheter de toutes mains, même d'un
assassin ou d'un domestique, introduire les marchandises prohibées ou
défectueuses, offrir aux dissipateurs ou à d'infortunés débiteurs des ressources qui
hâtent leur ruine, les escomptes, les petits changes, les agiotages, les prêts sur
gages, les trocs, les brocantages, voilà à peu près toute leur industrie.
Permettre à un seul juif une seule maison de commerce dans une ville, ce
serait y permettre le commerce à toute la nation, ce serait opposer à chaque
négociant les forces d'une nation entière qui ne manquerait pas de s'en servir pour
opprimer le commerce de chaque maison l'une après l'autre et par conséquent
celui de toute la ville117.
[234]
Si la pratique était dangereuse partout, elle serait encore plus funeste dans
cette ville de Paris. Quel théâtre pour la cupidité! Quelle facilité pour les
opérations de leur goût ! Les lois les plus vigoureuses qu'on pourrait opposer à
leur admission, toute la vigilance des magistrats de police, les soins particuliers
que le corps de ville prendrait pour seconder les vues de l'administration, rien ne
serait capable de prévenir les actes fréquents et momentanés de leur cupidité. Il
serait impossible de les suivre dans leur route oblique et ténébreuse."
Citons encore la conclusion prophétique de ce mémoire, vrai chef-d’oeuvre de
raison où l'on sent bien l'âme loyale et patriotique de nos ancêtres :
"On demandait à un ancien philosophe d'où il était, il répondit qu'il était
cosmopolite, c'est-à-dire citoyen de l'univers. Je préfère, disait un autre, ma
famille à moi, ma patrie à ma famille, et le genre humain à ma patrie. Que les
défenseurs des juifs ne s'y méprennent pas ! Les juifs ne sont pas cosmopolites, ils
ne sont citoyens dans aucun endroit de l'univers, ils se préfèrent à tout le genre
humain, ils en sont les ennemis secrets puisqu'ils se proposent de l'asservir un
jour."
C'est plus qu'il n'en faut, paraît-il, dans la loi mosaïque pour légitimer le divorce
que le Juif Naquet a réussi à imposer à toute force à cette France qui a dû si
longtemps sa grandeur morale à son respect pour l'indissolubilité du mariage.
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