samedi 10 avril 2010

hum hum

Edmond BERNARD
L'HOMME, CE ROBOT
PREMIERE PARTIE
LA SUGGESTION :
POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE
CHAPITRE 1
SUGGESTIBILITE ET AUTOMATISME PSYCHOLOGIQUE



" Nous sommes tous hallucinables et hallucinés pendant une grande partie de notre vie "
(Docteur BERNHEIM : De la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille. DOIN -1884)

A l’époque des croisades, en Perse, existait la secte musulmane chiite des " Hachichin ", devenue, depuis, le symbole du meurtre prémédité, au point que ce mot arabe est l’étymologie du terme français " Assassin ".
A son retour d’Asie, en 1298, le grand navigateur Marco Polo relata comment le chef de cette secte, appelé " Le Vieux de la Montagne ", transformait des paysans simples et paisibles en redoutables machines à tuer. Notre fabuliste LA FONTAINE, qui connaissait bien cette histoire, l’a utilisée dans le cadre de ses contes (Jean de LA FONTAINE –CONTES ET NOUVELLES – 4° partie- V – FERONDE ou LE PURGATOIRE).
La forteresse d’où il exerçait sa domination, était construite à l’entrée de la vallée d’Alamut (près de Kazvin, capitale de l’époque) dont l’autre extrémité était bouchée par une haute muraille.
Dans la vallée avait été réalisée une reproduction du Paradis, tel que l’interprétation littérale du Coran (Sourates 69-56-77) le suggérait. Tout y était : jardins fleuris, arbres de toutes essences, fruits succulents, châteaux et pavillons richement décorés, les plus belles femmes qui se puissent imaginer, chantant, dansant, jouant de la musique, et... toutes dévouées aux habitants de cet Eden.
L’individu à conditionner était drogué (probablement avec du hachisch), revêtu de somptueux habits, et transporté dans la vallée où il se réveillait émerveillé, se croyant mort et admis au Paradis.
Après l’avoir laissé jouir de ces délices, le temps nécessaire pour les lui rendre indispensables, on le droguait à nouveau et on le ramenait, revêtu de ses humbles vêtements, au lieu précis où il avait perdu conscience la première fois.
En complet désarroi, il voyait apparaître le " Vieux de la Montagne " qui se présentait à lui comme envoyé de Dieu et lui disait :
" Tu es revenu sur terre parce que je t’ai choisi pour accomplir une mission. Tu dois aller tuer Untel. A ton retour, mes anges te ramèneront au Paradis pour te récompenser ".
Le sujet, ainsi conduit à ne pas avoir peur de la mort, et même, à la souhaiter ardemment, n’hésitait pas à s’exposer à tous les périls pour accomplir, sans scrupule, une oeuvre meurtrière considérée par lui comme noble, puisque commandée par Dieu lui-même. Ainsi, le Vieux de la Montagne put-il éliminer tous ses adversaires et se rendre maître d’une grande partie de l’Asie.
Cette histoire, bien que légendaire, n’a rien d’invraisemblable. Pour nous, hommes modernes souvent hantés par le terrorisme sous toutes ses formes, elle pourrait être singulièrement évocatrice.

Mais, même si nous sentons plus ou moins confusément que les hors-la-loi agissant selon un idéal politique ou religieux sont manipulés, nous restons sceptiques quant à la possibilité de transformer un homme moyen en robot
Nos conceptions traditionnelles de la liberté de l’homme, du contrôle qu’il est censé exercer sur ses pensées et actions, s’y opposent.
Et puis l’idée d’être un jour ou l’autre exposé à une diminution (ou une suppression) de la liberté psychique est infiniment dérangeante.
Cependant, observons ce qui se passe autour de nous.
Le serpent fascine l’oiseau pour le tenir à sa merci
Le lapin est subjugué par les phares d’une automobile et perd tous ses réflexes de défense.
Dans l’arène, le taureau, épuisé par de nombreuses évolutions et des souffrances réitérées, perd sa spontanéité; son attention n’a plus qu’un seul objet : la muleta qui le captive, focalise son agressivité et détourne sa vigilance.
Pour l’être humain, il en est de même.
Qui peut se vanter d’avoir toujours échappé à la paralysie provoquée par une forte émotion ou une peur panique ?
Et que dire des accès de somnambulisme spontané ?
Des auteurs du XIX° siècle citaient l’exemple d’un chef de petite gare qui, circulant au milieu d’une voie, avait été surpris par l’approche d’une locomotive en manoeuvre : statufié sur place, il n’avait fait aucun mouvement salvateur.
Mortellement blessé, il avait recouvré assez de lucidité pour s’étonner de ce qui lui était arrivé. L’enquête écarta totalement l’hypothèse du suicide et même celle de la simple distraction ( la victime faisait face à la locomotive, bien visible et très bruyante ).
On parle parfois de " l’hypnose des batailles " qui transforme les combattants en des robots programmés pour foncer en avant, au mépris de tous les dangers.
Les pilotes d’avions sont mis en garde contre le danger d’endormissement résultant de l’atmosphère feutrée de la cabine de pilotage, du ronronnement incessant des moteurs, du rayonnement du tableau de bord.
Tous ces exemples relèvent du phénomène dit de la " fascination ", qui place un être vivant dans un état appelé " suggestif ", provoqué par des stimulations, généralement visuelles ou auditives, parfois olfactives. L’attirance sexuelle lui est apparentée.

• • • • • " L’éclat, le bruit de la mer, exerçaient sur moi une sorte "
" D’hypnotisation, qui ne porte point à la réflexion "
• ( Georges Sand )
" Comme un enfant bercé par un chant monotone ",
" Mon âme s’assoupit au murmure des eaux "
• ( Lamartine )

Il est vrai qu’en montagne, les ruisseaux bruissants et les torrents grondants, au bord de la mer, la cadence lancinante des vagues, dans une prairie, le gazouillis des oiseaux,
sont autant d’éléments inducteurs d’une forme d’ivresse, bien proche de l’extase souvent chantée par les poètes.
Outre les sensations, certaines émotions, des chocs physiques ou psychiques, la fatigue, l’instinct d’imitation, l’intimidation et la vénération, l’influence du milieu, sont à l’origine du somnambulisme dit fortuit ou spontané.
Prenons par exemple l’intimidation exercée par des personnes investies d’autorité ou douées d’une prestance particulière. Le " Vieux de la Montagne " parvenait à ses fins, en jouant - au cours d’une mise en scène ingénieuse et spectaculaire - le rôle d’un personnage mythique investi d’une autorité apparemment incontestable, donnant à ses propos une crédibilité exceptionnelle.
" D’un Magistrat ignorant c’est la robe qu’on salue "
(LA FONTAINE -FABLES – Livre V 14 – L’âne portant des reliques)

Il est d’observation courante que, tandis que des gens très compétents végètent dans des situations inférieures, des individus médiocres voire nuls, mais possédant une prestance séduisante et l’art de " jeter de la poudre aux yeux ", s’élèvent facilement dans la hiérarchie sociale.
De tous temps la vie en société a favorisé les inégalités. La prédisposition à la vénération est cultivée dès l’enfance. Le mythe de l’homme supérieur peut souvent occulter les qualités essentielles, pour ne laisser en évidence que les éléments superficiels tenant à la puissance, au rang social, à la richesse.
Le respect parfois inconditionnel pour les modèles proposés prédispose l’homme à se laisser impressionner. On voit ainsi couramment le subordonné exécuter sans discuter les ordres les plus inacceptables, le citoyen moyen s’en remettre aveuglément aux directives de son clergé, de son parti, de son syndicat.
Caractéristique remarquable, la fascination est contagieuse. Pendant trois siècles la sinistre Inquisition fut responsable d’une véritable épidémie de " sorcellerie ", dans laquelle le phénomène suggestif joua un rôle capital. Parmi des milliers de cas historiques, en voici quatre, particulièrement évocateurs :
En 1611, un prêtre de Marseille, Louis Gaufridi fut brûlé après avoir subi les pires tortures, simplement parce qu’une Ursuline était devenue l’objet de troubles hystériques alors considérés comme des manifestations de possession diabolique.

Cette femme, au cours de crises violentes, avait des visions, se contorsionnait, chantait des chansons obscènes, décrivait des scènes de " sabbats sataniques " avec actes de luxure et sacrifices de jeunes enfants dont elle assurait que l’organisateur était le père Gaufridi. Cela suffit pour provoquer chez plusieurs autres religieuses des possessions analogues, avec identique dénonciation de ce prêtre. Pour les inquisiteurs il n’en fallait pas plus pour considérer le malheureux comme ayant signé avec Satan un pacte qui ne pouvait être détruit que par le feu purificateur.

L’affaire de Loudun (1634) eut encore pour accusé un ecclésiastique, le prêtre Urbain Grandier, et pour justification une épidémie de " possessions diaboliques " qui s’étendit de Jeanne des Anges, Supérieure du couvent des Ursulines, à un grand nombre de religieuses. L’explication donnée par Jeanne fut suffisante pour justifier une condamnation sans appel de Grandier au bûcher : il aurait jeté, dans la cour du couvent, une branche de rosier chargée de fleurs " ensorcelant " toutes celles, qui avaient l’imprudence de les humer.

A Louviers, une religieuse fut victime de sa propre hystérie et servit de bouc émissaire à ses compagnes qui, l’accusant de les avoir ensorcelées se livrèrent, avec sadisme, à la traditionnelle recherche de la " marque diabolique " (Les bourreaux de l’Inquisition y procédaient en enfonçant de longues aiguilles dans tout le corps du patient, guettant le moment où une piqûre ne provoquerait pas de cris de douleur : l’insensibilité était considérée, par les théologiens de l’époque, comme la preuve certaine d’un pacte avec Satan )
Livrée ensuite à l’Inquisition, elle fut condamnée à la détention perpétuelle et mourut dans un état de délabrement total.
Plus connue est l’affaire des " sorcières de Salem " dans le Massachusetts où, à la fin du XVII° siècle, une épidémie de " possession " entraîna le massacre de 100 à 15O personnes. Tout avait commencé par des manifestations hystéroïdes chez deux fillettes de 9 et 11 ans, ayant entraîné par contagion celles d’autres jeunes filles plus âgées.

La peur du diable ayant gagné tous les habitants du bourg, les possédées l’alimentèrent en dénonçant toute une série de " sorciers " (notamment une vieille femme antillaise, experte en récits légendaires, une mendiante, une fille-mère, une boiteuse). La tuerie qui s’ensuivit, inspira depuis lors une abondante littérature et de nombreuses réalisations cinématographiques.
Ce dernier exemple illustre particulièrement la puissance suggestive de la peur qui provoque un état d’hypnotisme collectif.
" Les individus et les foules en proie à la contagion de l’épouvante, obéissent aux suggestions de la peur, accomplissant les actes les plus déraisonnables et se ravalant au niveau de la plus basse animalité "
(Docteur Edgard Bérillon – La science de l’hypnotisme – Jouve - 1947)
Il est bien connu que, lorsqu’une panique survient, dans une salle de spectacle ou dans une foule, elle se propage à grande vitesse et provoque des conséquences démesurées, pouvant aller de la simple brutalité jusqu’au meurtre.
L’enthousiasme procède du même mécanisme. Lors de manifestations de rues, on voit souvent des personnes s’approcher par simple curiosité et se laisser entraîner, par l’instinct moutonnier, à hurler avec les manifestants.
Le phénomène de contagion est volontiers utilisé par les provocateurs: lorsque des contestataires sont confrontés à des forces de police il peut suffire, pour provoquer une fusillade réciproque, de tirer un coup de feu en l’air.

Pour comprendre le mécanisme de la peur, de nombreuses expériences ont été faites. Deux d’entre elles, très contestées sur le plan moral, sont cependant instructives :
En 1750, à Copenhague, on annonce à un condamné qu’il sera exécuté par une saignée qui le videra de tout son sang et, faveur spéciale, provoquera ainsi une mort sans souffrance. Alors qu’il a les yeux bandés, un médecin lui fait une légère incision à un bras, puis fait couler sur la blessure de l’eau tiède pour figurer l’hémorragie. On affirme que l’illusion fut si complète pour le sujet qu’il mourut en quelques minutes du seul effet de la suggestion.
A la fin du XIX° siècle, à New-york, une tragi-comédie de la même nature a permis de donner la mort à un condamné, par une mise en scène tendant à lui faire croire à son électrocution, alors qu’aucune des trois secousses électriques réglementaires n’avait été réellement lancée. Il avait suffi de le lier à la chaise électrique, de le coiffer du casque de cuivre classique, de brancher des électrodes et de donner - à haute et intelligible voix - les ordres de déclenchement.
Le processus qui provoque l’état suggestif est de constatation journalière.
Dit-on à l’improviste à quelqu’un : " lève-toi ", il se lève automatiquement. Si nous entendons une musique de danse, notre corps s’anime au rythme du tempo et nous sommes pris de l’envie de danser : à notre époque de musique syncopée, cet exemple revêt un singulier relief. Et n’oublions pas que la fanfare militaire a toujours incité à marcher au pas cadencé. Dans tous ces cas la stimulation provoque le mouvement.

Si on vous assure que vous avez des puces, vous éprouvez des démangeaisons. Souvent, celui qui se croit atteint d’une maladie quelconque en ressent les symptômes (ou, tout au moins, ceux qu’il imagine). Si quelqu’un tremble de froid, ceux qui lui font face sont pris de frissons l’idée devient sensation. (idem pour quelqu’un qui baille)
Dans une salle de spectacle il y a toujours quelqu’un pour réagir ostensiblement : une exclamation, un cri, un rire, un applaudissement : chacune de ces manifestations entraîne aussitôt une réaction en chaîne douée d’un effet amplificateur. Dans ces situations l’émotion est contagieuse.
Baillez en public : aussitôt plusieurs personnes en font autant. Un enfant affligé d’un tic le communique à ses camarades de classe. De même le bruit de l’eau qui coule, donne envie d’uriner L’exemple tend à provoquer l’acte organique.

La peur contracte les cordes vocales et peut provoquer une aphonie; elle peut aussi paralyser les mouvements et jusqu’aux fonctions vitales : La peur peut causer l’inhibition.
Ainsi chez l’homme, dans certains cas, une tendance au lieu de rester au stade de la pensée se réalise immédiatement, automatiquement, complètement : c’est l’étonnante suggestibilité que l’on peut exprimer par la formule suivante :
TOUTE IDEE SUGGEREE TEND A SE TRADUIRE EN ACTE.
Ce principe a inspiré la célèbre doctrine du réflexe conditionné formulée pour la première fois par Ivan Pavlov (Réflexes conditionnés et inhibitions - Gonthier-Bibliothèque médiations -n°5 ). en 1906, après avoir constaté, à l’aide d’appareils de mesure, que le réflexe salivaire du chien se produisait de façon identique :
• • • • si on lui présentait des aliments,
• si on l’habituait à associer l’idée de nourriture à un son,
• si on émettait un son, sans lui donner de nourriture.
Il s’est depuis lors trouvé des doctrinaires que l’on a appelé les " béhavioristes " (John B. Watson :Le béhaviorisme -Retz)) pour affirmer que chez les êtres vivants, il n’y a que des réflexes renforcés par le conditionnement. Selon eux il est illusoire de parler de volonté, esprit, indépendance, liberté, libre-arbitre, toutes ces notions idéalistes qui n’ont rien à voir avec la réalité purement matérialiste. Nous verrons plus loin les désastreuses applications de ces théories qui ont pu être faites par certains*
Constatant dans la vie courante l’existence et la permanence de la suggestibilité, on peut se demander pourquoi l’homme a été doté de cette faculté qui cadre peu, en apparence, avec l’idée que l’on se fait de cet animal doué de raison.

Pour le comprendre il convient avant tout de rappeler les bases de la formation et du fonctionnement du psychisme humain.
Comme l’ordinateur, l’être humain dispose de moyens d’entrée pour les données et programmes. Par le canal de ses sens pénètrent dans son cerveau les renseignements utiles à son existence et les suggestions (sous forme de sollicitations du monde extérieur et d’injonctions données par autrui).
Les données recueillies sont enregistrées dans la mémoire dite " immédiate ".
L’unité centrale intervient pour leur traitement : elle les analyse, les synthétise, les confronte avec les données anciennes.
Ainsi se créent des associations d’idées et des concepts qui, avec les expériences du passé constituent la mémoire dite " ancienne " et la programmation personnelle.
Le programme de chacun impose, dans chaque situation et en face de chaque suggestion, une réaction : c’est là qu’intervient la tendance à l’automatisme.
Cet automatisme psychologique est une nécessité vitale : sans lui le moindre de nos mouvements, de nos actes, la plus insignifiante de nos pensées ne se manifesteraient qu’au prix de l’intervention continuelle de l’" unité centrale ", avec son arsenal d’analyses, synthétisations, confrontations etc..
Ainsi nous passerions le plus clair de notre temps à réfléchir sur nos sensations et nos réactions et ne trouverions jamais le temps de les analyser toutes.
Nous serions dès lors absolument inapte à l’action, même dans le cadre de nos fonctions les plus élémentaires, individuelles ou sociales.
L’automatisme psychologique permet à l’homme de bénéficier d’une économie de moyens indispensable à sa survie.

Pour cela il dispose d’une palette personnelle de concepts enregistrés tout au long de son existence, qu’il n’a pas besoin de remettre sans cesse en question.
Depuis son plus jeune âge, il croit en ses parents, ses éducateurs, ses amis, les modèles littéraires, artistiques, scientifiques, sportifs correspondant à ses aspirations fondamentales. La civilisation, la tradition, la religion, l’éducation contribuent à former en lui des systèmes qu’il ne discute pas, en principe, dans la vie courante.
C’est là l’effet de ce que l’un des plus éminents chercheurs en la matière (et combien malheureusement ignoré et méconnu de notre temps ) le docteur Bernheim a appelé la crédivité ou " faculté de croire sur parole " (à ne pas confondre avec la crédulité qui en constitue une exagération morbide puisque l’homme crédule croit systématiquement tout ce qu’on lui dit).
Cependant, contrairement à la thèse des béhavioristes, l’homme dispose de l’esprit critique, qui, complément obligatoire de la faculté de " suggestibilité-crédivité " lui permet d’échapper en cas de nécessité à son automatisme fonctionnel.

Imaginons quelqu’un insulté en public, à la grande indignation d’amis qui l’exhortent à ne pas laisser l’affront impuni. Sous l’effet combiné du choc émotif causé par l’agression et de l’impact des suggestions de riposte, il se lance sans réfléchir sur son adversaire, le poing levé. Mais il ne passe pas à l’acte car, pacifique de nature, il n’a jamais frappé personne et désapprouve la violence. Sa conscience morale paralyse sa réaction instinctive.
La " conscience morale " dont je parle, n’a rien à voir avec les concepts moraux forgés par l’humanité dans le cadre de croyances collectives et dans des contextes sociaux fluctuants. Il s’agit de la faculté de choix dont chacun dispose dans son existence quotidienne, selon sa programmation personnelle. C’est là une " faculté de censure " comportant une échelle de valeurs strictement individuelles qui nous permet d’opter, en fonction de la situation, pour l’action ou l’abstention.
Ainsi une tendance ne se réalise que dans la mesure où une partie essentielle de cet ensemble cohérent qu’est le psychisme donne son " feu vert " : l’unité de choix, de filtrage, de contrôle, représentée par l’esprit critique.

La base pratique qui permet la mise en oeuvre de cette censure, se forme de la même manière que les autres données de base de la programmation individuelle.
Les concepts propres à chacun d’entre nous, issus du travail inconscient réalisé par notre cerveau sur la base des données enregistrées, constituent en quelque sorte le fruit de nos expériences. Ils restent constamment présents dans notre mémoire et prêts à être utilisés, mais également à être corrigés en fonction de nouvelles expériences. Car l’ordinateur que l’homme possède en lui se programme automatiquement, et corrige sans cesse sa programmation.
Ce simple exposé suffit à mettre en relief la nécessité, pour l’homme, de conserver intacte sa faculté de censure. Dans la pratique, c’est elle qui est la plus menacée.
Nous sommes quotidiennement l’objet d’agressions, visant à la déjouer.
La publicité commerciale ou politique, rendue plus efficace par les techniques audiovisuelles modernes, tend à annihiler la réflexion de façon à faire facilement pénétrer dans les consciences toutes incitations : mettant en évidence avec art les avantages et les mérites du " produit " mais passant soigneusement sous silence ses inconvénients, on crée facilement un besoin ou une préférence.
Il en est de même des émotions et des passions. Le fanatisme religieux ou politique, la colère, l’amour, la haine sont souvent exploités savamment par ceux qui ont tout profit à en tirer. Un amoureux se transforme facilement en assassin lorsque l’idée fixe de la trahison a été insidieusement implantée en lui. Un simple, exalté par un meneur religieux ou politique, devient aussi une arme de choix.
On conçoit dès lors que toutes les techniques tendant à provoquer un automatisme psychologique chez un être humain, doivent viser à la fois :

• l’augmentation de sa suggestibilité

• la neutralisation de sa faculté de censure.
Dans la pratique, quel que soit le but poursuivi ( soit une amélioration de la santé, du bien-être ou même des performances, soit, au contraire, une utilisation du sujet dans le cadre d’un projet nuisible à autrui ou au sujet lui-même ) les moyens employés pour la robotisation humaine sont innombrables. En fait la plupart s’inspirent des méthodes hypnotiques.


o Qu’est-ce-que l’hypnose, l’état dit hypnotique ?
o Comment les sujets soumis à des expériences à base d’hypnose réagissent-ils ?
o Quelles techniques utilise-t-on ?
o Est-il vrai que l’hypnose puisse servir à des fins thérapeutiques ?
o Qu’entend-on par sophrologie, auto-hypnose ?
o Est-il vrai que ces méthodes puissent permettre l’amélioration de la santé, du bien-être des sujets et optimiser les performances des sportifs ?
o Peut-on employer l’hypnose pour les manipulations mentales ?
o On parle beaucoup dans les temps modernes de moyens diversifiés et perfectionnés de manipulation mentale : qu’en est-il ?
o Existe-t-il des moyens préventifs et curatifs de lutter contre les manipulations mentales ?
Je m’efforcerai dans les prochains chapitres de répondre à ces passionnantes interrogations.
Avant tout il sera utile de préciser la signification de certains termes techniques, que j’utiliserai :
On appelle volontiers aujourd’hui " VIOL PSYCHIQUE " toute pratique permettant à un individu d’en subjuguer un autre au point d’altérer sa personnalité et paralyser ses facultés de censure, en l’amenant ainsi à subir sans réaction une agression ou à commettre sans hésiter un acte contraire à ses tendances normales.
Cette expression est souvent confondue avec d’autres, qui pourtant ne lui sont pas forcément synonymes : "Effraction de conscience" "Cambriolage cérébral", "Manipulation (ou bricolage) psychique", "Conditionnement ", "Normalisation ", " Lavage de cerveau ".
Pour éviter des incertitudes souvent entretenues par une certaine anarchie de langage courant, j’emploierai les termes de

• " VIOL PSYCHIQUE " pour toute atteinte illégitime portée au psychisme humain
" ROBOTISATION " pour le degré supérieur dans l’agression : qui vise à la mise en esclavage psychique
" MANIPULATION MENTALE " pour la technique permettant de perpétrer un viol psychique ou une robotisation
" CONDITIONNEMENT " ou " PROGRAMMATION " pour les manipulations particulièrement destinées à la robotisation humaine.
On remarquera que, contrairement à certaines habitudes de langage, je n’emploierai le terme de " CONTROLE MENTAL " que dans le cadre des méthodes tendant à amener, dans un but thérapeutique, un sujet à contrôler son propre psychisme en vue d’un épanouissement personnel.





































CHAPITRE 2
L’HYPNOTISME : DON OU TECHNIQUE ?
" N’est-il pas possible de faire de l’hypnose sans le savoir ? "
( Alain Peyrefitte – Quand la Chine s’éveillera –1973 )
• L’hypnotisme, étant souvent associé aux spectacles dits de " magie " donnés par d’habiles prestidigitateurs, est assimilé par beaucoup de gens au charlatanisme.
Le processus est classique : l’artiste demande des volontaires. Fixant chacune des personnes montées sur scène d’un regard rendu savamment fascinateur, et alternant d’une voix théâtrale les affirmations et les injonctions, l’opérateur, avec une facilité déconcertante, les place dans un état visiblement second et leur fait exécuter des pitreries qui ravissent les spectateurs.
L’un, mué en champion cycliste, pédale sur une chaise. L’autre, le bras levé, maintenant longtemps cette position sans fatigue apparente, figure la statue de la Liberté. Un troisième dévore avec un plaisir manifeste, une pomme de terre crue qu’on lui fait prendre pour un fruit succulent.
" Vous êtes en plein désert; il fait chaud, très chaud; vous ne pouvez plus supporter vos vêtements " dit le magicien : et voilà le volontaire qui enlève sa veste, sa cravate, sa chemise; il se déshabillerait entièrement s’il n’était arrêté à temps.
" Vous assistez à un match de foot en supporter de votre club " : le sujet se trouve instantanément dans le stade, suivant toutes les phases du match, s’exclamant, lançant des encouragements frénétiques.
" Votre club marque un but " : c’est l’enthousiasme !
" Mais l’arbitre refuse injustement de l’homologuer ". Ivre de fureur, le sujet adresse au traître les plus grossières injures et les plus sanglantes menaces.
C’est ensuite le réveil, rendu pénible pour certains par des suggestions préalables telles que : " en vous réveillant vous resterez collé à votre chaise ". Le malheureux se tortille, épouvanté de ne pouvoir s’arracher à son siège, jusqu’à ce qu’une " contre-suggestion " le libère.
Si certains spectateurs sont sidérés, et prêts à attribuer à l’artiste un pouvoir miraculeux, la plupart sont persuadés que la séance d’hypnose dont ils ont été les témoins, était aussi truquée que les autres performances du prestidigitateur. Il en est qui soupçonnent même les volontaires d’être des compères de l’artiste.
Tous sont dans l’erreur : ils ont bien assisté à d’authentiques démonstrations d’hypnotisme. Mais l’artiste n’a pas un don exceptionnel, sinon celui de donner aux techniques qu’il manie avec maîtrise, un effet spectaculaire. Et, s’il a souvent un ou deux comparses parmi les volontaires, ce sont soit des sujets hypnotiques entraînés, soit des comédiens expérimentés qui, tous, servent de catalyseurs pour induire par contagion un état hypnotique chez les véritables volontaires.
Cette évocation illustre la facilité avec laquelle il est possible de se rendre maître d’autrui.
Elle montre aussi le caractère perfide des spectacles à base d’hypnose qui provoquent, dans l’esprit du grand public une fâcheuse assimilation avec la prestidigitation, au lieu de lui prodiguer l’enseignement nécessaire sur des techniques aux implications considérables.*

??Le principe de base de toute technique destinée à mettre un sujet en état d’hypnose est exprimé comme suit par le Docteur G.R Rager ( Hypnose Sophrologie et Médecine – Fayard – 1973) :
on doit " rétrécir son champ de conscience, en focalisant son attention et en la détournant ".
Toute séance comporte une première phase, avec utilisation possible de techniques opératoires variées
• fixation du regard du sujet sur celui de l’opérateur ou sur un objet, de préférence brillant ( pendule, boule de cristal, bougie allumée, main de l’hypnotiseur, doigt du sujet lui-même, dessin approprié, lampe clignotante etc...)
• utilisation d’un métronome, ou tout simplement d’un comptage à haute voix, scandé par le praticien ou le sujet
• production de sensations physiques ( mains serrées; compression des globes oculaires ou d’autres zones réputées hypnogènes; fatigue d’un bras tendu; bien-être d’une respiration profonde, régulière, lente, abdominale; perte d’équilibre...)
• " passes " (mouvements à distance lointaine ou rapprochée, des mains de l’opérateur en direction de certaines parties du corps et notamment des yeux du sujet )
• appel à l’imagination ( évocation commandée au sujet de circonstances, paysages ou sensations agréables, directement ou par l’intermédiaire d’un écran de cinéma ou télévision imaginaire; plus simplement il peut suffire d’annoncer au sujet : " je vais compter jusqu’à 10; à 10 vous dormirez ".
L’exploitation de la captation d’attention doit être faite immédiatement par la mise en jeu de la suggestibilité du sujet. Selon les praticiens modernes, les saines techniques hypnotiques supposent la confiance et la collaboration du sujet. Ils recommandent de répéter inlassablement, sur un ton monocorde et doux, les mêmes suggestions tendant à la détente, la relaxation, le désir de perdre conscience.
Mais, certains manipulateurs qui n’ont pas le même respect pour leurs patients et privilégient la rapidité des résultats, utilisent le mode impératif en vue de faire jouer l’intimidation.

Leurs méthodes brutales sont souvent traumatisantes. Dans mon exemple de la séance d’hypnotisme intégrée à un spectacle de prestidigitation, on constate souvent postérieurement chez les " volontaires " - surtout ceux soumis à des épreuves telles que l’impossibilité de se décoller d’un siège - des troubles allant du simple mal de tête jusqu’à la dépression. Certaines présentent même de graves dangers pour l’équilibre psychique.
Voici les plus connues:
o Citons d’abord celle dite " de l’abbé Faria ": ce pittoresque religieux brandissait à l’improviste d’un air menaçant un crucifix et profitait du choc émotif ainsi provoqué pour commander impérativement le sommeil.
o La méthode " d’Estabrock " consiste à exercer sur le crâne du sujet, une forte compression suivie d’une décompression brutale accompagnée de l’ordre de dormir. Une variante de cette technique - infiniment plus périlleuse - imaginée par Withlow, est très prisée des hypnotiseurs de spectacle. Maintenant la tête du sujet de la main gauche, on exerce, avec le pouce et l’index de l’autre main une pression sur les carotides, ce qui provoque une anoxie cérébrale temporaire (privation d’oxygène génératrice d’asphyxie ). Sous peine d’accidents mortels, la pression ne doit pas être maintenue plus de quinze secondes.
o Autre procédé rapide - mais évidemment moins dangereux - la méthode de Hansen revient à déséquilibrer le sujet par des moyens mécaniques, tout en lui faisant des suggestions de sommeil. En tombant, il entre en état d’hypnose (il faut supposer que sa chute se termine sur un matelas ou dans des bras amortisseurs ).
o On ne peut omettre, dans ce tour d’horizon sur les méthodes brutales, celles utilisées au XIX° siècle par le célèbre docteur Charcot sur des hystériques: jet de lumière, tam-tam, coup de gong, diapason, flacon d’ammoniaque débouché à l’improviste sous le nez du sujet.....
• Cet aperçu ne donne qu’une faible idée de l’infinie variété des procédés d’induction de l’état d’hypnose. Rien n’empêche d’en imaginer de nouveaux, dès lors que l’on connaît bien le mécanisme à faire jouer.
On peut se demander pourquoi les praticiens utilisent une telle palette de procédés.
Il faut considérer que le succès d’une induction dépend beaucoup de la méthode utilisée. Le choix de la technique appropriée se fait, compte tenu des caractéristiques propres au sujet, de ses aptitudes et de sa sensibilité privilégiée (tactile, visuelle, auditive, imaginative ou réaliste ) révélées par des tests préalables.
Un même procédé ne détermine pas forcément des réactions identiques chez deux personnes.
Le problème doit aussi être envisagé, sous l’angle de la personnalité et de l’expérience de l’opérateur : une technique, appliquée à un même sujet par deux expérimentateurs, peut provoquer des effets différents.
Chaque opérateur a sa propre méthode, ou manifeste une prédilection pour un mode opératoire particulier. Certains combinent plusieurs approches.
Cependant une recherche de méthode ne s’impose qu’avec un nouveau sujet. Lorsque des résultats satisfaisants ont été obtenus avec lui, les expériences suivantes sont de plus en plus faciles et les inductions de plus en plus rapides. Après quoi, les opérateurs expérimentés n’ont plus besoin, pour obtenir la mise en condition de leur sujet que du " signe-signal " (claquement de doigts, comptage, coup de sifflet, mot prononcé ou phrase musicale chantée...). *
Pour nombre de personnes, deux questions sont particulièrement angoissantes :
• pourrait-on facilement m’hypnotiser ?
• le pourrait-on contre mon gré ou à mon insu ?
Sur le premier point les chercheurs sont unanimes : il y a peu de gens résistants aux techniques hypnotiques. Et encore faut-il prendre en compte la personnalité des hypnotiseurs: si un sujet a été réfractaire à l’un d’eux, il pourra réagir positivement avec un autre.
Contrairement à un préjugé courant, on est d’autant plus hypnotisable que l’on est équilibré. Le Docteur L. Chertock ( L’hypnose- Payot-1972) affirme qu’il est de constatation courante que les cas de refus et de non-susceptibilité à l’hypnose, semblent correspondre à des inadaptations sociales profondes, à des personnalités perturbées.

Sur le second problème, les anciens comme les modernes, n’ont jamais cessé d’affirmer avec une assurance péremptoire - manifestement pour apaiser les angoisses du public - que l’hypnotisation est impossible, contre la volonté d’un sujet, et encore plus à son insu.
Cependant le Docteur H. Beaunis (Le somnambulisme provoqué –L.Baillère –1887) pensait que, lorsqu’une personne a déjà été hypnotisée, elle peut l’être par la suite, à son insu. Il était également persuadé que, même un individu résistant à l’hypnose, pouvait être amené, par des exercices gradués, à un état de dépendance totale. Sans le savoir, il avait ainsi ouvert la voie à des chercheurs modernes qui, allant plus loin, sont parvenus à cette conclusion inquiétante :
Tout être humain peut être hypnotisé, quelque soit son degré de résistance, et même, sans qu’il se rende compte des manoeuvres dont il est l’objet : tout, en ce domaine, est question de technique et de tactique.

L’Américain Walter H. Bowart ( Operation Mind Control-Grasset-1979), à la suite d’expériences effectuées à la demande du gouvernement des U.S.A. affirme que, pour provoquer l’état d’hypnose chez un sujet récalcitrant, il existe trois possibilités :
• dans le cadre d’un examen médical, camoufler le processus hypnotique sous des opérations apparemment anodines, telles que la prise de tension artérielle, l’auscultation cardiaque ou pulmonaire, à l’occasion desquelles on incite le patient à la détente et la relaxation.
• profiter du sommeil naturel du sujet, pour lui parler doucement dans le creux de l’oreille et induire ainsi la transe hypnotique.
• sous le prétexte d’une injection thérapeutique quelconque, lui administrer une drogue hypnogène qui le rend plus suggestible.
Le corollaire de ces procédés est évidemment la suggestion de l’oubli de tout ce qui s’est passé pendant la séance, de façon à ne pas alerter le patient qui restera toujours convaincu qu’il a efficacement résisté.
• • • • *

" A quoi peut bien servir l’hypnose ? "
J’ai parlé, au début de ce chapitre, des manifestations provoquées par les hypnotiseurs sur des sujets en état second. Fortement réprouvées par les spécialistes de la psychothérapie - qui les considèrent comme immorales et dangereuses - elles doivent cependant être évoquées car leur énumération fournit un éventail très large des extraordinaires effets de l’hypnose.
Pour le plus grand plaisir des spectateurs, les professionnels du spectacle :
?? font accomplir par leurs sujets les actes les plus intempestifs : courir, sauter, pédaler, perdre l’équilibre, marcher à reculons, boiter, lever les bras, applaudir, s’agenouiller, exécuter inlassablement et sans fatigue un geste tel que le " moulin " ou la rotation d’une main autour de l’autre, courir en rond, lancer ou lâcher un objet, bailler, ouvrir la bouche, crier, rire, pleurer, proférer des injures ou des grossièretés.
?? les amènent à éprouver et extérioriser toutes sensations et tous sentiments : crainte, joie, tristesse, dégoût, haine.
?? leur font jouer des rôles : par exemple celui d’un chef d’orchestre, d’un orateur, d’un champion, d’un homme politique, d’un artiste.
?? provoquent en eux toutes sortes de paralysies ou inhibitions: impossibilité de se lever d’une chaise, de décoller les mains d’une table, de desserrer les mains jointes.
?? pour couronner le tout, leur font des suggestions à effet différé, qui s’exécuteront alors que les sujets, parfaitement éveillés, n’auront plus aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant la séance. On peut préciser à cet égard, que certains chercheurs ont fait accomplir des suggestions post-hypnotiques, dans des délais allant jusqu’à une année après une séance. De plus, lorsque les suggestions comportaient un horaire précis, énoncé à une minute près, elles étaient exécutées avec une étonnante précision.

Il y a cependant encore plus spectaculaire : c’est le phénomène de la " catalepsie rigide ", très apprécié des chaînes de télévision qui en font souvent l’introduction d’émissions sur l’hypnose.
Sur suggestion appropriée, une partie du corps du sujet (bras, jambe...) ou le corps tout entier, acquiert une rigidité et une résistance analogues à celles d’une planche de bois dur ou même d’une barre d’acier. La démonstration est impressionnante : le sujet en catalepsie est placé horizontalement, nuque et chevilles reposant sur des dossiers de chaises.
Plusieurs personnes montent sur lui et sautent sur place; on empile ensuite sur ce corps inerte des objets d’un poids considérable, sans que se produise aucun signe de fléchissement ou de gêne.
Fin 1986, une chaîne de télévision a même montré un sujet en catalepsie, étendu sur des tessons de bouteilles, et supportant un madrier posé sur lui, que franchissait une motocyclette. Réveillé, le patient en pleine forme, montrait un corps totalement indemne de la moindre lésion, et même de banales écorchures. Plus récemment (le 5 janvier 1996) la chaîne TF1, dans son émission " Sans aucun doute ", a présenté un hypnotiseur, Dany Dean. Celui-ci a amené une jeune femme à l’état cataleptique. Placée selon l’habitude sur deux tréteaux, un parpaing déposé ensuite sur le corps, elle a supporté deux chocs, assénés à l’aide d’une masse maniée avec élan, qui ont brisé ce matériau. Immédiatement redressé le sujet souriant affirmait ne ressentir aucun malaise.































































CHAPITRE 3
HYPNOSE et THERAPEUTIQUES
Que les techniques hypnotiques puissent permettre d’obtenir chez des sujets des effets aussi spectaculaires que ceux décrits plus haut est déjà remarquable en soi. L’expérience montre que ce n’est cependant pas suffisant pour entraîner la conviction des sceptiques inconditionnels. S’il s’agit de scientifiques qui, pour admettre la réalité d’un phénomène quelconque estiment nécessaire d’avoir au préalable compris " comment et pourquoi ça marche ", le problème est souvent insoluble.
Et pourtant le génial Docteur Bernheim, dont j’ai souvent parlé, démontrait il y a plus de 150 ans que l’hypnose n’était que la banale application du grand principe " Toute idée suggérée tend à se traduire en acte ".
Ce savant est injustement tombé dans l’oubli. D’autres chercheurs, souvent presque autant ignorés aujourd’hui, ont pris la relève. Grâce à eux on sait maintenant, et j’estime que nul n’a désormais plus le droit de l’ignorer, non seulement que l’hypnose agit réellement et puissamment, mais que cette technique peut contribuer à la guérison de nombreuses affections et à l’amélioration de l’équilibre physique et psychique. Voici un tableau sommaire des résultats de ces recherches.

L’hypnose animale
Les animaux sont pratiquement incapables de jouer la comédie et de concevoir des mystifications. C’est pourquoi la meilleure façon de répondre aux ignorants qui continuent de croire que l’hypnose n’est qu’une technique de prestidigitation -donc une mystification- est de leur rappeler les expériences classiques faites sur des animaux.
Les sceptiques pourraient eux-mêmes les reproduire sans peine s’ils daignaient s’y exercer au lieu de les rejeter sans examen !
• En 1646 le savant jésuite italien Athanase Kircher s’amusait à tracer à la craie sur le sol, devant le bec d’un coq, une raie blanche : l’animal tombait en léthargie, couché sur le côté. Depuis lors de nombreux volatiles ont subi le même sort sans aucun dommage. Pour les réveiller il suffit de claquer des mains.
• Au XIX° siècle les naturalistes ont appris à en faire autant avec les cochons d’Inde (dont il suffit de tirer les oreilles) et avec les grenouilles (en leur caressant l’abdomen )
• Au présent siècle on sait hypnotiser des lapins, des cobayes, des crabes. Et on a compris que le principe de base de la technique est de placer l’animal sujet dans une situation, une position ou un environnement inhabituels qui détournent son attention, et d’agir sur lui de façon à focaliser cette attention sur une perception monotone et sans relief.
• Le physiologiste russe Pavlov, dont j’ai parlé à propos de sa découverte du réflexe conditionné, plaçait son chien en état d’hypnose en lui faisant écouter des notes de musique autres que le " la ". Il le ramenait à la conscience habituelle précisément en émettant la note " la ".

Les effets physiologiques de l’hypnose
Un de mes amis, le Docteur Gérard Ostermann - à l’époque où il exerçait au Centre hospitalier universitaire de Reims - a relaté dans un rapport (Hypno-sophrologie et cardiologie) qu’il a bien voulu m’autoriser à citer, toute une série d’expériences mettant en évidence les répercussions, sur l’organisme humain, de la suggestion d’efforts et d’émotions.
• Comme référence le Docteur Ostermann évoque d’abord les travaux du docteur Délius de Munster, en Allemagne : ayant placé par suggestion hypnotique des sujets dans des positions à forte charge émotionnelle (l’un vivant une discussion animée, l’autre un match de boxe), ce chercheur avait enregistré des augmentations considérables de leur tonus veineux.
• Ce sont ensuite les travaux du docteur Kuoppalsami de l’Université d’Helsinki qui ont consisté à comparer, sur 4 coureurs de compétition, le niveau de production de certaines hormones dans trois situations distinctes:
1. les sujets éveillés, allongés et immobiles
2. les mêmes faisant réellement une course à pied de 3 fois 100 mètres
3. enfin ces sujets, hypnotisés, avec la suggestion de l’accomplissement fictif de la même performance
• Ce chercheur avait ainsi constaté que les modifications des taux hormonaux obtenues dans l’effort suggéré fictif étaient sensiblement du même ordre de grandeur que dans l’effort réel.
• De son côté, le Docteur Ostermann travailla avec un sujet auquel il donnait la suggestion de la montée, à bicyclette, d’une côte de plus en plus forte. Procédant comme le Docteur Kuoppalsami, à une comparaison des taux hormonaux, en y ajoutant une étude des modifications significatives de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque, il put constater que par le seul effet de la suggestion d’un effort physique fictif, on obtient des modifications objectives significatives sur le comportement du système nerveux central et sur la fréquence cardiaque.

Il vérifia, au cours de ses expériences, la possibilité d’agir directement, sous hypnose, sur les battements du coeur du sujet : après avoir réglé un métronome sur la même fréquence que le coeur de celui-ci, et lui avoir suggéré que son coeur allait suivre exactement toutes les variations de fréquence du métronome, il accélérait et ralentissait effectivement la fréquence cardiaque en fonction des augmentations et diminutions du rythme du métronome.
On peut rappeler qu’au XIX° siècle le Docteur Beaunis s’était aperçu du même phénomène : ayant pris le pouls d’un sujet immobile, à l’état de veille, il obtenait, par simples suggestions verbales, sur le même sujet placé en transe hypnotique, un ralentissement de plus en plus marqué, au point même que les enregistrements sur sphygmographe montraient nettement un arrêt du coeur, que l’on faisait repartir par suggestions contraires, puis accélérer de plus en plus.
Dans le domaine des performances musculaires, il y a longtemps, que des expériences sérieusement menées et contrôlées à l’aide de dynamomètres - et plus récemment de bicyclettes ergométriques - ont établi qu’un entraînement approprié avec suggestion hypnotique permettait des améliorations spectaculaires. C’est pourquoi actuellement, beaucoup de médecins qui ne se posent plus de questions paralysantes, aident par la sophrologie des sportifs de haut niveau à améliorer leurs potentialités, au point de les faire triompher dans des compétitions. J’aurai l’occasion de développer plus loin cet aspect non négligeable de l’emploi de la suggestion bénéfique.
*
Il me semble utile maintenant de passer en revue, les effets des suggestions hypnotiques, sur la peau, l’ouïe, la sensibilité à la douleur et l’apparition des symptômes de maladies mis en évidence expérimentalement

Effets sur la peau:
On sait depuis longtemps que, par suggestion, on peut provoquer des phénomènes cutanés, qui vont de la simple rougeur jusqu’à ce qu’on appelle la stigmatisation.
Si l’on effleure très légèrement, du bout des doigts, l’avant-bras d’une personne en transe hypnotique, en lui suggérant qu’après son réveil apparaîtra à cet endroit une tache rouge, au moment annoncé on voit effectivement se dessiner en ce point précis une rougeur qui augmente peu à peu d’intensité et pourra persister jusqu’à 48 heures, si cela a été suggéré.
Par le même procédé on peut déclencher la formation d’une ampoule de vésication ou même d’une lésion présentant les caractéristiques de celles consécutives à des brûlures.
C’est ce qu’a réalisé le docteur Beaunis à l’aide de timbres-poste. Placés dans un premier temps 48 heures sur la peau d’une personne non conditionnée ils ne produisirent aucun effet. Posés ensuite après conditionnement hypnotique approprié ils firent apparaître, sous les timbres, des vésications bientôt suppurantes.
D’autres expérimentateurs ont employé ce procédé avec le même succès, en variant les stimuli : pièces de monnaie, bagues, lettres métalliques, allumettes, zones délimitées au crayon, sparadrap taillé selon des formes géométriques diverses.
En 1885, les docteurs Bourru et Birot ont tracé leurs noms sur les deux avant-bras d’une personne, en lui suggérant que, le soir à 16 heures, elle aurait des effusions sanguines le long des lignes dessinées; à l’heure annoncée les noms des deux praticiens apparurent en traits rouges constitués de gouttelettes de sang perlant à travers la peau.

Effets sur l’ouïe :
Il a souvent été constaté que, dans l’état second, l’acuité auditive de certains patients augmente spontanément, et peut même être encore améliorée par suggestion.
Il y a mieux : dans " les cahiers Laënnec " de juin 1965 a paru un compte-rendu dressé par Patterson-Bracchi-Spinelli et Black, d’expériences réalisées à l’aide d’un appareil de leur invention qu’ils avaient appelé " Polygraphe " (qui fut connu par la suite sous le nom de " détecteur de mensonge ", dans un usage judiciaire très controversé). Cet instrument enregistre simultanément chez un sujet l’électroencéphalogramme, les mouvements respiratoires, les battements du coeur, le réflexe psycho-galvanique, un audiogramme et des signaux divers.
• Le sujet est d’abord amené à éprouver à l’état normal, une sensation désagréable à l’audition de certains sons aigus. On observe alors ses réactions objectivées grâce à l’appareil. Par exemple ses sensations pénibles produiront une accélération des battements du coeur et des réactions neurovégétatives. On peut dire que, dans cette phase préparatoire, on réalise chez une personne en état habituel de conscience, une véritable névrose expérimentale.
• Ensuite on met le sujet en état hypnotique et on lui suggère d’être sourd aux sons aigus qui provoquent sa névrose. La consultation simultanée de l’audiogramme, de la courbe des battements de coeur et de celle des réflexes psycho-galvaniques, démontre que le sujet est effectivement devenu sourd, sélectivement sourd aux seuls sons aigus faisant l’objet de la suggestion.
Les auteurs de cette expérimentation estiment que, par l’effet de leurs suggestions ils ont provoqué une inhibition qui bloque les sons sélectionnés et les empêche de parvenir au cortex.

Effets sur les sensations:
La possibilité d’augmenter par suggestion, la sensibilité d’un sujet (hyperesthésie) ou au contraire de supprimer toutes sensations (anesthésie) est la combinaison des effets d’action et d’inhibition mis en évidence par les expériences analysées ci-dessus. C’est là un des avantages des techniques à base de suggestion hypnotique, susceptibles de rendre les plus grands services dans le domaine médical.
Pendant longtemps les interventions chirurgicales sont restées douloureuses, et dangereuses. Par suite de l’ignorance de l’asepsie et des désinfectants, 50% des opérés étaient voués à la mort. Beaucoup de malades, terrorisés à la perspective d’une intervention par les moyens barbares utilisés, préféraient supporter leur mal et en mouraient.
En 1829, c’est en France qu’eut lieu la première intervention chirurgicale sous ce que l’on appelait le " sommeil magnétique ". Les commentateurs rapportaient que la malade, opérée d’un cancer du sein, n’avait donné aucun signe de souffrance et s’était calmement entretenue avec le chirurgien.
C’est l’époque où, dans les mêmes conditions, se pratiquèrent de nombreuses extractions dentaires.
Tout cela fut sans lendemain, on devine pourquoi : unanimement, les membres de l’Académie royale de médecine condamnèrent ces pratiques comme " indignes du corps médical ".
C’est ainsi que le flambeau s’expatria.
Entre 1830 et 1840, le chirurgien écossais James Esdaile pratiqua, en Inde, plus de 2.000 interventions - dont 300 dans des cas de particulière gravité - en anesthésiant les patients à l’aide de techniques hypnotiques, supprimant ainsi, non seulement les douleurs opératoires mais, fait important, les hémorragies et les infections. Il réalisa ainsi de véritables exploits restés célèbres. On cite ainsi l’extraction chez un paysan d’une tumeur maxillaire qui descendait jusque dans la gorge. Le malade, qui avait été hypnotisé assis, restait conscient. Il conservait ses réflexes et tout particulièrement celui, essentiel en l’occurrence, de la toux qui évitait l’étouffement par le sang et la salive.
La découverte, vers le milieu du XIX° siècle, de l’anesthésie chimique donnant l’illusion aux corps médicaux d’avoir définitivement résolu le problème des douleurs opératoires, provoqua un rapide déclin de l’utilisation médicale de l’hypnose.
Elle ne fit sa réapparition qu’en 1920 en U.R.S.S, sous l’impulsion du savant Pavlov qui l’utilisa en obstétrique. Cette méthode d’aide à l’accouchement passa ensuite en Allemagne, puis aux Etats-Unis et, ultérieurement plus timidement, en France.
On considère qu’en ce domaine elle peut rendre de grands services, à condition d’être employée judicieusement. Il est essentiel que l’accouchée en état hypnotique collabore étroitement avec les médecins, de façon à pouvoir contrôler l’opération et à conserver la sensation de l’enfantement nécessaire à l’établissement de liens entre la mère et le nouveau-né. Si ces conditions sont réunies il est possible, grâce à l’hypnose, de réaliser le véritable accouchement sans douleur.
En matière chirurgicale il est vraiment regrettable que les avantages du recours à la suggestion hypnotique soient si peu connus. Il ne s’agit pas seulement, on ne saurait trop insister là-dessus, de la suppression de la douleur, mais essentiellement - pour le confort tant du chirurgien que du patient - de la limitation extrême des effusions de sang, de la suppression du choc opératoire et de la réduction immense des complications postopératoires.
La provocation de malaises et de symptômes de maladies
L’un des plus éminents chercheurs soviétiques, le professeur Paul Boule (L’hypnose et la suggestion clinique des maladies internes- Doin –1965) a démontré, dans le cadre du service baptisé " l’hypnotarium " de l’Institut de médecine de Leningrad (redevenue depuis Saint-Petersbourg) la possibilité de provoquer par hypnose, des malaises et des symptômes de maladies objectivement observables.
Il suggérait à un asthmatique mis en transe hypnotique qu’il serait l’objet de violentes crises lorsqu’après son réveil il entendrait prononcer le mot " Yalta ". Par la suite, au cours d’une conversation anodine, le savant prononçait négligemment le mot-clef déclenchant une réaction spectaculaire. Le plus étonnant était que, immédiatement radiographié, le patient présentait les signes caractéristiques, observables sur les poumons d’un asthmatique en crise. Ces signes disparaissaient instantanément dès qu’une suggestion contraire intervenait.
Le même chercheur a obtenu d’importantes modifications physiologiques au sein de divers organes de ses sujets. Leur suggérant la faim, la satiété, le dégoût, ou l’absorption de repas indigestes et gras, il constatait sur les radiographies et les analyses de suc gastrique et de bile, des modifications de la forme, de la position et du comportement de l’estomac, de la vésicule biliaire, et des autres organes digestifs. Ces modifications correspondaient de façon étonnante à celles observées lors de circonstances semblables réelles.
De même, expérience combien plus dangereuse, la suggestion d’une crise d’angine de poitrine, provoquait chez un malade une modification caractéristique de l’électrocardiogramme.
*
En résumé :
L’hypnose peut agir sur les animaux : ce n’est donc pas un mythe, une illusion, un " tour de magie ", un charlatanisme.
Les techniques hypnotiques permettent d’obtenir sur les êtres humains des effets physiologiques objectivement observables, et vérifiables à l’aide d’appareils et instruments, par la suggestion :
• d’émotions et efforts fictifs
• de modifications du rythme cardiaque
• d’augmentation des performances musculaires
• d’apparition sur la peau de marques de brûlures, de blessures et stigmatisations diverses
• d’inhibition de perceptions auditives
• d’hyperesthésie ou d’anesthésie (avec, en plus, dans ce dernier cas, la possibilité d’atténuer ou faire disparaître les hémorragies, les chocs et séquelles opératoires )
• de malaises et symptômes de maladies
• La conclusion logique peut se formuler ainsi :
L’hypnose peut agir en profondeur dans le sens dynamique aussi bien qu’inhibiteur, sur le psychisme comme sur le corps.
*
En avril 1965, lors du premier congrès d’hypnose et de médecine psychosomatique tenu à Paris, en présence de 500 spécialistes de toutes les branches de la médecine représentant 28 pays, le Docteur Erikson, un médecin américain, chef de file en hypnotisme, relatait une de ses expériences fascinantes :
Il avait été appelé par un confrère au chevet d’une malade qui, atteinte d’un cancer généralisé, souffrait énormément malgré de multiples piqûres de morphine. C’était un 26 février. Le médecin traitant ne donnait pas deux mois à vivre à sa patiente. L’intervention du Docteur Erikson comporta 3 séances et amena la malade à mourir paisiblement, en août, après avoir eu assez de force pour faire une dernière fois le tour de sa maison :
Il fallut d’abord capter l’attention de la malade, entièrement focalisée sur ses douleurs. Le praticien entre dans son jeu et lui annonce qu’il va encore plus la faire souffrir. Il provoque ainsi l’interrogation angoissée :" Pourquoi voulez-vous me faire mal ? " Réponse : " Pour vous aider ". Redoublement de plaintes; réitération des menaces Enfin: " Comment pouvez-vous m’aider ? " L’attention était donc bien captée. Sans répondre à la question, Monsieur Erikson lui suggère de façon lancinante qu’elle est étendue sur son côté gauche (ce qui est faux, puisqu’elle est recroquevillée sur son côté droit). Au bout d’une heure et demie, sans autre manoeuvre, la transe hypnotique est obtenue. Pour l’approfondir il suffit de suggérer à la malade qu’elle a accompli avec succès un retournement sur son côté droit. Le médecin peut alors engager avec elle un dialogue utile sur les étapes de sa maladie, ses états d’âme successifs, ses souffrances.
Il lui dit, en répétant plusieurs fois chaque phrase : " Il faut que vous fassiez quelque chose pour moi. .. Il faut que vous ressentiez une douleur terrible, à votre talon droit. ..Vous n’aimerez pas cela...Vous préféreriez cent fois que votre talon vous démange. ..Mais il faut absolument que vous ayez une douleur terrible au talon droit. .. ". Timidement la patiente dit : "Excusez-moi, je ne peux absolument pas ressentir de douleur au talon droit; par contre j’y éprouve une démangeaison ".
Réponse :"Puisque vous n’arrivez pas à réaliser une douleur au talon, vous pourriez à la rigueur y susciter un engourdissement ".
Comme elle n’avait pas réussi à souffrir, elle s’engourdit facilement..
Le Docteur Erikson avait ainsi utilisé avec succès la ruse bien connue des bons praticiens, qui consiste à demander le plus pour obtenir le moins. C’était après cela un jeu d’enfant de faire monter l’engourdissement progressivement, lentement, tout le long du corps.
Tout n’était pas encore gagné: il fallait un choc psychologique violent pour obtenir un résultat durable.
Ayant observé que la malade était très dévote et facile à choquer, il la brutalise grossièrement et injustement : " Enfer et damnation, quand avez-vous mangé un beefsteak pour la dernière fois? ".
Réponse indignée : " Comment voulez-vous que je puisse manger dans l’état où je me trouve ? ".
Relance grossière :" C’est pourtant une sacrée nom de Dieu de bêtise de ne jamais manger de steak! ".
Le Docteur Erikson expliqua qu’en lui parlant ainsi, il voulait éviter toute réponse négative ou hésitante à propos de nourriture.
Il voulait qu’elle concentre sa répulsion sur son langage Elle finit par dire " Au fond je crois que je pourrais en manger un. ... ". Cessant de blasphémer il put continuer la consolidation de l’engourdissement, en laissant toutefois, au sein droit, une zone grande comme une petite pièce de monnaie, où elle devait ressentir une démangeaison de la même nature que celle provoquée par une piqûre de moustique.
Nouvelle ruse destinée à provoquer l’interrogation décisive : " J’aimerais que vous enleviez cette démangeaison comme vous avez enlevé celle du talon, après avoir déjà enlevé ma grande douleur ". Réponse: " Excusez-moi ! Je peux vous enlever totalement toute douleur. Je puis vous assurer que vous ne souffrirez plus jamais. Mais je ne peux ôter la piqûre de moustique ". Il était en effet nécessaire, pour écarter la sensation douloureuse, d’y substituer un petit désagrément. La séance qui avait duré 4 heures se termina par un réveil provoqué, après la suggestion du souvenir de tout ce qui
était agréable dans l’entretien, notamment la disparition de la douleur, mais de l’oubli de tout ce que le médecin avait dit de choquant.
Si j’ai choisi cette relation d’un mode opératoire, parmi des milliers d’autres cas, c’est qu’il me semble illustrer tout particulièrement, d’une part la maîtrise qu’un bon médecin hypnotiseur doit posséder à la fois de la médecine, de la technique hypnotique, mais aussi de la psychologie, d’autre part la nécessité de réaliser une action personnalisée, en utilisant la technique la plus adaptée au cas de chaque sujet.
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Au même congrés international de 1965, le Professeur Kroger, l’un des plus éminents spécialistes de l’époque en hypnotisme, projeta deux films tournés aux Etats-Unis.
L’un d’eux se rapporte à une expérience d’accouchement. On y voit le Docteur Kroger procéder, plusieurs mois avant, à des exercices d’insensibilisation partielle du corps du sujet. La séquence de l’accouchement est ensuite montrée. La patiente ne ressent visiblement aucune douleur sauf, lorsque pour bien montrer qu’elle est sous influence hypnotique, le praticien lui suggère de revenir à l’état habituel de conscience. Elle éprouve alors nettement les mêmes douleurs que toute femme en couches; mais se retrouve à nouveau totalement anesthésiée dès que lui est faite la suggestion appropriée.
Le second film concerne une femme qui doit subir l’ablation de la glande thyroïde. On assiste au même processus : après des séances préalables d’insensibilisation sous hypnose, comportant des simulacres de l’intervention, on constate que celle-ci se déroule sans problème et sans douleur pour la patiente. La plaie ne saigne pas. Avant de réveiller l’opérée, on lui suggère qu’elle n’aura pas d’hémorragie, qu’elle ne souffrira pas du cou, qu’elle avalera facilement, ne vomira pas et cicatrisera rapidement. On la voit ensuite se lever et descendre elle-même de la table d’opération, aussi naturelle que si rien ne s’était passé.

A travers ces exemples on voit que la technique hypnotique permet une mobilisation efficace de toutes les forces de résistance et de lutte de l’organisme du malade. Cela n’a rien de miraculeux : chacun de nous a été doté par la nature de moyens de réaction contre la maladie. Ces processus naturels ne peuvent jouer que sur un terrain favorable. Dès lors qu’un malade subit des souffrances intolérables, ne dort plus, ne s’alimente plus, et finit par se laisser envahir par la résignation, il cesse de combattre. Par l’hypnose on supprime les douleurs, on rend au malade le sommeil, l’appétit et le désir de réagir. On lui apprend à s’assumer, à connaître son corps, à mobiliser toutes ses forces potentielles de réaction afin de les utiliser au mieux pour rétablir l’équilibre perdu, symbole de la santé.
Cette approche médicale nouvelle pourrait compléter harmonieusement la médecine traditionnelle. Ne s’attaquant qu’au symptôme dans un cadre de spécialisation à outrance des praticiens, et utilisant un arsenal chimiothérapique de plus en plus complexe et diversifié, celle-ci est incapable de traiter l’homme, en profondeur dans sa totalité. Les médicaments utilisés créent souvent - par exemple dans les traitement cortisoniques de longue durée - des intoxications génératrices de véritables maladies qui se substituent à celles combattues.

L’hypnose est la thérapeutique la plus naturelle, et ses ressources sont immenses, aussi bien comme moyen sui generis que comme amplificateur de l’action d’autres remèdes.
Aussi peut-on estimer qu’il ne s’agit ni d’un " remède de bonne femme " ni d’une pratique charlatanesque. C’est bien un authentique et incomparable moyen de lutte contre la maladie : on est encore loin d’en avoir découvert toutes les possibilités.
Cependant, ce n’est pas une panacée, comme le croyaient certains pionniers. L’hypnose a un domaine d’élection dans lequel elle agit, non seulement par la levée des symptômes mais, bien mieux, par des améliorations spectaculaires pouvant aller parfois jusqu’à la guérison. Elle peut avoir effet sur les troubles fonctionnels mais aussi - fait apparemment incroyable, explicable lorsque l’on considère les étroites interactions entre le corps et l’esprit- sur certains troubles d’origine microbienne et virale. On a dit à ce sujet qu’elle agit comme un " amplificateur " des ressources physiologiques naturelles.
*
Les verrues ont de tous temps constitué un exemple, mis en avant par les praticiens de l’hypnose, de guérisons directes assurées dans 80% des cas; et d’autant plus étonnantes que ces excroissances gênantes et disgracieuses sont causées par un virus.
Depuis Mesmer, le pionnier de la thérapie par suggestion, on ne compte plus les guérisons de dermatoses variées: urticaires, eczémas, herpès et autres maladies de peau.
Dès la première moitié du XIX° siècle, on signale la guérison par Elliotson d’un impétigo (affection caractérisée par la formation de vésico-pustules suivies de croûtes jaunâtres tombant sans laisser de cicatrices ) et d’un psoriasis (dermatose se manifestant pas l’apparition de plaques, plus ou moins étendues, formées de squames sèches et blanches reposant sur une surface vernissée, lisse, piquetée de rouge, entraînant souvent des démangeaisons ).
A la fin du même siècle le Docteur Osgood de Boston a guéri des eczémas (maladie de peau d’hérédité indirecte, caractérisée par des nappes de rougeurs d’étendue et de forme variables, avec formation de vésicules suintantes puis de croûtes suivies de desquamation ).

• L’un des cas signalés se rapporte à un jeune homme de 17 ans, atteint depuis l’âge de 18 mois d’un eczéma couvrant les avants-bras, l’abdomen et les jambes, s’accompagnant de démangeaisons insupportables empêchant tout sommeil et rebelle à toutes médications
• Osgood l’ayant mis en transe hypnotique lui suggéra la disparition des démangeaisons, de l’insomnie et de l’éruption. Après 15 séances quotidiennes, l’eczéma avait disparu et il ne reparut qu’une seule fois par la suite, pour disparaître, cette fois définitivement, après une seule séance.
Dans toutes les maladies de peau l’hypnose constitue une thérapie spectaculaire.

Il existe une affection particulièrement éprouvante pour ceux qui en sont atteints, connue sous le nom d’ichtyose (nom médical : erythrodermie ichtyosiforme de Brocq). A l’exception du visage, du cou et de la poitrine, les malades ont le corps recouvert d’écailles épidermiques plus ou moins épaisses; la peau a ainsi l’aspect des téguments des poissons ou de la peau d’éléphant. Les squames sont rugueuses, dures, et pourtant fragiles. Elles n’adhèrent à la peau que par un de leurs points, tombant et se renouvelant sans cesse. C’est une infirmité congénitale réputée inguérissable, enlaidissant ceux qui en sont atteints. Par contrecoup ils sont complexés et souvent asociaux.
En 1950, un jeune médecin anglais le Docteur A.A.Mason fit le pari avec ses confrères, d’agir avec une efficacité inhabituelle sur un cas d’ichtyose, en utilisant la technique hypnotique.

• Il avait choisi un sujet âgé de 15 ans particulièrement atteint, recouvert de squames de la tête aux pieds. Pour s’entourer de toutes les garanties - et se mettre à l’abri de toutes contestations - il avait obtenu la constitution d’une commission de contrôle, ayant pour mission d’étudier le patient et son dossier, et de tracer arbitrairement un parcours selon lequel elle désirait voir cheminer la guérison (par exemple main droite, puis bras, épaule, côté droit.. ...)
L’expérience eut lieu à l’hôpital d’East Grinstead (banlieue de Londres) et fut constatée par une série de photographies. Le schéma de la guérison fut le suivant.
• Après 5 jours : desquamation quasi-complète du bras gauche.
• Après 10 jours: peau du bras gauche entièrement saine.
• Après 1 mois : bras droit, jambes, torse presque entièrement nettoyés.
• Après 120 séances : circonscription de la maladie sur 30% des régions atteintes, réinsertion normale du malade dans la vie sociale.
• Après 4 ans l’amélioration persiste.
Cette expérience fit sensation en Angleterre. Elle fut l’une des circonstances ayant présidé à la reconnaissance officielle relatée plus haut, de la thérapie hypnotique dans ce pays.
Au cours du congrès d’hypno-sophrologie tenu à Paris le 14 mars 1976, le Docteur Tolstoï (petit-fils du célèbre écrivain russe) rapporta la guérison d’un cas de psoriasis très grave, intéressant tout le corps d’un homme de 40 ans.
• Ce malade avait consulté plus de 30 médecins et essayé sans succès toutes sortes de thérapies. Les techniques hypnotiques courantes avaient également échoué. Le praticien avait alors eu l’idée d’adopter une technique originale, combinant :
• les suggestions " douche écossaise " (lourdeur... puis légèreté; froid... puis chaleur; enflure... puis amincissement...)
• celles tendant à la relaxation
• et, surtout, un apprentissage de l’auto-hypnose. Après chaque séance il remettait au malade une cassette de magnétophone qui l’aidait, chez lui, à se placer lui-même en état de relaxation, et à bénéficier des suggestions préenregistrées par le médecin.
• En deux ans, les squames avaient disparu et la peau s’était éclaircie.
Parmi les autres cas relatés par ce chercheur, on peut retenir celui d’une personne en état de " mal asthmatique " (ce qui est le degré maximum de la crise d’asthme et peut conduire à la mort).
Il avait pu opérer efficacement sur elle, après avoir constaté que son mal était en relations directes avec une névrose d’angoisse, qu’un traitement psychanalytique n’avait pu même atténuer. En quelques séances hypnotiques judicieusement conduites, la malade était à ce point améliorée que son affection était devenue insignifiante.
En ce qui concerne le rhume des foins, le Docteur Tolstoï avait appris en Angleterre une approche thérapeutique intéressante :
• on commence par suggérer au malade qu’il se trouve en crise, dans un champ de graminées en fleurs;
• on arrête, par une contre-suggestion, le violent rhume ainsi artificiellement déclenché.
• au cours de séances ultérieures, on désensibilise peu à peu le patient, en alternant la suggestion de se trouver dans un désert sans végétation, et celle du champ de graminées
Le succès est assuré pratiquement dans tous les cas.

Le Docteur Paul Boule passe en revue dans son livre les innombrables cas traités dans les " Hypnotariums " : asthme, hypertension artérielle, ulcères, angine de poitrine, folies, affections dites " iatrogènes " (provoquées par certains traitements ou des propos maladroits de médecins) etc... Le secret de ces établissements est de procurer aux malades successivement, un sommeil hypnotique avec suggestions appropriées puis un sommeil physiologique prolongé.
On provoque ainsi, par les procédés les plus naturels qui soient - sans l’utilisation de moyens chimiques comme en médecine classique - de " véritables cures de sommeil "
Selon les journalistes Henri Gris et William Dick (Les nouveaux sorciers du Kremlin –Tchou-1979)- qui avaient fait une vaste enquête sur ce sujet - Saint-Pétersbourg avait le privilège de posséder non seulement un hypnotarium réputé, mais une policlinique utilisant les mêmes méthodes, réservée aux enfants.
Voici quelques exemples donnés par ces auteurs :
Dans l’hypnotarium, des milliers de guérisons conduites par les techniques hypnotiques sont relevées dans les cas les plus variés : alcoolisme, toxicomanie, frigidité, calvitie. On cite entre autres ceux-ci :
• une jeune femme mourant de malnutrition sans aucune trouble, personne ne s’étant douté auparavant qu’elle était à tort, persuadée de souffrir d’un cancer de l’estomac;
• un diabétique rendu insensible à l’insuline par des conflits émotionnels;
• une femme, devenue asthmatique à la suite de la mort de tous les membres de sa famille dans un tremblement de terre;
• une comédienne défigurée dans une grave chute, traumatisée par les conséquences de cet événement sur sa carrière, et sujette à une boulimie accompagnée de soif inextinguible et de diabète(des suggestions hypnotiques appropriées, couplées à un traitement par chirurgie esthétique, lui permirent de retrouver santé et carrière ),
• Dans la policlinique n°26 pour enfants employant 7 médecins - chacun s’occupant de 40 à 50 enfants - on notait aussi de nombreuses guérisons dans des cas très variés : énurésie, asthme, phobies, tics etc..

Cet établissement excellait tout particulièrement dans le traitement du bégaiement, source de graves problèmes relationnels
On citait, lors du congrès de 1976, le cas d’un enfant qui ne parlait plus depuis l’âge de 6 ans, vivait dans l’isolement et avait pris un retard scolaire considérable. De multiples examens n’avaient rien permis de déceler d’anormal en lui. De nombreux traitements avaient été essayés sans succès. Dès la première séance d’hypnose, on s’aperçut qu’il avait bégayé jusqu’à 6 ans et avait tellement souffert de ce défaut - qui donnait prise à toutes sortes de moqueries et de brimades - qu’il avait fini par se bloquer. Au bout de 4 semaines d’un traitement conjugué par hypnose et orthophonie, il était redevenu capable de parler. Son bégaiement persistait, mais il avait été entraîné à ne plus être sensible aux moqueries et à reprendre confiance en lui. Cependant les médecins continuaient à s’occuper de lui, estimant que le bégaiement avait sa source dans un traumatisme plus ancien.
La technique de guérison du bégaiement consiste, dans un premier temps à rechercher, sous hypnose, la cause traumatique de ce problème. Et dans un second temps, à effacer du subconscient du patient tout souvenir de l’incident déclencheur :
A la suite d’une violence scène de ménage entre ses parents, une jeune fille s’était mise à bégayer. Guérie par hypnose, elle avait rechuté après un autre traumatisme : une camarade, jalouse de sa liaison avec un jeune homme qu’elle-même convoitait, s’était jetée sur elle, lui avait déchiré ses vêtements, et l’avait méchamment traitée de " bégayeuse ". Il fallut 10 nouvelles séances pour la guérir à nouveau.
*
Un domaine où l’utilisation des techniques hypnotiques peut paraître inattendu est la kinésithérapie. Au cours du congrès de 1976 un jeune praticien de cette spécialité paramédicale, Marc Brodin, faisant un rapport sur sa pratique professionnelle affirmait que, par hypnose il avait obtenu dans de nombreux cas, des rééducations d’une rapidité et d’une efficacité spectaculaires.
L’exemple type cité était celui de l’orthopédie. En cas de fracture il est d’usage de laisser le patient sous plâtre pendant plusieurs semaines sans intervenir. Ensuite, comme la partie plâtrée s’est ankylosée et atrophiée pendant son immobilisation, on doit soumettre le patient à des exercices pénibles, par l’emploi de toutes sortes d’instruments : haltères, bicyclette ergométrique, poids suspendus au bout des membres. ..
Mais, si tout au long de la période d’immobilisation le blessé est soumis à des séances d’hypnose - au cours desquelles on lui donne des suggestions tendant à assurer une circulation sanguine normale, et à maintenir la chaleur et la souplesse du membre - on évitera à la fois le blocage des articulations et la fonte musculaire. On a la surprise de constater après le déplâtrage que le malade recouvre très rapidement l’usage du membre fracturé.
Monsieur Brodin ajoutait que la même technique donnant à la kinésithérapie une dimension nouvelle, trouvait son application dans nombre d’autres domaines, notamment la rhumatologie, l’insuffisance respiratoire et les troubles de la circulation sanguine.
*
J’ai cherché jusqu’ici à donner des cas typiques d’utilisations médicales et paramédicales des techniques hypnotiques, sans avoir pour objectif, dans cette étude qui n’a pas la prétention de constituer un traité d’en donner une liste exhaustive.
Il est temps de faire le point sur l’évolution de ces utilisations.
En ce domaine on ne peut s’empêcher de penser à Thomas FIENNUS célèbre médecin du XVII° siècle qui, dans son livre "de viribus imagionis " jetait l’anathème sur un certain Pomponat, autre médecin de son temps. Celui-ci, dans sa propre oeuvre " De incantationibus ", n’avait-il pas eu l’audace sacrilège d’écrire:
" Des malades guéris miraculeusement, en vénérant des reliques de saints, auraient aussi bien pu trouver la guérison, si l’on avait exposé à leur adoration des os de chien"
et d’en déduire que :
" La simple parole suffit pour guérir les maladies "
C’était là une évidence qui commence à peine à faire son chemin en cette fin de siècle pourtant considéré comme éclairé.
Le souvenir du courageux visionnaire que fut Pomponat s’est effacé depuis longtemps. Mais les émules de Fiennus continuent à sévir partout.
Quelques exemples le montrent :
Dans les années 1980, le Docteur Chertok éminent praticien français spécialiste de l’hypnose - dont les travaux sur la douleur me semblent d’une importance digne du plus grand intérêt - avait accepté, au cours d’une émission télévisée, d’exercer une hypnotisation anesthésiante sur un malade subissant une intervention chirurgicale pratiquée par le docteur Tubiana. Le lendemain, un collègue qu’il croisait dans les couloirs de son hôpital, dit au docteur Chertok: " Bravo pour votre émission, mon cher. C’était très bien. A moi vous pouvez bien le dire, comment l’avez-vous endormi, votre malade ? C’était quoi votre truc ? ".
Nous sommes maintenant en 1996. Rien n’a changé.

Le 4 avril, sur la chaîne de télévision Antenne 2, dans le cadre de l’émission " Envoyé spécial ", Anne- Corinne Moraine raconta qu’au cours de son enquête sur les utilisations actuelles de l’hypnose en médecine, ayant demandé à un anesthésiste français ce qu’il pensait de l’hypnose, elle avait recueilli cette stupéfiante réponse :" Eh bien, pour moi, l’hypnose c’est Gérard Majax " (Il faisait ainsi allusion à un très médiatique prestidigitateur).
En fait, à travers tous les livres, les articles et les émissions télévisées se multipliant actuellement, on constate que le corps médical français continue à manifester à l’égard des utilisations des techniques hypnotiques - comme complément thérapeutique ou anesthésiant - une méfiance voire un dédain, que la plupart des médecins étrangers ont transcendé depuis longtemps. Cette désaffection qui perdure depuis plus d’un siècle est attribuée à plusieurs causes.
Les uns y voient une résurgence du scandale né au XIX° siècle de la mystification dont fut victime à l’hôpital de la Salpétrière à Paris, le Docteur Charcot. Un certain nombre de femmes, ayant appris que ce chercheur rémunérait les personnes acceptant de lui servir de sujets pour ses expériences d’hypnose, n’avaient pas hésité à feindre l’état de transe.

Lorsque la supercherie fut découverte, l’ensemble du corps médical se sentit éclaboussé. Et, comme souvent en France un excès dans un sens est suivi d’un excès dans le sens opposé, c’est la technique hypnotique qui fit les frais de l’opération.
D’autres pensent que les progrès de la chimiothérapie ont fait perdre à l’hypnose son intérêt, surtout en matière d’anesthésie.
Il en est qui considèrent que Freud, en abandonnant l’hypnose ( pour des raisons encore controversées, après l’avoir longtemps utilisée) et en inventant la psychanalyse, a accéléré par son exemple, le mouvement de balancier qui a rejeté l’hypnose dans les oubliettes.
Selon moi, si ces circonstances ont sans doute joué un rôle dans cette histoire, le principal élément à retenir est le conformisme. On pratique ce que l’on a appris, dans la mesure où nos enseignants nous l’ont appris. Mais l’hypnose, et les techniques qui en découlent, ne font l’objet ni d’une reconnaissance légale ni d’un enseignement officiel en France.

Les praticiens courageux qui veulent aller au-delà de ce qu’on leur a officiellement enseigné, doivent s’adresser soit à l’Institut français d’hypnose, soit à l’Institut Milton Erickson, soit à la Société française de sophrologie, soit encore Outre-Manche, soit à d’autres pays européens.
Or l’hypnotisme est entré, par la grande porte, dans les universités et les hôpitaux anglo-saxons. La " British Medical Association ", équivalent anglais du Conseil national de l’ordre des médecins français, sous la pression de l’opinion publique (on en est encore loin dans notre pays) a nommé dès novembre 1953, une sous-commission d’étude de l’hypnotisme sous la présidence du Professeur T.Ferguson de Londres et du Professeur Alexander Kennedy d’Edimbourg.
Ce qui est tout particulièrement pittoresque dans cet événement, c’est que l’une des motivations du mandatement de la commission d’étude était le déficit de la sécurité sociale, l’hypnotisme apparaissant comme une thérapie peu coûteuse.

Pour faciliter ses recherches, les médecins avaient été invités à s’initier à l’hypnotisme et à faire part de leurs résultats. Les Anglais, disciplinés et pragmatiques, avaient accepté sans réticences, la lourde charge d’une initiation et d’une pratique inhabituelles pour eux. Une année après le début des travaux de la commission, un nombre incroyable de médecins anglais, que l’on disait voisin de la moitié du contingent médical, étaient en mesure d’utiliser l’hypnotisme dans leur pratique courante.
Les conclusions véritablement révolutionnaires du rapport de cette commission, publiées en avril 1955 furent si favorables, que l’hypnose fut immédiatement intégrée dans l’arsenal thérapeutique officiel, pratiquée dans tous les hôpitaux et enseignée dans toutes les Facultés, à égalité avec les autres disciplines.
Pour la British Medical Association l’hypnose était ainsi reconnue comme une thérapie efficace et peu coûteuse.

La Grande-Bretagne avait été précédée dans cette voie par l’U.R.S.S.,et y fut suivie par la plupart des pays de langue anglaise (Etats-Unis, Canada, Australie).
Ainsi les progrès de l’adoption des techniques hypnotiques comme complément, et parfois substitut thérapeutique, ont connu un véritable effet " boule de neige " dans tous les pays anglo-saxons et en Russie. Ils sont rapides dans certains pays européens, notamment la Belgique, la Suisse, l’Allemagne.
En France par contre, le sujet reste encore tabou : il " sent le soufre ", il " fait peur "; il donne l’impression d’être considéré comme dérisoire par rapport à la psychanalyse dont l’hégémonie ne permet pas la recherche d’autres alternatives. Et puis le monde médical est assez sceptique dans son ensemble quant à la possibilité d’une action positive de l’esprit sur le corps. Aussi la progression de l’emploi des techniques à base de suggestion hypnotique y est-elle d’une extrême timidité. C’est ce qui a été fort bien mis en évidence par des publications (et tout particulièrement les oeuvres du Docteur Charles Jousselin ( Docteur Charles Jousselin : Hypnose sur ordonnance -Ellebore-1995 - - Jean Becchia et Charles Jousselin :Nouvelle hypnose -La méridienne –1995) et des reportages télévisés tels que ceux intitulés " Hypnose sur ordonnance " réalisés sur la chaîne France 2, l’un le 2 mars 1996 par François de Closets et Martine Alain-Regnault, l’autre le 4 avril suivant par Anne-Corinne Moraine et Jean-Yves Gauchard.

Dans notre société, on constate en ce domaine l’un de nos nombreux paradoxes nationaux. Les techniques hypnotiques sont loin d’être entrées dans l’orthodoxie nécessaire pour leur enlever leur caractère marginal. Aussi ne peuvent-elles être
considérées comme inhérentes à la médecine; d’où un foisonnement de charlatans de tous bois qui, faute de connaissances médicales et souvent aussi faute de scrupules, risquent de faire des ravages : il ne faut pas oublier que l’utilisation de l’hypnose demande avant tout de la compétence et du doigté. Elle peut présenter de grands dangers pour des malades traités maladroitement et quelquefois totalement et inconsidérément écartés des thérapies classiques.
Mais, faute par la médecine officielle de s’en préoccuper, le législateur se contente de laisser le soin aux tribunaux de faire application de la législation réprimant l’exercice illégal de la médecine, ce qui est d’autant plus insuffisant pour lutter contre les charlatans, que ce sont précisément les poursuites judiciaires, qui constituent pour eux la meilleure publicité !

Heureusement des débuts d’officialisation se sont produits à l’hôpital de Caen (service de psychiatrie du Docteur Jean Martin Diener ), à l’hôpital du Belvédère à Rouen (accouchement sans douleur préparé par Yves Halfon, Psychologue). A l’Hôpital Ambroise Paré de Boulogne, près de Paris, des séances d’hypnose, remboursées par la Sécurité sociale, sont proposées dans des cas variés : maux d’estomac, urticaire, boulimie, et certaines formes de migraines. Un service y est tout spécialement consacré au traitement des douleurs intenses. Le Docteur Jean Marc BENHAIEM, qui en est le chef, récemment interviewé (" HYPNOSE MEDICALE : LE CHOIX DES MOTS - Mensuel " Alternative Santé L’impatient " N° 247 – Juillet-Aout 1998), déclarait :
" Notre travail est d’aider les malades à modifier leur comportement, à imaginer et créer une stratégie, pour contourner la souffrance, s'en protéger ou y faire obstacle "
De tels exemples sont assez remarquables pour constituer des incitations riches en perspectives, à une époque où l’on commence enfin à se préoccuper du traitement de la douleur, et aussi des soins palliatifs.

Autre signe encourageant les chirurgiens-dentistes portent un intérêt grandissant à l’hypnose, s’avérant pour les enfants et certaines personnes victimes de blocages irréductibles, un moyen incomparable de supprimer le stress et de contourner les douleurs.
Maintenant l’hypnose commence à être considérée, non plus comme une emprise autoritaire d’un praticien sur un patient, mais comme un véritable " jeu de rôles " où chacun conserve le contrôle de lui-même. Rien n’est directement suggéré; tout s’opère par des métaphores, des schémas, des images, destinés à mobiliser l’imagination du sujet dans le sens de ses tendances, ses goûts, ses préférences.
Nous verrons que, dans cette optique, les techniques hypnotiques ont hérité des avantages de la sophrologie, thérapie douce par excellence, mise au point par Alfonso Caycedo.

Dans nombre de cas, les hypno-thérapeutes apprennent aux malades à gérer leur problème eux-mêmes, en leur enseignant l’auto-hypnose.
Enfin, gage prometteur pour l’avenir, on peut remarquer que les jeunes médecins sont plus facilement intéressés par l’hypnose que leurs aînés.
Reste à espérer que les médias apprennent à ne plus considérer comme des " grandes premières " les actes médicaux ou chirurgicaux accomplis sous hypnose, comme ce fut le cas récemment pour une extraction de calculs biliaires, réalisée à l’Hôpital Saint-Julien, dans la Haute-vienne.














































• CHAPITRE 4
AUTO-HYPNOSE et SOPHROLOGIE
" La réalisation la plus transcendantale de l’homme serait la conquête de son propre cerveau "
Santiago Ramon Y Cajal
La volonté, que nous revendiquons si fièrement cède toujours le pas à l’imagination "
Emile Coué
( La maîtrise de soi-même par l’auto-suggestion consciente-Oliven –1970)

Emile Coué, génial précurseur
Considérant les risques et les inconvénients de devoir se placer sous la domination et le contrôle d’autrui, pour pouvoir bénéficier des avantages de la suggestion, nombreux sont ceux qui rêvaient dès le XIX° siècle de trouver le moyen de se passer d’un opérateur.
L’honneur revint, au début de notre siècle, au pharmacien Emile Coué de découvrir une méthode dite d’autosuggestion consciente.
Emile Coué, si souvent méprisé par les scientifiques, brocardé par les amuseurs publics, était un précurseur génial mais modeste, désintéressé et tout dévoué à l’amélioration des conditions d’existence de ses semblables.
D’une extrême lucidité, il fut le premier à étudier rationnellement l’influence physiologique de l’imagination et de la suggestion, et à déduire de ses réflexions une méthode concrète permettant à tout homme d’apprendre à gérer ses ressources naturelles,donc à se prendre en charge dans une perspective de mieux être.
Comme pour toutes les découvertes le processus suivi par Coué semble évident : il constate que si un homme marche le long d’une planche étroite mais posée sur le sol, tout va très bien; si la même planche est surélevée par rapport au sol, son imagination lui représente la chute et la provoque ( rappelons-nous Bernheim : " toute idée suggérée tend à se traduire en acte "). Ainsi la crainte de percuter un arbre, lorsqu’ils apprennent à monter à bicyclette, dirige certains infailliblement vers lui. De même celui qui souffre, souffrira encore plus s’il se concentre sur sa douleur et désespère de la voir disparaître. Et celui qui se dit : " je suis incapable de réussir mon examen ", aura de grandes chances de courir droit à l’échec.
Ayant observé ce phénomène quotidien, Coué pense à l’utiliser pour produire des effets bénéfiques : si concevoir le pire, me conduit à la réalisation du pire, pourquoi, en concevant le meilleur, ne réaliserais-je pas le meilleur ?

D’où la célèbre formule :
" Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux "
et la méthode,ainsi simplifiée :
• • • Je prends conscience de mon problème.
• Je me suggère le changement et je m’en imprègne.
• Je laisse agir mon inconscient.
• Le changement apparaît et j’en prends conscience.
• Et ainsi " tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en.mieux "
• Incontestablement cela marche : grâce à cette méthode toute simple, on obtient des résultats spectaculaires, pouvant aller de l’amélioration immédiate jusqu’à la guérison définitive, même d’une affection grave.
Comment cela peut- il se produire ? Suffit- il de dire, comme on le fait habituellement, que " l’effet Coué est la réalisation inconsciente de l’idée ", pour rendre compte du mécanisme du phénomène dans son ensemble ?

Une explication qui me paraît remarquable fut donnée en ces termes par mon défunt ami Monsieur André Dumas ( La science de l’âme -Dervy-1973) au cours du 3° congrès international d’hypnopédie et de suggestologie, tenu à Paris les 27 et 28 mai 1978.
• " A l’heure où certains physiciens atomistes n’hésitent pas à attribuer à l’atome une sorte de conscience, je ne crois pas trop m’avancer en comparant les cellules de notre corps à de petits êtres élémentaires doués d’un psychisme rudimentaire, et en affirmant que tout se passe, comme si la " formule-programme " de Coué " chaque jour, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux " constituait un véritable ordre de mobilisation générale à toutes nos cellules, invitées à se conformer au programme, à orienter leur activité dans une certaine direction, comme le flux magnétique de l’aimant oriente les molécules d’une pièce de métal. C’est pourquoi l’optimisme et les pensées positives ont une influence si importante sur la santé physique et mentale. La confiance et l’enthousiasme mobilisent chaque atome, chaque cellule, chaque organe, vers un but précis, la santé, l’équilibre, la victoire sur les éléments négatifs et perturbateurs. Si, au contraire, l’individu laisse s’installer dans son mental des images et des idées négatives, la crainte, le pessimisme, il détermine dans tout son organisme une vague de défaitisme; chaque cellule, chaque organe est invité en quelque sorte à abandonner son poste, sa fonction, son rôle dans l’économie générale de l’organisme ".
*

Le Training autogène de Schultz
La méthode Coué permet une mobilisation, de tous les instants, des forces positives dont chacun de nous dispose, en vue d’assurer un rééquilibrage permanent face aux difficultés de l’existence, aux stress subis quotidiennement, aux problèmes de santé, famille et société.
De nombreuses méthodes tendant aux mêmes buts ont été mises au point depuis lors, à l’intention de personnes éprouvant le besoin de disposer de techniques élaborées.
La plus connue est le " Training autogène " de Schultz (J.H. Schultz : Le training-autogène P.U.F. –1958)
. Mise au point entre 1926 et 1932, cette méthode est directement inspirée de l’hypnose dont elle ne diffère que par l’absence d’opérateur. La suggestion ne vient plus de l’extérieur du sujet mais de lui-même.
Comme rares sont ceux qui possèdent de façon innée la possibilité de se mettre en transe hypnotique, un cursus long, et gradué, s’impose.
• Quotidiennement, au cours de deux à trois séances (mais jamais plus) on doit suivre un programme comportant 6 exercices, dont chacun s’ajoute aux précédents lorsqu’on a acquis la maîtrise de ceux-ci Adoptant à cet effet la position qui lui convient le mieux, chacun peut en changer s’il le désire d’une séance à l’autre, ou au cours d’une même séance
• • • assis confortablement, bras reposant naturellement,pieds bien à plat sur le sol, jambes légèrement écartées
• couché, nuque bien soutenue, bras allongés le long du corps,pieds légèrement tournés vers l’extérieur
• ou assis " en cocher de fiacre ", tête en avant, tronc affaissé,avants-bras reposant sur les cuisses, mains pendantes.
• Il ne s’agit là que de propositions, chacun choisissant selon ses habitudes, ses possibilités et ses forces.
L’entrainement peut durer, selon les sujets, de 2 à 6 mois

Voici la liste sommaire des 6 exercices :
1- La lourdeur :On se laisse envahir par une sensation de calme, en s’aidant à la fois de la phrase prononcée intérieurement " Je suis tout à fait calme ", et d’une visualisation personnelle adaptée (bord de mer avec bruit de vagues,prairie avec chants d’oiseaux, montagne ou forêt. ...)On se dit alors : "mon bras droit (ou gauche) devient lourd ". Quand on ressent effectivement la sensation de lourdeur, on se détend; puis on recommence avec l’autre bras. Après plusieurs jours de cet exercice, on passe à la lourdeur des deux bras; puis des deux bras et jambes; puis de tout le corps.
2- La chaleur :Après avoir rapidement accompli la première phase, on se dit :" mon bras droit (ou gauche ) devient chaud ". Quand on ressent effectivement la chaleur, on se détend et on recommence l’ensemble de l’exercice en ajoutant la chaleur de l’autre bras. Par la suite, on ajoutera les deux bras ensemble; les deux jambes; puis tout le corps.
3-Le rythme cardiaque : Calme, lourdeur, chaleur. Ensuite: " mon coeur bat calmement, régulièrement ".
4-La maîtrise de la respiration :" Respiration très calme, tout mon être respire ".
5-La concentration sur le plexus solaire :" Mon plexus solaire irradie de la chaleur dans tout mon corps ".
6-La régulation céphalique :Cet exercice qui, comme précédemment s’ajoute aux autres, ne doit pas durer plus de quelques secondes au début (sous peine de déclencher des céphalées ) " Mon front est légèrement, agréablement frais ". Pour faciliter la suggestion on peut s’imaginer un léger courant d’air frais, ou une compresse humide posée sur le front.
• A partir du moment où est acquise la maîtrise totale de la relaxation il n’est plus nécessaire de passer à nouveau par toutes les phases. Le sujet bien entraîné, pourra se relaxer simplement en visualisant par exemple le mot " calme ", ou en fixant son regard sur un objet préalablement choisi.
Il sera apte à surmonter très rapidement toutes espèces de malaises ou crises (asthme, angor, migraines, spasmes stomacaux ou intestinaux ), se rendre chez un dentiste sans stress, et y subir les soins les plus normalement douloureux. Il sera pourvu d’une arme d’une exceptionnelle efficacité contre toutes les espèces de désagréments de la vie quotidienne.
Il faut reconnaître qu’un apprentissage d’une aussi longue durée n’est pas à la portée de tout le monde. Aussi pourrait-on légitimement préférer recourir à un praticien de l’hypnose ou, comme nous le verrons plus loin, de la sophrologie.
Nous savons qu’une personne, après avoir été hypnotisée, devient de plus en plus sensible à la suggestion. Il est aisé, pour un bon praticien, d’apprendre à son patient une
méthode d’auto-hypnose rapide, notamment en lui remettant des cassettes de magnétophone qu’il pourra utiliser à cet effet.
C’est pourquoi les reportages télévisés, cités plus haut, ont montré que la plupart des hypnothérapeutes prolongent leur thérapie de cette façon.
*

La Méthode Silva de Contrôle mental
Dans la même optique, la méthode proposée par José Silva ( José Silva et P. Miele :La méthode Silva -Greco -1990 - Diff. Hélios) offre aux personnes participant à un stage " Mind control ", des techniques d’utilisation très simple, élaborées de façon originale, d’après les données définies par Emile Coué, et les nombreuses observations et expériences personnelles du créateur.
Du " Mind Control " on peut retenir l’échantillonnage suivant:
La technique d’induction : Installé confortablement, on se détend, on ferme les yeux, on inspire profondément et, tout en expirant, on répète mentalement, et on visualise, selon un certain rythme, les chiffres 3, puis 2, puis 1.
L’approfondissement : Il suffit pour cela de faire un décompte dégressif.
Les phrases suggestives d’objectif général : Pour qu’une séance quelconque soit toujours bénéfique, on recommande de répéter mentalement des phrases du genre :" Chaque jour, à tous points de vue, je me porte de mieux en mieux "
Le retour à l’état de conscience habituel : On se dit mentalement : " Je vais compter de 1 à 5 et, à 5 j’ouvrirai les yeux; je serai bien éveillé, en pleine forme, bien reposé et en parfaite santé. Je me sentirai mieux que jamais auparavant ". Et on compte lentement.
• Le célèbre cancérologue Carl Simonton, pour aider ses malades à prendre en charge leur propre guérison, a utilisé des techniques reposant sur la méthode Silva.
Pour permettre de concrétiser les suggestions et de les rendre efficaces, José Silva a imaginé notamment les systèmes de " l’écran mental " (moyen de se représenter une situation vêcue à modifier,pour y substituer celle désirée), du "gant anesthésique " (technique de lutte contre la douleur ), du " nettoyage mental " (prise de conscience de l’importance capitale du choix des mots, tant pour éviter l’influence néfaste des expressions négatives que pour jouir de l’action bénéfique des mots positifs).
Il ne peut être question de donner plus de détails sur cette méthode. Je dirai seulement qu’elle me paraît présenter un très grand intérêt, en raison de son adaptation aux besoins d’équilibrage et de restructuration, engendrés par l’existence dans notre société.
Son éventail d’applications est en effet très large et à la portée de tous : contrôle du sommeil... du réveil... des rêves... de la vigilance ( destiné aux cas particulier où une personne doit absolument dominer sa fatigue ou son besoin de sommeil )... des migraines... entretien de la mémoire... lutte contre l’alcool, le tabac et toutes autres dépendances... activation du subconscient pour la recherche des solutions de problèmes quotidiens etc.......


La Sophrologie d’Alfonso Caycedo
Emile Coué et le psychiatre Colombien Alfredo Caycedo (L’aventure de la sophrologie – Retz) peuvent être considérés comme les deux novateurs du XX° siècle dans la recherche scientifique sur la conscience, les interréactions corps-esprit, la relaxation dynamique. Il en découle une amélioration des attitudes médicales vis-à-vis des maladies et des malades. Autre conséquence qui me semble capitale, dans le cadre des thèmes développés dans le présent ouvrage, ces précurseurs ont mis à la portée de tous, des moyens d’action puissants et sans danger, d’assurer un auto-contrôle en vue d’améliorer la perception des phénomènes internes, l’appréhension du monde extérieur et des conditions d’existence. Il
s’agit bien là d’une toute nouvelle démarche à la fois pratique, pédagogique et philosophique.
Alfonso Caycedo, professeur de neuropsychiatrie à l’université de Barcelone, étudiant l’histoire de l’hypnose a constaté que cette technique - après avoir donné des résultats spectaculaires qui permettaient tous les espoirs pour l’avenir de la médecine - avait été détournée de son but initial. Notamment, les illusionnistes de scène et music-hall avaient provoqué sa fâcheuse assimilation avec la magie, et une certaine forme d’occultisme tarifé et malsain. Toutes les tentatives pour purifier l’hypnotisme et le dépouiller de sa réputation détestable, avaient échoué dans des pays comme la France.
La démarche de Caycedo n’a pas été, comme beaucoup de gens le croient, une tentative pour réintroduire l’hypnose sous un autre nom. S’il est vrai qu’il ait cherché une appellation nouvelle pour caractériser la discipline et les méthodes mises au point, au terme de recherches conduites scientifiquement, c’était essentiellement parce qu’il désirait créer une nouvelle branche de connaissances (dans laquelle l’hypnose occupe une place non négligeable).
D’autre part, selon le Docteur G.R. Rager il voulait rester " absolument libre de tout compromis historique " et se mettre " du point de vue sémantique, en marge des discussions contradictoires dans lesquelles est impliquée la terminologie traditionnelle servant à désigner les phénomènes spéciaux de la conscience "
L’étymologie du mot sophrologie est grecque. Le Docteur Raymond Abrezol - 1)Vaincre par la sophrologie - Soleil - Genève-1983/84 2)Sophrologie et sports - Chiron -coll. A.P.S-1992) explique :
" Ses racines signifient: sos =quiétude, sérénité, harmonie, phren = cerveau, et logos:=science, connaissance, étude.
A l’aide de cette étymologie,il est possible de définir la Sophrologie : science de l’harmonie du cerveau. Les deux autres racines sont sophia et logos, soit sagesse et science".
Il est significatif que le mot " sophrologie " choisi par Caycedo puisse se traduire dans une acception élargie "harmonie, équilibre ".
Aussi est-ce bien à une étude de la conscience qu’il s’est livré, dans le but d’en réaliser l’équilibre et l’harmonie. Pour cela, il n’a pas hésité à séjourner plusieurs années en Orient, pour y observer les modifications d’états de conscience au cours des pratiques de raja-hoga chez les yogis de l’Himalaya, et de zen chez les sages du Japon. Il revint en Espagne, ayant conçu une méthode qui, pour un entrainement de groupe sous contrôle médical, réunit sous une forme progressive, exercices physiques inspirés du yoga, respiration et méditation de syle bouddhiste, et relaxation dynamique héritée du zen.
La consécration officielle de cette nouvelle arme thérapeutique et harmonisante, eut lieu lors du premier congrès mondial de sophrologie tenu à Barcelone en octobre 1970 où, succès incroyable, se réunirent 14OO spécialistes représentant 42 pays de l’Orient et de l’Occident, parmi lesquels l’Inde, le Thibet, la Chine et le Japon tenaient une place importante. Aussi Caycedo devait-il faire ce commentaire :
• "Dans l’échange de connaissances entre l’Occident et l’Orient, la science sophronique est située entre la science physique qui fleurit si spectaculairement en ce siècle, et la sagesse millénaire de la tradition orientale; dans cette " union des opposés ", on trouve le début d’une nouvelle ère, le début d’une nouvelle médecine orientale ".
En fait, la sophrologie est une recherche portant sur tous les phénomènes provoquant des modifications des états de conscience :
• • • les techniques de relaxation autogènes et hétérogènes;
• les systèmes orientaux du type yoga, zen et méditation;
• les pratiques primitives telles que le vaudou, le condomble, le macumba, les danses rituelles des tribus indiennes et négroïdes, celles des Aïssaouas musulmans et des Derviches tourneurs;
• les techniques hypnotiques;
• les médications pharmacologiques et les administrations de drogues diverses;
• les phénomènes d’extase mystique;
• les expériences comateuses;
• les troubles pathologiques.;
• Selon le Docteur Rager "la sophrologie a permis de découvrir l’existence d’une racine psychosomatique commune, d’une grande valeur de recherche et dont l’étude enrichira la médecine de demain ".
Mais la sophrologie est également une technique très élaborée et efficace, de relaxation et d’action thérapeutique.
Enfin c’est, selon le Docteur Abrezol, " une philosophie, une manière de vivre, d’être et de penser ".
Dans cette approche de la sophrologie on peut constater que désormais la thérapie ne peut plus être considérée comme une fin en soi, mais comme l’un des éléments de la dimension humaine.

La meilleure illustration de cet aboutissement me semble avoir été faite par le Docteur Abrezol pour lequel " le corps n’est pas une machine (en bon ou mauvais état) mais un système dynamique et énergétique; la maladie n’est pas une entité affectant un organe mais un processus concernant l’être total ".
Considérant l’imagination comme essentielle et se fiant à son intuition, le sophrothérapeute se préoccupe du traitement intégral du malade. Il reste toujours pour lui un partenaire bienveillant et compréhensif dont les attentions sont capitales pour la guérison.
La sophrologie se veut donc essentiellement préventive. En nous apprenant à trouver l’harmonie et l’équilibre entre les divers composants de notre être, elle nous permet de conserver en permanence un terrain résistant, immunisant. Si des symptômes apparaissent malgré tout, il sera facile d’en découvrir les causes et d’en venir à bout.
Pour Abrezol, si l’on utilisait la sophrologie " conjointement avec la thérapeutique conventionnelle, on pourrait parler de médecine totale "
L’autre aspect révolutionnaire de la démarche sophrologique c’est que, s’il existe bien une technique préconisée par l’école de sophrologie caycédienne, elle n’est nullement exclusive d’autres techniques poursuivant le même objectif, comme par exemple la méditation Zen.
Enfin, elle n’a pas seulement une signification thérapeutique. Grâce à elle s’ouvrent d’immenses perspectives pour l’amélioration individuelle et collective de l’être humain, sur tous les plans.
*

La sophrologie, aide pédagogique.
Dans leur livre plus haut cité, les journalistes américains Henri Gris et William Dick rapportent les curieuses expériences faites en U.R.S.S par le docteur Vladimir Raikov, dans le but d’hypertrophier des dons chez des sujets sélectionnés. Dans le cadre de ce qu’on pourrait appeler l’école du génie, il utilisait la méthode dite de l’identification.
Au sujet placé en transe hypnotique, il suggérait de s’identifier à un " modèle célèbre", avec la personnalité et les oeuvres duquel il était familiarisé *Par exemple, à un étudiant en peinture il disait :
• - Tu es Raphaël Sanzio... - Tu penses comme Raphaël Sanzio.. - Tu sens comme Raphaël..- Tu vois comme lui..-Tu as son talent…- Tes dessins sont les siens…avec la m^^eme géniale pré ision…la même harmonie…les mêmes coloris délicats
A la fin des séances d’identification, le sujet a acquis grace à la transe hypnotique une personnalité nouvelle. Il s’imagine réellement être Raphaël et se comporte comme lui. Le résultat est étonnant : à mesure que s’accentue le processus de changement de personnalité le sujet dessine et peint de mieux en mieux, jusqu’à produire des oeuvres remarquables, possédant la facture du modèle suggéré.
Après chaque séance il ne conserve aucun souvenir de ce qui s’est passé mais - et c’est en cela que réside l’intérêt de la méthode - il conserve les dons acquis.
Par le procédé Raikov, il est ainsi possible de " créer à volonté" d’excellents peintres, musiciens, écrivains de talent; des sportifs de compétition, des linguistes, des joueurs d’échecs, des inventeurs, et toutes espèces de surdoués.
Le temps, pendant la transe, est en quelque sorte contracté : on y comprime l’expérience d’un jour en une heure, de plusieurs années en un mois, de toute une vie en 3 mois. C’est ce qui permet d’enseigner toute matière, toute technique, avec une rapidité étonnante.
C’est pourquoi certains pensent qu’une telle méthode est riche de promesses pour l’avenir. Elle pourrait, par exemple, être utilisée pour des recyclages divers (commerciaux, industriels, médicaux, juridiques....) mais aussi, sur le plan scientifique, pour susciter des inventions et, sur le plan juridico-social dans la rééducation des délinquants et autres asociaux.

En vrai scientifique Raikov - qui rappelons-le était psychiatre - recherchait avant tout le moyen de rendre les hommes plus performants, plus sûrs d’eux-mêmes. Il voulait élargir leur potentiel, persuadé que tout être humain a, en lui, des facultés et une créativité innées qu’il faut savoir réveiller et faire émerger.
Ces expériences l’amenèrent à constater une transformation positive des sujets après la série de transes vécues. Ils montraient un équilibre, autant physique que psychique amélioré. Ils dormaient mieux et leur santé en bénéficiait. Leur mémoire, leurs dispositions, donc leur personnalité s’amélioraient. Leurs rapports avec leur famille et leurs partenaires sociaux se facilitaient. Ils disposaient de plus d’assurance, de plus de créativité et de plus d’efficacité en tous domaines.
Il est bien connu que souvent, les meilleures oeuvres d’artistes et d’écrivains sont conçues dans un état de transe extatique spontanée. Dans tous les cas de ce genre, le génie est allié à une rapidité de composition incroyable. Ainsi Balzac était extrêmement prolifique la nuit.
Chez certains peintres, le phénomène peut prendre des dimensions qui les surprennent eux-mêmes : la vitesse d’exécution, le choix inattendu des formes et des couleurs - s’ajoutant aux solutions surgissant tout à coup,après de longues recherches diurnes restées stériles -les laissent souvent abasourdis, surtout lorsqu’ils constatent l’exceptionnel intérêt suscité par ces oeuvres dont ils ont parfois des difficultés à assumer la paternité.
Nous touchons là, aux profondeurs insondables du psychisme humain.
Au cours de cet essai j’ai comparé le cerveau à un ordinateur disposant de moyens d’entrée pour les données et programmes, d’une mémoire immédiate pour l’enregistrement des données, d’une unité centrale pour leur traitement, et d’une mémoire ancienne pour leur stockage.
L’accès aux données emmagasinées dans une mémoire d’ordinateur est facile : c’est une question de technique.
Pour l’homme il y a une différence fondamentale : le traitement des données passe obligatoirement par le cerveau, et suppose que cet organe soit en bon état de fonctionnement.

Par ailleurs, selon les individus, les données enregistrées sont plus ou moins faciles à faire revenir à la conscience. Il est même des souvenirs qu’il est impossible, pour certains, de faire remonter. Pour d’autres disposant des ressources du génie, tout ce qui est enregistré
peut à volonté être rappelé sans effort. Les mêmes différences existent dans le domaine de l’apprentissage : certaines matières, certains gestes, demandent à beaucoup d’hommes un long entraînement; pour d’autres tout s’apprend avec une facilité étonnante.
Les êtres géniaux auraient-ils un cerveau doté d’une sorte d’activateur ?
Les résultats obtenus par Raikov dans un contexte pédagogique sembleraient le prouver: tout se passait au cours de ses expériences, comme si ses sujets avaient été pourvus d’un accélérateur -amplificateur des processus habituels de mémorisation et d’apprentissage.
Une conclusion apparaît évidente : les états modifiés de conscience, quelle que soit leur origine - autogène ou exogène - peuvent permettre :
• • • d’accéder aux couches les plus profondes du psychisme, où sont enfouis des souvenirs et des modes de pensée et d’action que l’individu ne peut normalement faire remonter à sa conscience habituelle;
• d’accélérer, de façon souvent vertigineuse, la mémorisation des données et des gestes;
• d’améliorer le fonctionnement de l’individu dans son état habituel, de telle façon que les données acquises au cours de périodes d’états modifiés de conscience, restent dans sa mémoire.
• Ainsi il ne me paraît pas exagéré d’affirmer que la sophrologie constitue un merveilleux instrument pédagogique, malheureusement encore trop méconnu et dont toutes les possibilités n’ont pas été exploitées.

*
Les méthodes sophro-pédagogiques se sont multipliées. On trouve dans le commerce de nombreux traités souvent accompagnés de cassettes de magnétophone. Il me semble inutile d’en faire un bilan. Je ne citerai que deux démarches, assez remarquables pour être retenues :


1°) La Sophro-pédagogie nocturne
( Roger Galvez :Apprendre et guérir en dormant -Hypnopédie et auto-suggestion-Libr. Le François –1975)
• Tous les enseignants sont conscients de l’impossibilité de maintenir l’attention, la vigilance et la réceptivité des élèves pendant de longues durées.Le cerveau, à l’état de veille, fonctionne au " rythme" de 14 à 21 cycles par seconde appelé " Bêta " par les psychologues, et permettant la perception du monde physique spatio-temporel où les 5 sens jouent leur rôle. L’esprit est donc l’objet de multiples sollicitations perturbant la compréhension et la mémorisation des matières enseignées.
Par une méthode sophronique on supprime ces inconvénients, en obtenant une réduction des tensions, une focalisation de la vigilance et une augmentation de la réceptivité.
Le sommeil naturel - bien connu aujourd’hui grâce au perfectionnement des moyens d’étude des processus psychiques - se compose de plusieurs phases.
La plus profonde est celle permettant la réparation organique des fatigues. Elle comporte une inhibition complète du cerveau. Caractérisée par des ondes cérébrales de l’ordre de 4 " cycles " par seconde, elle a été nommée " Delta " par les psychologues.
L’autre phase, qualifiée de " paradoxale " est analogue à l’état de relaxation. Le cerveau fonctionne au rythme " Alpha " de 7 à 14 cycles par seconde (le " niveau de base " de la méthode Silva, citée plus haut, se situe à 7 c/s).
L’état Alpha est celui pendant lequel on rêve. C’est aussi celui qui rend un sujet sensible aux suggestions et à l’auto-suggestion. Le chuchotement à l’oreille des dormeurs est une méthode suggestive connue depuis la plus haute antiquité. Il est recommandé par Emile Coué.
Il a été observé que, pour un sommeil commencé par exemple à 22 heures, les phases d’une durée approximative de une heure chacune permettant une action sophro-
pédagogique, se situent lors de l’endormissement; puis vers 2 heures 30 à 3 heures du matin; enfin environ une heure avant le réveil.
Comme il serait difficilement envisageable qu’un suggesteur se tienne pendant toute une nuit auprès d’un dormeur, on peut, grâce aux progrès de la technique, utiliser des magnétophones réglés pour un fonctionnement automatique pendant les périodes de sommeil paradoxal, préalablement repérées chez le sujet cible. La répétition des suggestions étant le facteur le plus favorable à une action positive, on réalise des enregistrements tenant compte de cet impératif.
Le sujet peut d’ailleurs préparer lui-même ses enregistrements, ce qui lui permet de bénéficier d’une première imprégnation.
Les matières les plus diverses peuvent être injectées par cette méthode avec des résultats souvent spectaculaires: mathématiques, langues, littérature, pièces de théâtre,musique,dessin...; des résolutions peuvent également être " soutenues " et des phobies combattues avec succès.


2°) La Sophro-pédagogie sportive :
Le Docteur Raymond Abrezol, médecin suisse qui fut l’un des premiers élèves d’Alfonso Caycedo, raconte dans son traité " Sophrologie et sports " qu’en 1966, alors qu’il était membre d’un petit club de tennis dans une station de montagne, il avait constaté qu’un de ses amis jouait mal en raison d’une grande distraction. Il avait alors eu l’idée d’adapter à ce cas la méthode sophrologique, en visant à la recherche d’une bonne concentration, à l’amélioration du coup droit et du revers, à l’augmentation de la motivation et de la combativité. Dès le match suivant il eut l’immense surprise de trouver son partenaire transformé.
C’est ce qui lui donna l’idée qu’il " devait être possible, dans une certaine mesure de programmer le cerveau d’un athlète afin d’améliorer ses performances sportives ".
Au cours des mois et des années suivants il réalisa ce programme avec une telle efficacité que de nombreux sportifs lui doivent des succès quelquefois inespérés dans des compétitions de haut niveau, essentiellement dans les épreuves de montagne, mais aussi en escrime, patinage, natation, rugby, tir, boxe, voile, acrobatie aérienne, cyclisme etc...
Le docteur Abrezol n’a pas défini une méthode applicable à tout sport quelconque, mais une infinité de méthodes adaptables à chaque sport, et à chaque personnalité d’athlète. Pour celà il s’est toujours attaché à avoir une connaissance parfaite des disciplines, où il était appelé à intervenir, en s’intégrant dans les milieux sportifs correspondants.

Le principe de base est que, la performance sportive impliquant un contrôle total de tous les mouvements, de tous les gestes, de tous les muscles qui interviennent, il convient de rechercher, avant tout, les tensions mentales susceptibles de provoquer des crispations physiques de nature à entraver l’athlète en pleine action. Les plus courantes sont la peur, le trac, le manque ou l’insuffisance de motivation, de confiance en soi, les complexes et les problèmes psychologiques personnels. Le préalable à toute intervention sophrologique est donc un entretien personnel avec l’athlète- sujet, puis avec l’équipe entière.
Pour venir à bout de ces difficultés on utilise la méthode dite de " feed-back " qui consiste à faire vivre en imagination, au sujet placé en état sophronique,une compétition parfaitement réussie. L’expérience a lieu en temps réel,avec tous les détails.
L’entraînement comporte ensuite des exercices de relaxation dynamique destinés à développer la force musculaire et la résistance physique, la confiance en soi et la concentration. Ces exercices sont conçus de manière à accroître la quantité d’oxygène et d’énergie dans le corps.
Tout cela débouche sur un apprentissage auto-sophronique qui permettra à l’athlète de se conditionner positivement, dans les quelques minutes précédant une compétition.
L’utilisation de techniques audiovisuelles a permis d’ajouter une dimension supplémentaire à cette préparation. On filme l’athlète pendant son entraînement et pendant les épreuves de la compétition. On filme ensuite le champion du monde de la spécialité. Puis, le sujet en état sophronique mais les yeux ouverts, placé en posture appropriée (appelée par le Docteur Abrezol " posture du 3° degré de la Dynamique ") regarde les trois séquences du film-vidéo passé en accéléré. On lui suggère de s’identifier au champion. A la fin de la projection il doit, les yeux fermés, visualiser tout ce qu’il vient de voir, pour bien le mémoriser et s’en imprégner.






























CHAPITRE 5
HYPNOSE et MANIPULATION MENTALE
• • • • • • • "Les sujets placés dans cet état (d’hypnose) manifestent un automatisme non seulement physique mais cérébral "
(Professeur Jules Liégeois :De la suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit criminel -Mémoire lu à l’Académie des Sciences morales et politiques -Ed.A. Picard. Libr.des Archives nationales -1884 )
Sur le vu du tableau que j’ai dressé des effets impressionnants, physiques, physiologiques et psychologiques de l’hypnose, une constatation troublante apparaît : en état hypnotique, un individu agit omme une machine (même au sens figuré du terme puisque, dans les expériences de catalepsie, il acquiert une résistance aux chocs aussi forte que la matière la plus solide ).

C’est ce qui a servi de base à la thèse dite de " l’automatisme absolu " défendue au XIX° siècle par " L’école de Nancy " dont les plus éminents représentants furent les Docteurs Bernheim et Liebault (:Du sommeil et des états analogues considérés du point de vue de l’action sur le moral et sur le physique -Masson-1886)
. Selon eux, la personne en état d’hypnose n’a plus aucune autonomie, aucun esprit critique.Elle est sous la dépendance complète de l’hypnotiseur, et se comporte comme un acteur jouant un rôle imposé par lui ( à cette différence près, que l’acteur de spectacle conserve sa propre personnalité et ne s’intègre dans celle du personnage qu’il incarne que par conscience professionnelle).

Cette thèse s’appuyait sur une expérimentation très poussée, axée sur la technique des " hallucinations complexes " ou du " rêve éveillé ". Pour Bernheim, cette hallucination dite complexe peut se décomposer de la façon suivante
• " Je suggère à quelqu’un qu’il a devant lui un verre de vin, alors qu’il n’y a rien. Il voit le verre (hallucination visuelle). Il le prend et le sent dans sa main (hallucination tactile ). Il lui trouve une odeur agréable (hallucination olfactive).Il savoure le vin (hallucination gustative ) ".
En recourant aux hallucinations complexes, on peut suggérer à un sujet qu’il vit réellement des scènes de vie, des circonstances qui ne sont en fait qu’imaginaires. Cela peut aller jusqu’au dialogue du sujet avec un interlocuteur imaginaire. Et aussi, au vrai dialogue entre lui et un interlocuteur réel, avec cette nuance que, dans ce cas, le sujet se comporte selon le schéma imaginaire qui lui a été imposé. Dans cette expérimentation on emploie beaucoup la technique de la " post-suggestion " : après un conditionnement préalable le patient, au moment suggéré par l’expérimentateur, sera l’objet des hallucinations programmées, bien que se trouvant dans un état de conscience normal.

J’ai découvert une intéressante application de ces techniques, dans un ouvrage rare :
" De la Suggestion hypnotique dans ses rapports avec le Droit civil et le droit criminel ", (Mémoire lu en mai 1884 à l’Académie des Sciences Morales et Politiques par le Professeur Jules Liégeois de la Faculté de droit de Nancy).
Ce chercheur, utilisant des sujets entraînés à l’hypnose mis à sa disposition par le Professeur de médecine Liébault, expérimenta selon ses propres dires, en partant du plus simple vers le plus complexe.
Sa première expérience tendait à démontrer l’automatisme absolu, que l’on peut obtenir par le moyen de la suggestion à effet différé :
• Il suggère à un sujet en transe hypnotique de se rendre tel jour, à telle heure, chez une dame qui assiste à la séance. Il devra pénétrer dans sa maison; il y trouvera une fillette affublée de vêtements si ridicules (verts et rouges) qu’il en éclatera de rire. Il ouvrira la porte d’un buffet, se servira et boira un petit verre de liqueur; puis il partira, en continuant à s’esclaffer de l’habillement grotesque de l’enfant.

La suggestion fut exécutée ponctuellement, malgré l’étonnement éprouvé par le sujet qui ne comprenait pas ce qui l’avait poussé à pénétrer dans une maison inconnue de lui. Il y avait d’ailleurs bien là une petite fille; mais ses vêtements, de couleur sombre, n’avaient rien d’extravagant.
La série d’expériences suivantes avaient pour objet de faire comprendre le mécanisme du faux témoignage commis " de bonne foi " en raison d’une hallucination provoquée.
• • • Un sujet vécut intégralement sous hypnose une scène imaginaire, au cours de laquelle il reçut la visite d’un malfaiteur venu lui offrir de lui céder à vil prix le produit d’un vol qu’il refusa avec indignation. Monsieur Liégeois vérifia ensuite que, comme prévu, le sujet était allé déclarer l’incident au poste de police voisin.
• On dit à un sujet en transe : " écoutez cette conversation entre deux malfaiteurs; ils se querellent pour le partage d’un butin; vous assistez à leur échange de coups; vous devez rendre compte de ces faits aux autorités ". Un magistrat présent l’interroge alors, après lui avoir fait prêter serment, et enregistre son témoignage sur cette scène imaginaire.
• L’hypnotiseur l’ayant persuadé, sous hypnose, qu’il a tué un ami dans un moment de colère, le sujet une fois réveillé en fait l’aveu à un vrai juge d’instruction, en donnant de ce faux meurtre des détails circonstanciés.

• Les expériences d’une autre série illustrent diverses manipulations possibles en matière d’actes juridiques. Citons-en une à titre d’exemple :
• " Je vous ai prêté X francs " dit-on à une personne en transe. " Pour ma garantie vous devez me signer une reconnaissance de dette ". Le sujet proteste mais l’opérateur lui rappelle les circonstances du prétendu prêt, lui fait vivre intensément la scène. Il le persuade ainsi de lui signer un engagement en bonne et due forme, inattaquable en justice...
Dans ce domaine Monsieur Liégeois utilisa avec succès deux effets psychologiques curieux de l’hypnose.
L’abolition de la mémoire : il multiplie les expériences dites " d’amnésie partielle ". Il fait ainsi oublier à un sujet, son nom, son prénom, son âge, son lieu de naissance, telle ou telle lettre de l’alphabet, la notion des voyelles et, plus important encore pour les actes notariés ou autres, sa signature.
Les inhibitions: il provoque une catalepsie d’une main ou seulement d’un doigt; et suggère au sujet que cette paralysie surviendra au moment où il devra signer un acte projeté.
La dernière série d’expériences touche aux actes les plus graves que l’on puisse imaginer: les crimes.
• • • Tendant au sujet en transe un paquet contenant une poudre blanche, l’opérateur affirme qu’il s’agit d’une dose mortelle d’arsenic. Après l’avoir convaincu, qu’une personne qu’il lui désigne mérite sa haine, il lui dit : " En sortant d’ici vous irez chez cette personne à telle adresse et vous verserez le contenu de ce paquet dans un verre que vous lui offrirez ". Le soir même la personne désignée apprend à l’expérimentateur que tout s’est passé exactement comme il l’avait commandé. Le sujet ne se souvient de rien, et proteste avec indignation lorsqu’on lui reproche d’avoir tenté d’assassiner une personne qu’il estime.

• En présence d’un magistrat et d’un commissaire de police authentiques, le Professeur Liégeois charge ostensiblement devant le sujet endormi un pistolet et se rend dans son jardin où, pour donner plus de crédibilité à sa mise en scène, il tire une balle dans une cible qu’il rapporte. Il remet l’arme au sujet et lui ordonne impérativement de tirer sur le magistrat : ce qu’il fait sans hésitation. Interrogé aussitôt par le commissaire de police, il lui avoue son crime sans manifester de remords. Le plus remarquable est qu’il voit réellement sa " victime " étendue sur le sol, baignant dans son sang. A son réveil il a tout oublié.
• Le Professeur Liégeois, en éminent juriste, tirait de son expérimentation (dont je n’ai cité qu’une très faible partie ) des enseignements importants.
• • Au bas de l’échelle, sur la base des expériences de " dépositions faites de bonne foi par un sujet programmé ",on peut imaginer toutes sortes de faux témoignages, fausses dénonciations, faux aveux, faits par des gens parlant avec les accents de la plus grande sincérité,sous la foi du serment.
Selon la seconde série d’expériences, rien ne semble devoir empêcher un individu sans scrupule, à l’aide d’un conditionnement approprié, de faire souscrire par ses victimes des reconnaissances de dettes, des promesses de vente, de se faire remettre des quittances ou consentir des donations,de faire tester en sa faveur.Les actes sous seings privés aussi bien que ceux passés devant notaire, dressés dans de telles conditions, sans que personne (même pas le signataire de l’acte, auquel une opportune suggestion d’oubli a été obligatoirement faite) ne puisse soupçonner la moindre manipulation préalable, seraient pratiquement inattaquables.
A l’inverse, celui qui voudrait empêcher une personne de signer un acte pourrait lui infliger une inhibition (par exemple l’incapacité de signer, de parler, d’entendre, de voir ) rendant irréalisable l’acte projeté.

L’hypothèse la plus cocasse, mais non la moins vraisemblable, serait celle d’un futur époux qu’une suggestion post-hypnotique contraindrait à répondre " non " à la question rituelle de l’officier de l’état civil.
• Dans le domaine pénal, il apparaît nettement qu’à n’importe qui pourrait être commandée avec succès n’importe quelle infraction, depuis une simple violation de domicile jusqu’à un assassinat, en passant par toute la gamme des larcins, outrages, violences. A l’inverse n’importe qui pourrait subir toutes agressions. Outre les attentats de nature sexuelle, on peut imaginer un cambrioleur annihilant par hypnose la résistance d’un gardien, un individu en forçant un autre à révéler un secret professionnel ou d’État, et enfin, un voleur se faisant tout simplement remettre par sa victime le bien convoité.
Il y a là une source inépuisable de thèmes de romans policiers du type " crimes parfaits ", que n’ont pas manqué d’exploiter nombre d’écrivains et de concepteurs de cinéma et de vidéo.

On imagine un assassin plaçant sa victime en hypnose:
• • • Il la mène devant un profond ravin, lui donne l’illusion de se trouver au milieu d’une agréable prairie et l’invite à y folâtrer joyeusement en courant, provoquant une chute qui passera facilement pour accidentelle.
• Autre scénario : la personne est incitée à plonger dans une piscine vide qui lui est suggérée remplie d’une eau merveilleusement transparente et attirante.
• Ou encore : le criminel lui fait conduire une automobile sur un chemin débouchant sur une profonde carrière, après effacement, induit en elle, de la perception des panneaux de danger.
• Un autre accident apparent pourrait aussi survenir par l’effet de la suggestion post-hypnotique de paralysie des membres du conducteur survenant au moment précis où l’assassin a prévu que celui-ci conduirait sur une dangereuse route de montagne.
• La manipulation délictuelle apparaît plus fréquemment qu’on ne pense dans la réalité. Ce sont tout d’abord les cas de viols sous hypnose, que l’on cite dans les chroniques; les archives judiciaires conservent la trace de certains procès typiques en ce domaine.
• • • Les 29 et 30 juillet 1865, devant la cour d’assises du Var (siégeant à Draguignan - Procès Castellan : Compte-rendu extrait de " Psychologie naturelle " du Docteur P.Despine – 1868 ) comparaissait sous cette accusation, un vagabond laid,sale, dépenaillé, qui n’avait rien d’un séducteur.La victime, Joséphine Hugues, était une jeune paysanne, timide et réservée.Les débats faisaient apparaître que, profitant d’un moment où elle était seule chez elle, l’accusé nommé Castellan avait noué avec elle une conversation, au cours de laquelle il avait appliqué une technique hypnotique apprise au cours de l’un de ses nombreux séjours en prison. Ensuite, non content d’abuser de la jeune fille, il l’avait obligée à le suivre et l’avait maintenue sous sa coupe plusieurs jours. Elle n’avait pu se libérer de cet esclavage qu’au moment où, dans un intervalle de lucidité, elle avait profité d’un instant de distraction de son tortionnaire, pour s’enfuir. Elle était rentrée chez ses parents en état de choc. Après son arrestation Castellan n’avait pas nié les manipulations qui lui avaient permis d’abuser de sa victime. Il s’en vantait même, les décrivant fièrement en détail. Une sévère condamnation lui fut infligée.
• Il en fut de même, en 1879 à Rouen pour le dentiste Lévy. Il avait avoué avoir abusé d’une adolescente qu’il soignait, après l’avoir mise en transe hypnotique. On ne se serait d’ailleurs douté de rien si la jeune fille n’avait pas été enceinte.
• Les affaires de vols et de meurtres, avec utilisation de techniques hypnotiques, sont assez fréquentes.
• • • En 1951 un jeune homme avait exécuté seul un hold-up dans une banque de Copenhague en tuant deux personnes. Après son arrestation on s’aperçut qu’il était sous l’esclavage hypnotique d’un individu qu’il avait connu en prison. La Cour d’assises le déclara coupable mais non responsable. Et l’entière responsabilité fut imputée à son hypnotiseur.
• Une curieuse affaire, jugée en 1970 au tribunal correctionnel de Versailles, (Tribunal de Grande Instance de Versailles - 13 mai 1970 - Gazette du Palais -19/1/34 avec note de J.P Doucet ) a suscité à l’époque de nombreux commentaires des doctrinaires du droit. Le 10 février de la même année deux nomades se présentent à l’hôtel-restaurant géré par une jeune femme Kebaïli Zoubida, à laquelle elles proposent de " dire la bonne aventure ". Sous couvert de lire dans les lignes de sa main, les deux complices utilisent des techniques hypnotiques qui placent rapidement leur victime à leur merci : celle-ci, sur leurs injonctions, fait plusieurs allées et venues jusqu’à la caisse de l’établissement qu’elle vide de son contenu à leur profit. La victime présentait un état de choc fonctionnel intense, sans souvenir de quoi que ce fût. Ce n’est que par recoupements que les enquêteurs parvinrent à reconstituer les faits. Le tribunal, pour déclarer les deux nomades coupables de vol, retint une motivation très intéressante :

• " Ne peut être retenue comme volontaire la remise faite par une personne dont les facultés mentales momentanément diminuées ne lui ont pas permis de se rendre compte de la portée exacte de son acte, de sorte qu’elle n’a été qu’un instrument passif, à l’aide duquel celui-là même, qui a reçu la chose, l’a appréhendée en réalité frauduleusement " et que d’autre part " les procédés employés étaient unanimement reconnus comme efficaces et l’état de la victime, avant, pendant et après les faits, était significatif, de telle sorte qu’elle avait perdu le contrôle de sa volonté ".
En matière criminelle on cite de nombreuses affaires où l’hypnose a joué le rôle principal. comme par exemple :
• • • l’affaire Fenayrou, où un mari jaloux parvint à conditionner sa femme infidèle à amener son amant dans un lieu propice à son exécution.
• l’affaire dite de la malle de Gouffe " : Gabrielle Bompart qui, avec son complice Eyraud, avait assassiné l’huissier Gouffe pour le dévaliser, comparut en décembre 189O devant la Cour d’assises de Lyon. Le corps de la victime avait été placé dans une malle qui fut jetée dans des fourrés L’accusée fut sauvée d’une condamnation à mort par le Professeur Liégeois qui montra comment elle avait été transformée en automate, par des manoeuvres hypnotiques de son complice.
• le cas de Jane Weiss qui, tombée sous la dépendance psychique de Rocques, assassina son mari en lui administrant de l’arsenic, trouva son épilogue en 1891 devant la Cour d’assises d’Oran (Algérie).
• l’affaire Sala souleva une grande émotion en 1936, en Suède : il fut alors révélé que des jeunes gens, en bande, avaient commis de multiples agressions dont certaines criminelles, sous l’empire d’un conditionnement opéré par un chef, se tenant soigneusement à l’écart du théâtre des opérations. Ce sinistre individu avait, d’autre part, subjugué et dévoyé un nombre incalculable de jeunes femmes, poussé au suicide un complice homosexuel, et contraint un autre à boire du poison.
• *
En dépit de tous les cas sur lesquels l’École de Nancy appuie sa thèse de " l’automatisme absolu ", une thèse contraire a été défendue au XIX° siècle par l’école dite " de la Salpétrière " dont le représentant principal était le fameux Docteur Charcot.

Selon les tenants de cette opinion, transformer quelqu’un en automate est impossible. Quelle que soit la profondeur de l’état d’hypnose, le sujet continue à être contrôlé par sa " superconscience " qui, restant vigilante quoi qu’il arrive, entrave les suggestions contraires à sa conscience morale. Si une femme, de conduite apparemment irréprochable, a cependant refoulé des désirs inavouables, elle cédera facilement aux suggestions d’un agresseur. Par contre, si celui-ci ordonne à une femme foncièrement pudique de se déshabiller ou fait simplement le geste de l’enlacer ou de soulever sa jupe, il provoquera une réaction de résistance. A fortiori, la suggestion à un individu honnête, d’un acte criminel ou dangereux pour soi ou autrui, n’aboutira qu’à une opposition incoercible.
En résumé, pour cette école les seules suggestions d’actes malfaisants voire criminels susceptibles d’aboutir, sont celles qui vont dans le sens des instincts pervers du sujet.
La plupart des auteurs modernes paraîssent avoir adopté cette dernière thèse; ce fut encore le cas de la part de l’un des plus éminents participants à l’émission de télévision dont j’ai parlé plus haut (TF1-5 Janvier 1996 - " Sans aucun doute ").
De nombreuses expériences semblent confirmer ce point de vue,en mettant en évidence la multiplicité des manifestations de résistance à des suggestions inacceptables que constatent journellement les opérateurs :
• • • la résistance peut se traduire par des accidents nerveux (larmes, crises de nerfs, convulsions, et même évanouissements).
• très souvent elle se manifeste par un réveil brutal du sujet, en état de choc; dans ce cas la réhypnotisation s’avère très difficile.
• dans d’autres cas le sujet réagit par la ruse et l’ingéniosité; par exemple, si on lui suggère l’oubli d’une voyelle il refuse de parler; si on lui a imposé une suggestion post-hypnotique désagréable il refuse de se laisser réveiller.
• on a aussi constaté des manifestations plus spectaculaires encore : la résistance par approfondissement de la transe hypnotique; on cite le cas d’un sujet qui tombait en hypnose profonde chaque fois qu’on lui faisait une suggestion révoltante, et d’un autre qui tombait en catalepsie lorsqu’il recevait l’ordre de frapper quelqu’un.
• il y a enfin la résistance par atermoiement : un sujet auquel on avait donné l’ordre de compromettre un ami, en glissant dans la poche de celui-ci un objet volé, avait préféré le mettre dans sa propre poche, revendiquant ainsi l’entière responsabilité du vol.
• Confrontés aux expériences du type Liégeois, les adversaires de l’automatisme absolu font observer qu’elles encourent les critiques de toutes les recherches de laboratoire, quand elles ont pour objet le psychisme de l’homme. Là se nouent forcément entre les opérateurs et les sujets, des rapports basés sur la confiance, l’estime voire le respect. D’avance, un sujet entraîné sait qu’il est impossible que l’expérimentateur lui commande des actes nuisibles ou immoraux. Quelles que soient les apparences des ordres donnés, il s’attend à un véritable scénario dont il sera l’acteur. Si on lui ordonne de verser une poudre dans le verre de quelqu’un, même si on lui affirme qu’il s’agit de poison, il ne se laissera pas tromper. De même en sera-t-il à l’égard d’un revolver prétenduement chargé. Et aussi, dans le cas où on lui commandera de sauter par une fenêtre dans le vide; il sera certain qu’en bas l’attendra un matelas ou un drap soutenu par de solides gaillards.
Toutes ces observations sont pertinentes. Mais elles ne rendent compte que d’une partie de la réalité. Certes, dans un coin du subconscient de tout sujet en état second, subsiste une certaine auto-résistance à des suggestions contraires à sa " conscience morale ", à sa " fonction de censure ".
Il n’en reste pas moins que des techniques habiles, patientes et persévérantes, peuvent permettre de déjouer et rendre inefficace tout auto-contrôle.
Il existe toute une gamme de moyens de vaincre la résistance d’un sujet à une suggestion qui le révolte :
• • • si, à la première séance, l’hypnotiseur échoue, il réussira après avoir réitéré une ou plusieurs fois ses tentatives.
• une suggestion faite sans résultat une première fois, sur un ton calme et posé, peut être efficace sur un ton brutal, impératif; et vice versa.
• la soudaineté de l’ordre est souvent plus payante qu’une préparation progressive.
• en cas de refus de répondre à une question générale, on vaincra cette opposition en posant des questions précises, énergiques, accentuées, répétées (tel serait le cas d’un interrogatoire destiné à provoquer un aveu ou une dénonciation ) ou en faisant des suggestions indirectes, susceptibles de déjouer par la ruse la vigilance du sujet.
• En somme, au lieu d’aller à l’encontre des tendances naturelles du sujet, l’adroit manipulateur les utilise et, par un véritable " contournement psychique " réussit, là où des suggestions directes auraient échoué.
Par exemple s’il veut obtenir d’un catholique fervent un aveu compromettant, il jouera le rôle d’un confesseur, dans le cadre d’une hallucination provoquée. C’est là le phénomène dit de " l’escamotage psychique ", qui permet à l’opérateur de faire apparaître, à sa place, aux yeux du patient, un personnage donnant toute crédibilité à la suggestion. Ainsi, auprès d’une femme, que l’on veut amener à se déshabiller sans résistance, on se fera passer pour son médecin.
Autre ruse possible, l’escamotage total donnant l’illusion au sujet d’être seul :
• " Vous êtes dans votre salle de bains. Écoutez le bruit de l’eau qui coule. Voyez la buée qui monte. Déshabillez-vous, pour vite profiter de ce bain relaxant ".
Au degré supérieur de l’assassinat programmé, la personne ciblée jouera dans le scénario le rôle d’un agresseur mettant la vie du sujet en danger. L’instinct de conservation sera le déclencheur.
• Ainsi, en 1947, un chercheur américain nommé Watkins a fait des expériences concluantes, sur des soldats. Considérant que le fait de frapper un officier supérieur rend l’auteur de l’agression passible du conseil de guerre, il voulait vérifier s’il était possible d’amener un soldat normal, à la personnalité stable, en bonne santé et parfaitement équilibré, à courir ce risque redouté de tous. Un soldat sélectionné selon ces normes fut mis en transe hypnotique. On le plaça en face d’un officier, en lui suggérant qu’il s’agissait d’un soldat japonais dangereux et armé qui s’apprêtait à le tuer. Le soldat bondit et saisit l’ennemi fictif à la gorge. Il fallut trois hommes pour lui faire lâcher prise. L’une des séances faillit tourner très mal : la réaction imprévue du sujet fut de sortir de sa poche un couteau à cran d’arrêt dont nul ne l’imaginait armé. Il allait le planter dans la poitrine de l’adversaire désigné quand il fut assommé par un assistant de grande présence d’esprit.
Dans la pratique, un conditionneur habile sélectionnera de préférence des sujets " introvertis ", repliés sur eux-mêmes, à la fois mystiques et asociaux, égoïstes et insensibles, toujours prêts à s’enflammer pour des idéaux impersonnels.
Il appliquera ensuite un programme visant trois directions essentielles, avec multiplication des séances toujours conduites par lui seul:
• • • Mise en confiance du sujet par la prestance, l’autorité, la crédibilité, l’amabilité et la dialectique de l’opérateur.
• Production des conditions optima favorisant ou augmentant sa suggestibilité‚ par une éducation appropriée et des exercices gradués.
• Neutralisation de sa faculté de censure, par une action psychologique intense, prolongée et subtile comportant des tromperies et des subterfuges.
• La séance au cours de laquelle il sera conditionné n’interviendra que lorsque l’opérateur le jugera prêt à accepter facilement toute suggestion.
Evidemment, au moment fixé pour la réalisation de l’acte :
• • • il n’y aura pas de drap providentiel pour accueillir le défenestré qui passera facilement pour un suicidé;
• de l’arsenic sera bien remis à l’assassin télécommandé, mais on lui aura fait croire que la personne visée est un malade grave qui pourrait être sauvé par " ce médicament miraculeux ";
• une arme réellement chargée lui sera remise, présentée comme un pistolet d’alarme destiné à faire une simple farce.
• En pratique, lorsqu’il s’agira de commettre un attentat politique, le sujet aura été longuement préparé, par une action psychologique intense, tendant à noircir la cible. Ainsi l’acte criminel lui apparaîtra comme une bonne action non seulement utile, mais nécessaire. Il accomplira le forfait, présenté comme noble, sans hésitation et même avec fierté, s’il est persuadé d’être en mission et de servir - même au prix de sa vie - une cause sacrée. Dans un cadre de fanatisme religieux, le sujet, certain d’agir sur l’ordre de Dieu, s’attendra à une récompense proportionnée à son héroïsme.
































CHAPITRE 6
LA DIVERSIFICATION DES TECHNIQUES
DE MANIPULATION MENTALE
" Dans des conditions favorables n’importe qui peut être converti à n’importe quoi "
• • • • Aldous Huxlley ( Le meilleur des mondes -Plon –1950)

L’histoire abonde en assassinats politiques où le conditionnement a joué un rôle capital.
• Jean de Poltrot, jeune calviniste appartenant à la maison de Coligny, fut préparé en 1588 pour l’assassinat du duc François de Guise, par son entourage et notamment sa mère. On lui fit faire à Genève un stage comportant des jeûnes et des prières haineuses, et un endoctrinement par mensonges, flatteries et promesses : le duc de Guise lui était présenté comme un être démoniaque et malfaisant que son devoir de protestant lui commandait d’abattre.
• Pour sa vengeance la famille de Guise utilisa la même technique. Elle porta son choix sur le moine Jacques Clément, individu extravagant, d’un mysticisme morbide, vouant une haine implacable aux huguenots. Hanté par l’idée obsessionnelle que le roi Henri III était un ennemi du pape et que sa disparition serait un bienfait pour la chrétienté, il apparut à la duchesse de Montpensier, soeur du défunt duc de Guise, comme l’instrument idéal de sa revanche.Avec la complicité du supérieur du couvent dominicain de Clément, elle entreprit de le conditionner. Après une période de régime alimentaire propre à augmenter sa suggestibilité, elle le soumit à de fausses apparitions d’une Vierge enjôleuse et caressante qui promit de se donner à lui s’il tuait " Henri le sodomite ". Le meurtre eut lieu en 1589.
• Lorsqu’en 1610, à son tour, le roi Henri IV fut abattu par Ravaillac, il n’y eut pas, comme pour Jacques Clément, un traitement spécial, mais ce que l’on pourrait appeler un conditionnement d’ambiance. Les ennemis du roi travaillaient habilement l’opinion publique. Les jésuites avaient répandu partout des brochures promettant l’absolution à un meurtrier éventuel. Ravaillac qui vivait dans un somnambulisme permanent nourri de fureur homicide, ne pouvait que trouver là, l’alibi justifiant son passage à l’acte.
• Dans ces trois cas un recours aux techniques hypnotiques proprement dites n’a pas été nécessaire, . Les sujets, en vertu de leur structure psychique individuelle et d’un fanatisme de nature religieuse, présentaient un terrain favorable. Il suffisait, pour les deux premiers, d’un endoctrinement fallacieux, accompagné, pour le second, d’une mise en scène habile (identique à celle utilisée par le " Vieux de la Montagne ") et, pour le troisième, d’une propagande occulte avec promesse de récompense divine, pour en faire des tueurs accomplis.

Les incitateurs ne disposent pas toujours de sujets aussi faciles à manipuler. En vue d’actions de grande envergure, il fallait donc découvrir des moyens de manipulation psychique applicables à toutes personnes.
La direction de base des recherches spéciales, entreprises dans les temps modernes dans cette optique, fut fournie par Pavlov qui n’hésitait pas à affirmer :
" Les hommes, ça ne naît pas, ça se fabrique "
Son disciple Skinner (Par delà la liberté et le dignité- R. Laffont –1972) découvrit, dans les années 1930 trois principes qui inspirèrent toutes les techniques de ce que les médias appelèrent désormais le " lavage de cerveau ":

Le conditionnement opératoire : à chaque manifestation d’obéissance répond une récompense.
La répulsion : à chaque acte de résistance correspond une punition.
La désensibilisation : le sujet est amené à une indifférence et une inertie totales, en le faisant journellement assister à des scènes de plus en plus violentes et intolérables.

Les méthodes de mise en oeuvre de ces principes, toutes destinées à un endoctrinement forcé - par lequel un individu quelconque est conduit à accepter des idées diamétralement opposées aux siennes et à adopter un comportement dirigé et contrôlé - varient sur une très large palette, de la non-violence la plus doucereuse jusqu’à la plus atroce brutalité.
Dans les méthodes douces, le sujet doit être conduit à estimer ses geôliers,à se sentir en infériorité par rapport à eux, et à désirer se rallier à leurs positions. Pour cela il est bien traité, logé et nourri. Journellement ont lieu des conversations amicales, avec un interlocuteur placé sur un siège plus élevé que le sien. Par une dialectique habile comportant un dosage judicieux de vérités et mensonges, on lui démontre que ses opinions sont fausses et on lui inculque la " seule vérité ". Pour ne pas risquer de voir le sujet récupérer son sens critique, on l’empêche de se grouper avec d’autres. L’endoctrinement est complété par des conférences, projections de films, lectures imposées et auditions de " témoignages ". Il comporte aussi, selon les recommandations de Skinner, tout un système de récompenses et punitions. Le couronnement est la " conversion ", accompagnée d’une tapageuse publicité.
L’efficacité de ce genre de traitement est apparue dans un certain nombre de cas connus cités par les médias.
• En 1949, le cardinal Mindszenty, primat de Hongrie, après 40 jours de détention au secret, fit une confession publique de ses " crimes " et de son " complot " contre le régime communiste. Plus tard, il affirma n’avoir subi aucun sévice mais seulement un endoctrinement.
• En mai 196O, le pilote américain Francis Powers - dont l’avion avait été abattu en mission d’espionnage au dessus de l’URSS - a fait au cours de son procès à Moscou une autocritique; et a demandé aux Russes de lui pardonner le tort qu’il leur avait causé.
• En 1974, Patricia Hearst, fille d’un milliardaire enlevée par une organisation révolutionnaire, refusa de quitter ses ravisseurs même après que la rançon exigée de son père ait été versée. Ayant subi une modification de sa personnalité, elle avait épousé leur cause.
• Pendant la guerre de Corée, 70% des 7.000 prisonniers américains ont fait des confessions publiques, et signé des pétitions.
Avec les méthodes " dures ", on entre dans le domaine de la torture. Cet art de faire souffrir, appartenant à toutes époques et civilisations, a atteint en notre siècle censé " éclairé " la quasi-perfection technique.

Le mot " torture " évoque les souffrances purement physiques, y compris les agressions basées sur des privations variées (nourriture, espace...); le maintien dans une obscurité totale ou, au contraire, l’éblouissement permanent. Les promesses fallacieuses comme les menaces pour soi-même ou les siens, le chantage, sont aussi à ranger dans ce concept.
Dans l’Antiquité, la torture n’était légalement employée qu’à l’égard des esclaves. Réapparue dans le cadre de la procédure pénale, au XIII° siècle, elle prit un développement démesuré dans le domaine religieux où fut inventé le crime de " lèse-majesté divine " caractérisé par le rejet d’un dogme ou l’adhésion à une doctrine condamnée par la théologie catholique.
Le pape Innocent IV est connu pour avoir " sanctifié la torture ", dans sa fameuse bulle " ad extirpendia " légitimant la lutte contre les hérésies.
La sinistre Inquisition put donc, en toute légalité, " au nom de Dieu ", sous la devise paradoxale " Justicia et Misericordia ", martyriser des milliers de personnes pendant plusieurs siècles.
Notre XX° siècle a le privilège peu enviable d’avoir réinventé et perfectionné la torture, en la plaçant sur un terrain qu’auraient répudié les inquisiteurs eux-mêmes : l’illégalité occulte,
facile à nier. On la retrouve, ainsi hypocritement institutionnalisée dans des systèmes policiers aussi bien que des organisations militaires ou paramilitaires.
L’objectif généralement poursuivi par les utilisateurs de la torture est l’aveu. Dans un cadre judiciaire, il n’est plus aujourd’hui douteux que des aveux extorqués par la violence sont dépourvus de toute crédibilité.
Dans le conflit entre la personnalité du torturé et le martyre subi, l’innocent comme le coupable sont à égalité : pour faire cesser l’intolérable, que faire sinon donner satisfaction à l’interrogateur ? C’est ainsi qu’en suscitant des aveux fantaisistes de pactes et sabbats sataniques, les inquisiteurs ont pu établir une doctrine délirante qui fit l’objet de très doctes traités.

Cependant, l’exemple même de l’Inquisition illustre une conséquence parfois imprévue de la torture : une transe de nature hypnotique qui donne aux aveux des accents de sincérité. Beaucoup, parmi les prétendus sorciers poursuivis par elle, étaient amenés à cet état par les chocs émotifs successifs causés par leur arrestation arbitraire (la plupart du temps sur dénonciation), par leur séjour dans des locaux sinistres, par la vue d’instruments de torture complaisamment exposés, puis par les tortures proprement dites accompagnées d’un interrogatoire pressant. Tout cela favorisait les hallucinations rétrospectives où ils jouaient le rôle qu’on leur imputait.
Cet effet peut être obtenu même en dehors d’une utilisation de techniques de torture. Les esprits lucides ne cessent de mettre en garde tous ceux qui, policiers ou magistrats, sont en contact avec des suspects, contre la puissance persuasive inattendue de certains interrogatoires de sujets à forte suggestibilité.
Le traumatisme causé par les contraintes de la procédure judiciaire peut être parfois suffisant pour qu’un investigateur, sans s’en douter, impose au prévenu une fausse version des faits qu’il adoptera en état second.

A fortiori, les méthodes de torture " dite scientifique ", destinées ouvertement à faciliter le conditionnement humain, peuvent-elles être d’une redoutable efficacité. Dans cette catégorie se situe la technique de " privation sensorielle " appliquée par l’Allemagne, en 1970, sur des détenus politiques. Fred Mohr(:Allemagne de l’Ouest :isolement total et privation sensorielle,une forme de torture pour les prisonniers politiques -Le Monde diplomatique -N°243- juin 1974 ) a décrit cette expérience hallucinante. Dans une solitude totale à l’intérieur de cellules acoustiquement isolées, sans fenêtre, aux murs et meubles peints en blanc, éclairées par une lumière éclatante permanente, les détenus étaient ainsi privés de tous stimuli sensoriels (bruits, contrastes d’ombres et lumières, couleurs ) et de tous contacts humains (une nourritrure insipide leur étant distribuée à travers un guichet). Ils perdaient rapidement la notion du lieu, du temps, de leur identité. Devenus des corps sans âmes, indifférents à tout, ils pouvaient être libérés sans danger pour la société.

Une technique semblable a été expérimentée en URSS où des détenus, après avoir subi une désorientation complète et des interrogatoires fréquents, menaçants, sarcastiques, interminables, étaient tout naturellement conduits à une confession publique.
C’est cependant la Chine qui a porté à la " perfection " (!) ce système, utilisé non pas pour dépersonnaliser les détenus comme en Allemagne, ni pour susciter une confession comme en URSS, mais pour une autre finalité autrement importante pour le régime : la rééducation
des opposants et leur utilisation comme main d’oeuvre gratuite pour l’exécution de travaux dangereux (assainissement de marais, défrichement d’immenses étendues). Le conditionnement était si efficace, que les malheureux en arrivaient à solliciter, comme une faveur, leur admission dans les camps de travail où la mortalité était effroyable.
*

L’hynotisme et la torture ne sont pas les seuls moyens d’attenter au psychisme humain. Dès le XIX° siècle on a pensé à utiliser des anesthésiques, pour faciliter l’induction hypnotique chez des sujets réfractaires. Au début on utilisait l’éther et le chloroforme en légères inhalations.
On songea ensuite au chlorure d’éthyle (l’anesthésiant des dentistes).Dans les années 192O le docteur Pascal Brotteaux mit au point une association médicamenteuse (scopolamine -chloralose) qui présentait l’avantage de permettre une utilisation de l’hypnose pratiquement dans tous les cas.
Cette technique avait aussi, à une époque de discrédit persistant de l’hypnose, l’avantage de la réintroduire hypocritement, sous une forme rassurante pour des praticiens, peu soucieux de s’attirer les foudres de l’orthodoxie médicale.
Ces recherches étaient faites dans un but strictement thérapeutique et humanitaire.
Pendant la guerre mondiale, il en fut autrement : à Dachau, un laboratoire dirigé par le docteur Plotner fit des tests systématiques en vue de découvrir le moyen radical d’annihiler la volonté d’un sujet.

La mescaline, drogue aux propriétés dites " psycho-dysleptiques " (modifiant l’activité psychique), très dangereuse pour des êtres déjà destabilisés, était administrée subrepticement aux prisonniers juifs, tziganes, russes et généralement à tous ceux que, de toutes façons, les nazis voulaient éliminer. Sous l’effet de la drogue certains devenaient prostrés, d’autres exubérants, le reste fous furieux. La plupart, ainsi placés en état second révélaient leurs secrets les plus intimes.
Parallèlement, le médecin suisse Albert Hoffmann découvrait, par hasard, en expérimentant sur lui-même, les effets du LS.D, synthèse dérivée de l’ergot (champignon attaquant le seigle). Il constata ainsi que ces effets sont plus puissants des milliers de fois que ceux de la mescaline, et un million de fois que ceux du haschisch. Cette drogue, absorbée en quantité infinitésimale, provoque une dissociation de la personnalité, des hallucinations et un état psychopathique, allant du délire de persécution et des réactions d’anxiété jusqu’aux crises de mégalomanie et aux conduites suicidaires. Par un usage répété on produit une psychopathie permanente.
C’est à la même époque qu’aux Etats-Unis,le bureau des services stratégiques connu sous le nom d’O.S.S. entreprit des recherches destinées à la découverte de drogues " capables de créer un état d’irresponsabilité rendant un sujet loquace et prêt à livrer des renseignements sans la moindre contrainte ". Son choix se fixa après de nombreuses expériences sur la marijuana qui permit, par exemple, de faire révéler par le gangster Del Gracio tous les dessous d’un trafic de drogue.
Après la guerre, des recherches de même nature permirent aux Américains de sélectionner le fameux Penthotal - appelé " sérum de Vérité "-, la Meta-amphetamine, et enfin la super-drogue hallucinogène connue sous le nom de B.Z, aux effets 10 fois plus puissants et durables que le L.S.D. Toutes ces drogues ont pour " intérêt ", dans la perpective d’une guerre secrète, de permettre une manipulation psychique de sujets et leur conditionnement pour l’accomplissement de tous actes suggérés, y compris le meurtre.

Au siècle du progrès technique, il était fatal que l’électricité et l’acoustique retiennent l’attention des praticiens du conditionnement humain. On commença par l’utilisation des basses fréquences électriques, transmises au cortex cérébral par des électrodes posées sur le front, les tempes ou l’arrière de la tête, ce qui permit de provoquer un sommeil plus ou moins profond, avec des phases de suggestibilité. Le même effet fut obtenu à l’aide des ultrasons.
Avec les irradiations par micro-ondes, on put altérer plus ou moins fortement le rythme normal des ondes du cerveau en provoquant des modifications de perceptions et des hallucinations.

Les recherches de ce genre étaient destinées à vérifier concrètement les possibilités de réalisation du vieux rêve de certains militaires : provoquer à distance un assoupissement de nombreuses personnes, augmenter ainsi leur suggestibilité afin de leur imposer des idées, des impulsions et des ordres.
Cette problématique fut également à l’origine d’une autre recherche qui paraît directement issue de la science-fiction :après implantation chirurgicale de récepteurs radio dans le cerveau, on espérait - par des impulsions appropriées - se rendre maître du psychisme de l’individu.
Le professeur Rémy Chauvin ( Les défis de la guerre future -Ed.France-Empire) décrit des expériences de cette nature réalisées sur des singes et des rats. De même, des taureaux de combat et des mules très rétives, ont pu être domptés par José Delgado, professeur à l’académie des sciences de New-york.
Avec les électrochocs qui provoquent un état hypnotique ultra-rapide, et la psychochirurgie, agression directe sur le cerveau, permettant de transformer de façon irréversible la personnalité d’un sujet, on atteint des sommets dans l’inhumanité.
*
J’ai cherché à donner un aperçu aussi complet que possible des méthodes permettant à des individus peu scrupuleux de " faire main basse sur les cerveaux " selon l’expression utilisée par John Marks (Main basse sur les cerveaux -Alta-Coll. Thèmes et témoignages –1979)
Bien que très sommaire, ce tableau montre que, par une technique hypnotique, par une méthode complémentaire ou substitutive de l’hypnose, ou par une combinaison habile de plusieurs d’entre elles, les manipulateurs psychiques disposent de moyens d’action d’une efficacité redoutable.



































CHAPITRE 1
LA SUGGESTION COLLECTIVE SPONTANEE
• • • • " Les crimes des foules ont généralement pour mobile une suggestion puissante et les individus, qui y ont pris part sont persuadés ensuite qu'ils ont obéi à un devoir "
• • • • Gustave Le Bon (Psychologie des foules -Alcan – 1916)
Pour modifier passagèrement ou durablement le comportement de l'homme, il suffit souvent de le plonger au milieu de ses semblables : c'est le phénomène bien connu des groupes et foules.
Dans un rassemblement humain, la personnalité individuelle se dégrade et peut aller jusqu'à la dissociation, à mesure que prennent le dessus les instincts primitifs et les émotions élémentaires. L'individu se sent à la fois irresponsable - puisqu'il a l'illusion que son leader assume toutes les responsabilités - et tout puissant, n'étant pas solitaire face au monde extérieur.
Ainsi, dominé, dans une transe de caractère hypnotique, par l'exaltation, l'enthousiasme, la peur, la colère, la haine, la cruauté, le sadisme, il est amené à accomplir des actes qu'il réprouverait normalement ou, tout au moins, n'oserait même pas envisager. Des études récentes ont établi que le modificateur de conscience le plus puissant est la pression du groupe, même restreint. L'expérience prouve parallèlement que pour contrôler une masse, il suffit de prendre le contrôle de son leader.
Comment expliquer ce phénomène qui peut paraître inconciliable avec l'idée philosophique de la liberté de conscience, que certains doctrinaires idéalistes croient voir progresser, dans les sociétés modernes, en fonction de leur évolution vers une plus grande civilisation et un régime de plus en plus " démocratique " ?
Rivarol, très réaliste disait :
• • " Les peuples les plus civilisés sont aussi voisins de la barbarie que le fer le plus poli l'est de la rouille.
Les peuples, comme les métaux, n'ont de brillant que les surfaces ".
L'homme n'est jamais complètement libre et indépendant dans l'accomplissement de ses actes. Il est irrésistiblement entraîné à s'aligner sur ses semblables, par une sorte de mimétisme social qui, dans les cas courants, contribue à la formation de la personnalité (et
se trouve à l'origine aussi bien de l'adaptation sociale que du conformisme, du traditionalisme, de l'intégrisme).
Dans les cas extrêmes, où des groupes d'hommes plus ou moins importants se sont formés, ce phénomène du mimétisme constitue un déclencheur d'hypnose collective.
Par l'hypnotisme individuel, une personne peut voir sa personnalité plus ou moins altérée; de même chacun des membres d'un de ces groupes devient tout autre de ce qu'il est à l'état habituel.

C'est pourquoi Gustave Le Bon, qui a fait une étude poussée du phénomène estime que, contrairement à ce que soutiennent certains et notamment Herbert Spencer (Principes de sociologie -Alcan-P.U.F.-1891) :
• • • " la foule n'est pas une somme et une moyenne des individus, qui la composent, mais bien la réunion et la formation de nouveaux éléments ".
Dans une salle, si le spectacle tarde à commencer, il suffira qu'une personne tape du pied ou crie son indignation, pour que tous les spectateurs en fassent autant.
Dans les rues de nos cités modernes, on entend quotidiennement, lors d'embouteillages, des cacophonies assourdissantes et vaines d'avertisseurs.
Rappelons ce métier, spécial à notre siècle, du " chauffeur de salle " chargé avant l'entrée en scène d'un animateur célèbre de lui " préparer le public ", en dynamisant l'ambiance et en orchestrant les applaudissements. Souvent, pour enflammer une salle, les " pré-animateurs " utilisent des meneurs repérés parmi les spectateurs et se comportant comme des catalyseurs de contagion.
Le pire peut être atteint dans un lieu public, lorsqu'un mauvais plaisant crie " au feu " et déclenche une panique. S'il y a réellement un incendie, comme ce fut le cas au Bazar de la Charité à Paris, au XIX° siècle, et dans tant d'établissements en notre XX° (magasins, salles de spectacles, discothèques...) la foule s'affole, se rue en masse vers les issues trop étroites, vite bloquées. Les gens, sauvagement, se repoussent, se piétinent, s'étouffent réciproquement. De même, dans un bateau qui coule, c'est la ruée incontrôlable vers les canots de sauvetage.

Et pourtant, si étonnant que cela puisse paraître, la plupart de ces personnes transformées par les circonstances en brutes aveugles sont absolument normales et n'ont jamais manifesté de tendances à l'agressivité, à la violence ou même seulement à l'intolérance ou l'égocentrisme. La raison en est simple : lorsqu'on analyse les manifestations de foule, on y retrouve la plupart des éléments caractérisant l'hypnose et les autres états suggestifs.
Nous avons vu que l'homme possède ce que Bernheim a nommé la " crédivité ", (expression irremplaçable, sans aucun synonyme, qui n'a pourtant pas fait école puisqu'on ne la retrouve dans aucun dictionnaire, aucune encyclopédie). Il s’agit, rappelons-le, de la faculté de croire sur parole la personne à laquelle on se soumet consciemment ou inconsciemment. L'exemple donné par autrui fait jouer le réflexe de la croyance sans examen. La " crédivité " a pour complément dynamique la suggestibilité, tendance impulsive à transformer une idée, une perception ou une croyance, en acte.
L'état hypnotique qui va de la somnolence jusqu'au somnambulisme, rend le sujet assez suggestible pour le priver de son propre contrôle. Or cet état peut se produire spontanément dès que le sujet est soumis à un stimulus externe( tactile, visuel, auditif, imaginaire, ou réaliste) qui joue, pour lui, le même rôle qu'un hypnotiseur.
Par ailleurs, la transe hypnotique est d'autant plus facilement obtenue que le précaire équilibre entre le corps et l'esprit est plus troublé. Ainsi en est-il dans la dépression nerveuse, les passions, la peur, le délabrement consécutif à l'épuisement, la souffrance, la maladie...

Enfin, l'état hypnotique est contagieux. C'est ce que certains appellent l'instinct moutonnier de l'homme.
Dès que plusieurs êtres humains sont groupés, on retrouve les mêmes facteurs. Même si chacun d'eux est capable, dans la vie courante, d'exercer le contrôle de ses pensées et de ses actes, il est porté, dans la foule, à croire sur parole celui qui crie le plus fort et joue le rôle de leader. Les affirmations les plus invraisemblables paraissent alors crédibles et provoquent une croyance immédiate quasi fanatique.
Si les stimulations et exhortations qui électrisent une masse d'hommes, tendent à la réalisation d'actes précis quel que soit leur degré de gravité, la suggestibilité exacerbée de tous les composants de la foule, pousse chacun d'eux à les exécuter sans discuter ni hésiter.
Ainsi, centrée sur des objectifs simples et à réalisation immédiate, l’attention est entièrement captée dans un champ de conscience réduit strictement à ceux-ci. Le mécanisme de cette hallucination collective est donc simple : la foule elle-même constitue un stimulus puissant. Pour l'amener à une manifestation quelconque il suffit que s'y ajoutent un ou plusieurs des éléments inducteurs suivants :
• la vue, sensible au cadre de la manifestation et aux scènes qui l'animent;
• l'ouïe, excitée par les discours, les exhortations, les hurlements, les plaintes, les musiques ou les coups de feu;
• l'odorat, étonnant stimulant dans les carnages où l'odeur de la poudre, la saveur âcre du sang jouent souvent le même rôle que les drogues hallucinogènes;
• l'imagination, déclencheur d'émotions élémentaires incontrôlables;
• l'instinct d'imitation, propagateur étonnamment rapide de l'entrain, l'allégresse, l'enthousiasme,la peur, l'indignation, la haine. Ainsi naissent et s'amplifient les tueries, les exécutions sommaires et autres lynchages.
La foule est donc bien une entité capable des mêmes réactions qu'un sujet exécutant en état hypnotique les actes les plus déraisonnables, en vertu d'un stimulus externe. Elle est finalement aussi irresponsable que ce dernier.
C'est ce que Regnard (:Les maladies épidémiques de l’esprit -Plon-1887/1973) résume de la façon suivante:
• • • " C'est au mimétisme que nous devons attribuer ces résolutions subites qui emportent vers la guerre, la révolte ou l'émeute des peuples entiers, au moment où ils semblaient le plus calmes, le plus pacifiques. Il y a des moments où une nation tout entière semble devenir malade et perdre son
libre-arbitre. C'est une véritable épidémie qui règne avec fureur. C'est une folie par imitation qui conduit aux actes les plus insensés "
Pour faire comprendre le phénomène de foule, il convient de citer un certain nombre de faits historiques, couvrant une échelle très large, de la simple curiosité pittoresque, jusqu'au comble de l'horreur :

Hallucinations collectives.
En 1816, plusieurs navires français qui voyageaient de concert, la frégate "Belle Poule", la corvette "Berceau" et le croiseur "Archimède" furent assaillis, près de l'île de la Réunion, par une violente tempête au cours de laquelle la corvette disparut. Les équipages des deux autres navires ne cessèrent dès lors de scruter désespérément la mer, avec l'espoir insensé de trouver des survivants. Quelque temps après, la vigie de la "Belle Poule" signalait un bateau démâté. Aussitôt l'équipage entier aperçut un radeau chargé d'hommes qui faisaient des signes désespérés de détresse. L'information ayant été transmise à l’"Archimède", la contagion de cette vision s'y propagea. Pour tous le phénomène s'amplifia, à mesure que les navires approchaient de l'épave; certains entendaient même des cris, des bruits de rame et des appels au secours. Lorsque l'objet fut tout proche, on s'aperçut qu'il s'agissait d'un amas informe d'arbres apportés là par le courant.

Epidémies psychiques
Des épidémies de suicides (et de modes de réalisation de l'autodestruction ) sévissent périodiquement. En 1772, treize invalides se pendent successivement dans un laps de temps très court. En 1805 un soldat se donne la mort dans une guérite; tous les soldats qui le remplacèrent dans la même guérite en firent autant. On dut détruire cet abri, pour mettre fin à cette étrange série. Notre siècle lui-même, est fertile en suicides idéologiques à caractère épidémique : le mode de destruction par le feu leur est commun.Récemment (au cours du premier semestre de l’année 1996) on a beaucoup parlé de la tragique épidémie de suicides de policiers (plusieurs dizaines, paraît-il ).
On pourrait multiplier à l'infini les histoires où la suggestion collective a joué un rôle important, depuis la fameuse affaire des convulsionnaires de saint Médard sur la tombe du diacre Paris, les névroses convulsives provoquées en Angleterre et en Amérique par des prédications religieuses, les épidémies de " possession démoniaque " de Morzine en Savoie, jusqu'aux manifestations hystériques de jeunes de notre siècle, au cours de représentations données par les idoles de la chanson, en passant par toutes les réactions d'enthousiasme provoquées de tous temps par des personnages de prestige.

Indignation et justice de foules
L'envers de l'enthousiasme est l'indignation.
On raconte qu'en 15O1, le roi Jean II de Suède assistait à une représentation théâtrale. Des acteurs très appréciés du public jouaient "Les Mystères de la Passion ". Celui qui incarnait le centurion Longus transperça accidentellement son camarade qui figurait le Christ en croix; la chute de celui-ci provoqua la mort de l'actrice qui jouait le rôle de la Vierge. Le roi Jean, fou d'indignation, monta sur la scène et décapita l'acteur maladroit d'un coup de sabre. A leur tour, les spectateurs rendus furieux par le meurtre de leur idole, cernèrent le roi et le mirent en pièces.
L'ivresse meurtrière présida à bien d’autres massacres plus odieux.
A Nîmes, bastion du Calvinisme dans le Midi, quatre-vingts catholiques prisonniers furent exécutés lors de la " Michelade ",le 29 septembre 1567.
En 1572, dans la nuit de la Saint Barthélémy ce furent quelque 3000 protestants qui tombèrent sous les coups des catholiques. Les tueurs éprouvaient une véritable volupté à assommer, poignarder, égorger.
Nous avons fait du I4 juillet notre Fête nationale pour commémorer la prise, en 1789, de la Bastille, considérée comme le symbole de la fin d'une tyrannie millénaire et de l'accession à une démocratie éclairée. Cet événement, si on le considère non en sa valeur symbolique mais en son mécanisme, illustre de façon très évocatrice la puissance destructrice de l'indignation contagieuse. Le " déclencheur " fut la charge des cavaliers du " Royal-allemand " ordonnée par l'entourage de
Louis XVI, contre la foule surexcitée qui manifestait sur la place Louis XV. Ceci porta à son comble l'effervescence des Parisiens qui se lancèrent à l'assaut de la Bastille. La forteresse fut rapidement enlevée, grâce aux canons des " Gardes françaises " ralliés aux insurgés. Tout en serait resté là si des manifestations de sadisme, trop souvent attachées aux mouvements de foule, ne s'étaient multipliées. Le gouverneur Launay, traîné par les cheveux, percé de coups d'épées et de baïonnettes, est décapité. Plusieurs autres subissent le même sort. Le lendemain eut lieu une "promenade de têtes" au bout de piques, au milieu de plus de 100 000 personnes
déchaînées.
Rappelons aussi les massacres de septembre 1792 perpétrés par une foule en délire, au couvent des Carmes, sur un évêque et des prêtres; puis à la prison de l'Abbaye où sont successivement assassinés des Suisses, des gardes du roi, et les personnes incarcérées. Le mouvement que Danton devait appeler la "Justice du Peuple" s'étend ensuite à toutes les prisons de Paris. N'ayant plus de "politiques" sous la main, les tueurs exterminent les détenus de droit commun.; et enfin les malades, puis les orphelines des hospices, en accompagnant leurs exécutions de multiples tortures, viols et autres raffinements sadiques.
On peut remarquer que la notion de " Justice " sert souvent de justification aux exécutions sommaires ( que l'on appelle " lynchages " à notre époque).
Il a suffi, en 1622, à Metz, qu'un individu désigne une vieille femme qui passait, comme une sorcière jeteuse de sorts, pour qu'une foule, de plus en plus dense et hostile, s'attaque à la malheureuse et la massacre à coups de pierres.
Une autre manifestation d'un sentiment de justice dévoyé serait amusante, si elle n'avait eu une conclusion dramatique.
Nicolas Remi, l'un des plus fanatiques inquisiteurs, après avoir voué des centaines de victimes au bûcher, se reconnut lui-même coupable de sorcellerie, pacte avec Satan, et participation à des sabbats et sortilèges. Magistrat consciencieux, il se condamna à mort et se fit exécuter.

La peur
Pour en terminer avec l'illustration des effets de la suggestion collective spontanée, on ne peut omettre un élément moteur essentiel : la peur.
D'abord l'histoire cocasse de ces juges inquisiteurs qui, opérant dans une salle de tortures classique, voient soudain apparaître devant eux un individu noir de la tête aux pieds. Croyant apercevoir le diable, ils s'enfuient terrorisés. Il s'agissait tout simplement d'un ramoneur qui descendait d'une cheminée.
La terreur de l'An Mille est restée légendaire. En ce temps là toute la société, persuadée de l'arrivée imminente de la fin du monde, s'abîma dans la dévotion et la prière. Depuis lors, les prophètes de malheur annonçant la fin du monde pour des dates précises, n'ont pas cessé de troubler les esprits. Il en est encore, en cette fin de second millénaire, qui vont jusqu'à provoquer des suicides collectifs sur ce thème (nous aurons l'occasion d'en parler en traitant du problème des sectes ).
La grande peur du XVIII° siècle fut causée par la crainte, souvent imaginaire, des bandits. Le soir dans les villes, se propageait la nouvelle de l'approche d'une bande de brigands armés jusqu'aux dents qui dévastaient tout sur leur passage. Il y avait toujours des témoins pour confirmer ce bruit. Certains avaient "vu" la troupe en marche; d'autres avaient "entendu" le tocsin sonné par des villes voisines, ou divers bruits significatifs. Aussitôt s'improvisaient des milices qui sillonnaient les campagnes; pendant ce temps les femmes enfouissaient les objets précieux. Bientôt les paysans, victimes de la contagion de la peur, refluaient vers la ville pour y demander asile. Au matin, les fantasmes avaient disparu, pour renaître la nuit suivante.
La peur a maintes fois provoqué des génocides, en vertu de la tendance naturelle de l'homme à attribuer des malheurs à l'action occulte d'autres hommes, désignés à la vindicte par leur race, leur couleur de peau, leur religion. L'antisémitisme, dont les racines plongent dans la nuit des temps et qui sévit encore de nos jours, est l'une des causes les plus fréquentes de la folie meurtrière collective.
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On est souvent tenté de ne considérer le phénomène de suggestion collective que sous son aspect négatif, qui apparaît dans le cadre des révolutions sanglantes, et des génocides inspirés d’idées primaires de justice
Si, par contre, on se penche sur ses aspects positifs, on constate que, de tous temps, les hommes ont pu être amenés à se rapprocher dans des explosions d’amour et de fraternité.
Certaines de ces communions sont restées stériles; elles ont eu cependant le privilège de donner à ceux, qui y ont participé, des instants de bonheur et la preuve que les hommes communient mieux dans l’amour que dans la haine.
D’autres ont, au contraire, été fécondes, en concrétisant ou en préparant des rapprochements de communautés humaines.
Enfin certaines manifestations se sont produites dans une dimension plus large, l’espace-temps : elles ont engendré des prises de conscience, des progrès souvent décisifs.

I - Les ivresses collectives et engouements mystiques sans lendemain
Un élan prodigieux présida à la fameuse nuit du 4 août 1789, au cours de laquelle l’Assemblée constituante décida de l'abolition des privilèges. Un propriétaire breton, Leguen de Kerengal avait déclenché une ivresse mystique, en montant à la tribune revêtu d'un habit de paysan. Après avoir dressé un sombre tableau du régime féodal, il avait déclaré renoncer solennellement aux privilèges et avantages de toutes sortes. Animés d'une émulation qui faisait boule de neige, les députés rivalisèrent de générosité : c'était à qui abdiquerait le plus de privilèges. L'un d'eux, dans un dénuement proche de la misère, n'en fut pas embarrassé pour autant : il offrit son dévouement à la cause publique.
Le 14 juillet de l'année suivante, au cours de la Fête de la Fédération, des milliers d'hommes fraternisèrent dans un enthousiasme proche de la folie sur l’Autel de la Patrie, où Talleyrand, évêque d'Autun, assisté de cent prêtres portant des écharpes tricolores, célébra une messe. 60 000 fédérés entourés de 400 000 spectateurs acclamèrent le Roi, le Président de l'Assemblée constituante, le Maire de Paris et La Fayette qui prêtaient serment à la Constitution. Tous se précipitèrent dans les bras les uns des autres, en riant, pleurant, s'exclamant, en proie à une émotion délirante.
Près d'un siècle plus tard, en 1888, une allégresse collective de la même nature, résultant d'un engouement forcené pour le général Boulanger, souleva le peuple de Paris agglutiné dans les rues, toutes classes confondues, aux cris de : " C'est Boulanger qu'il nous faut ".Cette effervescence qui fut comparée par François Coppée à la passion d'un "lieutenant pour une belle fille", avait une telle puissance, qu'une prise de pouvoir eut été d'une facilité exceptionnelle. Mais l'intéressé, se faisant des illusions sur la portée de l'événement dit: " Pourquoi voulez-vous que j'aille conquérir illégalement un pouvoir où je suis sûr d'être porté dans 6 mois par l'unanimité de la France ".C'était bien mal connaître les hommes, prompts à l'enthousiasme, mais se refroidissant aussi vite s'ils sont déçus : Boulanger rentra dans l'ombre.
Notre XX° siècle a connu une journée de fraternisation d’une puissance bouleversante et inattendue (très peu connue en France ), le 13 mai 1958, à ALGER. La population algéroise avait été avertie qu’aurait lieu, ce jour là à 13 heures, au monument aux morts, une cérémonie à la mémoire de 3 soldats français tués récemment. Dans une atmosphère de kermesse patriotique, riant, s’interpellant, s’embrassant, chantant, des milliers de personnes transforment toutes les rues du centre-ville en une gigantesque fourmilière. Il y a bien là de 50.000 à 100.000 personnes, qui restent agglutinées jusque très tard dans la nuit. Il serait hors de propos d’entrer dans le détail de cette exceptionnelle journée, qui marqua la fin de la IV° république. Cependant on ne saurait passer sous silence une constatation qui étonna les observateurs : la composition de la foule. Qu’il y ait eu là des militaires, et des non-musulmans, cela n’avait rien d’inattendu. Mais que, dans un élan spontané, les musulmans d’ALGER et de l’extérieur se soient joints par milliers à cette foule et aient participé sans réserve aux manifestations passionnées réciproques d’amitié et d’estime, ce phénomène, contraire à toutes les opinions courantes en France, avait de quoi surprendre. Il semble bien que les événements de cette journées mémorable aient contribué à propager chez les musulmans l’impression qu’ils seraient désormais protégés et libérés de la terreur perpétuelle dans laquelle ils vivaient depuis 4 ans. Ils furent très vite désenchantés.

II - Les rassemblements féconds
La chute du " mur "
Après la victoire alliée de 1945, l’Allemagne avait été séparée en deux parties, qui devinrent, à l’ouest la République Fédérale, et, à l’est, la République Démocratique. Le 13 août 1961, celle-ci érigea, à Berlin, un mur militairement gardé, pour concrétiser l’incommunicabilité entre les deux Allemagnes.
Ce que l’on appelait alors le bloc de l’Est, qui groupait autour de l’U.R.S.S. un certain nombre de pays, s’effondra entre les années 1989 et 1991.
Le 9 novembre 1989, apprenant que les frontières de la R.D.A viennent d’être réouvertes, des centaines de berlinois, dans un enthousiasme délirant, passant du rire aux larmes, se précipitent les uns au devant des autres.
Le célèbre violoncelliste Rostropovitch s’installe au pied du mur et joue du Bach sans interruption pendant des heures; en même temps, armés de toutes sortes d’outils, sous les applaudissements d’une foule extasiée, les berlinois s’attaquent à la démolition du mur, dont les morceaux se vendront ensuite à prix d’or comme reliques.
La liesse est générale et durera au delà du 23 novembre, où officiellement les chefs des deux Allemagnes, ont rouvert la célèbre porte de Brandebourg, dont l’accès avait longtemps été interdit par la présence du " mur de la honte ". Ainsi débuta la réunification de l’Allemagne, prélude dans une réaction en chaîne à la création de l’union européenne.

Les obsèques des rois Hussein de Jordanie et Hassan II du Maroc
Après plus de 47 ans de règne tumultueux mais fécond, sur un pays situé au coeur des problèmes les plus aigus du monde arabe, HUSSEIN, celui qu’on nommait " le petit roi " de JORDANIE, en raison de sa petite taille (en fait grand par sa stature d’homme politique humain, avisé et probe), est mort en février 1999.
Ses funérailles à AMMAN ont provoqué un extraordinaire rassemlblement, non seulement de tout un peuple de Jordaniens, Bédouins, Palestiniens, réfugiés irakiens, chrétiens ou chiites, mais également d’israéliens, africains, occidentaux, asiatiques.
Des chefs d’Etats et des représentants de toutes les nations du monde avaient tenu à être présents. Côte à côte, des amis de toujours, mais aussi des ennemis irréductibles, ont suivi dans un profond recueillement, le cercueil d’un homme universellement aimé et estimé pour sa personnalité attachante, et ses efforts inlassables, en faveur du bien-être de son peuple et du maintien de la paix dans une région en ébullition permanente.
Je considère cet événement comme une typique illustration de mon propos : cette foule immense et hétéroclite d’hommes unis dans un commun élan, manifestait visiblement, à travers l’hommage rendu avec ferveur à un défunt considéré comme un symbole, cette profonde aspiration à une paix durable, devenue, à la veille du troisième millénaire, une préoccupation essentielle des habitants de cette planète.
Et, comme cette année 1999, riche en évènements symboliques, confirme bien son caractère de charnière entre un passé préparatoire et un futur d’accomplissements, on ne peut manquer de noter la coïncidence entre tout ce qui a entouré la disparition du roi Hussein et celle du roi du Maroc Hassan II, survenue fin Juillet : autre personnage clef dans des rapprochements entre peuples, ses funérailles ont été l’occasion d’une communion entre les personnalités du monde arabe et du monde occidental, dans une ferveur collective impressionnante, symbole remarquable.

III - Les élans générateurs de mutations
J’ai déjà fait remarquer que l’homme ressemble à un ordinateur, qui se programme sans cesse et corrige en permanence sa programmation.
Il en est de même pour l’humanité dans son ensemble. Mais là le facteur espace-temps joue un rôle déterminant. Les progrès ne sont jamais immédiatement perceptibles, même s’ils touchent des domaines ou des idées d’importance primordiale.
Ainsi, alors que, dans l’antiquité, l’esclavage constituait une base sociale assez incontestable, pour être codifiée par des règles coutumières et législatives, à notre époque
il est considéré non seulement comme aboli officiellement, mais comme une forme d’inhumanité universellement réprouvée (bien que sa survivance sous d’autres formes soit encore patente ).
C’est là l’exemple type d’une évolution idéologique progressive.
Beaucoup d’autres cas s’inscrivent dans le contexte du phénomène de la "mutation ", qui correspond à un changement en profondeur survenu dans un temps très court et souvent en un lieu circonscrit, passant sur le moment inaperçu, mais s’étendant, par l’effet de la suggestion collective, dans le temps et l’espace avec une grande rapidité, pour finalement acquérir un caractère stable et irréversible. Dans ce cas de figure, on trouve souvent comme " catalyseur " un homme ou un groupe d’hommes. En voici plusieurs exemples, qui me paraissent bien illustrer mon propos

Aimez vous les uns les autres : un homme appelé Jésus
Il n’est pas dans mes intentions de ressasser ici l’histoire universellement connue de la vie de Jésus Christ et de tous les événements relatés dans le Nouveau testament, qui ont servi de base aux multiples interprétations, dogmes et rites actuellement suivis dans le monde
Je cherche, toujours dans le cadre de la suggestion collective, à mettre l’accent sur une personnalité hors du commun, d’une stature assez exceptionnelle, pour avoir provoqué, dans l’espace-temps, une révolution radicale dans les habitudes de pensée et les tendances de l’homme et des sociétés
On a eu trop tendance à présenter Jésus, soit, par excès, comme le " fils unique de Dieu ", comme si, doutant de la portée de son message, on avait cru nécessaire, pour le rendre crédible, de lui donner une dimension extra-terrestre; soit, par défaut, comme un révolutionnaire politico-religieux, comme si on lui attribuait un rôle d’agitateur, dont les paroles auraient constitué une sorte de propagande orchestrée.
Et, dans tout cela, qu'est devenu l’homme, cet homme qui a pu, par sa seule dimension de proportions colossales, son enthousiasme, sa pureté, sa modestie, son désintéressement, ses principes simples et accessibles à tous, basés sur l’amour inconditionnel du prochain, la tolérance, la liberté, le pardon et l’évolution vers un progrès incessant, pousser l’humanité dans un prodigieux bond en avant. Le christianisme, qui est issu de tout cela, a malheureusement débouché sur nombre de formes de dogmatisme et d’intolérance : or c’était précisément contre les religions figées, au service d’une caste cléricale toute puissante, que Jésus s’élevait : sans cesse il opposait l’esprit à la lettre, la foi à l’obéissance
Aussi n’est-il pas étonnant que la véritable personnalité de Jésus n’ait été longtemps perçue, dans son pays, que par son entourage proche. Il trouve, parmi d’humbles pécheurs, ses premiers disciples, Simon (ou Pierre), André, Jacques et Jean. Ils le suivent, fascinés par sa personnalité, son langage et sa chaleur humaine.
Bientôt il a l’occasion d’augmenter le cercle de ses fidèles, au temps du " Sermon sur la montagne " où il porte l’accent sur les qualités du coeur et assure que l’avenir appartient, non aux puissants de ce monde, mais " aux doux ",à " ceux qui pleurent ", " ceux qui ont faim et soif de la justice " " aux miséricordieux ", " ceux qui ont le coeur pur " " ceux qui souffrent persécution "
Et puis voilà cette exhortation inhabituelle et sublime : " Si quelqu’un vous frappe sur une joue, présentez-lui l’autre "
Le Sermon sur la montagne ne sera jamais dépassé : à travers les deux millénaires, qui l’ont suivi, il est resté intact, malgré toutes les vicissitudes des sociétés et du christianisme. A lui seul il apporte des trésors d’espérance et de consolation à tous ceux qui souffrent, et des règles de conduite à tous les hommes, depuis les plus humbles, jusqu’aux plus éminents dirigeants
C’est bien l’illustration- type d’une idée génératrice d’une suggestion collective infiniment féconde.

Gandhi et la non violence
Autre exceptionnel jalon dans l’évolution du monde, le Mahatma GANDHI, né en 1869 mit en oeuvre un principe découlant du célèbre " Tu ne tueras point ", tellement oublié par les hommes, dont les seuls moyens, pour faire triompher leurs idéaux, étaient restés malgré l’exemple du Christ, la guerre et le génocide : la résistance passive, qui excluait toute forme de violence, même en cas de légitime défense.
La suggestion collective provoquée par cet homme et sa philosophie fut d’une ampleur étonnante, au point que l’on peut affirmer que, grâce à l’influence de Gandhi, l’Inde a été capable de secouer la domination britannique et de faire l’expérience de la démocratie.
Pour comprendre l’enthousiasme soulevé par sa présence il faut considérer que l’Inde est un pays particulier, tout inspiré de spiritualisme, où la doctrine des vies successives, qui implique une progression incessante vers le bien, entretient un mysticisme collectif et un culte de l’individu capable de dominer et de servir d’exemple par sa foi et sa sainteté. Gandhi répondait admirablement à l’idéal spiritualiste des hindous; simple, humble, ayant renoncé à tous biens terrestres, ayant pour seul but la pureté, sa doctrine était inspirée de l’idée spiritualiste essentielle du pouvoir psychique : il prêchait que, pour vaincre un adversaire, il ne faut pas utiliser la violence, force négative, car la violence appelle la violence et avilit et paralyse l’âme. Par contre opposer aux obstacles, aux menaces, aux brimades, une résistance passive, c’est disposer d’une force autrement puissante, fertile et positive. La non violence implique que le combattant ne redoute pas la mort et accepte par avance avec joie son éventualité, persuadé que son sacrifice lui permettra d’avancer à pas de géant dans la voie de la libération spirituelle. Dans le même ordre d’idées toute forme de bien-être matériel est à proscrire : ainsi pour l’homme politique la seule arme est la résistance passive et il doit absolument renoncer à tous efforts vers la prospérité économique et l’indépendance individuelle de ses administrés..
Cette doctrine simple et accessible à tous dans un pays aux aspirations métaphysiques rejoignant un inconscient collectif ancestral, permit à Gandhi d’exercer sur le peuple hindou une fascination sans égale Les foules le suivaient dans une transe extatique perpétuelle : rien n’était plus impressionnant, pour des occidentaux habitués aux tempêtes de l’enthousiasme de leurs peuples, que de voir ces foules communiant avec leur leader dans un silence impressionnant d’une qualité émotionnelle bien plus intense
Certes le Mahatma Gandhi; comme Jésus, connut le martyre des précurseurs et tomba sous les coups de fanatiques extrémistes (on vit depuis lors de courageux défenseurs d’idées voisines des leurs périr de même : l’Egyptien Anouar El Sadate, l’Israélien Itzhak Rabin ).Mais aucun de ces sacrifices n’a été stérile. L’idée de la non-violence,, celle dont elle découle, l’amour entre les hommes, qui implique des efforts soutenus à une échelle internationale, pour éviter les affrontements et les guerres, ou pour tenter d’empêcher l’extension de conflits engagés, ont pris des dimensions planétaires.

Coluche et les " Restos du coeur "
Surprendrai-je le lecteur en intégrant dans ce chapitre consacré aux grandes mutations le personnage de Coluche, ce clown grinçant et graveleux, grotesque dans son célèbre bleu de travail. Et pourtant le défi que cet homme a porté à la misère a provoqué un élan de solidarité sans précédent, qui s’amplifie d’année en année dans des proportions démesurées.
En 1985, dans son langage habituel, Coluche manifeste sa révolte contre la misère et l’exclusion sociale et " file rancart à tous ceux qui n’ont rien… " Son appel est entendu de tous les milieux : les artistes jouent et chantent au profit des plus démunis; selon leurs moyens riches et pauvres versent leur obole Des collectes de vêtements et de vivres sont organisées un peu partout.
Très rapidement s’ouvrent des " Restos du coeur ", cantines ouvertes à tous, où des bénévoles distribuent gratuitement des repas.. Sans cesse d’autres restaurants se mettent à la disposition de la misère.
Mais Coluche a eu tout juste le temps de voir son idée et son élan du coeur prendre forme concrète : le 19 juin 1986 il trouve la mort dans un accident de motocyclette.





























CHAPITRE 2
LA SUGGESTION COLLECTIVE PROVOQUEE
• • • • • • • • " L'efficacité de la propagande politique et religieuse dépend des méthodes employées, et non des doctrines enseignées. Ces dernières peuvent être vraies ou pernicieuses, peu importe ".
• • • • • Aldous Huxley

J’ai montré l'analogie entre le processus de suggestion individuelle et les phénomènes de foule. On peut en déduire que, dans un rapport entre un suggesteur et le sujet, si l'on remplace celui-ci par une collectivité, le résultat est de même nature. Le meneur d'une bande de jeunes, le "père" d'une secte, l'organisateur d'une manifestation politique, syndicale ou simplement contestataire, le chef révolutionnaire, le dictateur, sont autant de manipulateurs d'êtres humains. La seule différence entre eux réside en l'importance numérique du groupe manipulé. L'échelle peut s'étendre d'une dizaine d'unités jusqu'à une nation, ou un groupe de nations.
Les possibilités sont infinies, dès lors que le groupe manipulé exerce une action suggestive sur ses membres et sur l'extérieur. D'autre part, un chef de groupe n'a pas besoin d'exercer son action personnelle en permanence : il lui suffit de manipuler des leaders, des cadres, des partisans fanatisés, pour maintenir son emprise.
Ce qui frappe, dans l'histoire du monde, c'est le perfectionnement incessant des méthodes d'action collective. Empiriques et procédant pendant longtemps plus du génie que de la réflexion consciente, elles constituent selon Jacques Ellul (Histoire de la propagande-J’ai lu -1967 ) une véritable science depuis la dernière guerre mondiale.
Le Grec Pisistrate (600 à 527 avant J.C ) fut le premier à utiliser un ensemble de moyens de pression savamment coordonnés :
• l'éloquence et les largesses populaires
• la tactique de la "révélation d'ennemi public", comportant de fausses accusations suggérant des complots
• la falsification de documentsla mise en scène de manifestations à grand spectacle. Plus tard, Périclès (495 à 429 av. J.C) exerça une "monarchie de la persuasion" par des moyens identiques auxquels il ajouta des programmes de grands travaux, destinés - déjà ! - à lutter contre le chômage.
La Grèce mit à l'honneur, du VII° au IV° siècle av. J.C., une manipulation destinée à un grand avenir : la propagande religieuse et la domination par le clergé depuis le site grandiose de Delphes considéré alors comme le centre du monde.
Le monde romain, aussi bien sous la République que sous l'Empire, connut deux types de manipulation de masse appelés aussi à faire plus tard des émules.

1°) Le mythe de la supériorité, ayant pour complément celui de la quasi-divinité des chefs :
• la supériorité de Rome créant, par suggestion collective, le désir des peuples "inférieurs" de mériter la promotion à la citoyenneté romaine
• le modèle du "Vieux Romain", vertueux, courageux, dévoué au bien public, désintéressé, ayant le culte de la patrie;
• pour couronner le tout, l'adoration de l'Empereur, demi-dieu à révérer, respecter et craindre. Et, sous la république, le culte de même nature des leaders.

2°) La propagande par organes de presse : les Romains sont les inventeurs de ce mode d'information, vite transformé en moyen efficace de désinformation. On utilisait pour cela des placards, affiches, communiqués lus à haute voix.
Le conditionnement collectif laïque fut ignoré jusqu'au XVI° siècle : le prestige de la royauté suffisait pour maintenir le peuple dans l'obédience.
Par contre, une manipulation de masse permanente orchestrée par le Pape et le clergé, permit à l’Eglise d'exercer pendant plusieurs siècles un pouvoir politique indirect puissant. Elle a jeté les bases de la science de la manipulation de masse par de savants moyens d'action.
• Propagande habile,en pesant sur la foi des individus, pour les amener à suivre aveuglément tous mots d'ordre. On retrouve là l'invention du Grec Pisistrate de la technique de "désignation de l'ennemi public". Tout "non-catholique" (Juif, Maure, protestant, cathare...) ainsi que tout catholique non moulé dans l'orthodoxie officielle (sorcier, sacrilège, ou dénoncé comme tel) est un germe nocif à éradiquer.
• Excommunications de rois, interdits jetés sur des royaumes, menaces individuelles de l'enfer.
• Falsifications d'informations et de documents.
• Organisation de croisades, par une action psychologique intense multiforme.
• Mise en place de la juridiction de l'Inquisition qui, par la terreur et la persécution, permit à la papauté d'occulter toute recherche, tout savoir nouveau, pour sauvegarder son autorité dictatoriale. L'Église a fait oeuvre novatrice, en créant le "délit d'opinion".
• Instauration d'une structure, très élaborée, de manipulateurs conscients et de manipulés inconscients, enserrant les pays d'une toile d'araignée sans faille permettant d'exercer un espionnage étroit, d'entretenir une terreur permanente, de susciter un flux de dénonciations. Là aussi a été créé un modèle d'organisation que l'on retrouve à notre époque dans toutes les entreprises destinées à l'exercice d'un pouvoir sans contrôle, sur des masses manipulées savamment.
Les mêmes recettes servirent à Napoléon 1er pour asseoir et maintenir son pouvoir.
Mais il fallut attendre la révolution soviétique, pour retrouver une technologie élaborée de l'action sur les masses.
*

La science moderne de la manipulation collective considère, comme élément de base capital, la propagande.
" Lorsque la propagande a rempli tout un peuple avec une idée, l'organisation peut en tirer les conséquences avec une poignée d'hommes ".
Tel est le principe que n'a jamais cessé d'appliquer le maître du genre, Adolf Hitler (:Revue " Der Angriff " 18 janvier 1929) tout au long de son action politique. On ne pouvait mieux formuler le concept du "monoïdéisme", très connu des hypnotiseurs comme générateur d'état d'hypnose et de suggestibilité, et applicable à toute propagande. En la matière, l'induction d'un état collectif et contagieux de suggestibilité importe avant tout. Pour être efficace, une bonne propagande n'a donc nul besoin d'être logique, rationnelle, inspirée de principes moraux. C'est même l'inverse qui constitue l'idéal.
Hitler l'a exposé de façon claire et nette (Mein Kampf -P.Sorlot-1934) :
" Si vous désirez la sympathie des masses, vous devez leur dire les choses les plus stupides et les plus crues ".
C'est ce qu'Albert Camus (L’homme révolté- Le terrorisme d’Etat et la terreur irrationnelle- Gallimard) a exprimé ainsi :
" Le fascisme c'est le mépris.... Inversement toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme".
En effet, l'information donnée par le propagandiste par quelque moyen que ce soit (rumeur, presse, radiotélévision, affiches, tracts, discours etc...) ne permettra de bien modeler l'opinion publique de façon à l'orienter dans le sens souhaité, qu'à condition :
• d'être partiale et, pour cela, de filtrer les faits, en ne laissant en évidence que ceux qui vont dans le sens de la thèse à imposer; d'autre part de falsifier habilement ceux des faits filtrés dont le caractère n'est pas assez significatif.
• de faire appel à l'affectivité, aux sentiments, aux passions, en évitant soigneusement que la réflexion, la conscience, le contrôle ou la censure des destinataires aient l'occasion de s'exercer.

Pour augmenter la suggestibilité collective tous les moyens sont bons : slogans, insignes, drapeaux, hymnes, formules stéréotypées, signes et symboles de reconnaissance, minutieusement orchestrés de façon à ramener et maintenir les individus, au stade primaire où l'émotivité domine.
Les slogans jouent un rôle essentiel, dès lors qu'ils sont précis et concis donc faciles à retenir par tous. Encore faut-il aussi qu'ils s'adaptent à la psychologie des manipulés; cela permet, en évitant d'expliquer rationnellement l'idée à imposer, de dispenser les destinataires de raisonner. On n'analyse jamais l'oeuvre de Karl Marx, ni les principes politiques de Mao Tse Toung, et on se garde bien d'exposer les arguments pour ou contre. Il suffit d'utiliser des formules lapidaires dont les exemples historiques sont multiples.
Qui, parmi ceux qui ont vécu le début de la dernière guerre mondiale, ne se souvient avoir vu partout en France, placardées ces affiches mensongères
" Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts "
Pendant ce temps nos adversaires proclamaient :
" Ein Volk - Ein Reich - Ein Führer " (Un Peuple, un Empire, un Chef) " Gott Mit Uns " (Dieu est avec nous)
" Kraft Durch Freud " (La force par la joie)
et l'affreux " Juda Verrecke " (Mort aux juifs)
Après la défaite de 194O le gouvernement de Vichy suivit cet exemple avec son fameux slogan :
" Travail -Famille - Patrie "
*
L'un des éléments essentiels de la persuasion est l'art oratoire qui place le leader face à une foule, dans la même position que l'hypnotiseur face à son sujet.
Appliquant, consciemment ou inconsciemment, ce que Marcel Rouet (L’homme révolté- Le terrorisme d’Etat et la terreur irrationnelle- Gallimard ) a appelé " les commandements de la suggestion " l'orateur s'exprime :
• en termes clairs et concis;
• d'une voix nette, bien timbrée, parfaitement articulée, assurée et fermement impérative, sans être jamais désagréable ni brutale;
• avec des accents rassurants, apaisants, affirmatifs quant aux effets annoncés;
• en suivant une judicieuse progressivité dans les injonctions;
• avec une réitération bien équilibrée, pour mobiliser en permanence l'attention.
Cependant le bon orateur doit, pour galvaniser son auditoire, posséder en outre, le prestige, la prestance, le " magnétisme ", " la voix ", c'est à dire une voix puissante, bien timbrée, en quelque sorte musicale, et enfin, une technique sûre et expérimentée.
Danielle Duez (La prosodie du discours politique- Revue " Science et vie " n° 749- février 198O a analysé plusieurs discours politiques retenus à titre d'échantillons (prononcés notamment par Georges Pompidou, François Mitterrand, Jean-Marie Le Pen) en se référant aux paramètres constitutifs de la prosodie (débit, durée des sons et des pauses, rythme, intensité et hauteur des sons ).
Elle a ainsi constaté des caractères communs aux orateurs politiques.
• Un débit lent qui permet d'être compris de tous et d'insister sur certaines idées.
• Des pauses fréquentes et longues, facilitant le décryptage et l'assimilation des raisonnements. De temps en temps, des pauses inattendues, permettant des effets de surprise qui contribuent à la mise en valeur de notions considérées comme importantes.
• Une certaine régularité rythmique, avec une accentuation fréquente et l'emploi multiplié de groupes de une syllabe accentuée, et, de temps en temps, l'accentuation inattendue de mots et de syllabes habituellement non accentués : tout cela dans le but d'attirer l'attention sur certains passages.
• L'insistance particulière sur certaines classes de mots (infinitifs, adjectifs, adverbes), afin de traduire des options politiques,d'imprimer aux propos tenus une valeur polémique, didactique ou émotionnelle en donnant à chaque mot son impact maximum. Dans d'autres cas cette insistance permet, soit de fustiger avec plus de violence l'adversaire, soit d'évoquer un avenir plein de promesses.
• Enfin une recherche particulière sur la durée, l'intensité et la fréquence des sons. Les allongements expressifs de syllabes accentuées sont par exemple la marque d'un style oratoire personnel : ainsi le général De Gaulle aimait-il lancer son fameux hymne à la "Fran-an-an-ce".
• *
Dans la manipulation collective, un élément aussi important que la propagande, est le culte interne de nature mystique que l'on développe sur deux objectifs essentiels : le groupe auquel on appartient d'une part, et le chef du groupe d’autre part.

Le Groupe
Le but à poursuivre est de souder les manipulés en un groupe partageant les mêmes idéaux, et de les persuader que ce groupe est puissant, supérieur à tout, détenteur de la Vérité absolue. Il en sera de même quelque soit l'importance numérique du groupe qui pourra ainsi être une bande de jeunes, un parti, un syndicat, une entité politique (Nation, État, Gouvernement officiel, clandestin ou occulte),une secte...
Le groupe, devenu de la part de ses membres l’objet d’un culte de nature mystique, exercera ainsi de lui-même, en vertu de sa seule existence, une fonction conditionnante permanente à l’égard de chacun d’eux.

Le Chef
Le culte de l'homme providentiel est capital. L'individu a toujours besoin d'un leader, qu'il puisse vénérer ou haïr, selon le cas. A plus forte raison, la vénération inconditionnelle d'un être placé sur un piédestal est-elle, pour l'élément d'une collectivité manipulée, une nécessité et une justification existentielles. Ce rôle a été joué par de nombreux personnages historiques : par exemple Napoléon Ier, Hitler, Mussolini, Franco, Pétain, Lénine, Staline, Gandhi, Khomeyni, Fidel Castro, Mao Tse Toung etc...
*
Nous avons vu que, pour dynamiser une action collective, il n'est pas nécessaire de faire adopter par la foule manipulée une doctrine bien structurée. Des slogans très primaires suffisent pour créer une ambiance, génératrice d'un phénomène d'identification des partisans à " l'entité " (bande, parti, nation, race, ethnie, religion ).
De même il n’en faut pas plus que des concepts élémentaires pour susciter l'esprit de sacrifice au profit de la "cause", provoquer la dénonciation des déviationnismes, et le rejet de ceux qui oseraient faire usage de leur esprit critique.
Il est essentiel pour le manipulateur de groupe, de faire jouer le réflexe d'intolérance qui permet de focaliser l'agressivité des sujets traités sur une ou plusieurs catégories de personnes, révélées ou désignées comme "l'Ennemi".
Cette tactique, qui a présidé à toutes les épurations et provoqué tous les génocides de l'histoire, est toujours "payante" hélas !
Il est bien connu que le meilleur cadre, pour une manipulation de masse, est le rassemblement populaire, de préférence de grande envergure. Prenons l'exemple d'un tribun politique : si habile, percutant et envoûtant que soit son discours, il ne peut avoir sa pleine efficacité qu'entouré d'une mise en scène savante : l'idéal est la cérémonie fracassante du style "Nüremberg" ou "Place rouge" ou "Place Tien an Min", avec musiques assourdissantes, profusion de drapeaux et banderoles, défilés et évolutions impressionnants. La liesse populaire, grâce au besoin humain de communion, permet un conditionnement puissant et durable, surtout si un "ersatz " religieux est fourni à la foule par ces cérémonies rituelles à grand spectacle, autour d'une idée exaltée solennellement par des pseudo-prophètes.
*
Tous les éléments évoqués ci-dessus ne suffisent pas pour mener à bien une entreprise de grande envergure, telle que la formation d'un organisme révolutionnaire ou simplement d'une secte de dimension internationale. Encore faut-il mettre en place une organisation adéquate.
Selon Jean-Pierre Morin (Le viol psychique, un nouveau moyen de subversion : la psychopolémologie-Roger Garry- Eyrein-1975) la science du contrôle collectif fait apparaître des schémas de principe comportant généralement deux phases essentielles.

1°) La création d'une structure de type pyramidal composée de manipulateurs contrôlés mais conscients. Cette structure peut être représentée schématiquement de la façon suivante :
Chef suprême
• Manipulateurs conscients
Ce "chapeau" n'est pas un "Comité directeur": c'est un groupement hiérarchisé d'instructeurs très spéciaux, dont la mission n'est pas véritablement d'enseigner, mais de créer des robots humains. Ces instructeurs sont eux-mêmes des robots supérieurs manipulés pour être conscients, afin d'avoir une efficacité maxima : ils sont conscients de la mission à accomplir, mais strictement limités à cette mission et, en même temps, dégagés de toute responsabilité quant à la signification, la portée et les implications morales et autres de cette mission qu'il ne leur appartient ni d'analyser ni de discuter. Leur seul rôle se limite à l'exécution de la mission, avec toute la compétence et le soin que l'on attend d'eux.
La structure pyramidale permet d'obtenir ce résultat, grâce à une diminution du sens moral qui se produit de bas en haut de la hiérarchie, et une augmentation corrélative des exigences qui, elle, se produit de haut en bas.
A tous les niveaux, du chef suprême jusqu'au simple exécutant, personne n'a plus aucun sentiment de responsabilité. Chacun est capable de tout, sans que ceux du niveau supérieur aient à redouter de la part de quiconque, du niveau subalterne, des scrupules ou des remords.

2°) La création de structures de manipulés inconscients de type "sphérique" :chaque structure sphérique, sous la responsabilité de l'un des manipulateurs conscients du niveau subalterne de la structure pyramidale, est indépendante des autres structures sphériques. Chacune d'elles peut être représentée par le schéma suivant:
• Structure sphérique
Le manipulateur conscient a pour mission de manipuler le chef de la structure sphérique qui répercutera la manipulation sur les autres membres de son groupe.
Cette structure, familiale et conviviale, fonctionne de façon autonome : elle assume ses propres responsabilités. C'est à elle qu'incombe l'exécution des missions ordonnées par le chef suprême avec lequel, bien souvent, elle n'a aucun rapport direct; ce qui ne l'empêche pas de lui porter une vénération inconditionnelle.
*
Dans le domaine de la manipulation de masse, les possibilités d'une organisation combinant structure pyramidale et structure sphérique sont infinies et démesurées. Grâce à elle, rien n'empêche :
• d'endoctriner jusqu'au fanatisme une catégorie de personnes, une foule, même tout un peuple, et, cela se voit couramment, des populations couvrant plusieurs territoires;
• d'organiser le terrorisme sous toutes ses formes, pour manipuler les populations visées et orienter des prises de position nationales, antinationales, ou internationales;
• de mener à bien une guerre de type révolutionnaire;
• de créer, après le succès de la révolution, un Etat à régime totalitaire;
• de sauvegarder, pendant un temps indéterminé, la stabilité du régime totalitaire.
On trouve essentiellement les deux phases du schéma de contrôle psychique collectif, avec des adaptations spécifiques, dans trois organisations dont l'étude me paraît importante:
• les sectes politico-religieuses,
• les organisations révolutionnaires et les structures terroristes,
• les régimes totalitaires.


























CHAPITRE 3
LES SECTES
" Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée aux faibles et aux timides "
Nietsche
" Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père, sa mère et sa femme et ses enfants et ses frères et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple
"Saint Luc 14-26

Dans les années 1970 a paru un livre, qui avait la prétention de donner un tableau complet des " sectes " en France, et plus particulièrement à Paris (Fanny Cornuault :La France des Sectes -Tchou-1978)
. L’expression " secte " y ayant été prise dans un sens extrêmement large, l’auteur englobait indifféremment, dans une intention nettement péjorative, renforcée par un ton se voulant humoristique, les mouvements axés sur un chef de file, les religions autres que le judéo-christianisme orthodoxe. Les groupements contractuels ou informels de personnes partageant une même conviction ou ayant entrepris des recherches centrées sur un thème précis, y étaient également visés.
En Février I983 A. Vivien (Les Sectes en France :expression de la liberté morale ou facteurs de manipulation ?-Rapport établi à la demande du Premier Ministre-1983 ) a publié un rapport recensant en France, sous une optique identique,116 groupes ou associations et 8OO groupuscules qu’il considérait comme des sectes.
Plus récemment, le livre " Sectes état d’urgence " diffusé par le très sérieux " Centre de documentation, d’éducation et d’action contre les manipulations mentales " (Centre Roger Ikor C.C.M.M. contre les manipulations mentales Albin Michel –1995) a répertorié un très grand nombre de groupements et mouvements qu’il dénonce comme des sectes dangereuses car pratiquant " une escroquerie morale et financière " et apportant " de fausses réponses à de vrais problèmes ".
Ainsi, sur une large échelle, l’humour comme les intentions humanitaires convergent pour donner du concept de sectes une définition extensive, très floue, génératrice d’amalgames, de confusions d’intolérance et, fait plus grave, de terreurs contagieuses.
Etymologiquement le mot secte peut avoir pour origine le verbe latin " sequor "(suivre) : il vise alors un certain nombre de personnes partageant les mêmes idées. Le verbe
également latin " secare " (couper), évoque une idée de sécession, par rapport à une religion ou une doctrine. On trouve dans l’histoire des exemples des deux catégories.
Le philosophe grec Epicure avait polarisé un certain nombre de disciples sur le plaisir procuré par la culture de l’esprit et la pratique de la vertu, recherchés comme le souverain bien.

Les Chrétiens, à l’origine, formaient une " secte ", en sécession avec le Judaïsme. Plus tard les Cathares, les Calvinistes et les Luthériens constituèrent des " sectes " détachées du Christianisme. Dans les temps modernes, les associations créées autour d’une idée, et les mouvements issus de tendances sécessionnistes se sont multipliés de telle façon que le mot " secte " peut être considéré comme ayant perdu ses significations traditionnelles.
On ne saurait sans quelque abus, l’employer pour désigner sans distinction tout groupement autour d’une idée ou d’un chef de file, ou toute religion non " orthodoxe ". Car, selon cette conception, ne pourrait-on pas être amené à considérer comme des "sectes " tous les partis politiques, tous les syndicats, toutes les associations littéraires, artistiques, sportives, scientifiques, philosophiques. . ?
Il me semble que la meilleure approche possible, pour une définition moderne de la notion de secte, se situe dans l’acception populaire qui vise des organisations ayant pour but et pour raison d’exister, la robotisation et l’exploitation de type esclavagiste de nombre d’êtres humains. C’est pourquoi, pour moi, il s’agit d’organisations présentant des caractéristiques communes très précises :
• une hiérarchisation stricte établie sur le modèle des structures pyramidales et sphériques de Morin;
• le culte d’un homme (ou d’une entité) promu au rang de divinité;
• une doctrine rudimentaire se réduisant souvent à un seul slogan;
• le recrutement d’une catégorie de sujets bien définie : généralement des jeunes gens de 16 à 3O ans, à la recherche d’un idéal, de type introverti, de grande suggestibilité; très souvent on voit apparaître un critère basé sur la situation de fortune du sujet; récemment on s’est aperçu que certaines sectes recrutaient des personnes occupant des fonctions sociales très importantes
• le conditionnement intensif des néophytes, destiné à les réduire à l’état d’esclaves robotisés inconditionnels, ayant rejeté tout lien avec leur famille et le monde;
• une finalité financière : le leader de la secte dispose des biens que les néophytes ont été amenés à lui abandonner; en outre les sujets manipulés fournissent une main d’oeuvre gratuite;
• parfois des visées politico-religieuses, pouvant comporter dans certains cas des actions criminelles;
• souvent des pratiques illégales, délictuelles ou franchement criminelles (enlèvements et séquestrations, notamment d’enfants, attentats sexuels, violences et brimades ).
Le plus généralement les sectes s’organisent de la façon suivante:

Création de la structure pyramidale
Les fondateurs de la secte commencent par recruter un certain nombre de cadres du mouvement. La sélection, très soigneuse, se fait sur des personnes ayant déjà manifesté une affinité avec le leader et adhéré à ses idées et projets.
Elles doivent, en outre, avoir des qualités de meneurs, d’entraîneurs. On les traite alors de façon à être soumises corps et âme au mouvement. Leur apprentissage porte sur les méthodes à appliquer pour le recrutement et le conditionnement des adeptes.

Le recrutement
Au cours des années 1970, dans une rue d’Amiens j’aperçus deux jeunes gens sobrement vêtus, souriants et sérieux qui abordaient les passants, leur demandant d’aider des jeunes comme eux, militant en faveur de l’" oecuménisme universel ". Contre un don laissé à la discrétion du public, ils offraient un exemplaire du journal " Le nouvel espoir ". Qu’ils militent pour quelque oeuvre que ce soit, les jeunes suscitent plus facilement que leurs aînés la sympathie. Je me suis approché d’eux et ai reçu contre obole une revue dont le sommaire correspondait bien à ce qui était annoncé :" Pour un oecuménisme universel - Vivre avec Dieu - Le sens et la portée du sacrifice de Jésus sur la Croix ".
Et rien de suspect n’apparaissait à première vue. Ce n’est qu’en dernière page, que l’on pouvait lire, en caractères minuscules, la mention révélatrice : " Le nouvel espoir est l’organe de l’association pour l’unification du Christianisme mondial dont l’inspirateur est le Révérend Sun Myang Moon ". Suivait une invitation à visiter un des centres de l’ A.U.C.H , afin de pouvoir " approfondir ensemble toutes les questions fondamentales abordées dans ces colonnes ".
Là se situait l’astuce : si la quête avait été faite ouvertement au profit de la secte Moon universellement connue et redoutée, elle n’aurait eu aucun succès; les militants devaient donc se dissimuler derrière l’alibi de la recherche oecuménique. Cette tactique, à double effet, permettait de drainer d’importantes sommes d’argent (la secte Moon est immensément riche) et favorisait le recrutement de nouveaux adeptes, grâce au dressage méticuleux des jeunes lancés dans les rues, pour la détection des sujets correspondant au schéma type des conditionnables et leur traitement immédiat " à chaud ". Une méthode d’approche -celle-là exclusivement destinée aux tout jeunes – m’a également été révélée, lorsque, dans la rubrique " week-end " d’un quotidien local, j’ai lu l’annonce suivante : " Nuit des jeunes MOON. ...le. ..à. ..heures ".
A cette époque on parlait beaucoup de l’affaire Amadeo. Marie- Christine Amadeo, éducatrice de 22 ans, était devenue une adepte fanatique de Moon. Ses parents, alarmés, s’étaient présentés au manoir Fleury de Saint-Germain au Mont d’Or (région de Lyon ) où ils étaient persuadés qu’elle était séquestrée.
Ils avaient eu la surprise de pouvoir la rencontrer sans difficulté, mais aussi de se trouver en face d’une inconnue indifférente. L’idée du lavage de cerveau s’étant imposée à eux, ils avaient décidé d’enlever leur fille de force, ce qui s’était réalisé en prix d’une bagarre avec d’autres membres de la secte.
Restée intraitable, la jeune fille avait rejoint 24 heures plus tard ceux qu’elle appelait " ses frères ". Récupérée ultérieurement, et soumise à un traitement déconditionnant, elle raconta qu’elle avait été abordée dans la rue par un jeune qui lui avait demandé si la société actuelle la satisfaisait; si elle connaissait l’origine du bien et du mal; si elle était consciente de " l’incommunicabilité dans la société moderne ". Comme c’étaient précisément les questions que la jeune fille se posait depuis longtemps, elle avait volontiers suivi son interlocuteur dans la communauté, qui vivait dans un château, où elle devait trouver amitié, amour et chaleur humaine.
Ainsi le racolage spirituel dans les lieux publics ( campus universitaires, sortie des Eglises, gares etc...) constitue le moyen de recrutement privilégié de la plupart des sectes. Tous les moyens d’approche sont utilisés, depuis la vente de revues, l’appel à des bals du
dimanche, la vente de fleurs et objets divers, la mendicité, jusqu’à la simple interpellation; on peut y ajouter, ainsi que l'actualité récente l'a mis en lumière, l'infiltration dans les sphères politico-administratives
Le comble a été atteint par la secte des " Enfants de Dieu ", avec sa pratique du " fishing flirty " (pêche galante) : les filles les plus " douées " en ce domaine sont chargées d’aguicher des hommes, choisis de préférence riches et influents, dans les bars, discothèques et dancings, de les séduire et de se prostituer à eux.
Dans certains cas cela permet de susciter des dons substantiels; d’autres aboutissent au recrutement de nouveaux adeptes. L’idéal pour la secte, est de pouvoir - grâce aux renseignements confidentiels recueillis, auprès de clients importants et influents, par les adeptes prostituées qui en font des rapports circonstanciés après chaque journée de racolage - constituer des dossiers permettant soit des actions politiques, soit des chantages.

Le conditionnement des néophytes
Lorsqu’un nouveau sujet accepte de " passer un week-end " dans la communauté, il n’en sortira plus.
La structure pyramidale lui est soigneusement dissimulée, pour écarter en lui tous les doutes liés à l’appartenance à une organisation sectaire. Il est immédiatement incorporé dans une cellule sphérique où, dans une atmosphère familiale, il vit en circuit fermé, ne connaissant que des rapports horizontaux d’amitié, de solidarité. Là il subit un traitement en quatre étapes.
1°)- La mise en confiance : La condition essentielle de réussite d’une induction de caractère hypnotique étant la confiance, les membres du groupe sphérique, comme le recruteur du néophyte doivent être élégants, affables, souriants, décontractés et sérieux. Les conversations qui s’engagent portent sur les motivations poussant le sujet à chercher un nouvel idéal; puis sur les avantages attribués à l’idéologie de l’organisation.
En proposant des réponses simples aux questions complexes de l’existence quotidienne (vie, maladie, travail, contraintes, mort. ..), en utilisant les thèmes " bateau " du moment, comme l’écologie,les thérapeutiques parallèles, l’euthanasie, la haute spiritualité, la méditation transcendantale, la relaxation, la fin du monde, on séduit et accroche le néophyte.
On lui garantit des réponses originales, des méthodes toutes nouvelles
On lui promet le vrai bonheur, inconnu de lui. Et on ne manque pas de trouver et valoriser en lui, des qualités particulières : beauté, intelligence, savoir-faire. De la sorte, dès le début il a l’illusion euphorique d’entrer dans un monde nouveau, inconnu de la plupart des hommes. Et d’être un privilégié choisi par le Destin.
2°) - Le rétrécissement du champ de conscience et l’annihilation de la faculté de censure :Cette étape peut commencer dès que le stade de la confiance totale est atteint. On utilise de préférence l’hypnose, renforcée éventuellement d’administation de drogues hypnogènes. Le fonctionnement habituel du phénomène de groupe complète le processus. La manipulation est facilitée par une discipline ascétique comportant :
• l’insuffisance alimentaire (par rationnement excessif et administration d’une nourriture pauvre en protéines )qui provoque une somnolence perpétuelle, un état confusionnel avec diminution de l’attention, perte de la mémoire et déséquilibre du système nerveux;
• la fatigue musculaire qui accentue la passivité, fait disparaître toute agressivité, et rend le sujet apte à la soumission et l’obéissance;
• la privation de sommeil qui, associée aux autres épreuves, parachève la robotisation;
• l’entretien chez le néophyte d’un complexe de culpabilité permanent et de la crainte de déplaire au " Père ";
• la privation de toute intimité; l’adepte n’est jamais seul et tous les actes de sa vie quotidienne sont programmés et décidés à sa place.
3°)- Le matraquage intellectuel et la rupture avec le monde extérieur : l’endoctrinement est essentiel pour la secte qui doit pouvoir disposer de robots fondus dans un même moule, souriants et béats, fanatisés au point d’exécuter sans discuter tous ordres. A cet effet sont multipliées les séances collectives de conférences, prêches, prières, récitations de mantras.
Le thème central de l’endoctrinement, effectué à l’aide d’un mélange subtil de vérités et d’affirmations erronées, varie suivant le but poursuivi par la secte. Pour l’Europe, le thème le plus employé est la " Religion universelle ". Dans certaines organisations, on privilégie le " Chemin du bonheur " ou le " Sauvetage de l’humanité ". Dans d’autres on exploite la " Fin du monde ". Il en est qui cultivent la " Nouvelle médecine ".
Par ailleurs on provoque chez le néophyte le culte du chef (Maître, Gourou, Père, . ..) de la secte, de façon à l’amener à lui vouer une vénération inconditionnelle.
Parallèlement on l’amène, non seulement à s’écarter de tout ce qui faisait son univers antérieur (famille, ville, pays. ..) mais même à le haïr.
Désormais il n’a plus d’autre maître que le chef suprême, d’autre famille que son groupe sphérique, d’autre monde que le lieu où il habite.
C’est le moment où il est facilement convaincu de se dessaisir de tout ce qu’il posséde en faveur de la secte.
4°) - L’initiation : c’est le couronnement du conditionnement. Au cours d’une cérémonie - comportant pour l’adepte des épreuves pénibles, destinées à l’amener à se sentir intégré au groupe, à sa conscience collective, et ainsi à se considérer pleinement et orgueilleusement, comme membre d’une élite et investi d’une mission - il acquiert une personnalité nouvelle, se substituant à sa personnalité primitive bien dissoute.
Il devient apte à l’accomplissement de toute action, commandée non seulement par ce qu’il considère comme l’intérêt de sa collectivité, mais aussi par la défense de celle-ci contre toutes " persécutions " extérieures.
*
Il est intéressant, pour avoir une idée précise des organisations entrant dans la définition des sectes, que je me suis efforcé d’esquisser plus haut,de citer quelques exemples.

Les Illuminés.
Parmi les sectes historiques les plus impressionnantes figure celle des Illuminés, qui eut son apogée dans les montagnes de l’Afghanistan, au XVI° siècle. Son premier leader Bayezid Amsari créa une petite école où, sous couvert d’une initiation au surnaturel, il endoctrinait des néophytes à une soumission totale, selon le système des grades initiatiques. L’objectif
était de créer une hiérarchie pyramidale. Seuls les initiés parvenant au grade de " Maître " (ou Emir, Imam ou Malik) avaient le droit de fonder leur propre loge et de faire des disciples. La finalité de l’organisation était ambitieuse : il ne s’agissait de rien moins que de la conquête et de la direction du monde.Souvent combattu le mouvement ne fut jamais abattu. Bien mieux, des sectes inspirées du même principe firent leur apparition au cours des siècles suivants. Il apparaît nettement, à travers certains documents, que ces mouvements avaient en commun l’objectif de destruction de la religion et de l’hégémonie politique à base de matérialisme jouisseur. Ils contribuèrent au développement de doctrines révolutionnaires et inspirèrent notamment le communisme soviétique.
Il faut remarquer que le nom d’" illuminés " a été pris aussi par divers groupements à ne pas confondre avec les sectes à finalité malfaisante. On peut citer, par exemple :
- Au XVII° siècle, les " Guérinets " de l’Abbé Guérin se prétendaient favorisés d’une inspiration spéciale de la part de Dieu.
- L’ordre des perfectibilistes, fondé en 1771 en Bavière, avait une hiérarchie composée de 8 grades (du " novice " à " l’homme-roi ").
- Les disciples d’Emmanuel Swedenborg (1688/1772), savant et philosophe suédois qui devait avoir une influence sur les romantiques et les surréalistes.
- Ceux du " philosophe inconnu ", le théosophe Louis-Claude de Saint Martin (1743/1803).

La secte Brault
La presse parle souvent de " mages " qui inspirent soit la vénération, soit la crainte autour d’eux. Personne ne sait très bien à quoi correspond cette notion, probable survivance de l’antique croyance aux sorciers. Robert Brault, dont les médias ont beaucoup parlé en 1965/66 se disait Mage, guérisseur de bêtes et désenvoûteur.
Affirmant qu’il avait reçu de Dieu l’avis secret que la fin des temps était proche et que seuls seraient épargnés ceux qui avaient foi en lui et, comme lui s’écartaient du péché, il avait regroupé une centaine d’adeptes vivant en régime communautaire, soumis à une ascèse extrême, célébrant un culte à base de sortilèges.
Cette aventure devait tourner très mal. L’opinion publique ayant été montée par les prêtres et les médias, des brimades furent exercées contre les membres de la secte.
Le 14 février 1965 plus de 500 personnes assiégèrent la communauté, arrachant des clôtures, sabotant des voitures, lapidant et blessant les assiégés. Le 28, la populace déchaînée selon l’éternel processus de la suggestion collective, tenta d’enfumer Brault, pénétra par effraction dans sa chapelle et la détruisit. Condamné à mener une vie clandestine, tandis que ses adeptes continuaient leurs réunions en présence de sa fille, Brault mourut bientôt. On découvrit en 1971 son cadavre, exposé sur un lit funèbre depuis 15 jours. Ses partisans montaient la garde religieusement auprès de lui, attendant sa " résurrection " qu’il leur avait annoncée avant sa mort.

La secte Moon
Ayant essaimé dans le monde entier, y compris les pays de l’Est, depuis l’effondrement du communisme soviétique, la puissante " Association pour l’unification du Christianisme mondial " comprend aujourd’hui plus de 2 millions d’adeptes et réalise un chiffre d’affaires fabuleux - dépassant les 20 millions de dollars par an - en exploitant des usines chimiques, des fabriques d’armes, des imprimeries, des salons de thé, des châteaux, un parc automobile et aérien. ..
Moon qui dirige cet empire colossal, se présente comme le " nouveau Messie ". Il affirme avoir recueilli, à l’âge de 16 ans, de Jésus lui-même, un aveu d’échec et d’impuissance, pour avoir prêché la pauvreté et recherché une mort lamentable, alors que, pour réussir, il aurait dû arracher le monde à Satan. Pour celà il aurait dû se donner les moyens matériels de sa victoire et par conséquent s’adresser aux riches et aux puissants, militer pour devenir le Roi des Juifs, vaincre l’Empire Romain, puis dominer le monde. Il soutient que, chargé par Jésus de corriger sa tactique, il doit s’employer à rénover le Monde, en acquérant la puissance politique et économique.
Sa croisade initiale était basée sur l’anti-communisme, ce qui lui permit de s’attribuer le mérite de l’effondrement du bloc soviétique.
Depuis 1992 son action s’est soudain cristallisée autour des notions de Famille et Société. De là, un nouveau et fructueux moyen de draîner d’importantes sommes d’argent, en multipliant les collectes en faveur du tiers monde et des pays libérés du communisme.
Selon les pays et les objectifs poursuivis, la Secte Moon se dissimule sous l’indentié d’une multitude d’organismes, associations, fondations, sociétés, comités, clubs, dont les dirigeants sont choisis par Moon et strictement inféodés à lui. Les manifestations où le nom même de Moon n’apparaît jamais, se multiplient sous la forme de festivals, conventions, symposiums, conférences internationales.
Cette multiplication de masques permet de susciter des appuis de personnalités du monde politique, économique, scientifique, artistique qui se font couramment " piéger ".
On cite ainsi l’exemple de la Conférence internationale des médias tenue en 1983 à Cartagena (Colombie) sous l’égide de l’organisation " Causa ". Le président de cette manifestation, Monsieur Jacques Soustelle, et de nombreux journalistes, apprirent par la suite que " Causa " était le " Fer de lance " de la secte Moon.
Comme toute véritable secte, l’organisation Moon combine la hiararchie pyramidale, coiffée par Moon qui exige de tous le même culte qu’à l’égard de Dieu, et la multiplicité des structures sphériques.
Quelques citations des propos tenus par Moon sont éloquentes :
" Le Messie doit être le plus riche. Tant que le Messie n’a pas la domination des choses, ni Dieu ni le Messie ne peuvent être heureux ".
" Moi, le Maître, je n’ai pas seulement découvert toute la vérité, mais j’accomplis aussi toute la vérité ".
" Si vous sentez vraiment que c’est une joie de mourir pour Père - non pas seulement en parole mais en vérité- c’est formidable ".
" Même si ce que je dis est un mensonge, vous ne pouvez rien perdre en suivant cette manière de vivre ".
" Supposez que j’aie créé toute une théorie nouvelle pour unir le monde, théorie à laquelle Dieu lui-même n’a jamais pensé : Dieu descendrait et marchanderait avec moi ".

Les " Enfants de Dieu "
Type parfait de l’organisation malfaisante, la secte fondée en 1968 par l’ex-pasteur méthodiste David Berg - se disant lui aussi en contact avec Dieu et ayant adopté le nom de prophète Moïse-David - a pour objectif de saper l’Occident et Israël, en se donnant pour alibi officiel la révolution spirituelle pacifique par l’amour universel et l’aide aux gens démunis et en détresse
En fait, elle comporte une hiérarchie fortement structurée, depuis le Père-Roi et la Mère-Eve, jusqu’aux brebis dirigées par des bergers, responsables d’une communauté ou colonie, coiffés eux mêmes par les évêques, les archevêques et les ministres. A tous les échelons règnent l’intransigeance, l’agressivité, l’intolérance sous une discipline de fer comportant tout un assortiment de punitions, pouvant aller jusqu’à la violence physique, en passant par les chantages et les " malédictions ".
C’est cette secte qui s’est spécialisée dans la pratique de la " pêche galante " dont nous avons déjà parlé.
La doctrine, à usage interne, qui permet de faire supporter aux adeptes toutes les misères et tous les sacrifices imposés, est basée sur l’imminence de la guerre fratricide que se feront les riches. Guerre dont les Enfants de Dieu seront les seuls survivants, ce qui leur permettra de constituer une société primitive parfaite.
Rendue plus vulnérable que d’autres par sa pratique de la prostitution de ses membres féminins, cette secte à donné prise à de nombreuses poursuites judiciaires. Ainsi, après la dissolution de l’association en France (publiée au Journal officiel du 29/12/1978) et son entrée en clandestinité, elle a essaimé en Asie et en Afrique. Les opérations contre elle se multiplièrent en 1992 dans plusieurs pays. On annonça même en 1994 la mort du " Maître ".

La secte Manson
En 1969, à Los Angelès, la police découvrait dans une maison sur une colline, un massacre dépassant les limites du supportable.
Dans le living-room deux corps étaient pendus, ceux d’une jeune
actrice enceinte, Sharon State, lardée de 15 coups de couteau dont un avait tranché un sein, et de Jay Sterring, tête encagoulée qui avait été émasculé.Deux autres corps gisaient sur une pelouse, un dernier dans une automobile. Les meurtriers avaient festoyé dans la cuisine. Vingt- quatre heures plus tard deux commerçants de la même ville étaient abattus avec le même sadisme. En cours d’enquête on découvrit un charnier renfermant trois cadavres de femmes décapitées dont le coeur et les organes sexuels avaient été arrachés.
Ce n’est que 4 mois plus tard que l’on devait apprendre que ces forfaits étaient l’oeuvre d’une secte de malheureux réduits en esclavage par le nommé Charles Manson.
Cet individu, malfaiteur en révolte contre la société, avait découvert en prison des livres sur l’hypnose qui lui avaient permis de s’entraîner à cette technique de conditionnement humain; et d’autres sur l’occultisme, dont il avait tiré des enseignements très personnels. Selon lui " Justice, charité, altruisme sont des idéaux de faibles et de décadents; il n’y a ni bien, ni mal : seule compte la puissance tirée de la domination ".Dès sa sortie de prison Manson se présenta dans les communautés de hippies de San Francisco et Los Angelès comme un grand prêtre de la magie noire. Pour constituer un état-major il mit à profit ses connaissances sur la manipulation mentale. Il réduisit de nombreuses femmes en esclavage, les envoyant mendier dans les rues à son profit. Il glissa rapidement vers un culte satanique inspiré de celui de la déesse Kali, comportant des sacrifices humains mystiques.

Le Temple du Peuple
En 1978, le monde horrifié, apprenait un drame de grande envergure provoqué par un conditionnement collectif unique en son genre.
Au mois de novembre de cette année, dans le petit état centre américain du Guyana, eut lieu - dans une secte appelée " Le Temple du Peuple " créée et dirigée par un certain Jim Jones -la visite d’une commission d’enquête, constituée à la demande de nombreux parents d’adeptes de cette secte et sous la pression de l’opinion publique. Après exécution de leur mission, les membres de la commission s’apprêtaient à remonter en avion lorsqu’un commando de fanatiques, armés de mitraillettes, ouvrit le feu sur eux. Calmes, froids, déterminés, sans passion ni émotion apparentes, les tueurs les assassinèrent tous, à l’exception d’un journaliste, Ron Javers qui, ayant pu s’échapper, fit à son retour un compte-rendu hallucinant du drame, jetant une lumière crue sur une des sectes les plus étonnantes des temps modernes ( Marshall Killdurf et Ron Javers :L’enfer du Guyana-La secte du Temple du peuple -Ed. Internat. Stanke –1978)
Après avoir donné l’ordre de détruire la commission d’enquête, Jones, à l’aide de haut-parleurs puissants diffusant en permanence ses directives, commença le rituel de la " nuit blanche " qui avait lieu une fois par semaine.
Chaque fois, les adeptes étant rassemblés, il hurlait :
" La situation est sans issue. .. des mercenaires s’avancent dans la jungle. .. nous sommes impuissants à arrêter ces envahisseurs. .. la torture nous attend tous. .. le seul moyen de nous en sortir est de nous suicider, pour la gloire du socialisme et de notre temple ".
Aussitôt tous, y compris les enfants se mettaient en file. Chacun recevait un petit verre rempli d’un liquide rouge et entendait proclamer:
" Dans très peu de temps nous serons tous morts. .. il est temps de partir au ciel. .. il y a une grande dignité dans cette mort. .. c’est une grande preuve de foi ".
Ils attendaient ensuite la mort sereinement, enlacés dans le noir. Personne ne mourait, et le Maître les félicitait de l’avoir suivi et d’avoir ainsi passé brillamment le test de loyauté.
Mais le 18 novembre 1978 la mort fut bien au rendez-vous, la mixture étant réellement empoisonnée. Chaque victime mourut en 5 minutes. Il y eut cependant des réfractaires qui furent pourchassés dans la jungle par les gardes armés. Le bilan, très lourd, fut de 921 morts.
Le " Temple du Peuple " constituait bien une secte classique. Jim Jones, dangereux déséquilibré fasciné par le parti communiste soviétique, vaniteux obsessionnel, se disant la réincarnation de Jésus et Lénine à la fois, avait constitué une communauté selon des conceptions personnelles inspirées d’un socialisme idéal.
C’était en vérité un bien singulier socialisme : strictement égaux entre eux, les membres de la secte étaient en outre identiquemment dépossédés de toute vie privée et de tous biens, coupés de tous rapports avec le monde extérieur,
travaillant sans relâche et sans salaire, livrés pieds et poings liés aux caprices du " Père ". Une discipline très rigoureuse comportant des sanctions redoutables interdisait toute désobéissance : on frappait les enfants avec un battoir; on les internait dans la " boîte ", prison de bois rappelant les cages de Louis XI; on les descendait dans des puits où ils étaient immergés jusqu’à la suffocation. Toutes les tortures étaient appliquées, sans compter les multiples formes de chantage.
En permanence, la surveillance était assurée par des gardes armés en uniforme (chemise rouge, cravate noire).
S’étonnera-t-on, qu’après l’auto-destruction de la secte, une valise contenant 7 millions de dollars ait été expédiée, de la part de Jones au parti communiste d’U.R.S.S. ?

La secte des Davidiens
Le 19 avril 1993 le monde a cru au renouvellement de l’affaire du Guyana en apprenant que, dans la " Ferme de Waco " dans l’Etat du Texas (Etats-unis) plus de 8O personnes avaient péri, par suicide ou assassinat, dans un gigantesque incendie. C’était bien là, en effet, le triste bilan d’une auto-destruction dans laquelle étaient inclus un certain nombre d’enfants. Mais c’était aussi la conséquence - qui aurait dû être prévisible pour des personnes lucides- d’un siège de 51 jours tenu par la police fédérale des Etats-unis, et mené selon les mêmes méthodes qu’à l’égard des preneurs d’otages.
L’opinion publique américaine avait été sensibilisée par des parents de personnes, recrutées et conditionnées selon les méthodes classiques, pour la secte dont le gourou était David Koresch. Considérant que ces membres étaient retenus contre leur gré, et que la loi fédérale pour la répression du kidnapping était applicable, le F.B.I (Bureau Féderal d’Investigations) avait décidé de procéder à la " libération " des prisonniers et, par voie de conséquence, à l’arrestation des coupables. Le siège de la ferme avait commencé et s’était poursuivi, selon la logique de ce système très efficace, pour avoir fait ses preuves à maintes reprises : négociations habiles, comportant un mélange subtil de menaces et de promesses.
En fait, les responsables de cette action policière ignoraient tout des données de base du fonctionnement des sectes et du conditionnement des adeptes. Les promesses ne faisaient illusion à personne. Par contre, les menaces étaient prises très au sérieux car elles allaient strictement dans le sens de la croyance sectaire centrale en la fin des temps, l’Apocalypse et le martyre des " Justes " qui étaient religieusement cultivés par Koresch et ses proches.
L’agression extérieure, ne pouvait donc être considérée autrement que comme la confirmation de la réalisation imminente des prédictions, quotidiennement rappelées à chacun.
Personne, parmi les attaquants, ne comprit que donner l’assaut condamnait à mort tous les assiégés. Nous reviendrons sur ce tragique épisode, lorsque nous passerons en revue le problème de la lutte contre le contrôle mental.

L’ordre du Temple Solaire
( -Thierry Huguenin : Le 54°-Fixot - mars 1995 - Christophe Leleu :La secte du temple solaire -Claire Vigne -avril 1995 - Centre Roger Ikor : Les sectes état d’urgence - Roland J.Campîche :Entretiens avec Cyril Dépraz -Quand les sectes affolent -Labor et Fides - Genève - Septembre 1995)
Les auto-destructions de 1978 et 1993 furent totales et simultanées. Celle qui a affecté, en 1994 et 1995 l’ordre du Temple Solaire s’est étalée sur un assez long laps de temps et a concerné 3 pays. Il n’est pas certain qu’elle ait anéanti complètement l’organisation.
1er temps: le 3 octobre 1994 à Morin Height au Québec, on découvre dans une villa les cadavres à demi-carbonisés de 4 adultes et 1 enfant, assassinés à coups de couteau.
2° temps :le 5 octobre suivant, dans deux chalets suisses, la police trouve 48 cadavres également carbonisés : à Cheiry, 23 dont 19 tués par balles; à Salvan, 25 empoisonnés au curare.
3° temps: dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995, 16 autres personnes - dont 3 enfants - sont assassinées de la même façon dans une clairière d’une forêt du Vercors (France).
Ces 69 victimes étaient membres de l’Ordre du Temple Solaire dirigé par le Suisse Joseph di Mambro, cerveau et financier du groupement, et le Franco-Belge Luc Jouret, son organisateur, recruteur et théoricien, dont les corps furent identifiés parmi les victimes de Suisse.
Secte caractéristique du fait de sa hiérarchisation, de son culte des leaders, de la vie monastique de ses membres, de la fortune considérable amassée par les dirigeants, l’Ordre du Temple Solaire se considérait comme héritier de l’Ordre des
Templiers détruit au début du XIV° siècle par le Roi de France Philippe le Bel. La doctrine était basée sur l’imminence de la fin du monde victime de ses propres erreurs, et sur la nécessité de constituer une élite
destinée - à l’exemple des Templiers condamnés au bûcher - au martyre indispensable pour mériter de partir vers la planète " Sirius", cette base extra-terrestre des Grands Maîtres du Temple ! Aussi, dès son entrée dans la secte, tout adepte devait s’efforcer de mériter son ascension - d’échelon en échelon- jusqu’au niveau des Elus.
C’est dire que l’acceptation du sacrifice prévu pour le jour du " transit vers Sirius " était un acte de foi fanatique, souscrit dès la cérémonie rituelle d’initiation.
Cependant la participation des deux dirigeants Di Mambro et Jouret au " transit " reste mystérieuse. S’étaient-ils pris à leur propre jeu et auto-conditionnés ? Etaient-ils, comme cela a été prétendu, si menacés de l’extérieur (police, justice, fisc...) comme de l’intérieur (réclamations, réticences d’adeptes. ..) qu’ils ne concevaient pas d’autre issue honorable que de disparaître eux aussi ?
Ou bien, n’étaient-ils que des manipulés programmés au suicide par d’autres, ayant tout intérêt à rester dans l’ombre et à tirer les marrons du feu ?
Car il ne faut pas oublier que la secte a laissé une immense fortune dont on peut se demander qui a pu en profiter ?
De nombreuses hypothèses ont été avancées sur ce point. Certains sont allés jusqu’à affirmer que l’Ordre du Temple solaire avait servi de paravent à des trafics divers (armes, drogue...), à des blanchiments d’argent sale, et même au financement d’organisations terroristes et de groupes d’infiltration politico-économique.

La secte AUM.
De son véritable nom " Aum Shinri Kyo " (religion de la Vérité) cette secte japonaise a été fondée par Shoho Asahara qui se présentait comme une incarnation de la Libération Suprême. Révélée au monde courant 1995, à la suite d’attentats au gaz " sarin " perpétrés dans le métro de Tokyo - où périrent 12 personnes et furent intoxiquées 5000 autres - elle a beaucoup contribué à aggraver la peur panique provoquée par la seule notion de secte. Roland J. Campiche explique :
" Ce qui frappe dans l’histoire d’Aum, c’est que cette violence apparaît sans objectifs ni revendications. Comment peut-on expliquer l’émergence d’une violence à caractère religieux et nihiliste, c’est à dire sans autre objectif que la destruction ? "
En fait, l’explication peut sans doute être trouvée, selon moi, dans l’histoire de la vie du leader de cette secte, type parfait du raté ayant accumulé les expériences négatives et voué une haine mortelle à la société qu’il considérait comme responsable de ses échecs. Caractériel fanatique, inspiré de fausses interprétations religieuses, persuadé de la prochaine destruction du monde, et décidé à " donner le coup de pouce " nécessaire pour en accélérer le processus, ce forcené avait groupé autour de lui des adeptes à sa mesure qu’il avait conditionnés à l’aide derites initiatiques de type ésotérique.
J’arrête ici l’énumération des organisations, qui, selon moi, entrent dans la définition de la notion de sectes, que j’ai retenue. Ce ne sont là que des exemples typiques, cités à titres d’illustrations de mon propos. Je crois nécessaire de préciser que ma liste n’est pas limitative, le présent essai, je le rappelle, n’ayant pas la prétention de constituer un traité.






























CHAPITRE 4
TERRORISME ET REVOLUTION
• • • • " Le terrorisme est une maladie internationale "
• • • • Marenches (Christine Ockrent et Comte de Marenches :Dans le secret des Princes - Stock-1986)
• • • • • • • • " Le Djihad a commencé "
• • • • • • Yasser Arafat (1964)

"Un chef exaltant + Une jeunesse fanatique + Une foule survoltée = Une révolution moderne "
• " L’équation " de Pierre Nord et Jacques Bergier
L’ancêtre des organisations terroristes fut, tant par sa structure que par ses méthodes, la secte des Assassins, créée au XI° siècle ( dont j’ai déjà parlé). Commandée par un chef religieux, militaire et politique tout puissant, entouré d’une élite de partisans fanatiques, elle était organisée en une commanderie composée de phalanges cloisonnées groupant des sectateurs conditionnés selon un processus initiatique rituel et appelés "fida Iyyun " (d’où le nom moderne de " fedayin " qui désigne les membres d’organisations subversives musulmanes). Ces exécutants de base, ayant perdu leur libre arbitre, étaient disponibles pour l’accomplissement aveugle des actions les plus meurtrières et les plus dangereuses, persuadés de gagner ainsi leur place dans le Paradis d’Allah.

Les Assassins, ayant été les premiers à créer une organisation clandestine efficace, durable et de grande envergure régnant par la terreur, furent sans doute les inventeurs du terrorisme professionnel et politique planifié sur le long terme, mettant en oeuvre des moyens psychologiques et moraux de combat.
J’insiste sur le fait - très important pour la compréhension du phénomène terroriste moderne - que les exécutants n’étaient pas de vulgaires spadassins mercenaires, mais des fanatiques politico-religieux persuadés d’accomplir des missions sacrées, au service de la cause la plus noble, celle de Dieu lui-même. Il ne faut pas oublier que, grâce à cela, les Assassins exercèrent leur domination pendant 166 ans.
Par la suite le terrorisme organisé se diversifia. Selon leurs objectifs, on peut actuellement distinguer 3 groupes principaux d’organisations, utilisant la terreur comme moyen d’action privilégié.

Le terrorisme crapuleux
C’est la secte indienne des "Thug " qui, pour la première fois dans l’histoire, a utilisé la terreur crapuleuse de façon organisée et durable: elle a sévi du Moyen-Age jusqu’au milieu du XIX° siècle. Tous ses membres menaient une double vie : officiellement, des gens calmes, respectés; en réalité des adeptes du culte de la déesse sanguinaire Kali qui exige le sacrifice de vies humaines, en échange de l’appropriation des biens d’autrui et de l’immunité contre tout danger de capture. Cette organisation s’attaquait aux voyageurs, les dépouillait; et ensuite les sacrifiait rituellement par étranglement à l’aide de foulards.
Le banditisme organisé émergea au XIX° siècle en Sicile, avec l’apparition du réseau secret appelé " la mafia ". Considérée de nos jours comme le symbole de l’organisation criminelle, elle est passée maître dans l’art de paralyser les pouvoirs publics et toute la société, par un système très élaboré de corruption de fonctionnaires et magistrats, et de propagation de la terreur. Le régime fasciste lui ayant porté des coups sérieux,elle créa des filiales aux Etats-Unis où elle se spécialisa dans le " racket " (drogue, prostitution, chantages, enlèvements). Actuellement, depuis la disparition de l’U.R.S.S, une redoutable mafia s’est infiltrée en Russie, aggravant de façon dramatique la crise économique.

La résistance contre l’envahisseur
La lutte contre l’occupant s’est longtemps exercée de front, les armes à la main. Le chef gaulois Vercingétorix a fait la cuisante expérience de l’inefficacité de cette forme d’opposition contre un adversaire plus puissant, plus expérimenté et mieux armé. C’est seulement lors des guerres de conquêtes menées par Napoléon 1er que l’on vit apparaître de véritables résistances des populations conquises, manifestées par des harcèlements sous toutes les formes actuellement connues (attaques contre les arrière-gardes, sabotages, assassinats de militaires isolés).
La tactique, que l’on retrouva dès lors dans toutes les organisations subversives, avait pour objectif d’irriter les occupants au point de les amener à exercer des représailles qui, elles-mêmes, déclencheraient de nouveaux actes terroristes. Ainsi par l’effet du cycle infernal " action-répression-réaction " il était possible de rendre peu à peu intenable la position des occupants et leur cohabitation avec les populations occupées.

Le terrorisme politique
Tous les spécialistes sont d’accord pour faire remonter le terrorisme moderne à l’effondrement de la Commune de Paris en 1870. Pour les théoriciens de la révolution et de la conquête du pouvoir politique, cet échec a constitué la parfaite démonstration de l’insuffisance des soulèvements populaires, en raison du perfectionnement des méthodes contre-révolutionnaires des pouvoirs en place.
Depuis lors, le terrorisme qui s’est substitué aux méthodes surannées de révolte populaire, s’est sans cesse perfectionné et diversifié.
Alors que les organisations de résistance visent uniquement à contribuer à la libération d’un pays occupé par une puissance étrangère, celles qui cherchent à provoquer une révolution ont pour objectif la conquête du pouvoir par une minorité. Ces actions sont qualifiées par les militants de " guerres de libération nationale " dans le but de susciter, dans l’opinion internationale, une assimilation avec les actions de résistance contre l’occupant. Cette arme psychologique est capitale pour la réussite de la révolution.
Pour parvenir au contrôle progressif, tant physique que psychique des masses populaires d’un pays, les révolutionnaires doivent disposer d’une organisation minutieusement constituée sur le modèle du schéma type de la manipulation collective.
Dans un premier temps, des manipulés sélectionnés pour leurs compétences techniques particulières - que rien dans leur comportement social ne distingue d’individus non traités - sont infiltrés partout, dans le gouvernement, les ministères, les administrations, les postes importants de l’industrie, du commerce et de l’agriculture, et entreprennent de propager l’idéologie qui leur a été inculquée.
Aptes à transformer d’autres personnes en automates, ils donnent au mouvement, selon le Colonel Morin " une ampleur qui prend l’allure d’une véritable réaction en chaîne".
D’autres manipulés sont chargés de créer des structures parallèles : ces " comités hiérarchisés ", organisés selon un mode politico-militaire,encadrent la population. Ainsi à chaque échelon, du village au quartier de la ville et jusqu’au gouvernement dit provisoire constitué clandestinement, les comités s’assurent de proche en proche un pouvoir de plus en plus absolu.
Généralement une seconde hiérarchie est créée, pour recouper celle des comités et permettre un contrôle réciproque efficace. Cet encadrement de la population est produit par la manipulation de groupements préexistants (associations, syndicats, groupes de jeunesse, formations religieuses, professionnelles, artistiques, scientifiques...), dont l’arme essentielle est la propagande mettant en oeuvre une idéologie simple et bien adaptée aux masses à conquérir.
La tactique la plus éprouvée consiste,dans un premier temps,à exploiter le sentiment d’impatience des populations rendues insatisfaites par l’aggravation des conditions d’existence. II suffit pour cela de susciter de nombreuses grèves, de saboter systématiquement tous les projets du gouvernement en place visant à l’amélioration du niveau de vie et, en provoquant une crise de plus en plus aiguë, de conduire les populations à ne plus croire en les promesses des dirigeants. Il est alors facile de faire passer l’idée de la nécessité d’une révolution sanglante,seul moyen de donner naissance à une société nouvelle, source de bonheur pour tous. Parallèlement,l’action révolutionnaire des comités est axée sur la recherche du renseignement, la détection des oppositions et trahisons (au besoins par la délation systématisée)l’aide aux révolutionnaires en butte aux poursuites du régime légal, la terreur rendue permanente par des exactions multi-directionnelles (assassinats, destructions....)et la campagne psychologique auprès des médias étrangers.

Lorsqu’arrive le moment de passer à l’action, les révolutionnaires créent des bandes armées qui multiplient les sabotages et les assassinats, dans le but d’éliminer les adversaires et d’intimider les neutres et les indifférents. C’est la phase de la guérilla : urbaine, elle est menée par des manipulés isolés ou en commandos, et comporte des embuscades, vols d’armements et explosifs, meurtres, distributions de tracts, prises d’otages; rurale, elle constitue une véritable campagne militaire, menée par des individus dont la tactique est de ne jamais combattre de front, mais de harceler sans cesse les troupes qui les poursuivent. C’est alors que l’on parle d’"armée de libération nationale".

On peut remarquer que le terrorisme de cette fin de siècle marque une évolution sensible par rapport au schéma que nous venons d’esquisser, de la tactique de base des organisations subversives visant à une conquête de pouvoir
• Les structures sphériques sont généralisées, tandis que les structures pyramidales sont soit absentes, soit occultes.
• Dans les moyens d’action,la propagande n’est plus une technique privilégiée, car les terroristes n’ont pas à s’en préoccuper particulièrement, les médias s’en chargeant à leur place.
• Les techniques destinées au triomphe de l’idée motrice du groupe terroriste, ne comportent que des actes de violence spectaculaires, généralement revendiqués, de façon à mettre en oeuvre, le plus scientifiquement possible, le puissant moteur de la peur.
• Chaque terroriste est un homme conditionné. Chaque organisation terroriste est elle même manipulée, le plus souvent à son insu, par des puissances qui l’utilisent dans le cadre d’une politique à long terme, visant à la déstabilisation sociale de plusieurs pays ou groupes de pays.
*
Qu’est-ce que le terrorisme ?
Les réponses à cette question, en apparence simple, sont multiples.
Pour les uns, un terroriste est un lâche assassin qui opère dans l’ombre et s’attaque à d’innocentes victimes; pour les autres, c’est un combattant,un héros. Dans un pays où sévit le terrorisme les auteurs d’agressions tombent sous le coup des lois pénales. Mais si les terroristes réussissent par ce moyen à conquérir le pouvoir, leurs actions perdent leur qualification criminelle, pour devenir des actes patriotiques. Et, dans ce dernier cas, le renversement des tendances amène à considérer les anciens défenseurs du gouvernement abattu comme les véritables criminels.
Au delà de ces divergences d’interprétation - qui sont à la mesure de la fluctuation éternelle des rapports sociaux dominant l’histoire du monde - il nous importe de parvenir à une définition correcte de la mouvance terroriste, considérée comme un moyen d’action politique.
" Il n’y a pas un terrorisme, mais une galaxie, des myriades d’étoiles noires du terrorisme " : Philippe Madelin. (La Galaxie terroriste –Ploon – 1986) a donné ainsi, sans doute, la meilleure définition du phénomène terroriste.
Développant cette idée, Jean Servier (Le terrorisme -P.U.F.-Que sais-je ?-n°1768- 1979/1992) affirme :
"Ce que nous appelons terrorisme englobe les violences commises par un ou plusieurs individus contre des victimes arbitrairement choisies, uniquement pour affirmer un pouvoir, une volonté de puissance, par la peur, la terreur vite devenue contagieuse, sur toute une population.Le terrorisme est donc, au sens premier, un système offensif employé par un individu ou un groupe plus ou moins étendu pour imposer sa volonté à tout un peuple, voire à une civilisation entière, exercer sur l’histoire une pesée ".
Et ce même auteur ajoute, constatation tout particulièrement importante en cette seconde moitié d’un siècle tumultueux : " ceci nous amène à ranger parmi les terroristes non seulement des criminels mais des pays...coupables. ..de crimes contre l’humanité, d’incitation à de tels crimes ou de complicité à des degrés divers ".
En fait, le phénomène terroriste concerne une palette extrêmement large d’actions à objectifs multiples, depuis les révolutionnaires visant à provoquer un changement de régime (parmi lesquels les indépendantistes tiennent une place importante ) jusqu’aux militants de luttes partisanes, plus ou moins aidés ou manipulés par des blocs intéressés à des effets à long terme de désagrégation et déstabilisation (et agissant en conséquence sur une échelle internationale ), en passant par les dictatures qui, ayant acquis le pouvoir par la force terroriste, ne peuvent le conserver que par le même moyen; et aussi par les organisations contre-terroristes mises en mouvement, protégées ou commanditées par des communautés en butte au terrorisme et amenées à utiliser des méthodes identiques (tels les fameux " Barbouzes " qui, pendant la " guerre d’Algérie ", combattirent successivement le F.L.N et l’O.A.S; ou aussi les " G.A.L " qui s’opposèrent sur le territoire français aux indépendantistes espagnols de l’E.T.A ).
Depuis l’origine du monde, toutes les guerres - même si elles ont une finalité expansionniste ou subversive- se déclenchent toujours sous des motivations officielles nobles, alibis indispensables aussi bien pour obtenir l’adhésion totale des combattants, plus faciles à manipuler s’ils ont l’illusion d’être les héros d’une juste cause, que pour appuyer la propagande à l’intention de pays alliés ou sympathisants (ou même des
adversaires, que l’on a l’espoir de culpabiliser, surtout s’ils sont vaincus). A fortiori la communauté agressée utilise-t-elle les mêmes principes :car n’est-elle pas victime d’une agression injuste ?
Le vainqueur d’un conflit se considère, et apparaît aux yeux de tous, comme le champion d’une véritable ordalie, investi d’une approbation quasi-divine. Les groupes terroristes obéissent aux mêmes règles : ils sont animés, ou se réclament, d’une idéologie qui sanctifie leur action. Tant qu’ils sont contraints à la clandestinité, ils sont considérés par la société agressée comme des criminels. S’ils triomphent, ils deviennent sur le plan intérieur des héros, et sur le plan international des gouvernants reconnus et respectés. Selon la même optique, les gouvernants vaincus deviennent à leur tour des criminels que l’on met en accusation au nom de la " justice ". Dans ce jeu perfide, souvent sinistre, les terroristes ont pour meilleur allié ce que Jean Servier appelle le " terrorisme intellectuel pratiqué sur la base d’une philosophie d’Etat proclamée par une intelligentsia s’affirmant comme seule éclairée dans une société vouée aux ténèbres ".
Bien souvent au nom de grands principes humanitaires rappelés à grand renfort de conférences, déclarations de presse, publications diverses, les gens de cette catégorie - maniant habilement la désinformation par mensonge, ou simple omission, quand ils ne vont pas jusqu’à accorder aux terroristes une aide et une complicité concrètes - sont devenus les alliés indispensables de tous mouvements terroristes.
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Si l’on examine les idéologies et les motivations qui animent les camps opposés, elles apparaissent toutes objectivement valables. C’est ce qui a fait dire au philosophe Friedrich Hegel :
" L’essence de toute tragédie n’est pas le conflit entre le mal et le bien, mais entre le bien et le bien Pour Victor Hugo :
" Le mal prend tout à coup la figure du bien "
Les mouvements autonomistes et indépendantistes qui depuis plusieurs décennies se sont multipliés de façon épidémique dans le monde, affichent des motivations analogues : ils combattent pour secouer une tutelle politique considérée par eux comme l’équivalent d’une occupation étrangère, quelle que soit son ancienneté. C’est ainsi que l’Indochine, le Maroc, la Tunisie, puis l’Algérie ont rejeté la France; l’Inde s’est débarrassée de l’Angleterre; l’Angola du Portugal.
Non moins vigoureusement motivées sont les luttes menées pour provoquer un changement de régime politique : en Iran la monarchie du Shah a été balayée au profit d’une oligarchie religieuse; suivant cet exemple des extrémistes musulmans ont tenté de chasser les dirigeants algériens mis en place au départ des Français.
D’autres actions sont ambiguës : les Arméniens dispersés dans le monde, cherchent à tirer vengeance du génocide dont leur ethnie a été victime en Turquie au début du siècle.
Les Sikhs en Inde, les Kurdes en Irak, Iran et Turquie, les Erythréens en Ethiopie, les Irlandais en Ulster, les Basques en Espagne, les Corses en France, ont donné naissance à des organisations clandestines qui multiplient les exactions, officiellement dans un but
indépendantiste, en fait pour renforcer leur originalité culturelle et s’opposer à une assimilation qui gommerait les particularismes.
Dans la catégorie des campagnes ambiguës on ne peut omettre les organisations palestiniennes qui ont pris une part de plus en plus importante dans les rapports internationaux. L’idée de base de leur terrorisme est de récupérer les territoires qu’ils accusent les Israëliens de leur avoir volés. Pour la mettre en oeuvre les Palestiniens ont déclaré la guerre, non seulement à l’Etat d’Israël, mais à tout l’Occident accusé de complicité dans cette spoliation. Et il s’est avéré que cette formule agressive ait réellement conduit à un succès spectaculaire : la création d’un Etat Palestinien, encore très précaire, mais dont l’existence et la légitimité sont admis sur un plan mondial. .
On peut remarquer que dans la plupart des actions à base de terrorisme, en arrière-plan des motivations officielles, on peut découvrir des considérations économiques. Ainsi la découverte d’importants gisements pétroliers dans le Sahara n’a pas été étrangère au déclenchement et au développement de la campagne indépendantiste en Algérie. Le pays basque espagnol est d’une grande richesse économique.
Le comble de l’ambiguïté est atteint dans plusieurs catégories d’actions subversives à visées plus ambitieuses et dont la démesure atteint une échelle internationale. Il s’agit en premier lieu des croisades entreprises pour imposer par la force une religion, ou une interprétation de religion : le cas type est la guerre dite islamique déclenchée par les Chiites iraniens pour le triomphe de leur version personnelle du message coranique.
Il y a aussi les campagnes plus sournoises mais efficaces contre " l’impérialisme ", cette notion floue mais combien payante dans les exhortations à la guerre contre l’Occident. Au Moyen Orient, les concepts de guerre religieuse et d’anti-impérialisme se confondent insidieusement pour ennoblir les pires attentats.

Qu’est ce qu’un terroriste ?
En mai 1987, lors d’une émission télévisée dans le cadre des " Dossiers de l’Ecran " sur la Chaîne Antenne 2, tous les participants au débat ont été d’accord pour admettre qu’il est impossible de dresser un " portrait-robot " du terroriste.
Un terroriste n’est généralement pas un psychopathe; ce n’est pas non plus un individu correspondant au cliché romantique du " terroriste né bon, mais perverti par la société ". En fait, parmi les terroristes il y a de tout : non seulement des individus conditionnés par leur milieu ou ayant subi un conditionnement intensif, mais également des tueurs professionnels agissant sous " contrat ".
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Guerre classique et action subversive.
L’importance et l’internationalisation du terrorisme moderne, ainsi que la disproportion extraordinaire entre les dimensions réduites des groupes opérationnels et les résultats souvent spectaculaires obtenus, ne peuvent être compris par référence aux techniques de la guerre traditionnelle. Dans un affrontement direct, c’est le camp le plus fort, le mieux armé, le mieux commandé, disons surtout le mieux préparé qui remportera la victoire. Une
victoire parfois aussi violente et rapide qu’un raz de marée mais pouvant n’advenir qu’après de longues périodes de batailles acharnées et sanglantes dans certains cas.
L’action subversive échappe totalement à cette définition, pour trois raisons essentielles.
1. Les terroristes ne sont pas liés par un " code déontologique " comme les soldats d’une armée régulière; bien au contraire, c’est précisément parce qu’ils sont sans scrupule et passent outre à tous principes humanitaires et moraux, qu’ils peuvent espérer triompher.
2. Le perfectionnement technique immense des moyens d’information audiovisuels a donné aux organisations subversives le moyen d’amplifier l’impact de leur action jusqu’à la démesure.
3. La forme démocratique des régimes de tous les pays attaqués et les principes de liberté qu’ils respectent, accordent aux menées subversives un terrain d’autant plus idéal qu’il s’y trouve toujours des intellectuels idéalistes, pour faire l’apologie des causes terroristes et aider à la diffusion de ce que Marenches appelle " les mythes incapacitants ".
En définitive, la guerre traditionnelle, sauf exceptions malheureusement de plus en plus fréquentes (agressions allemandes à partir de 1938; guerres issues de la désintégration de la Yougoslavie; guerres ethniques du type Rwanda), obéit à un code d’honneur. L’action terroriste en est l’antithèse absolue car, précisément, ce qui motive ses promoteurs et conditionne leurs agressions, c’est de se placer au-dessus des lois éternelles de l’humanité. En ce domaine " la fin justifie les moyens " et, pour réussir, il faut agir non de face mais sournoisement, travailler toujours dans l’ombre, prendre pour cible des non combattants non concernés. Le conditionneur du terroriste sait bien que son meilleur atout, contre des pays qui, eux, sont freinés dans leurs réactions par les limites traditionnelles de la morale et de la religion, c’est de se placer au delà de ces limites.
La guerre révolutionnaire se base sur des attentats appelés à être qualifiés par les médias d’"aveugles ". En fait, ils sont rationnellement préparés pour donner cette impression, puisque la tactique dont ils sont le pivot a pour objet de créer une atmosphère de terreur et un syndrome d’épouvante.
Les méthodes inhumaines
Dans la plupart des processus qui amènent des êtres humains à une conduite antisociale, le facteur essentiel est la transgression des règles de la vie en société. Un délinquant qui veut se procurer rapidement et sans peine le bonheur illusoire de la richesse, est persuadé - par un raisonnement lui paraîssant logique - que les moyens d’action les plus efficaces sont ceux permettant d’obtenir un résultat immédiat : le vol, le racket, le chantage, puis, à un degré supérieur, l’enlèvement et le meurtre.
Les terroristes se situent dans la même optique. Pour triompher de leurs adversaires, ils savent qu’ils sont incapables d’user de la légalité. Mais ils ne s’en considèrent pas moins comme des combattants légitimes : le triomphe de leur cause passe donc obligatoirement par une transgression absolue des règles traditionnelles de la guerre.
Un soldat se bat contre d’autres soldats. Un terroriste, lui, se bat contre une société, contre la société : il détruira donc tous membres quelconques de la société, même les plus éloignés de ses préoccupations, civils, femmes, enfants.
C’est ce qu’exprime Madelin :
" Une sale guerre qui ne dit pas son nom, faite de bombes, qui massacrent, de meurtres, qui terrorisent, de prises d’otages incompréhensibles. Cette guerre où les combattants sont masqués, parmi nous, où chacun de nous devient un soldat sans le savoir (...) dans des affaires dont a priori les tenants et les aboutissants échappent à l’entendement "
Si l’on donne la parole aux terroristes eux-mêmes on trouve généralement confirmation de cette définition :
" La violence est nécessaire, une violence ferme, destructrice, qui fera de notre lutte une lutte bonne et rentable, comme celles qu’ont su mener les Juifs, les Congolais et les Algériens "E.T.A basque. (Extrait de la revue " Zultik " (Debout)- N°1 de 1961)
A la question posée au terroriste Abou Nidal " Des attentats à la bombe, des assassinats politiques, sont-ils des moyens légitimes de réaliser (vos)rêves ? " il répondait sans hésitation :" absolument, et même très légitimes (...)Le crime absolu serait de permettre aux sionistes de quitter vivants notre patrie " (Interview extraite du journal allemand " Der spiegel " du 14 Octobre 1985)
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La guerre audiovisuelle
Le perfectionnement incessant des moyens audiovisuels permet aux terroristes de répandre largement, sur une échelle mondiale, l’annonce de leurs attentats, et en les revendiquant, de faire connaître à l’opinion publique leur existence, leurs idéologies, leurs objectifs et leurs exigences. Pendant longtemps ce rôle de diffuseur a été joué uniquement par la presse écrite. La radio leur a ajouté une nouvelle dimension. C’est maintenant la télévision qui, en montrant complaisamment les aspects les plus spectaculaires des moindres agressions, et en les transmettant instantanément dans le monde entier, est devenue le principal complice de l’action subversive.
Ce n’est pas à dire que l’on doive reprocher aux responsables des moyens audiovisuels de servir les visées de la subversion. La mission d’information des médias ne peut s’exercer que librement dans le cadre des pays démocratiques. Prétendre museler et censurer la presse serait renoncer à l’un des principes de base de la véritable démocratie.
Il n’empêche que les journalistes, pressés par l’urgence de l’information sensationnelle, soumis entre eux à une émulation qui les pousse à supplanter leurs collègues, à faire mieux qu’eux, sont contraints de présenter au public les images les plus spectaculaires, les plus éprouvantes.
Et c’est précisément ce que les terroristes attendent d’eux. Pour fournir à la presse du sang à profusion, de l’horrible inouï, ils se livrent eux mêmes à une surenchère. Et sont fatalement amenés à choisir les lieux de grands rassemblements populaires où le carnage aura le plus d’ampleur. De plus, les heures des attentats sont choisies avec soin, pour leur assurer l’écho médiatique maximum par l’intermédiaire des journaux télévisés de fin de journée.
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Les démocraties, cibles privilégiées du terrorisme
On peut remarquer que le terrorisme organisé épargne généralement les pays à régime autoritaire, où la vigilance omniprésente de la police et la sévérité de la répression empêchent la libre circulation, tant intérieure qu’extérieure, des personnes et des armements occultes. Par contre, dans les pays à régime démocratique, l’implantation et le travail souterrain de préparation des actions terroristes sont faciles. Et les névroses de terreur s’y propagent rapidement et s’y installent durablement.
Les spécialistes du problème subversif ont mis en lumière les étranges connections qui unissent des organisations de tous bords, même foncièrement opposées quant à leurs motivations. Il est désormais évident que le lien entre elles provient de leurs accointances avec des communautés de plus grande envergure que chacune d’elles, qui les aident, les conseillent, les instruisent et les entraînent dans des camps spéciaux. Mais, ce que la plupart des organisations ignorent, c’est qu’elles sont à leur insu manipulées, orientées et utilisées, pour la poursuite d’objectifs très différents de leurs idéologies motrices. Le résultat, c’est une psychose terroriste à l’échelle internationale, que certains n’ont pas hésité à qualifier de troisième guerre mondiale.
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Comme je l’ai fait à propos des sectes, il me semble intéressant de donner quelques exemples typiques de guerres subversives couronnées de succès,et illustrant ainsi, de façon saisissante l’étonnante puissance de la suggestion collective.

La subversion national-socialiste en Allemagne
L’aventure de l’Allemagne hitlérienne mérite une mention particulière. Elle s’inscrit dans le cadre des révolutions fascistes qui ont atteint nombre de pays européens (Italie, Espagne, Portugal ).Elle est cependant la seule à avoir manifesté un exceptionnel déploiement de racisme, de cruauté et de fanatisme.La forme odieuse et démentielle, prise par le nazisme, s’explique essentiellement par la personnalité de " l’homme providentiel " que fut Adolf Hitler,ce paranoïaque hanté par des obsessions permanentes, et par un besoin incoercible de domination et de destruction. S’il n’avait eu que ces travers, Hitler serait resté le pauvre hère vagabond qu’il était à l’origine. Mais il avait une personnalité hors du commun qui fit de lui un chef révolutionnaire génial. Persuadé que pour mener les hommes il faut les tromper et que, plus gros sont les mensonges plus ils ont de chances d’être crus, il était foncièrement hypocrite et menteur. Il se flattait de ne jamais tenir ses promesses, ce qui ne l’empêchait pas d’être toujours cru sur parole. Grâce à tout cela il put éliminer, successivement, les autorités légales, les membres du Parlement, et pour couronner le tout, ses propres complices.
Ce personnage est l’exemple type du fascinateur évoqué plus haut. Son pouvoir suggestif était exceptionnel : il agissait aussi bien sur son entourage que sur les foules et, finalement, sur le peuple allemand tout entier. Avec une maîtrise instinctive des techniques hypnotiques, il faisait passer entre lui et ses interlocuteurs, un véritable " courant de haute tension " lui permettant de leur suggérer ses idées, ses ambitions, ses sentiments, son dynamisme. Réciproquement, il avait d’ailleurs une telle réceptivité, qu’il se nourrissait et s’exaltait de l’enthousiasme et du fanatisme qu’il suscitait.
Le principal de ses atouts était son talent oratoire, servi par un tempérament particulièrement apprécié dans son pays, qui le portait à adopter un style verbal et gestuel militaire : ton sans réplique, brutalité rauque du commandement, gestes secs, mine tendue, allure cassante. Ses discours, alternant l’ironie mordante et les débordements de violence hystérique, la flatterie, les promesses et les menaces, les louanges et les insultes, ponctués d’une gesticulation frénétique, s’inscrivaient toujours dans le cadre de manifestations grandioses, avec profusion d’énormes drapeaux rouges à croix gammée (car il est bien connu que la couleur rouge a des propriétés excitantes et que la croix gammée est un symbole hypnotique ), multiplication de fanfares jouant des musiques militaires obsédantes.A cela s’ajoutait l’uniforme spécial des S.A. (Sections d’assaut) qui assuraient un service d’ordre impressionnant, et en même temps menaçant.
Comme tous les manipulateurs de foules, Hitler avait compris la nécessité de baser son action sur des idées simples, exprimables en slogans percutants, faisant jouer des instincts primaires.
Le racisme : seul est citoyen allemand celui qui est de race aryenne ( " dolicocéphale " grand,blond aux yeux bleus), C’est le représentant le plus parfait de la création. Par contre, corruptrice des civilisations, la race sémite est la plus exécrable En axant sa politique sur ce thème Hitler excitait les deux moteurs les plus puissants de la machine humaine : l’orgueil et la haine.
Le pangermanisme : dérivé du concept du racisme, le pangermanisme tendant à faire considérer l’Allemagne comme supérieure à tous autres pays et à lui donner vocation à la domination du monde, permettait à Hitler d’entraîner toute la nation dans les aventures les plus démentielles.
La révolution sociale : le régime démocratique, l’oppression prussienne sont responsables de la défaite, de l’anarchie, de la misère, du chômage, de la corruption. Ils doivent être abattus ! Et remplacés par un régime nouveau basé, d’une part sur la philosophie du nationalisme et de l’autorité qui pour les Allemands constitue une nécessité historique; d’autre part sur une morale régénérée, mettant en honneur les vertus martiales et viriles, la fermeté inflexible du caractère, l’endurcissement spartiate du corps et de l’âme,le courage héroïque, la discipline de fer, la pratique du commandement absolu et de l’obéissance aveugle, le mépris pour les faibles, le rejet de toute sentimentalité à l’égard, notamment, des races inférieures et des partis indésirables.
Il fallut, pour réaliser la révolution nazie, une dizaine d’années d’action patiente, persévérante et cohérente. Hitler avait compris que, pour prendre le pouvoir dans un pays discipliné - où la rébellion ouverte contre la loi et l’autorité régulière est très mal vue - il fallait adopter une tactique spécifique combinant :
- une position officielle irréprochable (qui l’amenait à faire croire aux autorités qu’il réprouvait l’action illégale et la violence,et qu’il ne poursuivait qu’une révolution spirituelle)
- et une action souterraine méthodique par renforcement progressif de son parti et propagande soigneusement orchestrée.
La réussite de ce plan est si totale que l’armée ne tarde pas à se ranger à ses côtés et à lui fournir argent et équipements, ce qui lui permet d’acheter un journal, d’organiser son parti national-socialiste comme un Etat dans l’Etat,de s’entourer d’un Etat-major faisant fonction de gouvernement. Ses structures pyramidales et sphériques sont solidement implantées. D’élection en élection, il devient de plus en plus fort, combinant astucieusement propagande et terrorisme exercé par ses S.A.. La phase ultime sera la conquête de la Chancellerie, chef d’oeuvre de machiavélisme.
Arrogant et intransigeant, au lendemain des élections du 3O juillet 1932 gagnées par son parti, Hitler au cours d’une entrevue secrète avec le chancelier Von Papen se montre, au contraire, conciliant, doux, respectueux mais assuré. Il l’amène habilement à se persuader que, bien encadré par les barons du régime, il sera un dirigeant valable, " rentré dans le rang ", et le décide à conseiller au Maréchal Hindenbourg de le nommer Chancelier.
Mais, dès son arrivée à la Chancellerie Hitler renverse les fragiles barrières disposées autour de lui : 48 heures après il dissout le Reichstag (Parlement), s’empare de la police, l’épure et y introduit des nazis.
Il fomente ensuite l’incendie du Reichstag, ce qui lui permet de canaliser la haine populaire vers les Juifs et les communistes, qu’il fait accuser de l’attentat. Il ne restait plus qu’à mettre en place les institutions soigneusement préparées d’avance, et à se débarrasser par l’assassinat, aussi bien de ses adversaires que de ses compagnons de la première heure.

L’Algérie indépendante
Les révolutions nord-africaines, qui suivirent par contagion celle d’Indochine, présentent des caractéristiques communes. Il suffit d’évoquer l’aventure algérienne, pour se rendre compte que la guerre révolutionnaire moderne constitue, non seulement une révolution dans l’art de la guerre, mais la découverte et la mise en oeuvre d’un instrument de conquête incomparablement supérieur aux techniques classiques.
Avec le recul du temps on constate qu’en effet, en Algérie, il a suffi d’une poignée d’hommes déterminés, bien conseillés et bien aidés par les pays étrangers, pour venir à bout d’une population au début loin d’être acquise à un idéal indépendantiste. . Si, comme la propagande des révolutionnaires est parvenue à le faire croire à l’opinion internationale et française, il s’était vraiment agi d’un soulèvement général de population, d’un embrasement spontané de tout un pays, il n’eut pas été nécessaire de mettre sur pied une organisation terroriste. Les non-musulmans, en minorité, auraient été exterminés avant même que la France ne conçoive la nécessité de mettre en place un dispositif de défense.
En réalité, avec une science consommée de l’action subversive, les quelques meneurs, après avoir mis en place une organisation conçue selon le principe de l’unité de commandement, de la hiérarchie pyramidale, des cellules sphériques et des hiérarchies parallèles, amenèrent progressivement les masses au ralliement. L’idéologie proposée et choisie en fonction des caractéristiques particulières à un pays à prédominance musulmane, était le mythe évocateur de la " dignité des Arabes ", avec les idées complémentaires de l’émancipation des peuples afro-asiatiques, de la renaissance islamique, de la résurrection de la grande patrie arabe.
En plaçant la révolte préparée dans une perspective raciale et religieuse, il était facile de déclencher l’enthousiasme et la haine nécessaires à la réussite de l’entreprise, les bases de la propagande interne étant toutes trouvées et faciles à mettre en oeuvre.
Mais, pour donner à la propagande la puissance nécessaire à la provocation d’un embrasement général, encore fallait- il y adjoindre la terreur qui, comme nous l’avons vu, est un des plus puissants facteurs de suggestion collective. C’est là qu’intervint tout un système d’interdictions et de sanctions destiné à bien marquer sans équivoque la limite entre le ralliement à la cause du F.L.N (Front de Libération Nationale) et la " trahison ", concrétisée par toute " collaboration " avec les non-musulmans.
Un Algérien loyal ne devait travailler ni pour ni avec les Français, ni leur acheter des biens immobiliers, ni s’approvisionner dans les magasins tenus par les Mozabites et les Israélites, ni envoyer ses enfants dans les écoles françaises.
A cela s’ajoutait le renforcement des impératifs religieux. Tous manquements à cette discipline imposée ne comportaient qu’une seule sanction : la mort par égorgement, ou par balle tirée dans la nuque, avec bien souvent différentes mutilations.
Parallèlement, une propagande extérieure intensive permettait au F.L.N. de s’assurer - outre l’appui acquis d’avance des pays arabes - des sympathies un peu partout dans le monde où le concept anticolonialiste faisait son chemin. En France métropolitaine cette cause remporta dès l’abord un grand succès dans certains milieux intellectuels idéalistes.
Par la suite, les masses populaires françaises - lasses d’apporter à une guerre paraissant injuste et inutile, une contribution en hommes et en moyens financiers - et travaillées par les médias, devinrent les meilleures alliées des révolutionnaires.
Une fois conquises la fidélité et la complicité des populations musulmanes - et de l’opinion publique extérieure - le F.L.N. qui, entre temps avait organisé une conscription, une justice, une contribution financière de la population, peut facilement déclencher un terrorisme généralisé, appelé à nourrir le processus répression -contre répression en chaîne sans fin, et à démoraliser aussi bien la population française d’Algérie que les milieux dirigeants.
Désormais il suffisait de laisser les événements suivre leur cours inéluctable : le pourrissement, sans cesse accéléré, nourri des réactions de révolte de ceux qu’on appelait les " pieds noirs ", des exactions de l’O.A.S. (Organisation de l’Armée Secrète), de celles des " Barbouzes " tueurs commandités par les services secrets français. En définitive, pratiquement victorieuse sur le terrain militaire, la France était néanmoins chassée d’Algérie par un terrorisme parfaitement orchestré.

La révolution iranienne
" Aujourd’hui tout révolutionnaire doit posséder une vidéo. C’est aussi important qu’un flingue ( J.. Rudin ) " Il faut que le sang coule " ( Ayatollah Khomeyni )
Parmi tous les pays ayant changé de régime à la suite d’une révolution sanglante, l’Iran occupe une place particulière en raison du rôle capital qu’ont joué les moyens audiovisuels dans le conditionnement du peuple.
Pour qui a connu le peuple iranien, traditionnellement paisible, accueillant et tolérant, il est stupéfiant de constater la transformation radicale qu’il a subie du fait de sa fanatisation religieuse.
Eprouvant certes, une grande lassitude du régime impérial, et un réel appétit de liberté, il était cependant loin de s’imaginer qu’il allait devenir une masse dominée par les sentiments d’intolérance, de haine et de vengeance, forgés par une entreprise soigneusement élaborée.
La première phase, axée sur la mise en place de l’organisation révolutionnaire, et de la propagande exercée dans l’ombre dans tous les milieux, fut facilitée par la collaboration entre les marxistes -dont l’importance n’avait jamais cessé de croître malgré les persécutions subies - et les religieux chiites, qui préparaient leur revanche après 40 années de disgrâce. Ceux-ci commençaient à brandir l’étendard de la révolte au nom de Dieu, de la tradition perse, de l’antiaméricanisme et de la justice coranique. Les marxistes étaient persuadés que, grâce à l’incapacité des religieux de gouverner, ils tireraient les marrons du feu, comme l’avaient fait les communistes du Vietnam à l’égard de leurs alliés non communistes, éliminés impitoyablement après avoir cessé d’être utiles. . Mais en Iran, la gauche était dans l’erreur : après avoir aidé au succès de la révolution, elle subit des persécutions encore plus cruelles que sous le régime précédent.
En tous cas cette union révolutionnaire permit :
- dès 1964, de fomenter des complots terroristes contre le Shah, ses ministres, ses généraux et des officiers américains;
- et après 1975, de susciter des manifestations de contestation politique, notamment dans les universités, les écoles, chez les petits commerçants, dans les campagnes.
Ainsi s’exerça une action psychologique sur l’opinion internationale, peu à peu amenée à souhaiter le remplacement du régime du Shah par un régime " pur et dur ".
L’insurrection populaire de grande envergure qui a balayé la royauté, a eu pour point de départ un message de l’Ayatollah Khomeyni que le journal français " Le Monde " a accepté de publier dans son numéro du 14 décembre 1977 à l’intention du peuple iranien :
" Il est du devoir de tous les musulmans et en particulier des oulémas, des intellectuels et des universitaires, de profiter de la situation, d’écrire ce qu’il faut écrire, de dire ce qu’il faut dire et d’informer largement les personnalités et les responsables du monde entier ".
Le rédacteur de cette exhortation était alors réfugié en Irak. Il en fut expulsé, pour être accueilli par la France qui lui permit d’établir sur son territoire, le quartier général d’où devait rayonner son action révolutionnaire.
Dès la parution de l’article un journal iranien le commente en termes désobligeants; c’était exactement ce qu’attendait l’Ayatollah. Ses agents provocateurs, profitant de l’état de nervosité atteint par le peuple le poussent à l’émeute. Du 7 au 9 janvier 1978 une grande marée iconoclaste déferle sur le pays. Pendant toute l’année le réseau de propagande révolutionnaire fonctionne admirablement.
Toutes les manifestations sont accompagnées de portraits géants de Khomeyni qui apparaît de plus en plus comme " l’homme providentiel ".
C’est à ce moment là qu’il commence à utiliser le moyen moderne idéal pour maintenir un peuple en état d’effervescence et de conditionnement permanent : l’enregistrement de cassettes de magnétophone reproduites par dizaines, introduites clandestinement en Iran. Ainsi, par des suggestions maintes fois répétées, sur un fond lancinant de prières et récitations, il maintenait un contact quotidien avec les Iraniens.
Le plus étonnant en cette aventure, ce n’est encore pas la fanatisation du peuple visé, mais l’intoxication des medias internationaux. Rares furent les organes de presse de l’époque qui s’avérèrent capables de prévoir que le vieillard fanatique de Neauphle-le-Château était appelé à instaurer un régime de dictature sanguinaire et rétrograde. La plupart voyaient au contraire en lui un héros réalisant la libéralisation salutaire d’un peuple victime de l’oppression.
L’année 1978 fut celle des réactions en chaîne communes à toutes les révolutions. Au début de 1979 la situation est à ce point dégradée que la prise de pouvoir par les révolutionnaires n’est plus qu’une formalité; débarqué le 1er février dans un déchaînement populaire inconcevable, Khomeyni instaure aussitôt un régime qui rappelle les pires moments de la Terreur sous la Révolution française.
C’est aussitôt, la création des " tribunaux islamiques " qui ne connaissent qu’une sanction : la mort. Les exécutions se succèdent désormais sans relâche et sont même télévisées.






















CHAPITRE 5
LE TOTALITARISME
• • • • • " Il n’y a, pour l’homme demeuré libre, de souci plus constant, plus cuisant, que de chercher un être vivant devant qui s’incliner "
Dostoïeski
• • • • • " Je n’ai pas de conscience : ma conscience c’est mon führer "
Hermann Goering
• • • • • " L’Etat totalitaire ce n’est pas la force déchaînée, c’est la vérité enchaînée "
Bernard Henri Lévy

Généralement issus d’une révolution violente, les régimes totalitaires ne peuvent se maintenir qu’à condition de conserver la structure initiale du parti qui a triomphé. On débouche ainsi sur une société organisée et hiérarchisée dans laquelle, de la base au sommet, tous les citoyens sont des manipulés. Les dirigeants de tels Etats ont en effet compris que même des citoyens robotisés s’ils sont livrés à eux-mêmes et insuffisamment encadrés, peuvent récupérer partiellement ou totalement leur libre-arbitre. Une vigilance de tous les instants s’impose pour assurer la permanence du conditionnement parfait.
Il n’est pas nécessaire d’être spécialiste de la psychologie humaine, pour observer que
• plus un citoyen possède, plus il veut acquérir
• plus on lui donne, plus il trouve naturel de recevoir et plus il exige, sans jamais être satisfait
• plus l’individu est libre d’agir à sa guise, plus il devient égoïste, égocentrique et par un enchaînement inéluctable, plus il se détruit ainsi, détruisant par contrecoup la collectivité
• plus il y a de tendances et de partis politiques opposés, plus il y a de rivalités et de révoltes.
La connaissance de ces règles du comportement humain, inspire paradoxalement mais avec une logique implacable les révolutionnaires dans deux directions diamétralement opposées, au cours de leur campagne pour la conquête du pouvoir, puis après la réussite de leur révolution.
Pendant la campagne révolutionnaire ils utilisent la tendance naturelle de l’homme à exiger de plus en plus, afin d’envenimer l’insatisfaction des masses sous prétexte de les aider dans la recherche de la liberté.
Par une propagande habile,on exagère les défauts de la société attaquée, présentée comme incapable de satisfaire aux désirs légitimes des populations. C’est le combat bien connu contre " la politique d’austérité ".Ce sont les éternels thèmes de " l’insuffisance du pouvoir d’achat des travailleurs ", " l’augmentation du chômage " dont la responsabilité incombe évidemment au régime combattu.
Et parallèlement, on masque soigneusement les objectifs poursuivis, les caractéristiques du futur régime envisagé, diamétralement opposés aux idéologies servant de justification à l’action révolutionnaire.
Aussi Bossuet disait-il :
" Quand, une fois, on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l’appât de la liberté, elle suit en aveugle pourvu qu’elle en entende le nom ".
Dès la victoire de la révolution le masque tombe, et c’est aussitôt la répression impitoyable de tout ce qu’exaltaient les révolutionnaires : la liberté individuelle sous toutes ses formes, l’individualisme en toutes ses manifestations, la démocratie en toutes ses implications. Ces notions devenues subitement et socialement nocives, il est obligatoire d’adopter l’antithèse de celles-ci. Une nécessité vitale pour le nouveau régime est d’interdire la contestation et d’empêcher toute expression du sentiment d’insatisfaction, à l’opposé de la démocratie où une surenchère tendant à la satisfaction des désirs des citoyens favorisait l’insatisfaction permanente.
Il n’est désormais plus permis de critiquer comme précédemment la politique des dirigeants, de manifester son mécontentement par des rassemblements, des colloques, des grèves.

La substitution, à la conscience individuelle d’une conscience collective nécessaire à un Etat dit " équilibré " suppose un conditionnement total, dans le temps comme dans l’espace. Cela implique un programme cultivant la servitude, l’irresponsabilité, la dépendance réciproque des citoyens, seules conditions pour éviter l’écueil des pays libres, ce qui équivaut à transformer le pays conquis en un camp de concentration ressemblant à une gigantesque secte.
On dit souvent que l’homme est un " animal religieux ". Tiraillé entre ses besoins d’autorité et ses rêves de liberté, ayant besoin d’être canalisé, guidé, rassuré, consolé, il est conduit fatalement à rechercher un " père transfiguré " en la personne d’un homme providentiel. Son instinct moutonnier le pousse aux rassemblements pour une pratique collective d’un culte qui lui donne le sentiment et la fierté d’appartenir à une religion, ou un système privilégié. Les régimes totalitaires exploitent ce besoin et multiplient les manifestations de masse qui apparaissent ainsi comme des ersatz religieux.
Les techniques de gouvernement, communes à tous les régimes conçus selon le schéma du conditionnement collectif, sont axées autour des même principes de base :
• L’instauration du parti unique fait disparaître le risque de rivalités et d’affrontements susceptibles de provoquer des remous sociaux, destructifs de l’esprit collectif. D’où la nécessité de démanteler systématiquement les organisations opposées et de traquer tous les individus manifestant des tendances non conformes aux doctrines officielles. L’intolérance et la répression des délits d’opinion, de tous déviationnismes politiques même supposés, ont, dans de tels régimes, une importance vitale.
• Le culte du chef providentiel ( Hitler, Mussolini, Franco, Lenine, Nasser, Mao Tse Toung, Khomeyni. ...) ou de l’entité, qui en tient lieu ( le F.L.N. en Algérie, l’Angkar au Cambodge...) permet de compléter l’indispensable uniformisation.
• La propagande est généralisée et systématisée selon les mêmes principes que pendant la période révolutionnaire : slogans simples - faciles à comprendre même par des enfants et des faibles d’esprit - sans cesse répétés, exhortations à l’identification au groupe, au sacrifice, à la dénonciation des déviationnistes, à la méfiance vis-à-vis de ceux qui font usage de leur esprit critique et tout particulièrement les intellectuels (fait ironique, lorsque l’on considère que ce sont précisément ces mêmes intellectuels idéalistes qui ont aidé les révolutionnaires à triompher ! ).
• Le système est complété par tout un barème de récompenses et de punitions, stimulant l’émulation et entretenant l’angoisse de ne pas être jugé conforme au modèle-type du bon citoyen.
Après les différents absolutismes du XIX° siècle, héritiers directs des monarchies des siècles précédents,on assiste au XX° à l’apparition d’une série de régimes scientifiquement organisés en vue d’une domination permanente des citoyens. Certains subsistent encore, souvent à grand peine et au prix de nettes évolutions (Chine populaire, Iran...), d’autres, de plus en plus nombreux, se sont effondrés (tous les régimes fascistes, tout le bloc soviétique. ..), ou sont en voie d’effondrement (Algérie....).
Mais la tendance vers l’absolutisme a pris une orientation toute nouvelle : la mise en accusation de la civilisation occidentale, dans ses principes caractéristiques, et tout particulièrement le rationalisme et la science. Nous assistons en ce moment à ce que l’on
a appelé le " culte de la déraison " dont les Khmers rouges ont donné le départ, en atteignant d’emblée le comble de l’horreur. Les régimes islamiques sont apparus alors, avec des caractéristiques communes entre eux d’une part, et entre leur ensemble et les régimes totalitaires d’autre part :
- le conditionnement collectif qu’ils réalisent, les rapproche de ceux-ci
- le retour à une barbarie médiévale les rapproche entre eux.
Le colonel Kadhafi de Syrie, le général Zia du Pakistan ont été les premiers à annoncer solennellement que toute la législation et la vie sociale ne pouvaient être régies que par le Coran. L’ayatollah Khomeyni, après avoir accompli sa révolution en Iran est allé plus loin encore dans cette voie, en proclamant sa république islamique, régie par la lettre du Coran, tant sur le plan constitutionnel que sur ceux des droits matrimoniaux, civils et pénaux.
Ainsi on en est revenu à la lapidation des femmes adultères, l’ablation des mains de voleurs, le retour à la morale impliquant une chasse aux sorcières permanente contre la prostitution, l’homosexualité, le refus féminin de porter le voile, les commentaires jugés blasphémateurs, l’art sous toutes ses formes. ..
Jusqu’où ira cette nouvelle vague de robotisation humaine et combien de pays touchera-t-elle à l’avenir ?
Nul ne saurait encore le prévoir.
*
Voici deux exemples typiques de régimes totalitaires s’inscrivant dans le domaine de la déraison et permettant de se rendre compte de l’éternel danger qui pèse sur l’humanité, fort bien traduit par ce constat réaliste de David Rousset (L’univers concentrationnaire-1946)
" Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible ".

L’Allemagne nazie
Hitler a conduit à une perfection jamais égalée le système
• du parti unique
• du chef et de la doctrine providentiels
• de la double hiérarchie permettant une surveillance de tous les instants, favorisant la délation et entretenant un climat de terreur permanente
• de la propagande par tous moyens, intensifiée sur une échelle nationale, destinée à maintenir le peuple dans une suggestion collective permanente et à lui faire accepter d’enthousiasme toutes les expériences et toutes les aventures, même les plus délirantes
• de la discipline minutieusement organisée à base d’obéissance aveugle
L’Allemagne, pays fédératif, devient avec le nazisme un état centralisé d’où est exclu tout particularisme régional. Le Führer n’est ni un Président de République ni un Premier ministre mais, réunissant sur sa tête tous les pouvoirs, peut déclarer le 26 avril 1942 devant le Reichstag que " comme Führer de la nation, commandant suprême de l’armée, chef du gouvernement, détenteur du pouvoir exécutif et juge suprême, il n’a à tenir compte ni de la loi écrite ni des droits acquis ".
Le parti unique fournit un encadrement politique de la nation. Le pays est découpé en " Gaue" commandées chacune par un Gauleiter, subdivisées en cercles, puis en cellules. Cette hiérarchie parallèle, double l’administration proprement dite.
A côté,on trouve d’innombrables groupements nationaux-socialistes (corps motorisés, jeunesses hitlériennes, corporations d’étudiants, de professeurs, de juristes. ...)et tout un système de polices et de milices sans précédent. Les S.A. qui ont servi d’instrument de terrorisme révolutionnaire ont été éliminés au profit des S.S., police militarisée fanatisée, organisation redoutable, sans âme et sans pitié qui,n’encadrant au début que la nation, réalisa aussi pendant la guerre un encadrement féroce de l’armée

La dictature des Khmers rouges au Cambodge
( François Ponchaud: Cambodge, année zéro- Julliard 1977
- Pin Yathay : L’utopie meurtrière -Laffont –1980)
Ce qui manque à un robot, c’est l’intelligence et la sensibilité. Conçu pour l’exécution de missions déterminées, il les réalise avec un automatisme parfait, jusqu’aux conséquences ultimes,même les plus absurdes.
Le lamentable régime des Khmers rouges au Cambodge, fut un exemple sans précédent de ravages inconcevables causés par une nuée d’hommes totalement robotisés, lâchés contre un peuple pacifique et sans défense.
Ces tortionnaires, programmés à la façon d’ordinateurs simplistes, prenant à la lettre dans une transe perpétuelle, des ordres implantés en eux, en ont poussé l’exécution jusqu’à un terme - logique dans le cadre d’un automatisme de machine aveugle - mais absurde et criminel sous l’angle humain.
De formation marxiste et d’obédience chinoise, les Khmers rouges se caractérisaient par une totale absence de structures pyramidales. Il n’y avait d’une part, que les manipulateurs en nombre extrêmement réduit (le chef Pol Pot et 5 ou 6 autres intellectuels formés au Cambodge et en France par des techniciens de la révolution communiste) d’autre part, la masse des manipulés, paysans totalement illettrés. Leur endoctrinement était axé sur l’idée, essentielle et paradoxale, qu’ils étaient les seuls détenteurs de la vérité philosophique et politique.Ce qui les amenait d’ailleurs, dans leur logique primaire, à englober les communistes et les non communistes dans la même réprobation.
Ils avaient été persuadés que leur mission était de régénérer le monde, en détruisant l’erreur symbolisée par la civilisation et les intellectuels.
Ils appliquaient ainsi à la lettre la fameuse constitution (qui s’est avérée le plus grand bluff du siècle) du " Kampuchea Démocratique " déclaré " indépendant, uni, pacifique, neutre, non aligné, souverain dans son intégrité territoriale, dans une société où règnent le bonheur, l’égalité, la justice et la démocratie véritables, sans riches ni pauvres,sans classes exploitantes ni classes exploitées, une société dans laquelle tout le peuple vit dans l’harmonie et dans la grande union nationale et s’unit pour participer au travail de production pour, ensemble, édifier et défendre le pays ".
Dans la pratique, ces principes étaient traduits de la façon suivante à l’intention des manipulés :
La société nouvelle, résultat de la lutte des classes doit être sans classe d’où, nécessité de détruire tous ceux qui ne répondent pas à l’idéal révolutionnaire de " l’homme nouveau " caractérisé par
- la purification de tout individualisme, c’est à dire de tous sentiments, amour comme haine, orgueil et ambition comme jalousie
- l’austérité monastique tant dans la tenue que dans le comportement
La nouvelle société est celle des travailleurs. Le seul travail utile est manuel. Mais pas tout travail manuel. Uniquement celui dont les manifestations et les résultats sont tangibles : labourer, planter, creuser, piocher.
Il faut donc éliminer les travailleurs inutiles dont les intellectuels : sont indésirables les ingénieurs, les enseignants, les médecins, les capitalistes et parmi eux les commerçants, même les plus humbles. D’ailleurs sont aussi indésirables ceux qui savent lire et écrire, ceux qui, même indigents, ne sont pas paysans et, parmi les paysans, ceux qui ne sont pas absolument pauvres.
Il n’est pas obligatoire de détruire les indésirables, le principe de la sélection naturelle suffisant à écarter les faibles, les malades, les hésitants, qui n’ont pas leur place dans une société idéale.
Mettant systématiquement ces idées en application, ils transformèrent rapidement le Cambodge en un pays sans villes, ni industrie, ni commerce, ni religion, ni tribunaux, ni prisons, ni universités, ni écoles, ni services postaux, ni livres, ni sports, ni distractions, ni monnaie, ni arts, ni lettres, ni sciences, ni repos, ni répit, ni survie possible ! Toutes les valeurs humaines sans distinction avaient été détruites. Le pays était un immense camp de concentration peuplé d’êtres rendus primitifs, expurgés de tous liens affectifs et familiaux, et voués à une mort rapide.
On reste confondu en face de cet immense génocide. L’ironie de cette situation résidait en une conséquence inattendue de la " conception de la société sans classe ". En fait, sans s’en douter, les Khmers rouges avaient créé deux classes sociales :
- d’un côté, les " Khmers nouveaux " correspondant à l’idéal de leur philosophie, une élite d’hommes purs et durs, supervisant tous les travaux, exerçant une dictature impitoyable et sans contrôle, recevant les meilleurs postes, confisquant à leur profit tous les objets de valeur,
- de l’autre, les " esclaves " astreints aux travaux les plus durs et souvent les plus inutiles, appelés à servir la cause du pays en devenant plus précieux morts que vivants, puisque leurs corps devenaient des engrais indispensables à la culture ! ! !
J’ai tenu à citer cet exemple, à ma connaissance, unique dans l’histoire du monde, pour montrer la puissance maléfique d’un conditionnement collectif de robots humains dressés en vue de l’application d’une politique utopique absurde, et devenus en fait des tueurs paranoïaques.





























TROISIEME PARTIE
LA PREVENTION ET LES REMEDES
CONTRE
LA MANIPULATION PSYCHIQUE
" Ni robot ni esclave "
( Graffiti relevé en mai 1968 sur un mur de faculté à Paris)

CHAPITRE 1
PEUT-ON ECHAPPER AU
CONDITIONNEMENT INDIVIDUEL ?
" La vraie éducation commence par celle de l’éducateur "
Krishnamurti
(Philosophe spiritualiste d’origine hindoue, totalement indépendant,considéré comme l’apôtre du déconditionnement de l’homme. Peu connu en Occident, il a laissé une abondante littérature (Voir bibliographie complète en fin d’ouvrage)
Parmi les techniques de conditionnement, je crois avoir montré à quel point l’hypnotisme peut être dangereux. Car, s’agissant de l’utilisation non pas de dons particuliers, mais de
techniques faciles à mettre en oeuvre, n’importe qui à la possibilité de s’y initier et de s’y perfectionner.
De plus toute personne normale est hypnotisable par une méthode ou une autre, par un opérateur à défaut d’un autre, même contre son gré et à son insu, rapidement ou après une préparation psychologique. N’importe qui peut donc tomber sous la coupe d’un être sans scrupule et risquer d’être transformé en robot capable d’exécuter des actions répréhensibles, dangereuses pour lui-même ou pour autrui.
Cependant nombre de spécialistes n’ont jamais cessé de professer que le danger des utilisations perverses voire criminelles de l’hypnose, s’il existait théoriquement, était négligeable dans la pratique et ne nécessitait pas, en tous cas, une attention particulière de la part de la loi et de la justice.
Selon eux aucun hypnotiseur ne se risquerait à utiliser ses techniques en vue d’une action malfaisante : dans une telle éventualité sa position serait infiniment plus dangereuse que celle de l’auteur matériel de l’acte délictuel, l’enquête de police étant inéluctablement appelée à établir entre eux des liens étroits.
Pour moi, ancien magistrat, c’est là une vue simpliste.
Car, même si une enquête établit des relations étroites entre l’auteur de l’infraction et une personne soupçonnée de l’y avoir conditionnée, il sera d’autant plus difficile de prouver la manipulation que, selon la règle générale en la matière, les manipulés agissent au grand jour, tandis que les manipulateurs restent prudemment dans l’ombre et se protègent par tout un système de suggestions post-hypnotiques provoquant bien souvent l’oubli total, chez les sujets, de leurs contacts avec eux.
Si l’on admet, par hypothèse, que la preuve de la matérialité de la manipulation soit possible (nous avons cité quelques rares exemples de cette éventualité, notamment celui de la jeune Kebaïli de Versailles ) la progression des investigations et procédures judiciaires pourra être entravée par le scepticisme des enquéteurs et magistrats dù à l’insuffisance de leurs connaissances sur l’hypnotisme, et les autres procédés de manipulation psychique, et par conséquent sur les possibilités d’automatisation d’êtres humains. Même le recours à l’expertise psychiatrique, souvent effectuée par un praticien également sceptique en ce domaine, ne permettra pas toujours de résoudre la difficulté.
Jusqu’en 1992, un obstacle majeur supplémentaire se présentait du fait de l’absence de législation adaptée au problème.
Le 3 janvier 1980, exerçant alors les fonctions de Conseiller à la Cour d’Appel d’Amiens, prononçant le discours d’usage au cours de l’audience solennelle de rentrée de cette juridiction sur le thème "Le viol psychique ", j’observais que, si étonnant que cela puisse paraître, " La loi française n’interdisait pas expressément les techniques de conditionnement humain ".
Une étude approfondie de la question m’avait amené à constater que, lorsqu’il arrivait qu’un cas entrant dans une des catégories faisant l’objet de mon propos soit soumis à une juridiction, celle-ci (si, par extraordinaire, elle était disposée à admettre la réalité du phénomène du conditionnement ) était obligée - pour en tirer des conséquences juridiques
- de procéder par analogie avec des cas jurisprudentiels connus, méthode imparfaite ne permettant que très partiellement de rendre compte des situations exactes.
Je faisais remarquer que cette carence législative était essentiellement due, en France, à ce que la médecine officielle moderne n’insistait pas sur la possibilité de manipulations psychiques de nature à automatiser un être humain. Dans cet ordre d’idées, dans un traité de psychiatrie paru en 1925, un certain Rocques de Fursac avait pu oser dire, sans jamais avoir été démenti officiellement depuis lors : "En médecine légale l’hypnose n’existe pas ".
Je ne m’étonnais donc pas que, contrairement à ce qui se passe dans certains pays étrangers, un enseignement éclairé ne soit pas assuré dans les universités sur l’hypnotisme et les autres moyens d’augmenter la suggestibilité
.Et je considérais comme toujours d’actualité les remarques de Bowart (cité plus haut) observant avec amertume que c’était précisément parce que la loi aux Etats-unis ne réprimait pas le contrôle mental, que les agents secrets appréciaient tant son utilisation.
" Les tribunaux et les psychiatres " disait-il " refusant d’admettre la puissance du contrôle mental, n’importe qui peut l’utiliser en toute impunité "
Heureusement, la loi du 22 juillet 1992 portant réforme du Code pénal a comblé les lacunes que je déplorais.
Ses articles 121 -6 et 7 et 122-2 rendent punissable " comme auteur " même si elle n’a pas commis matériellement l’acte délictuel ou criminel, la personne qui l’a provoqué par " abus d’autorité ou de pouvoir ", et réciproquement déclare irresponsable le véritable auteur des faits, s’il a " agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle il n’a pu résister ".
On peut se réjouir de ce progrès considérable susceptible de protéger les manipulés contre des sanctions non méritées.
Est-ce suffisant ? Je ne le pense pas. Car ce qui me semble particulièrement important en ce domaine, ce n’est pas de punir des coupables, mais de guérir les victimes et de prévenir les agressions.

Le déconditionnement curatif
Un individu transformé en robot par un conditionneur habile, peut être libéré par les mêmes méthodes par un praticien (psychiatre ou généraliste) ayant une solide formation et une grande pratique en matière hypnotique)..La durée du traitement variera en fonction de la profondeur et de l’ancienneté du conditionnement. Cependant un obstacle de taille pourra entraver sérieusement le déconditionnement.
Dans les années 197O, magistrat au Tribunal de Reims, j’étais en relations avec un vieux professeur de médecine, le Docteur René Franquet expert médico-judiciaire. Ses connaissances et sa pratique des techniques hypnotiques, (Contribution à l’étude des manifestations dites " Pithiatiques " - Thèse soutenue en juillet 1922 devant la Faculté de Strasbourg) l’avaient selon ses dires passablement desservi dans sa carrière.
Au cours de l’un de nos entretiens amicaux il prit plaisir à évoquer une bonne farce de carabin que, dans sa jeunesse, avec la complicité de quelques camarades étudiants, il avait jouée à un hypnotiseur venant se produire au théâtre.
Disposant d’un excellent sujet pour des expériences d’hypnose, il l’avait conditionné à se porter volontaire lorsque le " magicien " en ferait la demande.
Mais il avait perfidement implanté en lui cette suggestion :
" lorsque, après vous avoir mis en état d’hypnose, l’opérateur voudra vous en sortir, il en sera incapable, vous n’obéirez à aucune de ses suggestions de réveil. Il n’y a que moi qui aurai ce pouvoir ".
L’affaire devait prendre un tour quelque peu dramatique. L’impossibilité de réveil fut si radicale pour le sujet que l’hypnotiseur dut faire appel aux services médicaux d’urgence. Lesquels se trouvèrent désarmés face à une inertie ressemblant fort à un coma. Tandis que le public, terrorisé et indigné, conspuait l’opérateur, Monsieur Franquet s’étant rapproché et l’ayant discrètement réveillé, le sujet se releva frais et dispos, au grand ébahissement de tous.
Cette anecdote illustre l’impuissance d’un hypnotiseur, en face d’un sujet programmé à lui résister.
Le même phénomène de résistance peut jouer, dans le cas où l’on voudrait entreprendre d’hypnotiser, en vue de la " déconditionner " une personne victime d’une robotissation psychique. Si elle a été traitée par un manipulateur habile ayant pris soin de lui faire des suggestions s’opposant par avance à l’efficacité d’un traitement curatif, on se heurtera à une difficulté insurmontable.
Par ailleurs le seul fait de l’utilisation d’une technique conditionnante crée, entre l’opérateur initial et le sujet, un rapport privilégié rendant celui-ci rebelle à l’intervention efficace d’un autre opérateur.
Enfin, le conflit entre des manipulations psychiques de sens contraires présente, pour l’équilibre du sujet, un risque majeur.
J’estime cependant nécessaire de tout faire pour déconditionner une personne programmée, aussi bien dans le cas où on a la bonne fortune de la traiter avant le " passage à l’acte ", que dans celui où, l’acte ayant été commis, il importe - pour lui permettre d’échapper à toute responsabilité judiciaire - de l’aider à prouver qu’elle a agi en état second, sous le pouvoir irrésistible d’autrui. Mais, compte-tenu des difficultés signalées ci-dessus, il est souhaitable que n’intervienne qu’un personnel médical hautement spécialisé et compétent, malheureusement difficile à trouver dans l’état actuel de notre société.
*
La prévention
Le Professeur Liégeois (voir plus haut) dès 1888 prodiguait les conseils suivants, qui me paraissent toujours d’actualité :
" Les personnes. ..qui semblent plus hypnotisables que d’autres, agiront prudemment en ne regardant pas trop longtemps et avec une trop grande fixité, des étrangers, des inconnus, avec lesquels elles se trouveraient seules, par exemple, dans un compartiment de chemin de fer. ..Nous recommandons à toute personne de ne se laisser jamais hypnotiser sans un témoin choisi et inspirant une confiance absolue. Les plus grands dangers peuvent être courus par tous ceux qui négligeraient cette règle de prudence "
Malheureusement ces sages conseils ne sont plus prodigués. Bien au contraire, on constate que aussi bien dans les livres spécialisés qu’au cours d’émissions télévisées, les spécialistes de l’hypnose ne cessent de soutenir la thèse de l’automatisme relatif qui, nous l’avons vu, tend à minimiser le danger des pratiques hypnotiques, considérées comme ne pouvant intervenir à l’insu des sujets. Je suis persuadé que ces praticiens ne peuvent pas ne pas être conscients de la fausseté de leurs affirmations. S’ils les multiplient c’est manifestement, dans le but de rassurer à la fois le public, et leurs sujets.
Mais, dans un domaine aussi sensible, où quotidiennement la liberté individuelle et les droits les plus sacrés de l’individu peuvent être menacés, est-il légitime de chercher à rassurer, alors que des mises en garde sérieuses pourraient permettre à certains de faire face efficacement à des dangers réels ?
Tout le problème est là. Comment lutter contre cette forme imprudente de désinformation ? Et comment réaliser une sérieuse information du public sur les dangers à éviter, et la façon de les éviter ?
Sans doute faudrait-il avant tout " instruire les instructeurs ". Et, pour cela, organiser dans tous les établissements appropriés un enseignement spécifique sur les techniques de manipulation mentale, en insistant sur les attitudes préventives à adopter, pour ne pas y être vulnérable.
D’autre part l’action des médias est primordiale. Ils ont la lourde responsabilité de donner au public les informations utiles. Je ne suis pas certain qu’ils s’acquittent de cette mission avec toute l’objectivité et toute la compétence qui seraient nécessaires. Nous avons assisté, ces dernières années, à une multiplication des articles de presse et des émissions télévisuelles. Mais leurs responsables semblent trop animés du désir de mettre en valeur les aspects sensationnels des problèmes traités, pour être capables de prodiguer des informations valables et des mises en garde sérieuses.
Certes la difficulté en ce domaine est considérable. Il s’agit, non seulement de donner au public des éléments d’information mais de changer les mentalités en profondeur, en apprenant aux hommes à lutter dans tous les actes de leur existence (famille, travail, vie sociale) contre la tendance à la passivité, contre cette torpeur pré-suggestive propice à toutes les manipulations psychiques, dans laquelle les conditions de vie moderne les maintiennent en permanence. La commodité des habitudes, le confort offert par le perfectionnement des techniques y contribuent et, également, la possibilité donnée par l’audiovisuel de vibrer devant des images dramatiques en conservant l’illusion - confortablement installé dans un fauteuil - de ne pas être menacé personnellement, ni même concerné.
Il y a aussi l’idéalisme naïf qui, entretenu par les propos de maîtres à penser en toutes matières entendus journellement, conduit à l’illusion de se croire capable de tout comprendre et assez malin pour ne pas s’en laisser conter, donc assez solide pour ne pas être influencé par de " prétendus dangers ".
Comme le dit Zimbardo, psychologue américain spécialiste du problème posé par le lavage de cerveau " l’illusion d’invulnérabilité ne sert qu’à accroître la facilité avec laquelle on peut être mis sous contrôle ".
Mais comment amener les hommes à renoncer à leur sensation de sécurité rassurante, sans les faire tomber dans l’excès inverse des terreurs millénaires incontrôlables ?
Comment les conduire à avoir une attitude critique vis-à-vis de l’information sous toutes ses formes, et à acquérir la capacité de se faire sur toutes choses une opinion personnelle, sans risquer d’être accusé, soi-même, de manipulation conditionnante ?
La tâche est complexe et périlleuse, la route à parcourir très longue et semée d’embuches. Les méthodes à employer sont difficiles à cerner.
Etudiant le fonctionnement psychique de l’être humain, nous avons vu que toutes les techniques visant à sa robotisation ont pour objectif :
• l’augmentation de sa sensibilité à la suggestion
• simultanément, l’affaiblissement voire la suppression de sa faculté de censure.
Il peut dès lors paraître logique de considérer que, pour échapper au conditionnement, il soit nécessaire d’agir dans le sens contraire :
• en abaissant le seuil de la suggestibilité
• en augmentant la puissance de l’esprit critique
Pour moi ce serait passer d’un extrême à l’autre, en aboutissant à la création d’un autre type de robot humain, programmé à tout analyser minutieusement, à tout critiquer inexorablement.
Mon propos n’est pas de prôner une réaction systématique contre les formes naturelles de conditionnement contribuant à construire notre personnalité : j’entends par là tous les éléments provenant de notre famille, de notre environnement, de notre éducation, de notre vie sociale, de notre enrichissement intellectuel, scientifique, littéraire, artistique, et de la somme de nos expériences, qui constituent notre programmation personnelle.
Ce qui est important, c’est de se forger une cuirasse contre les entreprises totalitaires extérieures. Pour cela nous devons affiner notre perception du monde, de nos conditions d’existence et du comportement des êtres qui nous entourent, et en même temps aiguiser notre faculté de censure, dans un sens constructif, sans la transformer en outil de contestation et de démolition systématiques.
Je ne souhaite pas seulement à mes semblables d’acquérir une méfiance raisonnée et équilibrée qui leur évite de se laisser convaincre par n’importe qui de n’importe quoi, sans examen préalable. Je voudrais les amener à ne jamais se laisser envoûter par une idée, une théorie, un idéal, un personnage.
Je ne conteste pas l’enthousiasme : il est nécessaire dans la vie quotidienne.
Je ne répudie pas, bien au contraire, le dynamisme : il est l’essence même de l’action.
Mais je souhaite que chaque homme leur associe la réflexion et le facteur temps.
Enfin, puisque la programmation personnelle de l’homme dépend étroitement de la façon dont elle a été conduite, je souhaite, pour une évolution vers un mieux incessant, que ceux chargés d’éduquer et diriger leurs semblables, s’inspirent dans leur action des principes que je viens d’énoncer.
Et ceci implique que chacun de nous, en fasse autant lorsqu’il se trouve en position d’éducateur, soit comme parent, soit comme enseignant, soit comme dirigeant.

























CHAPITRE 2
LA DEFENSE CONTRE LES SECTES
" Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous " est un principe de base de tous les fanatismes
Gérard de Puymège
" . .. une attitude antifanatique peut aussi devenir fanatique"
André Haynal (A. Haynal, M. Molnar et G. de Puymège :Le fanatisme -Stock-1980)
De tous les problèmes de société modernes, les agissements des sectes sont parmi les plus préoccupants, surtout depuis que certains d’entre eux ont débouché sur des massacres, et des suicides collectifs.
L’opinion publique, travaillée par les médias et d’innombrables publications, entretenue dans un climat de terreur et de vindicte, réclame haut et fort des interventions musclées de la police, de nouvelles lois adaptées à la situation, des mesures de toutes sortes tant pour la protection de la société que pour la poursuite et la condamnation des dirigeants de sectes, responsables d’abus et d’actes criminels.
Mais le problème n’est pas si facile à résoudre que le croient la plupart des gens.
Le conditionnement des adeptes des sectes est d’autant plus insaisissable que les procédés de manipulation mentale y sont diversifiés à l’extrême et ne transgressent pas obligatoirement les règles juridiques, sociales et morales.
Généralement employés dans un cadre religieux, ou pseudo-religieux, ils ne diffèrent pas essentiellement de ceux considérés comme estimables par les religions : pratiques ascétiques, prières, méditations, chorales,baptêmes et initiations. ..
De plus, les manipulateurs, donnant toutes leurs directives verbalement, ont l’art de se dissimuler soigneusement. Lorsque, par une manipulation appropriée, ils parviennent, par exemple, à décider le néophyte à leur remettre la totalité de ses biens, là encore il n’y a rien à faire. Les espèces sont versées de la main à la main. L’adepte est conditionné à oublier cette escroquerie; même s’il s’en souvenait, rien n’établirait que la remise n’ait pas été volontaire.
Quant aux délégations de signature, aux testaments et autres actes de dépossession, tous sont régularisés en bonne et due forme et inattaquables devant les tribunaux.
On fait souvent grand cas, pour rassurer le public, de deux dispositions du droit pénal français, que l’on estime utilisables pour réprimer les pratiques de contrôle mental :
l’article 31 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat punissant les gens qui, par voies de fait, violences ou menaces. ..ont déterminé une personne à exercer un culte, à faire partie d’une association cultuelle...
l’article 313-4 du nouveau code pénal, applicable aux actes et abstentions préjudiciables à une personne, qu’elle a été obligée à accomplir par abus frauduleux de son état d’ignorance ou de sa situation de faiblesse (la loi s’appliquant aux mineurs, et aux personnes dont la particulière vulnérabilité due à l’âge, la maladie ou une déficience physique ou psychique ou un état de grossesse, est connue de l’auteur poursuivi)
Ancien magistrat et connaissant bien les techniques de conditionnement, qui font précisément l’objet du présent ouvrage, je doute fort de l’efficacité de l’application de ces deux dispositions légales.
La manipulation mentale, si elle peut être prouvée dans un cas particulier, pourra difficilement être considéré comme une voie de fait, un acte de violence ou une menace, étant donné que les néophytes sont volontaires, et entrent dans une structure sphérique de secte, sans aucun moyen de pression, sans aucune violence quelconque.
Si les manoeuvres exercées sur eux réussissent, c’est bien au contraire parce qu’ils sont accueillis avec chaleur, douceur et amitié.
Les adeptes sont vulnérables, non pas en raison d’une maladie, d’une déficience physique ou psychique, mais parce qu’ils sont à la recherche d’un idéal, ou en conflit avec leur milieu familial ou social. La seule hypothèse où l’article 313-4 du nouveau code pénal s’avérerait de quelque utilité serait celle d’un mineur ayant fait l’objet d’une manipulation psychique dans le cadre d’une secte. Mais l’embrigadement d’enfants me paraît plus une hypothèse d’école qu’une réalité. Morin rappelle que les sectes, connaissant les risques, ne recrutent que des majeurs. On peut ajouter que, si l’on découvre des enfants dans le cadre de certaines sectes, il s’agit, soit de ceux qui ont suivi leurs parents (ou l’un de leurs parents) soit de ceux nés à l’intérieur de la secte.
Le problème de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ne se pose pas plus, dans une secte que dans une congrégation religieuse. Les membres de l’une comme de l’autre n’ont été soumis à aucune obligation quant au culte exercé.
Très conscients de la quasi-impossibilité de poursuivre les dirigeants de sectes dans le domaine qui constitue leur raison d’être et de se perpétuer - à savoir la manipulation psychique -des organismes de lutte contre le phénomène sectaire ont demandé l’élaboration d’une législation adaptée.
C’est dans cette optique que,le 29 juin 1995, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête chargée " d’étudier le phénomène des sectes et de proposer, s’il y a lieu, l’adaptation des textes en vigueur ".
Cette commission, présidée par le Député Alain Gest, a déposé en décembre suivant un rapport remarquable (Les sectes en France-Ed. Patrick Hanon -janvier 1996 ), dont la conclusion est très nette et sans ambiguïté :
" Au terme de ces travaux il n’apparaît pas souhaitable à votre commission de préconiser l’élaboration d’un régime juridique spécifique aux sectes "
Je partage entièrement ce point de vue. Car, prétendre, comme le souhaitent d’aucuns
• interdire certaines pratiques, même marginales ou peu orthodoxes par rapport aux conceptions majoritaires en matière sociale, politique et religieuse,
• dissoudre certains groupements,
• contrôler les autres,
• punir de lourdes peines ceux qui, en dehors de certaines pratiques malfaisantes ou franchement criminelles n’accepteraient pas de se plier à des directives imposées dans un cadre spécifique,
tout cela reviendrait à considérer qu’il est possible et souhaitable de faire une distinction entre des conduites et mouvements, les uns réputés " bons " et les autres rejetés comme " mauvais ".
Qui oserait donner une définition précise du bien et du mal ?
Sur quels critères oserait-on se fonder pour l’énoncer ?
Dira-t-on d’un mouvement qu’il est condamnable parce que ses dirigeants (Moon par exemple) poursuivent, ou sont censés poursuivre des objectifs politiques ?
Alors il faudrait condamner aussi tous les organismes à objectifs ou tendances politiques et leurs dirigeants.
Cherchera-t-on un critère de malfaisance dans le conditionnement des jeunes gens à la recherche d’un idéal ?
Alors on devrait jeter l’anathème sur tous les mouvements attirant cette tranche d’âge et exerçant sur elle une influence déterminante, y compris les tendances religieuses ou non, philosophiques, rationalistes, sportives, artistiques. ..
Imaginons un pays qui, s’étant estimé capable de définir la notion de mouvement malfaisant et socialement intolérable, ait adopté une législation et une réglementation mettant hors-la-loi tous les citoyens répondant à la définition légale, et permettant de pourchasser leurs organisateurs et adhérents : un tel pays aurait tout simplement fait un bond en arrière dans la voie de l’évolution.
Il se mettrait au niveau de ces inquisiteurs qui s’estimaient capables de définir la notion de possession satanique; ou des ayatollahs et des khmers rouges, dont le seul principe de gouvernement consistait à détruire sans pitié ceux qui n’entraient pas dans le moule défini par eux, comme un jardinier élimine les mauvaises herbes. Il aurait rejoint ainsi, la cohorte des Etats ayant fait du racisme et de l’intolérance, des vertus sociales. Une législation antisectes s’apparenterait à l’antisémitisme, à la politique antifrancs-maçons et antitziganes des nazis, ainsi qu’à celle du parti et de la classe uniques des états tyranniques.
On conçoit la gravité du problème. Certaines organisations se permettent d’enlever à leurs adhérents tout usage de leur libre-arbitre et attentent ainsi en quelque sorte à leur liberté individuelle, principe essentiel de la démocratie.
Mais une législation antisectes, appelée par destination à protéger la liberté individuelle, aboutirait à s’opposer au " libre choix " des individus quant à leur mode de vie et, en règle générale à la " vocation ", sous quelque aspect qu’ils se présentent.
Elle reviendrait, au nom de la liberté individuelle, à instaurer un régime n’admettant pas la liberté.
C’est pourquoi le rapport parlementaire visé ci-dessus a estimé inopportune une législation spécifique aux problèmes de sectes, considérant qu’une telle élaboration
• se heurterait au problème de la définition de la notion de secte dont j’ai souligné les difficultés, et les dangers,
• contreviendrait aux principes démocratiques de base de la liberté individuelle, et de l’égalité des citoyens devant la loi.
Ce rapport va strictement dans le sens de la recommandation 1178 du 5 février 1992 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans son article 5 :
". ..la liberté de conscience et de religion garantie par l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme rend inopportun le recours à une législation majeure pour les sectes, qui risquerait de porter atteinte à ce droit fondamental et aux religions traditionnelles "
Quant à des interventions officielles, aussi bien par la négociation que par la force, à l’encontre des sectes - que beaucoup de gens réclament, estimant les autorités administratives, policières et judiciaires, trop " laxistes " en ce domaine - je pense qu’elles peuvent constituer un remède pire que le mal.
A cet égard, Roland J. Campiche (op.cit.) n’hésite pas à rejeter une grande partie de la responsabilité des drames du type " Temple du peuple " au Guyana," Secte des Davidiens " au Texas, " Ordre du Temple solaire ", au Québec, en Suisse et en France,à la Société qui, en exerçant à l’égard de ces organisations sectaires, une trop forte pression -
dans le cas des Davidiens cela est allé jusqu’au siège de nature militaire, couronné par un assaut -, a développé chez elles, de façon démesurée, une logique d’échec et un complexe de persécution.
Il voit aussi, dans les actions politiques ou militaires de ce genre, des manoeuvres inadéquates et disproportionnées, inspirées par les discours générateurs de terreur envers des minorités, et organisées par des gens incapables de comprendre le mécanisme, le fonctionnement des sectes, la complexité et la gravité des remous internes qui les agitent, face à des manifestations de rejet ou des intentions de destruction.
Il semble bien - et il est remarquable de constater que, sur ce point, tout le monde soit d’accord - que l’important en matière de sectes, soit d’organiser non pas une " chasse aux sorcières ", mais une prévention efficace, essentiellement axée sur une information objective, donnée :
• aux jeunes, pour leur procurer des moyens de satisfaire leur besoin fondamental de réalisation d’idéaux et les informations nécessaires pour leur éviter de tomber dans les pièges sectaires; et, pour ceux qui souhaiteraient en sortir, les techniques de déconditionnement appropriées, complétées par des mesures permettant leur réinsertion dans un cadre social naturel;
• aux proches des victimes de sectes,pour leur faire connaître les moyens efficaces de les aider à s’en libérer et les organismes de soutien existants;
• aux autorités politiques, administratives, policières et judiciaires pour leur éviter les erreurs de tactique, et les aider à prendre toutes mesures permettant des interventions multidirectionnelles ne risquant pas de provoquer des autodestructions;
• aux éducateurs, pour leur donner les instruments pédagogiques adaptés à une instruction objective sur les manipulations psychiques, les moyens d’y échapper, et les remèdes pour s’en guérir le cas échéant. J’estime qu’il serait bon d’inclure dans cette catégorie les instructeurs du plus haut niveau, dans les universités : médecine, pharmacie, psychologie, droit...
Certains suggèrent que, pour la diffusion efficace de cette information - qui doit correspondre à une véritable formation des responsables de toutes les disciplines - il serait souhaitable de créer un organisme spécialisé. Les uns le verraient interministériel (c’est le cas des auteurs du rapport parlementaire visé plus haut); d’autres estiment qu’il devrait, au contraire, être totalement indépendant vis-à-vis du pouvoir, tout en bénéficiant néanmoins des moyens techniques et financiers nécessaires.
Dans toutes les hypothèses il va de soi qu’un organisme spécialisé ne pourrait fonctionner utilement qu’animé par un personnel hautement qualifié. Cependant, sur ce dernier point, il ne faut pas être trop prématurément optimiste !
Mais, en tous cas, deux écueils majeurs doivent être évités à tout prix, l’amateurisme et l’improvisation, tous deux générateurs d’actions anarchiques, mal préparées, trop souvent catastrophiques.
Dans l’action préventive, les médias ont un rôle important à jouer mais à condition que, renonçant dans la mesure du possible à la recherche du sensationnel et de l’émotionnel, ils prennent conscience de l’importance de leur mission en ce domaine. Il semble, à cet égard, que la multiplication des émissions télévisées depuis l’année 1995 soit un heureux présage.























CHAPITRE 3
LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
ET LA SUBVERSION
• • • • • " Le terrorisme peut être comparé à un microbe qui attaque un organisme sain : si l’organisme se défend, le microbe sera immédiatement contre-attaqué par les globules sains, il s’affaiblira, puis disparaîtra; mais si l’organisme est faible, le microbe se développe, pénètre en profondeur et, lorsqu’on s’en aperçoit, il faut alors stimuler l’autodéfense de l’organisme atteint "
Claude Delmas
(La guerre révolutionnaire -P.U.F -Que sais-je ?)
Il est bien certain maintenant qu’à l’égard de la guerre subversive, on ne puisse envisager la riposte classique qui consiste à opposer à l’envahisseur des forces militaires.
J.Hogard, dans un article très remarqué sur la guerre révolutionnaire (Guerre révolutionnaire et révolution dans l’art de la guerre -Revue de la Défense nationale -Décembre 1956) - écrit à une époque où ce que l’on a appelé " La guerre d’Algérie " commençait à peine - estimait possible de mettre fin à la rébellion, non par des réformes politiques, sociales ou économiques, ou par une contre-propagande, mais par " la destruction aussi complète que possible de l’organisation politique rebelle " seule susceptible selon lui de " débarrasser les masses musulmanes des contrôles physiques et psychologiques auxquels elles étaient soumises ".
Il était persuadé que " une fois récupérées leur liberté et leur dignité d’hommes libres, elles manifesteraient leur préférence pour notre idéal national de liberté et de fraternité, plutôt que pour l’idéologie rebelle, qui fait de l’individu un esclave de la collectivité divinisée et pour nos organisations modernes, plutôt que pour la hiérarchie des égorgeurs du F.L.N. ".
Les événements ont donné un démenti cinglant à cette conception simpliste qui procédait d’une méconnaissance, à la fois de la puissance de la suggestion collective d’une action combinée de la violence et de la propagande, et des facteurs spécifiques de la crise algérienne. Bien que les forces de l’ordre soient pratiquement victorieuses sur le terrain, l’organisation révolutionnaire a remporté un succès décisif sur le plan politique.
Cependant cette " drôle de guerre " est riche en implications, dès lors qu’avec le recul du temps, on peut constater qu’elle a permis à la subversion de ne remporter qu’un succès précaire. Après l’euphorie et les règlements de compte sanglants d’une indépendance douloureuse et laborieuse, les terroristes devenus des gouvernants reconnus se sont eux-mêmes heurtés à une vague de la même nature que celle qui les avait portés au pouvoir. Tant il est vrai que le terrorisme est doué d’une telle exemplarité que, dans des pays à
faibles structures, il se nourrit de lui-même, et renaît sans cesse, de génération en génération. Il faudrait être doué d’extra-lucidité, pour prévoir un retour à la stabilité, dans un pays où les masses populaires n’ont jamais cessé, depuis 45 ans, d’être écrasées entre des intérêts opposés.
Cette aventure établit de façon éclatante que la violence ne résout jamais rien, et ne fait que reculer, souvent à l’infini, la solution des vrais problèmes. Les conflits du Moyen-Orient, de certains Etats d’Afrique et d’Europe centrale, qui continuent à faire couler des flots de sang en sont l’illustration.
Si l’on considère maintenant les tentatives de déstabilisation lancées contre les pays fortement structurés comme ceux de l’Europe, on trouve encore là une application du même principe, mais sous une optique différente : on constate, non seulement que le terrorisme n’y a jamais remporté que des succès relatifs, mais qu’il a contribué à la production d’un effet inverse de celui recherché; plus d’une fois, il a consolidé les régimes qu’il tentait d’abattre.
l’Italie, successivement en butte à un terrorisme néo-fasciste en 1968, puis gauchisant en 1970, avec les fameuses " brigades rouges ", au lieu de sombrer dans une psychose de peur propice à toutes tentatives révolutionnaires, voit au contraire se développer une immense indignation, provoquant une mobilisation extrême de la police et des interventions impitoyables des tribunaux. C’est un grand élan national qui, permettant une lutte efficace contre le terrorisme, a contribué à renforcer la démocratie.
L’Allemagne de l’ouest a connu des péripéties semblables avec la " Fraction armée rouge " qui, en contacts étroits avec les organisations palestiniennes, multiplia les attentats de toutes natures (meurtres, enlèvements, détournements d’avions...), mais se heurta à une résistance remarquablement unanime du peuple allemand de toutes couches sociales. Le gouvernement ne ménagea pas les moyens de lutte:
• une police opérationnelle, aidée par le système de la délation rendue licite et rémunérable
• une justice impitoyable disposant de toute une gamme de mesures répressives comprenant notamment des interdictions d’exercice professionnel
• un régime carcéral terrible (que nous avons évoqué plus haut, en parlant de la privation sensorielle ).
Tout cet arsenal a contribué à donner à cette campagne antiterroriste une efficacité redoutable.
La plupart des militants révolutionnaires sont rentrés dans la légalité, les autres se sont reconvertis dans les mouvements dits pacifistes et écologiques.
Et, comme en Italie, le régime démocratique s’est trouvé renforcé.
En France, le terrorisme a pris des allures multiformes, ce qui a permis aux gouvernements successifs
• de concevoir et perfectionner une doctrine de l’antiterrorisme
• de mettre en place des dispositifs de police spécialisés,
• d’élaborer une législation préventive et répressive spécifique
• et de négocier une coopération avec les autres Etats, cibles actuelles ou potentielles de subversion.
L’objectif des organisations révolutionnaires manipulées depuis certains pays de plus en plus connus pour ce genre d’opérations, n’est pas obligatoirement de déstabiliser la démocratie française. Si, comme l’affirme Villeneuve la France est devenue, dès l’année 1982, " la cible privilégiée du terrorisme international ", c’est parce qu’elle sert de " véritable champ de manoeuvre "( Charles Villeneuve et J.P. Perret :Histoire secrète du terrorisme -Plon-1987).
En raison de son libéralisme, de la libre circulation des personnes sur son territoire, de la forte immigration dont elle est l’objet, elle donne la possibilité aux organisations subversives de constituer des réseaux d’accueil de leurs tueurs, chez des sympathisants parfois implantés depuis longtemps, un peu partout, surtout dans la région parisienne. Ces complices cachent des armes, et participent à des actions de recherche de renseignements, ou de couverture.
Elle permet en même temps aux terroristes d’exercer, par des actions violentes spectaculaires, une " diplomatie coercitive " tendant à manipuler l’opinion française au sujet des divers conflits africains et moyen- orientaux, et à dicter leurs volontés aux dirigeants français.
Pendant longtemps la France est restée relativement désarmée en face d’adversaires, sans pitié et sans scrupules. Il fallut nombre d’affaires sanglantes, pour que l’on comprenne la nécessité, exprimée fort bien par Marenches (op.cit.) de " traiter les terroristes comme des microbes " et, comme à l’égard de ceux-ci, de les " étudier, de savoir les déceler, les regarder au microscope, comprendre comment ils apparaissent, quel est le terrain favorable, comment ils se reproduisent et leurs méthodes ". Ce qui implique de pouvoir disposer de services de recherches et enquêtes parfaitement opérationnels et coordonnés, complétés par des services exploitant les renseignements sur le terrain, par des actions ponctuelles ou générales.
Une fois compris ces principes de base, les gouvernants français successifs se sont efforcés de développer la lutte antiterroriste sur plusieurs axes :
• recherche et application de méthodes nouvelles
• concentration à Paris de toutes les actions policières et de toutes les procédures judiciaires concernant le terrorisme international
• élaboration d’une législation préventive et répressive spécifique
• établissement et organisation de la collaboration entre tous les services spécialisés tant dans la recherche du renseignement que dans l’action
• renforcement de la coopération internationale des pays concernés par la subversion.
L’expérience montre que les terroristes ne peuvent agir qu’à condition
• de disposer partout d’un réseau d’accueil et de complicité passive comme active
• de pouvoir rester dans la clandestinité totale, fondus dans l’anonymat
• d’avoir toute latitude de se déplacer aisément sur le territoire et hors des frontières.
Toutes les mesures prises dans les trente cinq dernières années ont visé à priver les tueurs infiltrés en France de ces trois conditions d’efficacité :
• La déstabilisation des réseaux de soutien s’opère par l’effet conjugué d’une recherche continuelle de renseignements, avec recoupements, fouilles domiciliaires, mesures de clémence et offres de primes (devenues licites, comme en Allemagne ) pour inciter aux dénonciations.
• La privation d’anonymat a été systématisée par la large diffusion dans la presse et par placards, des photographies et de l’identité complète des tueurs et militants du terrorisme international connus et identifiés. Enfin les contrôles d’identité, à l’intérieur, comme aux frontières, ont été multipliés, et les procédures d’expulsions accélérées.
A l’égard du terrorisme - qui constitue la manifestation de la plus haute criminalité concevable - l’expérience de l’Italie et de l’Allemagne fédérale a démontré qu’une répression ferme était l’un des moyens les plus efficaces, pour anéantir la subversion. Et cela pour des raisons essentielles.
• Une répression impitoyable, en contribuant à rassurer les populations, fait perdre aux organisations terroristes leur principale justification tactique, à savoir la création d’un climat d’insécurité.
• Une incarcération de longue durée des tueurs et de leurs complices produit un double effet : d’une part, la disparition chez les condamnés de leur combativité et de leurs motivations idéologiques, d’autre part, la prise de conscience par beaucoup de combattants de l’ombre non arrêtés, de la vanité de la lutte souterraine.
• Des terroristes emprisonnés peuvent servir de monnaies d’échange en cas de détention d’otages par leurs commanditaires Le chantage politique ayant pour objet leur libération suivie d’expulsion, peut également contribuer à la lutte contre la subversion, par des moyens identiques à ceux employés par elle.
Ces principes ont inspiré le législateur français, qui a élaboré une série de lourdes pénalités, toutes codifiées dans le nouveau droit pénal de 1992, et dont l’application est confiée aux juridictions spécialisées créées par la loi du 9 septembre 1986 pour la répression des délits et aux cours d’assises sans jury, créées par l’article 706-25 nouveau du code de procédure pénale.
Il est certainement trop tôt pour proclamer que la France a triomphé dans sa lutte contre les forces de désagrégation lancées contre elle périodiquement. Mais il semble rassurant de constater les réactions positives de la population, dans son ensemble, de tous les gouvernants, et des médias.
Est-ce là une preuve de maturité ?
Peut-on considérer que les citoyens d’Etats démocratiques soient capables de résister aux manipulations collectives ?
Sans aller jusqu’à formuler une conclusion aussi radicale, je pense qu’il existe dans nos pays des facteurs de progrès assez sérieux, pour justifier un optimisme relatif pour l’avenir, à condition que les efforts faits jusqu’ici ne se relâchent pas et que la coopération internationale se renforce de plus en plus.


























CHAPITRE 4
LE DESTIN DU TOTALITARISME
" Qui cherche à façonner le monde n’y réussira pas.
Le monde, vase spirituel, ne peut être façonné.
Qui façonne le détruit, qui le tient le perd "
Lao-Tseu
(Philosophe chinois du VI° ou V° siècle av.J.C., chez lequel certains voient le précurseur du bouddhisme, auteur du " Tao Te King "- Dervy –1988)
" Qu’est-ce-que l’homme ?Il est cette force
qui finit toujours par balancer les tyrans et les dieux "
Albert Camus
Le 31 juillet 1944, avant de monter dans l’avion avec lequel il devait disparaître, Antoine de Saint-Exupéry écrivit :
" Si je suis descendu, je ne regretterai absolument rien. La termitière future m’épouvante et je hais sa vertu de robot. Moi j’étais fait pour être jardinier ".
Cet idéaliste avait alors en face de lui, des assaillants robotisés par le totalitarisme hitlérien qui avait fait basculer le monde dans l’horreur. Son ultime message semble démontrer qu’il en déduisait une vue pessimiste de l’avenir : univers mécanisé, régi par des lois absurdes, mises en oeuvre jusque dans leurs implications les plus logiques dans l’absurdité, par des hommes robotisés, savamment manipulés par des créatures sataniques.
Il y avait bien de quoi être inquiet, en pensant aux conséquences d’une victoire nazie, qui provoquerait obligatoirement un partage du monde entre plusieurs blocs totalitaires régis
• • • • l’un par le national-socialisme,
l’autre par le communisme soviétique,
le dernier par l’hégémonie esclavagiste japonaise.
Bien que de tendances philosophiques différentes, ces trois formes de régimes politiques ont, en commun, un principe basé sur l’incapacité de l’homme à prendre en charge ses chances et son destin; ce qui donne l’obligation morale à une soi-disant " élite " de se substituer à lui, pour assumer ses besoins et aussi ses désirs. Ces " bienfaiteurs clairvoyants de l’humanité ", considérant que la liberté est " un pénible fardeau pour l’homme ", un véritable " cancer de la société " puisque donnant libre cours à tous les instincts bestiaux de ses composants, estiment de leur devoir de les en débarrasser !
Dans une perspective démocratique, l’Etat a pour fin immédiate l’homme et son plein épanouissement, ce qui postule l’idée de faire régner l’ordre et la sécurité, pour le plus grand profit des citoyens, libres, égaux et fraternels.
Par contre, l’Etat totalitaire se donnant pour une transition vers un futur bonheur universel problématique, asservit l’homme. Celui-ci n’a aucun droit mais uniquement des devoirs, tandis que l’Etat tout puissant a tous les droits mais aucun devoir.
Les dirigeants se trouvent seuls détenteurs de l’autorité, exercée à leur seul profit (!!!)
L’homme n’a plus une personnalité et une individualité, respectables et sacrées: il n’est qu’une " molécule " ne pouvant faire valoir de droits personnels sans mettre en danger l’organisme social.
C’est pourquoi dans de tels régimes tous les moyens classiques de gouvernement, lois, décrets, arrêtés, règlements, sont d’un emploi illimité.
L’Etat envahit tout, renverse impitoyablement tous les obstacles à son action que constituent les religions, les doctrines politiques autres que la seule déclarée légitime, les particularismes de toutes natures; et réglemente tout, y compris les opinions, les goûts, les sentiments, les beaux-arts, la littérature, la science.
Le conditionnement absolu de l’homme, - esclave n’ayant qu’une fonction : travailler pour le compte de la collectivité - est pour le totalitarisme une condition fondamentale de survie.
L’histoire a largement démontré que l’Etat totalitaire porte en lui-même les germes de sa perte, à plus ou moins long terme.
Car, qu’est-ce qu’un peuple asservi ?
Réponse de Jean Jacques ROUSSEAU ( Le contrat social – 1762): ". ...un peuple de fous... "
et de DIDEROT (Réfutations d’Helvétius –1775) : ". ..les sujets ressemblent à un troupeau.....c’est ainsi que l’on tombe dans un sommeil fort doux, un sommeil de mort. . "
Pour les khmers rouges, l’homme idéal était représenté par l’image doctrinale suivante, citée par l’un des rescapés du génocide cambodgien Pin Yathay (op.cit.)
" Vous voyez ce boeuf qui tire la charrue. Il mange si on lui ordonne de manger. Si on le laisse paître dans ce champ, il mange. Si on le conduit dans un autre champ, où il n’y a pas assez d’herbe, il broute quand même. Il ne peut pas se déplacer. Il est surveillé.. Et quand on lui dit de tirer la charrue il la tire. Il ne pense jamais à sa femme, à ses enfants ".
" Un peuple de fous " ?
L’objectif de la présente étude a été de démontrer que les hommes soumis à un conditionnement permanent sont fatalement privés de leur libre-arbitre et présentent de nombreux points communs avec des aliénés. L’état résultant de la manipulation est donc contre nature, car l’homme est naturellement libre, il a été créé pour l’exercice sans entraves de sa liberté psychologique.
" Un peuple de morts-vivants " ?
Il est de plus en plus évident que le mythe de l’homme heureux dans un nivellement total est aussi contre nature.
L’homme ne peut connaître le bonheur que dans le respect de sa personnalité dans tout son particularisme.
Il doit pouvoir choisir, sans entraves ni pressions, son mode de vie et son avenir. La privation de liberté crée un sentiment d’insatisfaction sans cesse grandissant.
" Un troupeau de boeufs " obéissants, dépourvus de personnalité et de sentiments ?
Le comble, atteint dans cette conception esclavagiste, se passe de commentaires.
Nous avons vu que, si par les techniques hypnotiques on peut provoquer un changement de personnalité, encore faut- il pour lui assurer de la durée, l’entretenir sans trêve. Si l’opérateur se relâche, le conditionnement s’estompe et la nature reprend le dessus. La manipulation collective obéit aux mêmes principes : elle suppose donc une surenchère de tous les instants.
C’est pour cela que les états totalitaires ne peuvent se maintenir indéfiniment : dans tout système contraignant il y a forcément, un jour ou l’autre, des défaillances permettant à l’aspiration naturelle des hommes vers la liberté de se manifester.
D’autre part, obligé par définition à multiplier les obligations et les interdictions, l’Etat dictatorial multiplie dans la même mesure, les possibilités d’infractions aux règles posées. Personne ne peut échapper à la répression, qui se doit d’être de plus en plus sévère pour conserver son efficacité.
On aboutit ainsi tout naturellement à un tel excès de contraintes que des sursauts de plus en plus fréquents se produisent fatalement, se propagent de proche en proche et provoquent un jour ou l’autre un effondrement.
Disons, aussi, que le mensonge paye à brève échéance mais devient fatal à la longue à ceux l’utilisant comme moyen de gouvernement. Car la vérité finit toujours par émerger.
Par ailleurs, postulant la violence, les régimes tyranniques développent une agressivité vers l’extérieur qui les entraîne souvent dans des guerres génératrices de leur perte.
Autre cause d’effondrement, qui a été fatale au bloc soviétique : les gouvernants ont été incapables d’assurer une saine gestion économique de leur pays. Inspirés par une doctrine unique - souvent d’ailleurs mal interprétée et mal appliquée - ils se sont privés des avantages de la libre discussion, avec confrontation d’idées et de suggestions. Par maladresse, si ce n’est par cupidité, ils en ont provoqué la ruine.
Ainsi depuis l’apparition de l’homme sur la terre, jamais le totalitarisme sous quelque forme qu’il se soit présenté, n’a pu se maintenir; jamais la liberté n’a pu rester indéfiniment bafouée; et jamais aucun oppresseur n’a pu rester sur son piédestal.
Notre siècle est en cela semblable aux précédents, à une échelle cependant bien plus démesurée. Il a vu naître et mourir les pires oppressions que le monde ait jamais connues : les fascismes italien allemand, espagnol, puis les régimes bolcheviques intercontinentaux. Il reste encore de nombreux endroits où l’esclavagisme, sous une forme ou une autre, perdure.
Mais la même logique d’échec les condamne, face à cette sève libertaire qui, mise en sommeil par l’hiver de la tyrannie, se réveillera fatalement un jour en force.
Alain Peyrefitte (op.cit.) a écrit :
" Les Chinois donnent souvent aux Occidentaux l’impression de vivre en état second "
Il a aussi rapporté ces paroles d’un haut dirigeant communiste chinois:
" Encore et toujours il faut se laver le cerveau. Si l’on oubliait de le faire de temps en temps l’esprit capitaliste reviendrait aussitôt. ..Le rouge ne tient pas facilement : il passe "
Alors. ....
la Chine s’éveillera-t-elle bientôt ?
et, après elle, quels pays, groupes de pays, continents entiers
se libéreront-ils du totalitarisme, du racisme, de l’intolérance ?























CONCLUSION
peut-on espérer voir apparaître
UN HOMME NOUVEAU
NI ESCLAVE NI ROBOT
Dans l’histoire du monde, l’homme apparaît continuellement soit comme un esclave, soit comme un robot. Quand il n’est pas enchaîné par son voisin, il s’enchaîne lui-même.
Sa plus puissante chaîne est la peur.
L’homme primitif vivait dans la peur. L’inhabituel pénétrait dans sa quotidienneté avec les phénomènes de la nature : la foudre, le tonnerre, les éruptions volcaniques, les tremblements de terre, les ouragans, les inondations, les feux follets, le frappaient d’étonnement et de terreur.
C’est ce qu’expriment Maurice Garçon et Jean Vinchon ( Le diable - Gallimard – 1933) :
• • • • " Les hommes portent une formidable hérédité de frayeurs. Avant d’être l’animal religieux dont on a parlé, l’homme fut un animal craintif Pendant des millénaires, ignorant devant les phénomènes naturels, impuissant à se protéger contre les intempéries, les catastrophes de toutes sortes, voire même des bêtes, incapable d’entrevoir les raisons et les causes d’événements prodigieux et dignes de semer la terreur, il n’a pas su distinguer dans les objets extérieurs l’existence ou non d’un élément volitif. Projetant alors au dehors les volontés qu’il croyait voir s’exercer sur lui, il a, dans un premier effort d’imagination, peuplé le monde qui l’entourait de vies, de sentiments et de passions pareils aux siens ".
La maladie, l’aliénation mentale, sont pour le primitif d’autres motifs de frayeurs qui l’incitent, en application du même principe d’analogie, à considérer comme responsables, soit des entités surnaturelles qu’il faut apaiser par la magie incantatoire et cérémonielle, soit d’autres humains auxquels on attribue des pouvoirs maléfiques et que l’on doit combattre.
La peur est ainsi à l’origine d’une " chasse aux sorcières " dont on trouve des traces dans la plus haute antiquité : les écrits cunéiformes de Babylone contenaient des instructions sur le traitement des maladies considérées comme causées par des démons, la plupart du temps avec la complicité d’hommes ou femmes mal intentionnés.
La peur, sournoise génératrice d’intolérance, de soumission à la tyrannie, instrument de domination, continua ainsi à régir les rapports humains. Elle fut le meilleur allié des inquisiteurs du Moyen-Age et de toutes les dictatures. Elle présida à toutes les émeutes, toutes les révolutions, tous les génocides. Les terroristes de tous les temps en ont fait une arme, redoutable et terriblement efficace sur le court terme.
L’homme moderne est conformiste par peur du " qu’en-dira-t-on ". Il a peur de son voisin, de l’étranger qui s’installe dans son quartier, de la religion ou de la philosophie qu’il ne connaît pas. Il a peur des sectes. Il a peur du lendemain, de la maladie et de la mort.
Et l’on ne cesse, de génération en génération, de chercher le remède miracle contre la peur. Mais singulièrement, tout se passe comme si les gouvernants humains, même ceux censés les plus éclairés,avaient plus à attendre de la peur entretenue que de la peur vaincue.
Et pourtant, fait lui-même paradoxal, tous les systèmes politiques de toutes époques se sont donné comme finalité le bonheur de l’homme, avec cette nuance, actuellement : tous les régimes ont pour thème central le " changement ". Ce qui implique qu’ils prétendent tous aboutir à la création d’un homme nouveau, totalement différent de l’homme préhistorique et historique.
Et cet homme, cela va sans dire, serait pourvu de tout ce qui est considéré comme symbole de bonheur : des ressources suffisantes pour pouvoir se payer le nécessaire et le superflu, peu de travail et beaucoup de loisirs.
Les programmes politiques proposent à cet effet des solutions diamétralement opposées : les uns estiment nécessaire, pour préparer l’avènement du bonheur universel, de soumettre l’homme à un esclavage physique et psychique; les autres prétendent assurer immédiatement son bonheur, en lui accordant la " liberté ".
Il est instructif de passer en revue les doctrines sociologiques, qui ont été imaginées et mises en application.
Le socio-psychologue américain K.B.Clarke n’a pas hésité à soutenir le point de vue le plus extrême (Article dans la revue " American psychological association monitor "-Octobre 1971) : selon lui, l’humanité étant menacée dans sa survie par les tendances barbares et l’instinct destructeur de l’homme, il est urgent d’utiliser la sociologie et la psychologie pour les maîtriser.
De son côté, le psychologue E. Fromm (The révolution of hope -Harper –1968) estime que, d’ores et déjà, par l’intermédiaire des médias, de la science-fiction et de toute une gamme de philosophies politico-sociales, l’homme est prêt au règne du " cyborg ", cet homme-robot qui a un ordinateur à la place du cerveau.. A cette époque, où l’esprit humain sera manipulé systématiquement et ainsi " soulagé du pénible fardeau de la liberté (sic) dans une société entièrement mécanisée, motivée par la consommation et la production et dirigée par des ordinateurs", l’homme ne pourra qu’être heureux, puisque bien nourri, agréablement distrait, libéré des émotions et des passions.
Pour y parvenir, tous deux préconisent un contrôle total des individus par l’association de la privation sensorielle, des drogues, de l’hypnose, et du jeu subtil des récompenses et des punitions; en conditionnant les êtres dès leur naissance à une soumission totale, et leur milieu ambiant à une fonctionnalité absolue, on atteindra un équilibre technique idéal de la
société. Et Clarke complète ce système par un contrôle du comportement des " leaders au pouvoir " et des aspirants à la présidence, par un " traitement bio-chimique ".
La naïveté cynique de telles vues d’une société idéale se passe de commentaires. Remarquons qu’elles s’appuient sur une conception méprisante de l’homme et de la liberté, et, par contre, une foi inconditionnelle en la société équilibrée technocratiquement. On y aperçoit également, en filigrane, un matérialisme intransigeant où les aspirations spirituelles de l’homme n’ont aucune place.
Elles sont très proches de la philosophie politique fasciste pour qui l’homme est incapable de prendre en charge ses chances et son destin, ce qui fait obligation à un certain nombre d’êtres, censés appartenir à une élite, de se substituer à lui pour assurer la satisfaction de ses besoins et ses désirs, ce contexte impliquant une abolition de la liberté et une discipline de fer.
Ainsi exposées ces doctrines paraissent irréalistes
.Et pourtant ! L’histoire montre que l’homme, officiant d’un culte permanent pour un chef - ou un parti providentiel - est trop souvent viscéralement porté à lui offrir sa liberté.
La tendance inverse accordant à l’homme, immédiatement, sa liberté considérée comme un droit naturel fondamental, est exprimée dans notre célèbre " Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ":
Article 1er: Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, . ..
Article 4 :. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.
Malheureusement, les régimes démocratiques voués à la mise en oeuvre de ces principes, sont loin d’en avoir tiré toutes les applications génératrices d’épanouissement.
Certes les acquis sociaux, scientifiques et culturels ont été appréciables. Mais cette évolution s’est faite au prix d’un conditionnement nouveau : l’esclavage de la technique. Enchaînant les humains et les rendant de plus en plus dépendants les uns des autres, dans un cadre de plus en plus nivelé, celle-ci provoque un abaissement de plus en plus grand du niveau de conscience et un obscurcissement de plus en plus marqué du libre arbitre.
Les citoyens du monde dit libre se ressemblent de plus en plus, comme s’ils étaient coulés dans le même moule, et pensent essentiellement à leur confort, leur sécurité, leurs loisirs. Ils sont pris dans les mailles de l’ambition, de la compétition et de la peur : peur de voir compromettre leur petit monde égocentrique, peur de ne pas réussir à dominer les autres, peur de l’opinion publique ou des chefs hiérarchiques. Or la peur engendre la haine; la haine engendre la violence; et à l’extrême la guerre.
La société occidentale de type capitaliste s’enlise dans un avilissement d’autant plus redoutable, que rares sont les gens qui en soient conscients. La suralimentation par des substances de plus en plus artificielles et frelatées, absorbées rapidement et de façon anarchique, pour certains l’abus des excitants de toutes sortes (café, tabac, alcool, drogue) et de leurs contraires (hypnotiques et tranquillisants) sont autant d’esclavages. Le besoin d’acheter est sans cesse entretenu, sous prétexte de mode et d’améliorations techniques. Les obsessions de toutes natures, et principalement celles touchant à la sexualité et à la violence, sont excitées par tous les moyens. Chaque jour des millions d’hommes, de femmes et d’enfants s’immobilisent devant leurs postes de télévision.
Le citoyen occidental moderne est ainsi l’esclave de lui-même et de ses tendances, cultivées par le conditionnement extérieur et par des manipulations savantes tendant à faire de lui un simple pion sur un invisible échiquier.
En définitive le monde est partagé entre les états totalitaires, gouvernés par des technocrates qui s’estiment chargés de pourvoir au bonheur futur d’êtres humains stéréotypés, et les démocraties, où la recherche d’un bonheur immédiat, a finalement créé paradoxalement un type d’humains stéréotypés vivant dans l’illusion, l’insatisfaction et la peur.
Sommes-nous confrontés là à une fatalité, un déterminisme ? Ou bien est-il encore temps de réagir, pour faire recouvrer à l’homme sa vraie liberté ?
Dans l’affirmative, quels pourraient être les remèdes à envisager ?
La thèse de la fatalité a ses partisans. Beaucoup sont persuadés que l’humanité est emportée dans un mouvement destructeur irrésistible et irréversible.
En 1947 le Pape Pie XII disait : " Il faut que les hommes se préparent à affronter des épreuves comme l’humanité n’en a jamais connu ".
Dès 1956 J. Hogard (op.cit.) estimait de la plus haute probabilité l’extension de la guerre révolutionnaire au monde entier. Trente ans après lui, le Comte de Marenches (op.cit.) tenait à peu près le même raisonnement. Assez curieusement ces vues modernes rejoignaient des visions prophétiques célèbres considérant notre XX° siècle comme une charnière entre l’ère astrologique dite des "Poissons " et celle dite du "Verseau "; ce passage généralement visé sous le nom de " Fin des Temps " (à ne pas confondre avec la
fin biblique du monde couronnée par le " Jugement dernier ") correspondrait à un anéantissement des systèmes de vie sociale actuels, suivi d’un renouveau sur des bases différentes.
Je n’adhère pas à ce " catastrophisme " : il ressemble trop aux terreurs de l’An Mille qui ont paralysé nos ancêtres à l’approche de la fin du premier millénaire, et aux thèmes conditionnants exploités par certaines sectes.
Certes je ne méconnais pas les implications possibles de tous les éléments que la présente étude a eu précisément pour but de mettre en évidence. On ne peut écarter l’éventualité de troubles et d’épreuves à venir pour l’humanité. Mais de là à croire en la perspective d’une révolution totalitaire universelle, d’une épidémie terroriste, ou d’une fatale dégradation de l’homme et des collectivités il y a loin.
• • • • " L’expérience nous montre que notre raison et la science qu’elle crée, en s’adaptant de plus en plus près à la réalité, sont comme tous les êtres vivants et l’Univers lui-même, soumis à la loi d’évolution et que celle-ci se fait à travers une série de crises où chaque contradiction ou opposition surmontée se traduit par un enrichissement nouveau ".
Paul Langevin (La pensée et l’action - Editeurs français réunis ) exprime ainsi ce que je ressens intensément : la nature nous donne l’exemple d’une évolution continuelle; l’histoire de l’humanité, faite de cycles et d’alternances, tend elle aussi vers un perfectionnement incessant de l’homme. Quelles que puissent être les catastrophes qui jalonnent sa route, quelles que soient les régressions apparentes qu’elle subit, elle avance toujours
Et de toutes façons, s’il y a un déterminisme historique, il se place lui-même dans cette perspective évolutionniste. Une éruption volcanique, catastrophe souvent terrible, est à long terme bénéfique par son apport en terre cultivable. Les crues du Nil ont apporté à l’Egypte, pays pauvre, un limon fertile. Les révolutions, sources de génocides et destructions, peuvent préparer un renouveau, dans un sens inattendu pour les visionnaires qui les font; elles peuvent en effet, tirer les hommes de la routine et de l’indolence, et à longue échéance, leur faire apprécier à sa juste valeur la source inépuisable de richesses de l’esprit humain s’exerçant librement.
Est-ce à dire qu’il faille s’en remettre entièrement au destin, en se fiant à la conception optimiste et paresseuse du fatalisme exprimée par la célèbre formule arabe " MEKTOUB " (C’est écrit). Je ne le pense pas. Si nous voulons accélérer le mouvement vers une transformation de l’homme et de la société, il faut commencer immédiatement en portant notre attention sur nous-mêmes, selon les prescriptions des plus grands penseurs:
Victor Hugo (Les Misérables -4° partie -1.5.) :
" Ni despotisme ni terrorisme, nous voulons le progrès en pente douce ".
Georges Clémenceau :
" La liberté est la capacité de s’autodiscipliner. Les Républiques les plus républicaines ne seront un progrès que si elles peuvent mettre l’homme en état de se régler ".
Krishnamurti (op.cit.) :
" C’est en vous transformant vous-même, en payant librement le prix de la paix, en abandonnant joyeusement le nationalisme et la sécurité de classe, les idéologies et les religions organisées, que vous pouvez apporter la paix au monde. ..La paix n’est pas le résultat d’un combat; la paix est ce qui demeure quand tout conflit est dissous dans le feu de la compréhension ".
Raymond Abrezol (op.cit.)
" J’ai enfin compris qu’on ne peut pas changer les autres, il faut les accepter tels qu’ils sont. Pour les transformer, il est indispensable de commencer par se remettre en question soi-même pour mieux se connaître, adopter une nouvelle attitude, changer son mode de vie et de pensée, cesser de critiquer l’autre en devenant conscient que le jugement n’est rien d’autre qu’un phénomène purement projectif ".
Le Dalaï Lama (au cours d’un entretien avec Marc de Smedt )
" Mon espoir est que change la direction unilatérale dans laquelle nos sociétés continuent à se diriger, vers un progrès perçu comme uniquement matériel; que se modifie cet esprit d’exploitation, car je crois que cette direction-là est créatrice de. ...phénomènes d’anxiété. J’espère que ces phénomènes de peur vont amener une réaction conduisant l’être humain vers une ouverture spirituelle, vers l’exploration intérieure. Cela ne nierait pas le progrès technique mais le contrebalancerait ".
Ainsi tous les hommes lucides s’accordent pour voir l’avenir de l’humanité dans un effort non pas collectif mais individuel. Le progrès ne consiste pas à imaginer des idéologies, des systèmes politico-sociaux; il ne se trouve pas sur le chemin des bombes terroristes, des émeutes, des guerres; il ne se gagne pas par la contrainte, encore moins par le conditionnement; il n’a pas pour objectif le confort, l’aisance matérielle.
La véritable évolution est le contraire de tout cela. Elle passe obligatoirement par le progrès et l’épanouissement psychique individuel. Et elle ne pourra devenir collective que lorsque chacun des composants de la société (y compris ses dirigeants) aura appris à se gérer lui-même, à se " déconditionner " de toutes les contraintes, de quelque nature qu’elles soient, à résister aux réflexes conditionnés et à toutes espèces de manipulations, et tout particulièrement à la puissance du conformisme.
Lorsque l’homme aura
• amélioré le contenu et les mécanismes de sa conscience, l’initiative et la maîtrise de lui-même, et compris ainsi que le seul homme véritablement libre est celui qui a la maîtrise de lui-même et la capacité de rester libre même s’il est soumis aux pires oppressions
• . surmonté toutes ses déficiences, et appris à contrôler et canaliser la tyrannie de ses tendances morbides et compris que le seul homme heureux est celui qui dispose de la véritable liberté, celle de sa conscience psychique.
• pris l’habitude d’inhiber ses pulsions de violence et d’agressivité;
• appris à s’assumer seul, sans toujours attendre d’autrui un problématique et éphémère secours et compris que la libération psychique est le résultat d’un effort personnel et ne peut être obtenue par la contrainte ni par le paternalisme
• acquis l’instinct du respect de son prochain dans toute son individualité, toutes ses opinions;
• enfin annihilé cette tendance ancestrale qui amène à porter des jugements de valeur
alors il aura véritablement évolué et, fait essentiel, aura provoqué l’évolution de la société
La libération collective ne peut en effet résulter que de la préalable libération psychique individuelle
*
En proclamant que les hommes naissent égaux en droits, on s’imagine avoir tout dit en matière sociale. Mais on oublie trop souvent d’ajouter : ils naissent également égaux en devoirs. Dans la réalité, c’est l’inégalité effective des êtres qui constitue le plus évident problème de société : inégalité par les conditions de naissance, l’hérédité, les aptitudes, la santé, le milieu social et la classe sociale, l’éducation, l’instruction et le destin individuel.
Le principe essentiel de vie en société est donc l’obligation pour ceux que la vie a favorisés, de consacrer tous leurs dons à aider les défavorisés.
Mais il ne s’agit pas là d’une aide traditionnelle, fondée sur l’idée condescendante de commisération et de charité. L’aide à apporter par les
hommes ayant acquis la véritable liberté consiste à s’efforcer de donner, à ceux encore sous le joug de l’esclavage et de la robotisation, les moyens d’en triompher.
Et cette action doit être plus informative que directive, plus pédagogique que moralisatrice.
En effet, c’est en une conception toute nouvelle de la pédagogie que réside selon moi le bon moyen de sortir des impasses dans lesquelles se trouve le monde actuel. La pédagogie individuelle, comme les pédagogies politique, religieuse, philosophique, scientifique, littéraire, artistique, ne devraient à aucun prix consister à imposer des idées, des façons de penser et de vivre.
Il est nécessaire qu’elles ne soient qu’informatives dans le sens positif, en évitant tous les pièges de la désinformation et du conditionnement traditionnels. Contribuant à donner à l’homme des moyens d’information objectifs, des pédagogies ainsi conçues auront pour but ultime de lui apprendre à penser par lui-même, à se faire sa propre opinion, à se gérer seul, à se libérer de toutes formes de conditionnement.
Quel beau programme de gouvernement serait celui qui - s’élevant au dessus des principes traditionnels, des idéologies et des querelles d’écoles - tendrait essentiellement à aider les citoyens à acquérir la véritable liberté, le plein épanouissement, donc à conquérir enfin leur maturité.
Il s’agirait alors de viser essentiellement la culture de l’esprit, non pas en entassant comme le font nos civilisations, des multitudes de connaissances de toutes natures dans les cerveaux, mais en augmentant leurs capacités de rayonnement.
Quel service rendraient à l’humanité ceux qui, en commençant par eux-mêmes, contribueraient à son évolution vers un type d’homme refusant les chaînes de toutes natures, (qu’elles s’appellent nationalisme, régionalisme, tradition, doctrine politique, religion, philosophie, conformisme, race, classe sociale, mode. ..) et assez sûr de lui pour ne pas avoir besoin de l’autorité d’autrui pour se faire une opinion; assez conscient de ses responsabilités envers ses semblables pour ne rien entreprendre qui puisse leur nuire de quelque façon que ce soit; assez évolué pour savoir distinguer l’essentiel du détail, le durable du contingent
*
Un tel programme peut paraître irréalisable à ceux qui ne connaissent pas l’existence des techniques telles que la sophrologie, destinées à agir sur le psychisme par le biais des états modifiés de conscience. Il peut également sembler très fantaisiste à ceux qui n’ont que des vues sommaires sur ces méthodes (auxquelles j’ai consacré un chapitre). Mais j’espére avoir suffisamment démontré l’impact sans mesure ni limites qu’elles peuvent avoir, si elles sont utilisées à bon escient, par des spécialistes habiles et humains.
Il est une circonstance, où les répercussions d’états modifiés de conscience sur le schéma psychique et comportemental des individus sont d’autant plus dignes d’attention qu’elles se produisent hors de l’application de techniques, dans une spontanéité totale. Je fais allusion ainsi, à un phénomène qui n’a été mis en évidence très récemment, que parce que les barrières d’une désinformation traditionnelle ont été levées par des chercheurs courageux : l’expérience dite de la " mort approchée " (en américain " Near Death Experiences ").
Il y a maintenant de plus en plus de cas connus de personnes qui, à la suite d’un accident, d’une intervention chirurgicale, d’un arrêt cardiaque, ont présenté tous les signes de la mort dite clinique, puis, au bout d’un laps de temps variable, sont revenues à la vie, soit par réanimation médicale, soit spontanément.
La plupart osent faire le récit - qu’elles refoulaient auparavant systématiquement en raison des réactions de rejet de leur entourage médical comme familial - d’expériences extraordinaires vécues pendant leur incursion aux portes de la mort. Il serait hors de mon sujet de donner le détail de ces expériences, au sujet desquelles je ne peux que renvoyer aux oeuvres des chercheurs qui les ont étudiées (- Raymond Moody :La vie après la vie -Laffont-1976 -Docteur Elisabeth Kübler-Ross :La mort est un nouveau soleil. Le Rocher-1988 - -Patrice Van Eersel : La source noire - Livre de poche n° 6358 - Grasset et Fasquelle-1986 )
Ce qui est particulièrement intéressant à ce propos, c’est la spectaculaire transformation psychique, instantanément subie et définitivement conservée par ces témoins : leur personnalité est modifiée en profondeur. Ils portent un amour inconditionnel au genre humain, n’ont plus peur de la mort - qu’ils se représentent comme une renaissance - mais considèrent la vie comme encore plus précieuse et intense qu’avant leur " voyage ", puisque désormais ils savent qu’ils doivent la consacrer à leur prochain.
Leur équilibre psychologique est plus solide et harmonieux qu’auparavant; leur intelligence, leur sensibilité, leur faculté intuitive sont plus affinés. Ils n’ont plus aucune agressivité mais ont acquis, au contraire, une tolérance stupéfiante pour leur entourage.
Pour moi ces cas - sans doute exceptionnels, mais plus fréquents qu’on ne pense - démontrent qu’il suffit de trouver le moyen d’accéder à des états modifiés de conscience appropriés, pour entreprendre une restructuration de personnalité positive, en profondeur.
Or point n’est besoin d’attendre, poour réaliser une telle mutation, un incident aussi tragique. La sophrologie et toutes les méthodes apparentées, précisément parce qu’il s’agit de techniques simples, non autoritaires, débouchant sur un auto-entraînement à l’accès à des états de conscience modifiés, mettent à la portée de tous une action positive permanente sur le psychisme.
Il y a là une authentique direction de recherche personnelle, dont les avantages ne cesseront de se révéler dans l’avenir. C’est une clef dont les hommes pourront se servir de plus en plus aisément, pour ouvrir peu à peu toutes les portes de leur conscience.
*
L’émergence de l’homme nouveau, fort, libre, fraternel, heureux, épanoui, est-elle un mythe ?
Il serait bien imprudent d’affirmer qu’un jour les hommes, tous les hommes seront véritablement libres, égaux, fraternels, tolérants et pacifiques, mais soyons persuadés qu’ils approcheront progressivement de cet idéal. Faudra-t-il attendre cette éventualité pour demain, dans 10 ans,50 ans, dans 1 ou 10 siècles; ces périodes dérisoires par rapport au temps absolu, astronomique et inimaginable, n’ont aucune signification en termes d’évolution
En tous cas une vue optimiste de l’avenir immédiat paraît passablement prématurée
Un simple coup d’oeil sur nos sociétés, à travers la presse et les moyens audiovisuels, suffit à montrer qu’elles ne sont pas prêtes pour l’adoption et l’application des idées simples qui devraient conduire, selon moi, à l’émancipation des hommes et des peuples.
Mais le simple fait qu’il ait été possible, après des milliers d’années de vie en société de formuler ces idées, n’est il pas déjà par lui-même un progrès. Le fait que cette formulation ait pu conduire des précurseurs à imaginer et perfectionner des techniques simples, faciles à utiliser, à la portée de tous, susceptibles d’aider chaque homme à se libérer est aussi un progrès capital.
Il n’y a plus maintenant, nous semble-t-il, qu’à laisser jouer le facteur temps, grand maître de notre univers. Cela ne signifie pas qu’il faille s’endormir dans une béate et confortable passivité, mais, comme l’a dit. Pierre Teilhard de Chardin (L’apparition de l’homme-Seuil-1956) :
" dans toutes les circonstances, avancer toujours dans la direction montante où techniquement, mentalement et affectivement, toutes choses - en nous et autour de nous - convergent ".
Un jour, soyons en persuadés, l’homme ne sera plus ni un esclave, ni un robot
Edmond BERNARD
L'HOMME, CE ROBOT
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