Abou Becr Mohammed ben Omar ben Abd Elaziz ben Ibrahim ben Aïça ben Mozâhim, plus connu sous le nom d'Ibn Elkouthyia (le fils de la Gothe) était originaire de Séville. Il naquit à Cordoue, où demeurait sa famille. A Séville, il eut pour professeurs Mohammed ben Abd Allah ben El-qouq. Haçan ben Abd Alah Ezzebaïdi et Saïd ben Djâber. A Cordoue, il suivit les leçons de Tâhar ben Abd Elaziz, d’Ibn Abou'lwâlid Elâaradje et de Mohammed ben Abd Elwahhâb ben Mograïts. Profondément versé dans la connaissance de l'arabe, il s'était fait un nom parmi les savants de l'époque. A la fois théologien, poète et jurisconsulte, il trouva le temps d'étudier l’histoire politique et littéraire de l'Espagne.
Ou lui doit plusieurs ouvrages remarquables sur la lexicographie. C'est le premier grammairien qui ait songé à rédiger un traité de la conjugaison arabe.[1] Il ouvrit la carrière à Ibn Elqathâ'a, et à plusieurs autres philologues éminents,
Il mourut à Cordoue, un mardi, 23 de rebia' elouwel de l’an 367 de l'hégire (novembre 877 de J. C), dans un âge fort avancé, et fut enterré dans la maqbara (chapelle funéraire) de Qoraïche.[2]
La femme gothe dont il était issu joua un rôle important dans l'histoire. Ayant eu à se plaindre de son oncle Orthobâs (Ardebast), elle se rendit en Syrie, auprès de Hichâm ben Abd Elmelîk. Ce khalife la maria avec un affranchi de la famille des Omeyya, nommé Aîça ben Mozâhim. Revenue en Espagne, elle y trouva appui et protection, vécut jusqu'au règne d’Abderrahman ben Moawia ben Hichâm, à la cour duquel, elle jouissait d'un grand crédit
Ce fut en 1845 que M. de Slane signala à mon attention le Fotouh elandalos, dont il n'existe qu'un exemplaire en Europe. Je copiai l'ouvrage à la Bibliothèque impériale, j'en fis la traduction en français, avec le dessein de la livrer à l'impression ; mais mon séjour en Algérie m'a obligé à retarder l'accomplissement de mon projet.
Ibn Elkouthyia est un des auteurs arabes du moyen âge qui ont le mieux compris la tache de l'historien. Loin de se borner à raconter les événements, il les apprécie, il les juge, il les critique quelquefois. Son style, moins coloré que celui des Orientaux, a quelque chose de clair, d'expressif, de littéraire, qui fait qu'on aime à le lire. Il n'emprunte à la tradition que des détails propres à jeter de la variété dans les récits. C'est par des faits, plutôt que par des réflexions, qu'il peint le caractère de ses personnages.
HISTOIRE
DE
LA CONQUÊTE DE L'ANDALOUSIE,
PAR
IBN ELQOUTHIYA.[3]
Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux. Dieu veuille répandre ses bénédictions sur Notre Seigneur Mohammed et sur ses compagnons, et leur accorder le salut!
Abou Bekr Mohammed ben 'Omar ben 'Abdelaziz nous a fait le récit suivant :
Plusieurs de nos savants, tels que le cheikh Mohammed ben 'Omar ben Lobâba, Mohammed ben Sa’id ben Mohammed Elmorâdi, Mohammed ben 'Abdelmalek ben Ayman, Mohammed ben Zakariya ben Etthandjiya Elichbîli (Dieu leur fasse miséricorde!), qui tenaient eux-mêmes leurs récits de leurs maîtres, nous ont rapporté que le dernier souverain des Goths, en Andalousie, fut Ghaythacha (Vitiza). Ce roi, en mourant, laissa trois fils : Olemundo, Romulo et Arthobâs. Ces princes, tout jeunes encore au moment de la mort de leur père, demeurèrent à Tolède sous la tutelle de leur mère, veuve du roi défunt, et ce fut elle qui exerça le pouvoir en leur nom.
Quant à Roderic, qui était un des généraux du roi père de ces princes, il abandonna les fils de son maître et alla s'établir à Cordoue avec tous les guerriers qui l'entouraient. Sous le règne de Eloualîd ben 'Abdelmalek, lorsque Tharik ben Ziyâd pénétra en Andalousie, Roderic écrivit aux fils du roi Ghaythacha, qui, à la nouvelle de cet événement, s'étaient mis en mouvement et avaient pris les armes, leur demandant de venir à son aide et d'unir leurs forces contre l'ennemi commun. Après avoir levé des troupes dans les villes frontières, les jeunes princes se mirent en route; mais arrivés à Choqonda (Secunda), ils campèrent en cet endroit, ne se croyant point assurés contre une trahison de Roderic s'ils entraient dans la ville de Cordoue. Roderic se porta donc à leur rencontre et l'on se mit en marche pour aller combattre Tharik.
Aussitôt que les deux armées furent en présence[4] Olemundo et ses deux frères convinrent de trahir Roderic; le soir même, ils envoyèrent faire part de leur dessein à Tharik, en lui disant que Roderic n'était en quelque sorte qu'un des chiens de leur père et un de ses suivants. Ils demandèrent qu'on leur accordât l'amnistie, à la condition que, dès le lendemain, ils se rendraient auprès de Tharik et que celui-ci leur confirmerait la propriété des villages possédés par leur père en Andalousie. Dans la suite, ces villages, qui étaient au nombre de 3.000, furent appelés les concessions royales.[5]
Le lendemain, accompagnés de leurs hommes, les trois princes allèrent grossir les rangs de Tharik et assurèrent ainsi son triomphe. Arrivés en présence du général musulman , ils lui dirent : « Etes-vous un chef indépendant ou bien êtes-vous sous les ordres d'un autre? — Non seulement, répondit Tharik, je suis sous les ordres d'un chef, mais ce chef lui-même dépend d'un autre émir. » Tharik les autorisa ensuite à se rendre auprès de Moussa ben Noçaïr …………. près du pays des Berbères, avec une lettre de Tharik au sujet de ce qui . . .[6] relativement à la soumission qu'ils avaient acceptée et aux conditions qu'il leur avait imposées.
Moussa ben Noçaïr envoya les trois princes à Eloualîd ben 'Abdelmalek. Quand ils furent en présence du calife, celui-ci ratifia la convention qu'ils avaient faite avec Tharik ben Ziyâd et délivra à chacun d'eux une lettre patente. Dans ces lettres patentes, il était dit qu'ils ne seraient tenus de se lever devant aucune personne, soit pour la recevoir, soit pour prendre congé d'elle.[7] Les princes rentrèrent ensuite en Andalousie, où ils demeurèrent dans la situation qui leur avait été faite jusqu'au jour où Olemundo mourut. Celui-ci avait laissé une fille, Sara la Gothe, et deux fils encore jeunes, l'un, Olmetro,[8] qui régna à Séville, l'antre, 'Abbâs, qui mourut en Galice; mais Arthobâs mit la main sur les villages de ses neveux et les réunit à son domaine. Cet événement se passa au commencement du règne de Hicham ben 'Abdelmalek.
Sara fit aussitôt construire un navire à Séville. C'était cette ville que son père Olemundo avait choisie pour résidence, et les mille villages qu'il possédait se trouvaient dans la partie occidentale de l'Andalousie. Arthobâs, qui avait également mille villages, mais dans le centre de l'Andalousie, s'était fixé à Cordoue. C'est de lui que descendait Abou Sa'ïd Elqoumis, et il eut avec 'Abderrahmane ben Mo'awia ainsi qu'avec les Syriens établis en Andalousie, les Omeyyades et les Arabes, des reparties spirituelles que nous ont rapportées les savants, et que, s'il plaît à Dieu, nous raconterons en leur lieu et place. Quant à Romulo, maître de mille villages dans la partie orientale de l'Andalousie, il s'était établi à Tolède; c'est à la postérité de ce dernier prince qu'appartenait le cadi des étrangers,[9] Hafs ben Albro.[10]
Sara s'embarqua avec ses deux frères sur le vaisseau qu'elle avait fait construire et fit route vers la Syrie. Arrivée à Ascaloh, elle débarqua dans cette ville, et de là elle se mit en marche jusqu'à ce qu'elle arriva à la porte du palais de Hicham ben 'Abdelmalek (Dieu lui fasse miséricorde!).
Aussitôt elle fit parvenir au calife le récit de ses aventures et lui rappela le pacte conclu par Eloualîd avec son père, se plaignant d'être la victime de son oncle Arthobâs. Le calife lui accorda une audience et ce fut là qu'elle vit pour la première fois 'Abderrahmane ben Mo'awia, qui était alors un enfant. Plus tard 'Abderrahmane lui rappelait ce fait en Andalousie et l'autorisait à entrer dans son palais et à voir ses femmes quand elle venait à Cordoue.
Hicham écrivit au gouverneur de l'Ifriqiya, Handzala ben Cefouân Elkelbî, de faire exécuter la convention conclue avec Eloualîd ben 'Abdelmalek …………………. et de donner des ordres à ce sujet à son agent Hosâm ben Dhirâr, autrement dit Aboul Khatthâb Elkelbî ……………….[11] à Isa ben Mozahim. Celui-ci accompagna Sara en Andalousie et prit possession de ses villages; il fut l'aïeul de la Gothe[12] et eut de la princesse deux enfants : Ibrahim et Ishaq. Il mourut l'année même pendant laquelle 'Abderrahmane ben Mo'awia se rendit pour la première fois en Andalousie.
Sara fut recherchée en mariage par Hayat ben Molâmis Elmodzhadjî et 'Omaïr ben Sa’id Ellakhmî. Tsa'alaba ben 'Obaïd Eldjodzâmi ayant agi en faveur de 'Omaïr ben Sald Ellakhmî auprès de 'Abderrahmane ben Mo'awia, celui-ci fit épouser Sara à 'Omaïr, qui eut d'elle Habîb ben 'Omaïr, l'ancêtre des Bènou Sayyid, des Bènou Haddjâdj, des Bènou Maslama et des Bènou Eldjorz. Ces familles sont les seules nobles qui soient issues de 'Omaïr à Séville, car les enfants qu'il eut en dehors de ce mariage n'ont point laissé d'aussi glorieuses lignées. Ces renseignements, pour la plupart, se trouvent consignés dans le livre de 'Abdelmalek ben Habib sur la conquête de l'Andalousie et dans le poème didactique de Temam ben 'Alqama Elouazîr.
La rencontre entre Tharik et Roderic eut lieu près de Chodzouna (Sidonia), sur les bords de l'Ouâdi Bekka.[13] Dieu mit en fuite Roderic, qui, malgré le poids de son armure, essaya de traverser à la nage l'Ouâdi Bekka. Son corps ne fut jamais retrouvé.
On raconte que les rois goths avaient un palais dans lequel se trouvaient les quatre évangiles sur lesquels ils prêtaient serment. Ce palais très vénéré ne restait jamais ouvert et on y inscrivait le nom de chaque roi qui venait à mourir. Quand Roderic s'était emparé de la royauté, il avait ceint la couronne, ce qui lui avait attiré la désapprobation des chrétiens, qui plus tard cherchèrent vainement à l'empêcher d'ouvrir le palais et le coffre qu'il contenait. Quand le palais fut ouvert, on y trouva des statues en Lois représentant des Arabes, l'arc sur l'épaule et le turban sur la tête; au-dessous de ces statues étaient écrits les mots suivants :
« Lorsque ce palais sera ouvert et qu'on en retirera ces statues, il viendra en Andalousie un peuple semblable à ces figures et qui s'emparera du pays. »
Tharik entra en Andalousie au mois de ramadhan de l'année 92 (22 juin — 22 juillet 711). Voici ce qui motiva l'arrivée de ce conquérant. Un négociant espagnol, du nom de Julien, allait souvent de l'Andalousie au pays des Berbères et Tanger était ………….. sur elle; les habitants de Tanger étaient de religion chrétienne ……………. et Julien allait dans ces contrées chercher des chevaux de race et des faucons qu'il amenait ensuite à Roderic. Ce dernier ayant un jour donné l'ordre au négociant de se rendre en Afrique, celui-ci, dont la femme venait de mourir et lui avait laissé une fille d'une grande beauté, s'excusa de ne pouvoir partir, alléguant la mort de sa femme et l'absence de toute personne à qui il pût confier sa fille en son absence. Roderic donna aussitôt l'ordre de recevoir cette enfant dans son palais; puis ses regards s'étant portés sur elle un jour, il fut épris de sa beauté et la posséda. Lorsque son père fut de retour, la jeune fille lui raconta ce qui s'était passé. Julien dit alors à Roderic qu'il avait laissé en Afrique des chevaux et des faucons tels qu'on n'en avait jamais vu de pareils. Le rot l'autorisa à aller les chercher et lui remit à cet effet une somme considérable. Le négociant se rendit aussitôt auprès de Tharik ben Ziyâd et lui suggéra le désir de s'emparer de l'Andalousie en lui dépeignant la richesse du pays et la faiblesse des habitants, qui n'étaient point, disait-il, gens de bravoure.
Tharik ben Ziyâd écrivit à Moussa ben Noçaïr pour lui faire part de ce qu'il venait d'apprendre et Moussa l'invita à pénétrer en Andalousie. Tharik rassembla des troupes, et quand ses compagnons et lui furent embarqués sur leurs navires, il se sentit gagné par le sommeil et vit en songe le Prophète (Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut!) entouré des Mohadjirs et des Ansârs, tous ceints de leur épée et portant leur arc sur l'épaule; puis le Prophète, passant auprès de lui, lui dit : «Va hardiment à ta tâche. » Tharik vit ainsi le Prophète en songe jusqu'au moment où l'on débarqua en Andalousie. Il fit part de cet heureux présage à ses compagnons et en tira lui-même bon augure.
Après avoir traversé le détroit et être arrivé sur le territoire de l'Andalousie, Tharik s'empara tout d'abord de la ville de Qarthadjenna (Carteya) dans le district d'Algésiras. Il donna l'ordre à ses compagnons de couper en morceaux et de faire cuire ensuite dans des chaudières la chair des prisonniers qui avaient été tués et les invita à renvoyer ceux des captifs qui avaient été épargnés. Ces derniers, rendus à la liberté, annoncèrent à tous ceux qu'ils rencontrèrent ce qui venait d'être fait, et, par ce moyen, Dieu remplit de terreur l'âme des habitants.
Tharik, poursuivant sa marche en avant, rencontra Roderic, et les choses se passèrent ainsi qu'il a été dit précédemment. Puis il marcha sur Ecija, de là sur Cordoue, Tolède et le défilé connu sous le nom de défilé de Tharik par où il pénétra en Galice, et après avoir traversé la Galice, il arriva à Astorga. En apprenant les succès de Tharik, Moussa ben Noçaïr, jaloux de sa gloire, se porta en avant à son tour à la tête de forces considérables………….. Arrivé sur le rivage de l'Afrique, il ne voulut point pénétrer en Andalousie par le point choisi par Tharik ben Ziyâd[14]. . . ... à l'endroit appelé Mersa Mousa et, laissant de côté la route suivie par Tharik, il gagna le littoral de Ghodzouna (Sidonia), et une année après l'arrivée de son général en Andalousie, il entra dans Séville, dont il s'empara par les armes. De Séville il marcha sur Laqant (Fuente de Cantos), arriva à l'endroit connu sous le nom de Feddj Mousa (le défilé de Mousa), près de la Fuente de Cantos, et de là alla à Mérida. Certains docteurs assurent que les gens de Mérida capitulèrent; tandis que, au contraire, on dit que la ville fut prise de force. Poursuivant sa route, Moussa entra en Galice par le défilé qui depuis porta son nom; il pénétra dans l'intérieur du pays et rejoignit Tharik à Astorga. Ce fut à ce moment qu'à la suite des dissentiments survenus entre eux, ils reçurent tous deux de Eloualîd ben 'Abdelmalek l'ordre de revenir sur leurs pas; ce qu'ils firent.
Moussa ben Noçaïr fortifia les citadelles de l'Andalousie, en confia le commandement en son nom à son fils 'Abdelaziz, dont il fixa la résidence à Séville, et lui adjoignit Habib ben Abou 'Obaïda ben 'Oqba ben Nafi’ Elfihri. 'Abdelaziz s'occupa d'achever la conquête des villes de l'Andalousie, tandis que Moussa ben Noçaïr s'en allait en Syrie, emmenant avec lui 400 princes étrangers portant tous une couronne d'or sur leur tête et ayant à la taille un ceinturon d'or. Comme il approchait de Damas, Eloualîd tomba malade de la maladie dont il mourut. Soleïman lui fit alors tenir la recommandation suivante : « Arrête ta marche afin d'arriver sous mon règne; mon frère est en grand danger de mort. »
Mousa, qui était d'une nature énergique et qui était reconnaissant des faveurs dont il avait été l'objet, répondit au messager de Soleïman en ces termes : « Par Dieu! ce n'est pas ainsi que je compte agir; je vais continuer ma route, et si le destin veut que mon bienfaiteur meure avant que je n'arrive jusqu'à lui, ton maître fera de moi ce qu'il voudra. »
Soleïman, étant sur ces entrefaites arrivé au pouvoir, fit mettre Moussa ben Noçaïr en prison et lui infligea une amende; puis il engagea cinq des principaux personnages arabes de l'Andalousie à mettre à mort 'Abdelaziz, le fils Moussa. Ces personnages, parmi lesquels figuraient Habib ben Abou 'Obaïda Elfibri et Ziyad ben Ennâbigha Ettemîmi, se rendirent auprès d’Abdelaziz,………… et le lendemain, quand celui-ci, qui était allé à la mosquée et avait pris place dans le Mihrâb, eut terminé la lecture de la Fâtiha et de la sourate Elouâqi'a,[15] ils le frappèrent tous ensemble de leurs épées et lui tranchèrent la tête; qu'ils expédièrent à Soleïman. Cet événement se passa dans la mosquée de Robina, qui domine la plaine de Séville. 'Abdelaziz habitait en effet l'église[16] de Robina depuis qu'il avait épousé une femme gothe nommée Omm 'Acim. Il s'était installé avec elle dans cette église et avait fait bâtir en face la mosquée dans laquelle il fut assassiné. Il n'y a pas bien longtemps qu'on y Aboyait encore des traces de son sang.
Quand Soleïman eut reçu la tête d’Abdelaziz, il envoya chercher Mousa ben Noçaïr et lui montra cette tête qu'il avait fait placer sur un plat. « Par Dieu! dit alors Mousa, tu l'as tué alors qu'il était vertueux et innocent. » Durant tout son règne, Soleïman ne commit d'autre violence que celle dont il usa à l'égard de Moussa. 'Abdelaziz fut assassiné à la fin de l'année 98 (29 octobre 710 — 14 octobre 711).
Les populations demeurèrent des années sans être réunies sous l'autorité d'un gouverneur. Toutefois les Berbères avaient placé à leur tête Ayyoub ben Habib Ellakhmi, fils de la sœur de Moussa ben Noçaïr; c'est cet Ayyoub dont la postérité est établie aux enviions de Binna dans le canton de Reyya.[17] Plus tard, Soleïman ben 'Abdelmalek nomma gouverneur de l'Ifriqiya et du territoire sis à l'ouest de cette province 'Abdallah ben Yézid, affranchi de Qaïs, et cela après la disgrâce de Moussa ben Noçaïr et sa révocation des fonctions de gouverneur de l'Ifriqiya et des provinces occidentales sises au delà de l'Ifriqiya. 'Abdallah ben Yézid confia le gouvernement de l'Andalousie à Elhorr ben 'Abderrahmane Ettsaqefi, car à ce moment l'Andalousie dépendait du gouverneur de l'Ifriqiya, qui en donnait l'administration à qui il lui plaisait.
Elhorr ben 'Abderrahmane demeura à la tête du gouvernement de l'Andalousie jusqu'à l'avènement de 'Omar ben 'Abdelaziz au califat. Celui-ci envoya alors Essamh ben Malek Elkhaulâni en qualité de gouverneur de l'Andalousie, tandis qu'il envoyait Isma'ïl ben 'Abdallah, affranchi des Béni Makhzoum, occuper le même poste en Ifriqiya. 'Omar ben 'Abdelaziz avait promis à Essamh d'exonérer d'impôts tous les musulmans qui s'étaient établis en Andalousie; il avait décidé de prendre à leur égard cette mesure gracieuse, parce qu'il craignait qu'ils ne pussent tenir tête à l'ennemi. Essamh ben Malek lui ayant fait savoir par écrit quelle était la force de l'Islam en Andalousie, le grand nombre de villes occupées par les musulmans et la solidité de leurs forteresses, 'Omar envoya aussitôt son affranchi Djâbir pour établir le quint[18] en Andalousie. Djâbir descendit à Cordoue…………….. le cimetière et le Mosalla dans le faubourg. Ce fut à ce moment qu'il apprit la mort d’Omar (Dieu lui fasse miséricorde!); il cessa aussitôt de s'occuper d'établir la part du quint et bâtit le pont qui se trouve sur la rivière de Cordoue, en face d'Elkhazzâz. Quand Yézid ben 'Abdelmalek fut élevé au califat, il nomma au gouvernement de l'Ifriqiya Bichr ben Cefouân, et celui-ci à son tour nomma 'Ambasa ben Chohaïm Elkelbî gouverneur d'Andalousie. A 'Ambasa succéda Yahia ben Salama Elkelbî, puis 'Otsmân ben Abou Tisa'â[19] Elkhots'amî, puis Hodzeïfa ben Elabouaç Elqaïsi, puis Elhaïtsem ben 'Abdelkâfi, puis 'Abderrahmane ben 'Abdallah Elghâfiqî, enfin 'Abdelmalek ben Qalhan Elfihri. 'Abderrahmane ben 'Abdallah prétend que son ancêtre 'Abderrahmane reçut le commandement de l'Andalousie des mains mêmes de Yézid ben 'Abdelmalek et non de celles du gouverneur de l'Ifriqiya; sa famille, qui possède une lettre patente à cet égard, habite Mernana, bourg appartenant aux Ghâfiqites de la noblesse de Séville.
Puis………… Hicham ben 'Abdelmalek, arrivé au califat, nomma comme gouverneur de l'Ifriqiya 'Obeïdallah ben Elhabhâb, affranchi des Bènou Seloul ben Qaïs, et celui-ci donna le commandement de l'Andalousie à 'Oqba ben Elheddjâdj Esseloulî en l'année 110 (16 avril 728 — 5 avril 729). Ce dernier conserva ses fonctions jusqu'à l'époque où les Berbères se révoltèrent à Tanger contre l'autorité de 'Obeïd-Allah ben Elhabhâb et où Meïsara, connu sous le nom de Elhaqîr et marchand d'eau au marché de Qaïrouân, fit cause commune avec eux. Les révoltés mirent à mort leur gouverneur 'Omar ben 'Abdallah Elmorâdi. Quand les gens de l'Andalousie eurent connaissance de la révolte des Berbères à Tanger, ils se soulevèrent à leur loin' contre leur propre gouverneur 'Oqba ben Elhaddjàdj et le déposèrent. Ce fut le chef de cette révolte, 'Abdelmalek ben Qathan Elfihri, qui s'empara du pouvoir et, personne ne lui ayant contesté son autorité ou refusé l'obéissance, il devint maître de toute l'Andalousie.
Hicham ben 'Abdelmalek, ayant révoqué Ibn Elhabhâb de ses fonctions de gouverneur de l'Ifriqiya et des provinces occidentales ultérieures, le remplaça par Koitsoum ben Iyâdh Eiqaïsi. Il donna l'ordre à ce nouveau gouverneur de combattre les Berbères et lui désigna pour successeur, dans le cas où il viendrait à succomber, son neveu Baldj ben Bichr Eramberi, et au cas où celui-ci succomberait à son tour, il devait avoir pour successeur Tsa’laba ben Selâma Efâmili.
Koltsoum marcha sur l'Ifriqiya à la tête de trente mille hommes : dix………. Bènou Omayya et vingt mille de familles arabes…………. On trouvait dans les traditions que leur dynastie devait disparaître et être remplacée par celle des Bènou 'Abbâs, mais que l'autorité de ces derniers ne s'étendrait pas au delà du Zâb. On croyait qu'il s'agissait du Zâb d'Egypte, tandis qu'il était question du Zâb d'Ifriqiya.
En effet, l'autorité des Bènou 'Abbâs ne dépassa pas Thobna et ses environs. Koltsoum reçut l'ordre du calife de maintenir par des mesures énergiques l'ordre en Ifriqiya. Il mit tous ses efforts à atteindre ce but; mais bientôt les Berbères se soulevèrent et, se groupant sous les ordres de Homaïd Ezzenâti et de Meisara Elhaqîr dont il a déjà été question, ils se rassemblèrent en force à l'endroit dit Nafdoura.[20] Une grande bataille s'engagea en cet endroit : Koltsoum y périt avec dix mille des siens, tandis que dix mille autres se réfugiaient en Ifriqiya où ils avaient formé le corps des troupes syriennes jusqu'à l'époque du gouvernement de Yézid ben Hâtim Elmohallab, gouverneur nommé par Elmançour. Plus tard, ils avaient été rendus à la vie civile et les troupes que le prince emmenait dans ses conquêtes étaient formées d'Arabes du Khorasan, ainsi que cela est encore aujourd'hui.
Baldj ben Bichr, à la tête de dix mille hommes, s'éloigna de son côté et vint s'établir dans la ville de Tanger, connue sous le nom de Elkhadhra. Son armée se composait de deux mille affranchis et de huit mille Arabes; ces derniers assiégèrent leur chef en lui déclarant la guerre. Baldj manda aussitôt à 'Abdelmalek ben Qathan les événements dont il était lui-même la victime et dont avait été victime son oncle Koltsoum ben 'Iyâdh; il demanda en même temps qu'on lui envoyât des navires sur lesquels il combattrait au nom d’Abdelmalek. Ce dernier ayant consulté sur ce point ses conseillers, ceux-ci lui répondirent: ce Si ce Syrien arrive jusqu'à vous, il vous enlèvera le pouvoir. »
'Abdelmalek n'ayant en conséquence point répondu, Baldj, désespérant de rien obtenir, construisit des barques et, s'emparant des navires des négociants, il fit embarquer ceux des siens qui l'appuyaient. Ceux-ci débarquèrent à l'arsenal d'Algésiras, s'emparèrent de tout ce qu'ils y trouvèrent en fait de navires, d'armes et de munitions et revinrent ensuite auprès de leur chef. Baldj pénétra alors en Andalousie. Elfihri, à la nouvelle de cette invasion, se porta a la rencontre de son adversaire et lui livra une grande bataille près d'Algésiras. Mis en déroute, Elfihri revint plus tard à la charge et essuya dix-huit défaites successives entre Algésiras et Cordoue; il finit par être fait prisonnier dans cette ville et crucifié ensuite à la tête du pont, à l'endroit où se trouve la mosquée. Baldj entra dans Cordoue.
'Abderrahmane ben 'Oqba Ellakhmi, qui gouvernait Narbonne au nom de Elfihri, ayant appris les désastres subis par ce dernier, rassembla aussitôt les troupes des villes frontières et, accompagné d'un grand nombre d'Arabes et de Berbères de l'Andalousie, il partit avec le ferme désir de venger son maître. A la tête d'une armée de dix mille hommes composée de Bènou Omayya et de Syriens, Baldj quitta Cordoue et se porta à la rencontre d’Abderrahmane ben 'Oqba, qui avait avec lui quarante mille hommes. La bataille s'engagea dans un des villages de Aqoua Borthoura,[21] dans la province de Ouaba; à la fin de la journée, dix mille Arabes des troupes de Ibn 'Oqba étaient tombés sur le champ de bataille, tandis que Baklj n'avait perdu que mille des siens. « Montrez-moi donc leur Baldj,» s'écria alors 'Abderrahmane ben 'Oqba, qui était un archer des plus habiles. On le lui montra au milieu delà mêlée. 'Abderrahmane lui décocha une flèche qui, atteignant le défaut de la cuirasse de Baldj à l'emmanchure, pénétra jusqu'à son corps, puis il s'écria: et Eh bien, leur Baldj, je l'ai touché! -a Le combat cessa et Baldj succomba le lendemain. Ce fut Ts'alaba ben Selâma El’âmili qui succéda à Baldj dans le commandement de Cordoue, des Syriens et des Bènou Omayya.
'Abderrahmane ben 'Oqba retourna ensuite à la frontière. Les Arabes et les Berbères de l'Andalousie continuèrent à combattre les Bènou Omayya et les Syriens, prenant parti pour 'Abdelmalek ben Qathan Elfihri et disant aux Syriens : « Notre pays est déjà trop petit pour nous, évacuez-le donc et laissez-le nous. » La lutte se prolongea dans les collines[22] qui sont au sud de Cordoue.
Instruit du désastre qui avait accablé Koltsoum et des troubles qui en avaient été la conséquence en Ifriqiya et en Andalousie, Hicham ben 'Abdelmalek consulta à ce sujet son frère Erabbâs ben Eloualîd. Il avait, clans les avis de celui-ci, la même confiance qu'il eut plus tard dans ceux de son frère Meslama. « O prince des croyants, dit Erabbâs, pour rétablir les affaires, il faut finir par où l'on aurait dû commencer. Concentrez votre attention sur ces Qahtanides et fiez-vous à eux. » Hicham accepta ce conseil qui fut du reste confirmé par la réception de ces vers que lui adressa, de l'Ifriqiya, Aboulkhatthâr Elkelbî:
« Fils de Merouân, vous avez livré aux Qaïs notre sang; puisque vous n'avez pas été équitables, c'est en Dieu que nous trouverons une juste décision.
« Il semble que vous n'ayez pas assisté au combat de 'Merdj Râhith et que vous ne vous souveniez plus de ceux qui ce jour-là vous ont rendu service.
« C'est nous qui, avec nos poitrines, vous avons protégés dans l'ardeur de la mêlée, car vous n'aviez alors ni cavaliers, ni fantassins qui pussent compter.
« Quand vous avez vu que celui qui avait allumé la guerre était abattu, que vous pouviez dès lors manger et boire à votre aise,
« Vous nous avez laissés de côté, comme si nous n'avions eu aucune épreuve à subir, tandis que vous, je ne vous ai connu aucune action d'éclat.
« Ne vous affligez point si la guerre vous a mordus une fois, si la chaussure a glissé avec votre pied de l'échelle.
« Le lien d'attache s'est aminci, les tortis en sont coupés, et si par hasard on ne les tresse de nouveau, la corde cassera. »
Aussitôt qu'il eut eu reçu ces vers, Hicham nomma Handhala ben Cefouân Elkelbi au gouvernement de l'Ifriqiya et lui enjoignit de donner à son cousin Aboulkhatthâr l'autorité sur l'Andalousie. Celui-ci partit, muni de la lettre patente de Handhala ben Cefouân, et emmena avec lui trente hommes qui formèrent le deuxième groupe des Syriens; quant à son étendard, il l'avait placé avec sa pomme sous son manteau. Arrivé à l'Ouadi Chouch,[23] il fit toilette, installa son étendard avec sa pomme au bout du bois d'une lance el poursuivit ensuite sa marche en avant.
Au moment où il arrivait au sommet du col dit Feddj Elmâïda, les Syriens et les Bènou Omayya, d'une part, étaient aux prises avec les Beledis et les Berbères d'autre part. Dès que les deux armées aperçurent l'étendard, le combat s'arrêta et les hommes de chacun des deux partis accoururent vers Aboulkhatthâr. « Voulez-vous m'écouter et m'obéir, leur dit-il? — Oui, répondirent les combattants. — Voici, ajouta Aboulkhatthâr, les lettres patentes de mon cousin Handhala ben Cefouân, qui, sur l'ordre du prince des croyants, m'a donné l'autorité sur vous. — Nous sommes prêts à vous obéir, déclarèrent alors les Beledis et les Berbères, mais nous ne pouvons supporter ces Syriens; qu'ils s'éloignent de nous! — Je vais entrer dans Cordoue et m'y reposer, répliqua Aboulkhatthâb, ensuite il sera fait selon ce que vous désirez; car il me paraît que cela sera, s'il plaît à Dieu, un bienfait pour tous. »
Aboulkhatthâr entra dans Cordoue, puis il désigna ceux qui seraient chargés de conduire hors de l'Andalousie Ts'alababen Selâma El'âmili, Ouaqqâç ben Abdelaziz Elkinâni, 'Otsmân ben Abou Tis'a Elkhots'ami, et s'adressant à ces trois personnages, il leur dit: « Il a été prouvé au prince des croyants et à son délégué Handhala ben Cefouân que les troubles de l'Andalousie proviennent de vous. » Ils furent alors expulsés et transportés à Tanger. Aboulkhatthâr s'occupa ensuite d'établir les Syriens dans divers cantons de l'Andalousie et de les éloigner de Cordoue où l'on ne pouvait supporter leur présence. Les gens de Damas furent établis à Albira (Elvira); ceux du Jourdain à Reyya; les Palestins à Ghodzouna (Sidonia); les gens d'Emèse à Séville; ceux de Qinnesrin à Jaén; ceux d'Egypte, partie à Badja, partie à Todmir (Orihuela). Les frais de ces divers établissements ayant été supportés par les étrangers payant la capitation, les Beledis et les Berbères ne perdirent ainsi rien du butin qu'ils avaient acquis.
Aboulkhatthâr ayant manifesté des sentiments hostiles à l'égard des Modharites, ceux-ci se réunirent contre lui et marchèrent sur Cordoue. Bien que pris à l'improviste, Aboulkhatthâr alla à la rencontre de l'ennemi avec les hommes dont il disposait et lui livra combat à Choqonda. Les Modharites avaient à leur tête Eççomaïl ben Hâtim Elkilâbî. Après avoir vu ses troupes dispersées, Aboulkhatthâr prit la fuite et chercha un refuge dans un moulin à Mounyat Naçr; mais il se vit arracher de dessous la banquette où il s'était caché et amené en présence de Elkilâbî qui lui trancha la tête sans autre forme de procès.
Les Cordouans se groupèrent alors autour de Yousef ben 'Abderrahmane ben Habib ben Abou O'baïda ben ‘Oqba ben Nâfic Elfîhri et le reconnurent pour chef. Yousef conserva le pouvoir quelques années, ayant Eççomaïl comme ministre. Ce dernier, qui exerçait une influence prépondérante sur les affaires, avait causé une joie très vive aux Cordouans en manifestant l'intention d'attaquer les Qahthanides, lorsque sur ces entrefaites arriva Bedr, l'affranchi d’Abderrahmane ben Mo’awïa (que Dieu lui soit favorable !)
Voici dans quelles circonstances ces événements se passèrent. Bedr, qui était venu porteur des instructions de son maître, s'était caché chez les Béni Ouânsous, affranchis d’Abdelaziz ben Merouân en pays berbère, puis il s'était rendu auprès de Abou 'Otsmân qui était alors le chef des affranchis et jouissait d'une grande influence, et il était descendu chez lui dans le bourg de Thorroch.[24] Abou 'Otsmân envoya aussitôt chercher son gendre 'Abdallah ben Khaled pour causer avec lui des instructions apportées par Bedr. Or Yousef Elfihri était sur le point d'aller faire une expédition en pays ennemi. Abou 'Otsmân et son gendre dirent alors à Bedr : « Attendez la fin de cette expédition à laquelle vous allez prendre part avec nos gens. » Yousef appelait les affranchis des Omayya ses affranchis et leur témoignait une grande sympathie. Bedr partit donc avec eux pour cette expédition , à laquelle prirent part Abou Eççabbâh Elyahsobi, de la noblesse de Séville, le chef des Yemanites dans l'ouest de l'Andalousie et dont la résidence était au bourg de Moura, ainsi que d'autres seigneurs arabes, les uns de gré, les autres de force.
L'expédition achevée, on revint et l'on donna l'ordre à Abou 'Abda Hassan ben Malek de chercher à gagner Abou Eççabbâh, avec lequel il habitait à Séville et de lui rappeler l'influence dont il jouissait auprès de Hicham ben 'Abdelmalek, influence qui était très grande. Abou Eççabbâh s'étant laissé gagner, on s'adressa ensuite à 'Alqama ben Ghiyâts Ellakhmi, à Abou 'Alâqa Eldjodzâmi, l'ancêtre de Failli, le brave de Chodzouna, à Ziyâd ben 'Amr Eldjodzâmi, l'ancêtre des Bènou Ziyâd de Chodzouna; tous ces chefs des Syriens qui étaient à Chodzouna répondirent à l'appel qui leur fut adressé. On s'adressa ensuite aux Qahthanides d'Elvira et de Jaén, tels que l'ancêtre des Bènou Adhkha parmi les Hamadanites, l'ancêtre de Hassan et des Bènou 'Omar, les Ghassanides, maîtres de Guadix, Meïsara et Qahthaba parmi les Thayyites de Jaén. Enfin on s'adressa encore à Elhoçaïn ben Eddadjn El’aqîli, à cause de l'aversion qu'il avait pour Eççomaïl ben Hâtim, aversion qui était réciproque. Aucun autre Modharite ne manifesta de sympathie pour 'Abderrahmane ben Mo'awïa; aussi ne chercha-t-on pas à gagner les Modharites à son parti, sachant qu'ils étaient les partisans de Yousef ben 'Abderrahmane, à cause du vizir de celui-ci, Eççomaïl ben Hâtim, qui était, ainsi que son maître, favorable aux Qahthanides.
Quand tout ceci eut été fait, on dit à Bedr : « Allez maintenant. » Bedr se rendit alors auprès de Yousef et lui fit part de ses instructions : «Pour que mon séjour en Andalousie me fût agréable, répondit Yousef, j'aurais voulu que l'un d'eux m'y accompagnât. » Bedr se retira alors et fit part de cette réponse à ses compagnons.
A ce moment, Yousef ben 'Abderrahmane était sur le point de partir en expédition vers Saragosse, où s'était révolté contre lui 'Amir Elqorachi El'âmiri qui a donné son nom à la porte de cette ville appelée Bâb 'Amir. Abou 'Otsmân et son gendre 'Abdallah ben Khaled vinrent à Cordoue pour assister au départ de. Yousef, et comme ils craignaient que l'entreprise qu'ils avaient méditée ne fût découverte, ils se rendirent auprès de Eççomaïl ben Hâtim et lui demandèrent une audience particulière. Eççomaïl s'étant rendu à leur désir, ils lui rappelèrent les services que lui et ses ancêtres avaient reçus des Bènou Omayya, puis ils ajoutèrent : d'Abderrahmane ben Mo'awïa s'est sauvé en pays berbère où il se cache, craignant pour ses jours; il nous a envoyé ses instructions et demande qu'on lui garantisse sa sécurité. Il sollicite votre appui pour ce que vous savez et ce dont vous vous souvenez. » —« Oui, répondit Eççomaïl, très volontiers; nous obligerons ce Yousef à épouser la fille d’Abderrahmane afin qu'ils partagent ainsi le pouvoir, et s'il refuse, nous frapperons sa tête avec le glaive. » Là-dessus, Abou 'Otsmân et son compagnon sortirent et allèrent rejoindre ceux des affranchis, leurs amis, qui étaient à Cordoue, tels que Yousef ben Bakht, Omayya ben Yézid et autres. Après avoir arrangé leur affaire, ils retournèrent auprès de Eççomaïl pour prendre congé de lui, mais celui-ci leur dit alors : cr J'ai réfléchi à ce que vous m'avez proposé tout à l'heure et je vois bien qu'Abderrahmane appartient à une race si puissante que si l'un d'eux urinait dans cette péninsule, il nous noierait tous dans son urine. Pourtant, puisque Dieu s'est prononcé en faveur de votre maître, je garderai le secret sur ce que vous m'avez confié. » Eççomaïl garda en effet le secret aux deux conjurés qui s'en retournèrent et s'adjoignirent Temam ben 'Alqama dont le nom leur sembla de bon augure. Ils l'emmenèrent avec eux et le recommandèrent à Abou Fari'a et à tous les affranchis syriens qui avaient accepté de faire cause commune avec eux. Comme Abou Fari'a avait une grande expérience de la navigation sur mer parce qu'il l'avait souvent pratiquée, Abou 'Otsmân et son compagnon l'accompagnèrent pour le voyage à Temam ben 'Alqama et à Bedr.
Lorsqu'on eut traversé la mer et qu'on eut rejoint 'Abderrahmane, celui-ci dit : « O Bedr, quels sont ces hommes? — Celui-ci, dit Bedr, est ton affranchi Temam, et l'autre, c'est ton affranchi Abou Fari'a. — Temam,[25] ajouta 'Abderrahmane, notre œuvre s'achèvera s'il plaît à Dieu. Abou Fari'a, nous déflorerons ce pays, si Dieu veut! » On s'embarqua ensuite pour aller débarquer à Almonakkab'.[26] Abou 'Otsmân et 'Abdallah ben Khaled vinrent recevoir 'Abderrahmane à Almonakkab et le conduisirent à Elfontin,[27] la résidence d’Abdallah ben Khaled, bourg qui se trouvait sur leur route. De là ils se rendirent dans le canton d'Elvira à Thorroch, où résidait Abou 'Otsmân.
Le commandement des Arabes dans le canton de Reyya appartenait alors à Djidâr ben 'Amr Elqaïsi, l'ancêtre des Bènou 'Aqîl; Abou 'Otsmân et 'Abdallah lui recommandèrent 'Abderrahmane et l'informèrent de sa venue : ce Amenez-le moi, dit Djidâr, au mosalla de Ardjadzouna[28] le jour de la rupture du jeûne et vous verrez ce que je ferai, si Dieu veut! « Lorsqu'on arriva en effet dans cet endroit et que le prédicateur fut là, Djidâr s'avança vers lui et lui dit: « Abandonnez Yousef ben 'Abderrahmane et faites la prière au nom de 'Abderrahmane ben Mo’awïa ben Hicham; car c'est lui qui est notre prince, et le fils de notre prince, » Puis s'adressant aux gens de Reyya, il ajouta : « Qu'en dites-vous? — Nous dirons ce que vous direz, répondirent-ils. »
La prière fut donc faite au nom d’Abderrahmane qui reçut ensuite le serment d'obéissance à l'issue de la prière.
Ardjadzouna était à cette époque le chef-lieu du canton de Reyya. Djidâr emmena ensuite le prince dans sa demeure où il lui donna l'hospitalité. La nouvelle de ces événements étant parvenue aux Bènou Elkhelf, affranchis de Yézid ben 'Abdelmalek à Takorna, ils se rendirent auprès du prince avec quatre cents chevaux. 'Abderrahmane se mit alors en marche pour gagner Chodzouna; l'ancêtre des Bènou Elyâs vint aussi au-devant de lui à la tête d'une troupe nombreuse, ce qui rendit son armée considérable et lui donna un grand renfort. Il vit également les personnages de Chodzouna, dont nous avons déjà parlé, arriver à la tête de la masse des Arabes de Chodzouna et des Syriens et Beledis de cette ville.
Abou Eççabbâh ainsi que Hayât ben Molâmis, qui étaient tous deux les chefs des Arabes dans l'Algarve, sortirent de Séville, se portèrent au-devant du prince et lui prêtèrent serment de fidélité. Le prince s'arrêta à Séville dans le courant du mois de chaoual et reçut là les gens de l'ouest qui vinrent lui faire hommage. L'autorité du prince était entièrement reconnue dans tout l'ouest de l'Andalousie, quand la nouvelle de ces événements parvint à Yousef qui revenait de son expédition après avoir fait prisonnier Elqorachi El’âmiri qui s'était révolté contre lui. Yousef se mit aussitôt en marche sur Séville et il était arrivé à Hisn Nyba, quand 'Abderrahmane, informé de sa présence en cet endroit, sortit de Séville pour marcher sur Cordoue. On était au mois de adar[29] et la rivière qui séparait les deux armées était débordée. Yousef, voyant qu’Abderrahmane était décidé à marcher sur Cordoue, rebroussa chemin vers cette ville. 'Abderrahmane alla camper à Billa Nouba[30] des Bahrites dans le district de Thecchâna[31] de la province de Séville.
Les cheikhs dirent alors : « Un prince qui n'a point d'étendard commet une faute. » On décida aussitôt d'en arborer un et l'on chercha dans l'armée un bois de lance qui pût servir de hampe; mais on ne trouva d'autres lances dans toute l'armée que celle d'Abou Eççabbâh dont il a déjà été question et celle d'Abou Ikrima Dja'fer ben Yézid, l'ancêtre des Bènou Sélim des Chodzouniens. Ce fut à l'un de ces bois de lance que l'étendard fut attaché dans le bourg qui vient d'être dit; Farqad de Saragosse, le personnage le plus dévot de l'Andalousie à cette époque, assista à cette cérémonie. Les Bènou Bahr qui viennent d'être mentionnes sont une fraction de la tribu de Lakhm. « Quel jour sommes-nous avait dit 'Abderrahmane? » —« Jeudi, jour de 'Arafa, lui avait-on répondu. » — « Aujourd'hui c'est le jour d'Arafa, ajouta-t-il; demain c'est la fête des sacrifices et vendredi, jour de ma lutte avec Fihri; j'espère que cette journée sera sœur de celle de Merdj Râhith. » La bataille de Merdj Râhith entre Merouân ben Elhakam et Eddhahâk ben Qaïs Elfihri, général d''Abdallah ben Zobeïr, eut lieu en effet un vendredi, jour de la fête des sacrifices. Dans cette bataille, la fortune se déclara en faveur de Meroûan contre Elfihri, qui fut tué en même temps que 70,000 hommes des diverses tribus de Qaïs. C'est au sujet de cet événement qu' 'Abderrahmane ben Elhakam a dit : « Qaïs n'a plus été heureux et n'a plus trouvé de protecteur quand il en a cherché, depuis la journée de Merdj. »
'Abderrahmane ben Mo’awïa donna l'ordre à ses gens de se mettre en mouvement pour une marche de nuit afin d'être au matin à la porte de Cordoue. Puis s'adressant à ceux qui l'entouraient, il leur dit : ce Si nous obligeons les fantassins à marcher de nuit en même temps que nous, ils resteront en arrière et ne pourront nous suivre; il faut donc que chacun de nous prenne un fantassin en croupe. » Se tournant alors vers un jeune homme sur lequel ses yeux tombèrent, il lui dit: «Qui es-tu, jeune homme ? » — « Sâbiq ben Malik ben Yézid, répondit celui-ci. » — « Sâbiq veut dire que nous arriverons les premiers, Malik, que nous régnerons et Yézid que nous irons en augmentant. Donne-moi donc la main, je te prends en croupe. » La descendance de ce Sâbiq qui habite Morour[32] porte le nom de Bènou Sâbiq Erredif;[33] elle appartient à la tribu des Berânis et c'est d'elle qu'est issu Abou Merouân Ettharif.
On marcha de nuit et le lendemain matin on fut à Bâïch. Yousef avait pris l'avance et était entré dans son palais dès l'aube. Quand le jour brilla, 'Abderrahmane se mit en marche pour le combat, ayant avec lui les Arabes d'Elvira et ceux de Jaén qui étaient venus faire leur jonction au moment de l'aube. La rivière étant impraticable à cause du courant, les deux armées s'établirent l'une en face de l'autre auprès du gué qui se trouve au-dessous de Ennâ'oura. Parmi les soldats d' 'Abderrahmane, 'Acim El'oryân, l'ancêtre des 'Acîm, lut le premier qui essaya de traverser le fleuve; son exemple encouragea les autres soldats qui le suivirent, les uns à cheval, les autres à pied, en sorte que tout le monde passa.
Yousef ne tarda pas à les attaquer et le combat dura quelques instants à Elmesâra; mais Yousef fut mis en fuite et ne put regagner son palais, 'Abderrahmane l'y ayant précédé et s'étant emparé de ses victuailles avec lesquelles il déjeuna, ainsi que la plupart de ceux qui étaient avec lui.
La femme de Yousef et ses deux filles se rendirent auprès d’Abderrahmane et lui dirent : « O notre cousin, soyez bon pour nous comme Dieu l'a été à votre égard! — C'est ce que je ferai, répondit le prince; qu'on m'amène le chef de la prière ! » Le chef de la prière était à cette époque l'ancêtre des Bènou Selmân les Harraïtes; c'était un des affranchis de Elfihri. 'Abderrahmane lui ordonna de réunir toutes les femmes du palais et de les emmener dans sa maison. Quant à lui, il passa la nuit dans le palais où la fille de Elfihri lui envoya une esclave nommée Holel, qui fut la mère de Hicham (Dieu lui fasse miséricorde!).
Meïsara et Qahthaba, les Thayyites, partirent sur un navire de la porte du palais et descendirent le fleuve jusqu'à la maison de Eççomaïl ben Hâtim, à Ghoqonda, localité qu'il habitait. Ils pillèrent tout ce qui se trouvait dans la maison à la vue de Eççomaïl ben Hâtim lui-même, qui assista à ce pillage des hauteurs de la montagne qui domine Ghobollâi. Entre autres choses que les deux Thayyites trouvèrent durant cette spoliation était une cassette contenant 10.000 dinars d'argent. Ce fut à la vue de ce spectacle que Eççomaïl s'écria :
« Hélas! ma fortune est à présent en dépôt chez les gens de Thayy; mais il arrive un jour où il faut restituer les dépôts. »
'Abderrahmane ben Mo'awïa sortit ce jour-là pour aller à la mosquée. Il fit avec tout le monde la prière du vendredi et, dans l'allocution qu'il prononça, il promit aux habitants de les traiter avec bonté.
Elfihri s'était rendu à Grenade, où il s'était fortifié. 'Abderrahmane ne tarda pas à partir pour cette ville, et ayant campé sous ses murs, il en fit le siège jusqu'à ce qu'Elfihri capitula. Le fils de Yousef Elfihri, qui était à Mérida, ayant appris les malheurs survenus à son père, avait marché aussitôt sur Cordoue et pénétré dans le palais de cette ville en l'absence d’Abderrahmane. Dès qu'il avait eu connaissance de cela, 'Abderrahmane était revenu sur ses pas; mais le fils de Yousef, en apprenant la marche du prince, s'était enfui de Cordoue pour gagner Tolède. 'Abderrahmane avait envoyé chercher 'Amir ben 'Ali, l'ancêtre de Fehd des Raçafites, qui jouissait d'une grande autorité sur les Qahthanides; il l'avait établi comme son lieutenant dans le palais et lui en avait confié la garde, puis il avait repris sa marche sur Grenade, où s'étaient passés les événements précédemment racontés.
Plus tard Elfihri fit acte de trahison; il prit la fuite et quitta Cordoue pour aller à Tolède; mais là il fut tué par un de ses partisans, en sorte que l'autorité tout entière appartint à 'Abderrahmane. Celui-ci envoya ‘Abderrahmane ben 'Oqba prendre le gouvernement de Narbonne et de tout le territoire qui s'étend de cette ville à Tortose, et il nomma au commandement de Tolède un fils de Sa'd ben 'Obâda Elançâri, qui demeurait dans cette ville.
On rapporta ensuite à 'Abderrahmane qu'Abou Eççabbâh avait dit à Tsa'laba ben 'Obeïd, lors delà défaite de Yousef Elfihri et de l'entrée d''AbdeiTahmân dans le palais de Cordoue : « O Tsa'laba, ne pensez-vous pas qu'une seule victoire en vaudrait deux? — Gomment cela, répondit-il. — Eh bien, reprit Abou Eççabbâh, nous nous sommes déjà débarrassés de Yousef, débarrassons-nous maintenant de cet homme et toute l'Andalousie sera aux Qahthanides. » 'Abderrahmane ayant raconté ce propos à Tsa'laba et l'avant conjuré de dire s'il était vrai, celui-ci en était convenu. Un an après cela, Tsa'laba périssait assassiné traîtreusement.
On a vu plus haut que l'autorité, dans l'ouest de l'Andalousie, appartenait à Abou Eççabbâh. A Lebla,[34] elle était entre les mains de son cousin 'Abdelgheffâr; à Badja, entre les mains de son cousin 'Amr ben Thâlout et celles de Koltsoum ben Yahçob. Tous ces personnages adoptèrent plus tard le parti de Abou Eççabbâh et marchèrent sur Cordoue pendant qu' 'Abderrahmane se trouvait sur la frontière. Celui-ci, ayant appris cet événement, revint en toute hâte et arriva bientôt à Roçâfa,[35] où se trouvait en ce moment son vizir et délégué. Chohaïd sortit du palais où "Abderrahmane l'avait installé comme son lieutenant et se porta à la rencontre de celui-ci. « Vous devriez entrer dans le palais, lui dit-il, et vous y reposer cette nuit. — O Chohaïd, répondit 'Abderrahmane, à quoi bon ce repos d'une nuit si nous ne devons pas triompher des obstacles qui sont devant nous!»
Le lendemain, il se porta en avant et arriva au lieu où étaient campés ses gens, sur les bords de la rivière d'Amnebissar; il se transporta ensuite au bourg de Binnach, dans un des quartiers de ce bourg appelé Errekounïin et que le peuple désigne sous le nom de Rekâkina. Dans la soirée, il monta à cheval, accompagné de ses fidèles affranchis, de ses hommes et d'un groupe de soldats. Il entendit quelques-uns des Berbères de l'armée ennemie qui parlaient entre eux dans leur langue. Aussitôt il fit appeler ceux de ses affranchis qui étaient Berbères, tels que les Bènou Elkheli' et les Bènou Ouânsous et autres, et leur dit : «Allez parler à vos compatriotes, aidez-les de vos conseils et dites-leur qu'ils sachent bien que si les Arabes sont vainqueurs et nous arrachent le pouvoir, ils ne sauraient se maintenir avec les Arabes. » La nuit venue, les affranchis s'approchèrent de l'armée ennemie et adressèrent aux soldats une allocution en berbère; ceux-ci acceptèrent les propositions qui leur furent faites et promirent de faire défection des rangs de leur armée.
Le lendemain, les Berbères dirent aux Arabes : « Nous ne savons bien combattre qu'à cheval; faites donc donner des chevaux à ceux de nous qui n'en ont pas. » Les Arabes mirent pied à terre, donnèrent leurs montures aux Berbères et combattirent comme fantassins. Aussitôt les Berbères passèrent du côté d'Abderrahmane et 'Abdelgheffâr subit une complète déroute, car il périt, ainsi que 30.000 hommes des siens. La fosse où l'on réunit les têtes des ennemis était située derrière la rivière d'Amnebissar, à l'endroit qui est encore connu de nos jours.
Abderrahmane vainqueur quitta le champ de bataille. Il eut encore à lutter contre plusieurs chefs de révolte, à Saragosse, par exemple, contre Motharrif ben Ela'râbi et d'autres qui se soulevèrent après lui; puis contre un homme qui se prétendait issu de Ali (que Dieu lui fasse miséricorde!) et qui se révolta à Jaén à la tête des Harrâïtes. Il eut raison de toutes ces séditions. Elmançour expédia un messager à El'ala ben Moghîts Eldjodzâmi, qui habitait la ville de Bâdja,[36] dans l'ouest de l'Andalousie, et qui exerçait là son autorité. Ce messager était porteur d'une lettre patente et d'un étendard destinés à El'ala ; il était en outre chargé de lui dire : « Etes-vous en état de lutter contre 'Abderrahmane? Dans le cas contraire, je vous enverrai du inonde pour vous aider. » El'ala se souleva alors et se posa en prétendant; de nombreux partisans le suivirent et la majeure partie de la population de l'Andalousie se montra favorable à la déposition d’Abderrahmane.
Dès que cette nouvelle lui parvint, 'Abderrahmane quitta Cordoue et se rendit à Carmona, citadelle dans laquelle il se fortifia, entouré de ses affranchis fidèles et de leur suite. El'ala marcha contre lui et vint camper sous les murs de Carmona, qu'il tint assiégée pendant près de deux mois.
Comme le siège traînait en longueur, El'ala se vit abandonné du plus grand nombre des siens, les uns faisant défection, les autres l'abandonnant parce qu'ils manquaient de vivres. Voyant la dispersion de cette armée, 'Abderrahmane, qui avait avec lui environ sept cents de ses vaillants et énergiques compagnons, donna l'ordre d'incendier la citadelle et l'on mit le feu à la porte connue sous le nom de porte de Séville; puis il ordonna de jeter au feu les fourreaux de sabre. Chacun prit alors son sabre nu à la main et tous ensemble ils sortirent et engagèrent l'action. Dieu ayant fait trembler les pieds d'El'ala et ceux de ses compagnons, ils furent mis en déroute.
El'ala fut tué durant l'action; sa tête, bourrée de sel et de camphre, fut placée dans une corbeille, avec la lettre patente et l'étendard, puis remise à un homme de Cordoue qui allait faire le pèlerinage et qui reçut l'ordre de déposer le panier à la Mecque. Il arriva précisément cette année-là qu'Elmançour fit le pèlerinage; le panier fut déposé devant la porte de sa tente. Lorsqu'on lui apporta cette tête, Elmançour dit en la regardant : « C'est nous qui avons exposé ce malheureux à la mort. Louanges soient rendues à Dieu de ce qu'il a placé la mer entre nous et entre un ennemi capable de pareille chose, -n Jusqu'à sa mort, 'Abderrahmane n'eut pas à réprimer d'autre insurrection que celle-ci.
Lorsque 'Abderrahmane était venu pour la première fois en Andalousie, il y avait rencontré Mo'awïa ben Sâlih Elhadhrami, un jurisconsulte syrien; il l'avait envoyé en Syrie accompagner ses deux sœurs germaines et porter en même temps une certaine somme d'argent. Quand Mo’awïa se présenta aux deux sœurs, celles-ci lui dirent : et Les dangers du voyage sont toujours à redouter ; mais grâce à Dieu nous sommes arrivées saines et sauves; on a été largement généreux pour nous, et il nous eut suffi d'être en bonne santé. » Là-dessus Mo'awia prit congé d'elles, et comme à ce moment Yahia ben Yézid Ettedjîbi, cadi de Hicham ben Abdelmalek pour les Syriens, venait de mourir, on le nomma cadi et il conserva ces fonctions jusqu'à la fin du règne de ce prince, qui ne lui survécut que d'un an environ. Il fut l'ancêtre des Tedjîbites de Cordoue qui occupèrent des emplois dans l'administration.
Ce fut sous le règne d' 'Abderrahmane ben Mo’awïa que Elghâzi ben Qaïs apporta en Andalousie le Mouettha de Malek avec l'interprétation de Nâfi ben Abou No'aim; le prince le traita avec beaucoup d'égards et lui apporta à diverses reprises des gratifications dans sa propre maison. Ce fut également sous le règne du même prince que vint pour la première fois en Andalousie Abou Moussa Elhawwâri, le célèbre savant d'Andalousie, qui possédait à la fois les sciences profanes et les sciences religieuses. Ces deux savants tirent leur voyage d'Andalousie en Orient, après l'arrivée d’Abderrahmane ben Mo’awïa dans la première de ces deux contrées.
Le cheikh Abou Lobâba racontait avoir entendu dire par El'otbi que lorsque Abou Moussa Elhawwâri venait à Cordoue du bourg qu'il habitait dans la banlieue de Mourour,[37] aucun des cheikhs de Cordoue, ni Isa ben Dinar, ni Yahia ben Yahia, ni Sa’îd ben Hassan ne rendaient de fetoua avant qu'Abou Mousa eût quitté la ville.
Aboul Makhcha était le grand poète de l'Andalousie sous le règne d’Abderrahmane. Il avait composé une pièce de vers en l'honneur de Soleïman ben 'Abderrahmane et il laissait entendre dans ces vers que ce prince serait le compétiteur de son frère Hicham, avec lequel du reste il était brouillé et en grande rivalité. Quelqu'un ayant envenimé les choses auprès de Hicham, celui-ci fit crever les yeux du poète, qui composa sur la cécité une admirable poésie qu'il alla réciter à 'Abderrahmane ben Mo’awïa. Le prince l'accueillit avec bienveillance et, comprenant l'allusion, il se fit apporter deux mille dinars qu'il donna au poète, doublant ainsi le prix fixé par la loi pour la perte des deux yeux. Cette pièce de poésie commençait ainsi :
« Ma muse s'est laissée aller à être méchante; mais quand Dieu a décidé une chose, il faut qu'elle ait lieu.
« Elle voit maintenant que je suis un aveugle, un infirme qui ne peut plus marcher qu'en tâtant le sol de son bâton.
« Elle était bonne autrefois, puis elle a dit quelques mots qui ont failli me faire atteindre le terme de la vie.
« Mon infirmité a été la conséquence de ces paroles et aucune infirmité n'est plus terrible que la cécité. »
'Abbâs ben Nâcih ayant récité ces vers à Elhasen ben Hâni, celui-ci dit : « Voilà ce que recherchent les poètes et ce qui les perd. » Lorsqu'il fut arrivé au pouvoir, Hicham, peiné de ce qui était arrivé au poète à cause de lui, l'envoya chercher et lui donna également le double du prix de la perte des yeux.
Abou Elmakhcha est l'auteur d'une pièce de poésie qu'on assure être la dernière qu'il composa et dans laquelle il dit :
« Ma muse avec ses faibles accents alimente aujourd'hui un homme comme moi, qui autrefois l'alimentait.
« Au souvenir de ce qui s'est passé entre elle et moi, elle pleure; elle voudrait résilier avec la Fortune ce qui ne saurait être résilié. »
RECIT CONCERNANT ARTHOBÂS.
Abderrahmane ben Mo’awïa ordonna de saisir les villages que Arthobâs détenait, et voici ce qui motiva cette mesure : un jour, dans une expédition qu'ils faisaient ensemble, 'Abderrahmane avait remarqué que la tente d'Arthobâs était entourée d'une quantité considérable de présents, chacun de ses villages l'accueillant avec des cadeaux à chaque station; il en conçut du dépit, et, sous l'empire de ce sentiment, il s'empara de ces villages qui furent attribués aux neveux d'Arthobâs. La situation de celui-ci devint si précaire qu'il se rendit à Cordoue, et, étant allé trouver le chambellan Ibn Bakht, il lui dit : « Demandez pour moi une audience au prince (que Dieu le garde!); je viens lui faire mes adieux. » Le chambellan demanda cette audience à 'Abderrahmane ben Mo’awïa, qui fit aussitôt introduire Arthobâs. En voyant ce dernier vêtu d'une façon misérable, le prince lui dit : « O Arthobâs, quel motif vous amène ici? — C'est vous-même, lui répondit-il, qui êtes cause que je suis ici. Vous m'avez privé de mes villages, vous avez ainsi manqué aux engagements pris par vos ancêtres à mon égard; et cela sans qu'aucune faute de ma part ait motivé une semblable mesure. — À quel propos, demanda alors le prince, sont les adieux que vous voulez me faire? Vous voulez, je suppose, vous rendre à Rome? — Non, répondit Arthobâs; mais j'ai appris que vous deviez partir pour la Syrie. — Comment m'y laisserait-on retourner, s'écria le prince, alors qu'on m'en a chassé de force? — Cette situation que vous occupez, repartit Arthobâs, voulez-vous la consolider en faveur de votre fils après vous ou bien lui enlever ce que vous avez acquis vous-même? — Non, par Dieu, dit le prince, je ne veux point qu'il en soit ainsi; ce que je veux avant tout, c'est établir solidement ma situation et celle de mon fils. — Eh bien, ajouta Arthobâs, il faut agir autrement que vous ne l'avez fait. » Là-dessus il lui fit connaître diverses choses que la population lui reprochait et lui donna force détails sur ce point. Heureux de cette confidence, 'Abderrahmane ben Mo’awïa remercia vivement Arthobâs et donna l'ordre qu'on lui rendît vingt des villages qui lui avaient été enlevés; en outre il lui fit donner des vêtements et de l'argent et l'investit du titre de qoumis; Arthobâs fut le premier qoumis de l'Andalousie.
Le cheikh Ibn Lobâba rapporte, d'après des vieillards qu'il a connus, que Arthobâs était un homme fort intelligent, quand il s'agissait de ses affaires personnelles. Il ajoute qu'un jour ce personnage reçut la visite de vingt Syriens, parmi lesquels se trouvaient Abou 'Otsmân 'Abdallah ben Khâled, Abou 'Abda, Yousef ben Bakht et Eççomaïl ben Hâtim. Les visiteurs saluèrent et prirent place sur des sièges qui entouraient le siège d'Arthobâs.
Au moment où ils venaient de s'installer et où ils commençaient à aborder les premières formules de politesse, on vit entrer le pieux Maïmoun, l'ancêtre des Bènou Hazm, les portiers, un des affranchis syriens. Aussitôt qu'il le vit entrer, Arthobâs se leva et, plein d'égards pour Maïmoun, il se mit en devoir de le conduire vers le siège qu'il occupait lui-même et qui était d'or et d'argent massifs. Le dévot personnage refusa de prendre place sur ce siège, car il ne lui était pas permis, dit-il, d'occuper une pareille place et il s'assit sur le sol. Arthobâs prit place à terre auprès de lui et lui dit: « Qui vaut à un personnage tel que moi la visite d'un homme comme vous? — Je suis venu dans ce pays, répondit Maïmoun, sans penser que je dusse y prolonger mon séjour et sans prendre mes dispositions pour y demeurer. Or il est survenu à mes maîtres d'Orient de tels malheurs, que je dois supposer que je ne retournerai jamais dans ma patrie. Dieu vous a fait riche et je viens vous demander de me donner un de vos villages que je cultiverai de mes mains en prenant, vous et moi, la part qui vous en doit revenir. — Non, par Dieu! s'écria Arthobâs, je ne consentirai pas à vous donner un fief à moitié. » Là-dessus il appela son intendant et lui ordonna de remettre à Maïmoun le village qui était sur la rivière de Ghouch[38] avec les bœufs, les moutons et les esclaves qu'il contenait et de lui remettre également le château de Jaén, connu sous le nom de château de Hazm qu'il possédait.
Maïmoun remercia, puis se leva et Arthobâs revint à son siège. « O Arthobâs, lui dit alors Eççomaïl, il n'y a que l'irréflexion de votre caractère qui vous ait empêché de conserver le royaume de votre père. Ainsi, moi le seigneur des Arabes en Andalousie, je viens chez vous avec ces personnages qui sont les seigneurs des affranchis de ce pays, et la seule marque de générosité que vous nous donnez, c'est de nous faire asseoir sur des sièges de bois, tandis que ce mendiant qui est venu à vous, vous l'avez comblé comme vous venez de le faire. — O Abou Djauchen, répliqua Arthobâs, vos coreligionnaires ont eu raison de me dire que vous ne vous étiez pas laissé façonner à leur éducation; car, s'il en eût été autrement, vous ne m'auriez pas reproché la bonne action que je viens de faire. (Eççomaïl était en effet un homme illettré qui ne savait ni lire ni écrire.) Vous, que Dieu vous traite généreusement! vous n'êtes honorés qu'à cause de vos richesses et de votre pouvoir, tandis que c'est uniquement pour l'amour de Dieu que je viens de traiter cet homme comme je l'ai fait. Or on rapporte que le Messie (Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut!) a dit : « Celui que Dieu parmi ce ses adorateurs a comblé de ses bienfaits doit en faire profiter à son tour toutes les créatures. » Autant aurait-il valu essayer de faire digérer des pierres à Eççomaïl que de tenter de le convaincre ainsi; aussi l'assistance s'empressa-t-elle de dire : « Laissez ces discours et examinez la question pour laquelle nous sommes venus, car l'affaire de cet homme que vous venez de combler de vos bienfaits est une chose tout à fait à part. — Vous êtes des princes, reprit Arthobâs, et il faut beaucoup pour vous contenter.-n Il leur donna cent villages, dix à chacun d'entre eux. Torroch échut à Abou 'Otsmân, 'Alfontin à 'Abdallah ben Khaled et ‘Oqdet-Ezzîtoun d'Almodowwar à Eccomaïl ben Hâtim.
RECIT CONCERNANT ECCOMAÏL.
Un jour qu'il passait auprès d'un magister qui instruisait des enfants, il entendit celui-ci lire : « Et ce pouvoir, nous le partageons à tour de rôle parmi les hommes. — A tour de rôle parmi les Arabes, reprit Eççomaïl. — Non, parmi les hommes, répliqua le magister. — Ce verset a été révélé de cette façon? demanda Eççomaïl. — Oui, répondit l'autre, sous cette forme même. — Par Dieu! s'écria Arthobâs, je vois que nous aurons alors à partager le pouvoir avec des esclaves, des gens vils et de basse extraction. »
Une autre fois, Eççomaïl sortait de chez 'Abderrahmane ben Mo'awïa, qui l'avait secoué rudement et s'était emporté contre lui, quand un homme qui se trouvait à la porte du palais le vit passer son bonnet tout de travers. « Redressez donc votre turban, lui cria cet homme. — Si ce bonnet a des concitoyens, ce sont eux qui se chargeront de le redresser, répondit Eççomaïl. »
Un accident arriva, un autre jour, à Hicham au moment où il rentrait chez lui en revenant de l'enterrement de Tsa’laba ben 'Obeïd; un chien, sortant d'une maison qui avoisinait le cimetière de Qoreïch que l'on connaît, s'élança sur le prince et le saisit par la casaque doublée d'étoffe de Merv qu'il portait habituellement et la déchira. Le prince donna l'ordre au gouverneur de Cordoue de faire payer une amende d'un dirhem Thabl au propriétaire de la maison pour avoir en sa possession un chien dans un endroit où il pouvait causer du dommage aux musulmans. Puis il sortit de la maison de Tsa'laba ben 'Obeïd et ordonna alors de lever cette amende en disant : « Nous ferions plus de peine au propriétaire de cette maison que ne nous en a causé la perte de notre vêtement. »
On raconte qu'arrivé au pouvoir, Hicham envoya chercher Eddhebî, l'astrologue, à Algésiras et lui dit : « Je ne mets pas en doute que vous vous soyez occupé de mon avenir aussitôt que vous avez su ce qui m'était arrivé; aussi, je vous en conjure au nom de Dieu, dites-moi tout ce qui vous est apparu de mon destin. — Je vous en conjure au nom de Dieu, répondit Eddhebî, dispensez-moi de cela. » Le prince le dispensa effectivement; mais quelques jours après, comme il avait pris des renseignements sur cet astrologue et qu'on lui avait dit qu'il était impeccable, il le fit venir de nouveau et lui dit : « Par Dieu! sur la question que je vous adresse, je ne vous croirai pas d'une façon absolue, mais je tiens à entendre votre réponse. Si vous m'annoncez quelque chose qui me soit pénible, non seulement je ne vous en voudrai point, mais je vous ferai même des cadeaux et vous donnerai des vêtements; enfin je vous récompenserai de la même façon que je l'aurais fait si vous m'aviez annoncé quelque chose d'agréable. — Entre six et sept, se contenta de répondre Eddhebî. » Hicham baissa la tête un instant, puis la relevant il s'écria : « O Dhebî, si je meurs pendant que je serai en prière, la mort me sera légère! » Puis après lui avoir fait donner des vêtements et des présents et l'avoir renvoyé dans son pays, il renonça aux choses de ce monde et s'occupa de son salut.
Hicham s'occupa lui-même de l'administration de ses sujets et déploya à cet égard un zèle que personne avant lui n'avait encore déployé. Il se montra affable, juste et bienveillant, visitant les malades, assistant aux enterrements, s'occupant lui-même de la fixation de la dîme et de la perception des impôts, et réduisant son train de maison en ce qui concernait ses vêtements et ses montures.
L'année qui suivit l'avènement de Hicham, Ziyâd ben 'Abderrahmane Ellakhmi, le grand jurisconsulte andalous, l'ancêtre des Bènou Ziyâd des Cordouans, fit un voyage en Orient. Arrivé à Médine, il alla voir Malek ben Anas, qui lui demanda des renseignements sur Hicham. Ziyâd ayant raconté la belle conduite du prince et ses agissements, Malek s'écria : « Plût au ciel que nous eussions à ce pèlerinage un homme de sa valeur! »
Hicham fit bâtir la mosquée de Cordoue et le pont qui s'élève sur la rivière de cette ville. Abdelouâhid ben Moghîts ayant fait la conquête de Narbonne sous le règne de ce prince, celui-ci employa le quint du butin de cette expédition à l'édification du pont et de la mosquée.
Quand le Tedjîbite Yahia ben Yézid, cadi de Cordoue, était mort, 'Abderrahmane ben Mocawïa avait tenu conseil pour le choix du successeur de ce magistrat, et Soleïman et Hicham, les deux fils du prince qui assistaient à ce conseil, lui dirent : « Nous connaissons, dans la partie des environs de Almodowwar[39] la plus rapprochée de Cordoue, un cheikh des Arabes Syriens qui est un homme de valeur, bienfaisant et d'une grande honnêteté; on le nomme Moç'ab ben 'Imran Elhamadâni. » Les ministres ayant confirmé cette déclaration, 'Abderrahmane envoya chercher ce cheikh, et l'ayant fait introduire en sa présence, il lui exposa dans quel but il l'avait mandé. Le cheikh refusa tout d'abord et persista dans son refus, malgré l'insistance d'Abderrahmane; celui-ci, ne supportant pas qu'on lui résistât, entra dans une violente colère et se mit à friser les poils de sa moustache, ce qui, chez lui, était l'indice d'une vive irritation et l'annonce d'une mesure violente. Cependant il le congédia en lui disant : Va, que Dieu lance sa colère et sa malédiction sur ceux qui m'ont conseillé de m'adresser à toi ! »
Ce fut à cette époque que Mo’awïa ben Çâlih revint de la mission que lui avait confiée 'Abderrahmane et que celui-ci l'investit des fonctions de cadi, ainsi qu'on l'a dit précédemment, fonctions qu'il conserva jusqu'à sa mort, sous le règne de Hicham. Hicham alors fit venir de nouveau Moç'ab ben Imran, et lui ayant donné audience, il lui dit : « Écoute bien ce que je vais te dire : Je le jure par Dieu, le seul dieu qui existe, si tu n'acceptes pas ce que je te propose, je t'infligerai un traitement tel que j'en perdrai à l'avenir mon renom de bienveillance et d'équité. Tu n'as pas à craindre de ma part les sentiments que tu réprouvais chez mon père, car je suis bien disposé à ton endroit, à cause des avantages qui résulteront de ta nomination pour le profit des musulmans. Tu me mettrais la scie sur ma tête, que je ne t'empêcherais pas de le faire. »
Au moment ou Moç'ab était nommé cadi, Mohammed ben Bachir Elmo'âferi Elbâthi arriva du pèlerinage. Moç'ab prit ce dernier comme secrétaire et le conserva dans ces fonctions jusqu'à sa mort. Mohammed ben Bachir lui succéda alors comme cadi et exerça sous le règne de Hakam ben Hicham. Une fois que Hicham passait près d'Ibn abi Hind, que Malek surnommait le philosophe de l'Andalousie, Ibn abi Hind s'étant levé pour le saluer, Hicham lui dit : « Malek vous a revêtu d'une glorieuse parure. »
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[1] Sid Hamouda ben Elfekoun, de Constantine, possède, dans sa riche collection de manuscrits, un exemplaire très ancien de l’ouvrage.
[2] On trouvera sur Ibn Alkouthyia des détails plus étendus, et la belle introduction placée par R. Dozy en tête de la publication qui a pour titre: Histoire de l’Afrique et de l’Espagne, intitulée Albayano’l Mogrib. Ibn Khallican a consacré à l'historien Cordouan une assez longue notice, dont M. de Slane donné la traduction (Ibn Khallican's Biographical dictionory, t II p. 81-84). M. Reinaud a fréquemment mis à contribution le récit d’Ibn Alkouthyia, dans ses Invasions des Sarrazins en France. (Voyez surtout, p. 6, note, où le savant académicien a déterminé la lecture et la signification du nom d’Ibn Alkouthyia, que d’autres, avant lui, avaient lu Ibn Alkautyr.) (C. Defrémery.)
[3] Sur la vie de cet auteur, mort en novembre 977, cf. Ibn Khallican Biographical dictionary, trad. de Slane, t. III, p. 81-84 ; Histoire de l'Afrique et de l'Espagne, intitulée : Albayano'l Mogrib, publiée par Dozy, t. I, p. 28-30, et la notice de Cherbonneau dans le Journal asiatique, cahier d'avril-mai 1853, p. 458. Le seul exemplaire qui existe en Europe de l'ouvrage d'Ibn Elqouthiya est le ms. n° 706 de la Bibliothèque nationale; il porte le titre de Iftitâh et non de Fotouh que lui donne Cherbonneau, qui a probablement pris ce dernier mot sur l'exemplaire que possédait Sid Hamouda ben Elfekoun de Constantine, copie dont je n'ai pu avoir communication.
[4] Le texte porte le mot qui signifie « en venir aux mains »; ce qui, ainsi qu’on le verra par la suite du récit, ne serait pas exact.
[5] Le mot que je traduis par « concessions», signifie exactement les choses que l'on prélève avant le partage du butin, et quand il s'agit de terres, celles qui, dans un pays conquis par les musulmans, appartenaient avant la conquête aux souverains du pays ou constituaient en quelque sorte le domaine de l'État.
[6] Probablement: « s'était passé».
[7] C'est-à-dire, qu'ils seraient indépendants, n'ayant d'honneurs à rendre à personne.
[8] Je ne suis pas sûr de la lecture de ce mot. Il y a, je crois, un jeu de mots sur ce nom qui, sans voyelles, peut se lire elmathar « la pluie »; car ce que je traduis par « régner », signifie en réalité « pleuvoir abondamment ».
[9] Par cette expression, il faut sans doute entendre les chrétiens ou les non-musulmans.
[10] Le ms. donne la voyelle finale.
[11] Il manque probablement ces mots : « Il fit épouser Sara. »
[12] La mère de l'auteur.
[13] Le Guadalete, selon les uns; le rio de Vejer, selon d'autres.
[14] Probablement: « Il débarqua ».
[15] 56e chapitre du Coran.
[16] Le mot employé ordinairement dans le sens d'église, a sans doute ici le sens de couvent.
[17] Province de Malaga.
[18] C'est-à-dire, de fixer la part du territoire conquis appartenant au domaine de l'État.
[19] Trompé par une erreur du copiste, Lafuente y Alcantara dans sa traduction des Ajbar Machmuâ, p. 36, a traduit ce nom propre par « neuvième wali ».
[20] On trouve ailleurs pour ce nom les formes : Baqdoura, Naqdoura et Nabdoura.
[21] Sur cette localité située à deux postes de Cordoue, voir Lafuente y Alcantara, Ajbar Machmuâ, p. 243.
[22] Le mot traduit ici par « collines », est peut-être un nom de localité qui se prononcerait alors Alcouda.
[23] Guadajoz.
[24] Sur cette localité voisine de Loja, cf. Lafuente y Alcantara, op. laud., p. 264.
[25] Il y a ici un jeu de mots sur les noms de Temam et Abou Fari'a, pris avec la signification qu'ils auraient comme noms communs.
[26] Almuñecar.
[27] Sur cette localité située aux environs de Loja, cf. Lafuente y Alcantara. op. laud., p. 244.
[28] Archidona.
[29] Février-mars.
[30] Villanueva.
[31] Tocina.
[32] Moron.
[33] « Celui qui est pris en croupe ».
[34] Niebla.
[35] Localité près de Cordoue.
[36] Béja.
[37] Moron.
[38] Guadajoz.
[39] Almodovar, sur la rive droite du Guadalquivir, à 23 kilomètres de Cordoue.
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