vendredi 2 juillet 2010

005

TROISIÈME PARTIE :
b) LA CULTURE CHRÉTIENNE OU LE MILLÉNAIRE DE LA CLANDESTINITÉ..

LE CHRISTIANISME POPULAIRE

AUTRES SURVIVANCES PAÏENNES

L'OCCITANIE DES COURS D'AMOUR, DES CATHARES ET DES HUGUENOTS

LA DÉSAGRÉGATION CHRÉTIENNE

RÉALITÉS DE LA CULTURE « CHRÉTIENNE »



La culture chrétienne ou le millénaire de la clandestinité

Le christianisme populaire
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Les Romains et les Grecs érudits accusaient avec raison les
chrétiens de ne pas oser affronter les gens capables de leur répondre
dans une discussion honnête et de piéger les ignorants en exploitant
leur crédulité. Pourtant ce ne seront pas les couches cultivées qui
mettront en échec le psychisme du désert. La bibliothèque
d'Alexandrie flambera inutilement ; les pythagoriciens aussi, tandis
que les gens du peuple opposeront aux élucubrations des
théologiens une résistance efficace et une fidélité irréductible à la
religion des puissances de la nature.

En faisant du christianisme la religion d'État obligatoire,
Théodose a fait basculer dans le parti catholique les ambitieux sans
éthique, les faibles, les lâches, les matérialistes. L'homme des villes
amolli, dégénéré, coupé des perceptions subtiles des effluves de la
nature, se rallie sans peine à la religion officielle. C'est l'homme des
campagnes qui résiste, celui qui sent encore la vie dans la chaleur du
Soleil, les ondes de la Lune, des arbres, des sources. C'est pourquoi
on l'appelle le païen ( le paysan ) ou der Heide ( l'homme de la lande
). Sourcières et sourciers deviennent sorcières et sorciers, car la
nature est démoniaque et sentir ses effluves équivaut à commercer
avec les puissances infernales.

Pour s'imposer dans le peuple, la nouvelle religion devra
multiplier les concessions de surface. Elle adopte des prières : le
Pater omnipotente Deum est l'invocation des prêtres du Père Joyeux,
du Jovis Pater déformé en Jupiter. En notre siècle encore, un
cantique à la Vierge ( Ô pure étoile du matin ... ) ne craindra pas de
reprendre mot à mot l'invocation des marins grecs à Aphrodite. Le
pape prend le titre de Souverain Pontife, jadis attribué au grand
prêtre de Jupiter. La plupart des vêtements sacerdotaux, des gestes
et attitudes hiératiques sont empruntés à la vieille religion romaine.
La tonsure des moines chrétiens, introduite par les moines irlandais,
est un héritage druidique.

Le calendrier des fêtes chrétiennes ne fait que continuer celui
des fêtes antiques en substituant un événement anodin du temps
rectiligne à un moment bio-cosmique du temps cyclique. Parce que
les païens n'ont pas attendu le Christ pour croire à la résurrection et
fêtent à la fois les morts et les enfants au solstice d'hiver, on leur sert
d'une part saint Nicolas, médiocre substitut du dieu des morts,
Wotan, et d'autre part le Jésus nouveau né. On enseigne sans
sourciller que le mot Noël, déformation du germanique Neue Helle (
nouvelle clarté, lumière renaissante ), dérive du latin nadalis.

L'Épiphanie, mot grec qui signifie « montée de la lumière », devient «
la fête des Rois Mages » qui ont aperçu l'étoile. Aux Rameaux et à
Pâques tous les symboles païens sont au rendez-vous : les palmes
ou feuillages de la verdure renaissante, les poissons des rivières
libérées de la glace, l'agneau nouveau-né, les oeufs et les poussins,
le lièvre qui, comme son cousin domestique, est un chaud lapin, enfin
la cloche en forme de matrice. Face à l'amour de la vie, l'Église
sadomasochiste et blasphématoire de la vie connaît sa faiblesse et
lâche du lest ...

Elle prétend sanctifier ce qu'elle ne peut extirper ; mais ne
percevant plus que les choses qu'elle voudrait extirper sont saines et
saintes ( aucune différence de sens entre ces mots à l'origine ; c'est
la démonisation de la vie qui l'a introduite ), elle ne peut apporter par
ses mascarades de concessions que la désacralisation et la mort
culturelle.

La querelle actuelle du traditionalisme et du modernisme dans le
catholicisme n'est que la phase finale de désacralisation d'une Église
incapable de voir et d'admettre qu'elle a vécu essentiellement de ce
qu'elle n'a pas réussi à détruire, qu'elle s'est compromise avec des
causes politiques indéfendables et contraires aux plus profonds
instincts européens. Le seul ouvrage qui ait apporté un début de
clarté sur cet affrontement du traditionalisme et du progressisme
catholiques est le Pape des escargots d'Henri Vincenot.

Rappelons sans nous y étendre que presque tous les saints
populaires sont des divinités païennes travesties. Les saints Martin,
Michel, Georges et Victor ont pris la place de Mars, de Thor,
d'Hercule et de Siegfried. Les saintes Lucie et Agnès succèdent à
Artémis, sainte Anne à Vénus, ainsi que de nombreuses Maries et
vierges diverses. Les vierges noires succèdent à Cybèle, sainte
Claire à Artémis ou Vénus ; saint Denis n'est autre que Dionysos,
ainsi que saint Vincent, patron des vignerons ; saint Éloi a remplacé
Vulcain.

Parmi ces saints et saintes populaires, il y a un groupe sur
lequel nous devons revenir, tant son importance est grande dans la
naissance d'une nouvelle culture européenne. Il s'agit de l'ensemble
constitué par les saintes « Maries » de la mer ( dont l'une s'appelait
Marthe et l'autre Sarah ), par Lazare et le Roi Mage Balthazar.

L'origine celtique des Galiléens et des Galates, la probabilité de leur
commune issue de la tribu languedocienne des Volques rendent
vraisemblable la possibilité d'une partie de vérité historique dans le
mythe des saintes Maries de la mer. Balthazar était peut-être un
prêtre de Baal, bélier solaire phénicien identique au Belen des
Celtes, au Balder des Germains, à l'Apollon hyperboréen des
Hellènes et des Romains. Mais même si le mythe n'a aucun
fondement concret, il répond pourtant à un besoin inéluctable des
récupérateurs chrétiens. Il y avait près d'Arles un culte de déesse
noire perpétué par la Sarah-la-Noire des Romanichels, portée en
procession dans la mer comme la déesse Nerthus des Ingwäones de
l'Antiquité ; la Camargue est comme la Hollande une terre de lagunes
et la concordance des cultes est donc normale. Non loin de là, à cent
kilomêtres, il y avait la Sainte-Baume, sa grotte et sa source, son
épaisse forêt qui effraya les soldats romains au point que César dut
empoigner lui-même la hache, abattre un arbre et déclarer prendre
sur lui seul la colère éventuelle des dieux pour qu'ils surmontent leur
terreur; le sacré est ce qui fait trembler, telle est le sens étymologique
de ce mot.

On ne saurait surestimer l'importance de la résistance païenne
dans cette région, les cours d'amour, leur immense répercussion
éthique et littéraire, l'idéal chevaleresque de la Dame et du Cygne,
toutes ces fleurs de l'âme européenne ont pu s'épanouir grâce à Aixen-
Provence et Toulouse. Combien regrettable que Wagner, dont
l'ambition était de devenir le champion d'une révolution culturelle
germanique, ait méconnu la nature profonde de cet hymne à la vie
qu'est le culte de Vénus et soit retombé dans les pièges de la
démonisation judéo-chrétienne ! Tannhäuser est une oeuvre de
jeunesse, mais Parsifal une oeuvre tardive et la souillure chrétienne
s'y retrouve bien !



Autres survivances païennes
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Certains trouveront peut-être un peu fastidieuse la série de faits
que nous allons évoquer et qui est en grande partie connue. Mais il y
a une marge entre savoir et comprendre. Connaître un par un des
faits et ne pas voir leur liaison n'est pas connaître. L'histoire à
prétention objective nous a fermé l'entendement au fil de l'histoire.
Or tout homme a consciemment ou inconsciemment besoin de
dominer le labyrinthe du passé par une vision claire et cohérente de
ce passé. Oui, cohérente même si ce passé est profondément
incohérent, car c'est par une vision claire de ses incohérences que
nous pouvons retrouver notre propre cohérence. Il nous faut donc
notre fil d'Ariane et celui-ci est, nous l'affirmons sans hésiter le conflit
entre le psychisme du désert d'une part et Mars et Vénus d'autre
part.

L'affaire d'Abélard et d'Héloïse est contemporaine de la guerre
des guelfes et des gibelins ainsi que de la croisade anticathare.
Abélard a découvert la veine vénérienne du christianisme. Par
milliers, les étudiants accourent l'écouter à Saint-Germain-des-Prés.
Il ne se contente pas de prêcher et a aussi épousé son amante
Héloïse. Le clergé réagit avec une extrême brutalité : les amants sont
séparés, le philosophe châtré. Il y a pourtant des milliers de gens qui
copulent avec leurs femmes, voire leurs ribaudes, sans encourir de
sanctions. Mais Abélard rendait à l'union sexuelle sa dimension
religieuse, sa sacralité. C'est cela que l'Église du désert ne pouvait
tolérer. Le sexe ne doit être satisfait que par une concession à la
faiblesse. Malheur à qui prétend rendre sa valeur à cette suprême
communion ! Aujourd'hui l'Église ne châtre plus ceux qui magnifient
le sexe parce qu'elle n'en a plus le pouvoir. Mais gardons-nous de
croire que son attitude fondamentale a changé. La meilleure preuve
en est qu'elle s'obstine à maintenir le célibat des prêtres alors que
celui-ci n'est qu'une coutume. Elle maintient cette position même
dans les pays où la majorité du clergé vit en état de concubinage
notoire, comme c'est le cas en Amérique du Sud. Son laxisme actuel
envers la débauche et l'homosexualité non plus ne doit pas faire
illusion. Les têtes pensantes espèrent du SIDA l'aide qu'elles ont eu
autrefois de la syphilis. Et elles attendent aussi de l'écoeurement une
plongée des esprits dans une nouvelle confusion entre la sexualité
sacrée et la sexualité débridée.

Il y a un livre que tous les Européens, tous les héritiers forcés
du christianisme devraient lire : la Sorcière de Jules Michelet. Ce livre
met en lumière l'évolution de la condition païenne à travers un
millénaire. Il est impossible à résumer. Il est remarquablement
documenté malgré son caractère de roman psychologique. Il fait
justice de bien des erreurs et restitue le vrai visage du Moyen-Âge
avec ses foules se rendant en famille aux sabbats, enfants y compris,
dames nobles arborant le hennin à deux pointes, symbole des cornes
du diable exprimant qu'elles étaient libérées et acceptaient
joyeusement le commerce sexuel. Ce livre montre aussi hélas !
l'omniprésente terreur cléricale.

Ce n'est pas seulement Vénus qui est en révolte contre l'Église du
désert ; c'est aussi Mars, dieu de la guerre et de la fierté virile. Ce
Moyen-Âge qu'on nous présente comme une période de paix sociale
et de foi naïve est animé de courants révolutionnaires irréconciliables
avec les hiérarchies issues des compromis entre les rois, les nobles
et l'Église. Nous avons vu quelle braise de défense populaire
apparaissait dans la légende des rats de la tour de Bingen, dans celle
des musiciens de Brême, dans celle des petits nains. Nous avons
évoqué les chevaliers de la Table Ronde et la lutte des nobles contre
l'absolutisme. Mais il est une foule d'autres survivances de l'esprit
païen.

Le compagnonnage ne fit pas l'objet d'une cascade
d'accusations cléricales et d'interdictions royales pour des raisons de
lutte des classes. Si le clergé lance ses anathèmes contre ces
bâtisseurs de cathédrales dont il ne pouvait se passer, il avait de
sérieuses raisons pour cela : même derrière bien des rites chargés
de masques chrétiens, les compagnons véhiculaient une cosmologie,
une géométrie sacrée et une perception de la vie et de la mort
étrangères aux mythes platement historiques et rétrécis de l'Église.

L'inversion chrétienne des valeurs n'a jamais réussi. Le dieu
celtique Kernunnos, avec ses cornes de cerf, était le dieu de la
virilité, le tombeur de femmes. Pour tenter de le ridiculiser, les
chrétiens ont transplanté ses cornes sur la tête des cocus. Mais le
cocufieur n'en est pas moins resté envié et admiré. L'Arlequin de la
Commedia dell'arte est le cocufieur qui se promène avec un énorme
phallus à la ceinture, l'homme viril et libre qui pouffe de rire au nez
des persécuteurs du sexe, des pusillanimes et des imbéciles. Il est
populaire surtout en terre Lombarde sur laquelle se sont succédés
Vénètes, Goths, Hérules et Lombards. Si l'on considère quelle
résistance acharnée ces derniers ont opposée à la Papauté, quel
esprit de liberté a soufflé dans Venise, on ne s'étonne plus d'Arlequin.
Mais il est aussi le guerrier : la Mesnie Arlequin, si répandue en
France du Nord, était une survivance de la chasse sauvage des
guerriers des Ordres odiniques. Le nom étant souvent orthographié
Harlequin, il pourrait s'agir à l'origine d'une famille royale gothe de
Breisach, sur le Rhin supérieur, famille portant le nom de Harlen,
Harlequin serait alors l'enfant ou le roi des Harlen ( Harlekind,
Harleking ).

Un autre indice de la survivance païenne est la démonisation et
la persécution de la chouette. Le cri de cet oiseau était utilisé comme
appel de rassemblement par les participants à des réunions secrètes
en vue de combats, de cultes clandestins ou d'initiations. Les
chouans de Bretagne et de Vendée n'ont fait qu'utiliser une tradition
millénaire paradoxalement retournée contre une liberté qu'elle avait
d'abord servie. Dans le film de Joris Ivens : les Aventures de Till
l'Espiègle, Gérard Philippe fait une allusion sans doute involontaire à
la signification de l'oiseau de nuit : « Quand la chouette chantera, les
Flandres seront libres. », ce qui veut dire : « Quand les chouans
pousseront leur cri de guerre, les Espagnols seront boutés dehors. ».
La chouette est l'oiseau de Minerve, déesse de la sagesse casquée,
des guerriers initiés. Elle ne pouvait manquer d'être déclarée
démoniaque et porte-malheur par le clergé. Les paysans apeurés la
clouèrent sur leurs portes en signe de ralliement à l'Église et pour se
protéger des représailles exercées à l'aveuglette, comme celles qui
eurent lieu en terre cathare.

Le cheval Baïart, qui soutenait les fils Aymon dans leur lutte
contre Charlemagne, avait huit pattes, comme Sleipnir le cheval
d'Odhinn. Il était l'allégorie d'une société secrète odinique dont les
membres se livraient à un rite exprimant leur union parfaite et leur
égalité : l'homme de tête marchait debout, couvert jusqu'à la ceinture
d'un accoutrement représentant une tête et une encolure de cheval ;
les autres marchaient derrière lui penchés en avant, chacun tenant le
précédent par les hanches ; au bout d'un nombre rituel de pas,
l'homme de tête passait son déguisement au suivant et se plaçait en
queue ; la procession durait jusqu'à ce que tous les participants aient
occupé la tête, la fonction de commandement. Ainsi était affirmée
l'égalité dans la discipline. Ce cheval Baïart « qui grossissait alors
que tout le monde s'épuisait autour de lui », avertissait les concernés
de la force montante de la résistance secrète à travers les victoires
de Charlemagne.

Qui ne connaît l'histoire de Robin Hood ? Remarquons au
passage que ce nom signifie « le brigand en cagoules » et sa
traduction par Robin des bois révèle une double ignorance
linguistique. Comme le montre justement Walter Scott, il ne s'agissait
pas d'un personnage unique, mais des hommes de Sherwood et d'un
puissant réseau pénétrant aussi les villes.

Les histoires de princes changés en ours et redevenant princes
une fois leur mission accomplie font allusion aux survivances de
l'ordre des Berserkers et aux vengeances qu'il est capable d'exercer.
Étrange aussi que les libérateurs mythiques de la Suisse et de
la Hollande aient à une lettre près le même nom : Tell et Till.
Guillaume Tell n'a sans doute jamais existé, en tout cas pas sous ce
nom, et la légende de la pomme reproduit mot à mot le mythe de
Völundr, le Vulcain germanique. Par contre la révolte et la libération
de la Suisse ont bien eu lieu. Le nom de Till Uilenspiegel signifie « Till
Chouette Miroir », mais il s'agissait en réalité de la Lune dont la
forme et la position indiquaient la date du rendez-vous, le lieu étant
trouvé en suivant le cri de la chouette Till est parfois orthographié
Thyl ; or en grec y se prononce « ou » et nous avons là une allusion à
la tradition païenne de Thulé ... des fondateur de Toulouse et de
Tolède !



L’Occitanie des cours d’amour, des cathares et des huguenots
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L'Occitanie accumule les énigmes. Il y a d'abord celle de son
nom qui ne dérive pas de oc : il n'existe aucun patois occitan dans
lequel on dise « oc » pour « oui », lequel se dit approximativement «
ouais ». Rabelais utilise une expression non moins trompeuse et
parle des pays de langue gothe. Provence, Languedoc et Aquitaine
ont bien été occupés au Ve siècle par plusieurs millions de Wisigoths
qui ont formé la souche de la noblesse et dont on retrouve la trace
dans de nombreux patronymes et noms de localités ou de lieux. Mais
ce sont les Wisigoths qui ont adopté la langue de leur nouveau pays
et non l'inverse.

La racine tan se trouve dans trois noms de pays de cette région
de l'Europe : l'Aquitaine ( pays des eaux ), la Lusitanie ( pays de
Mélusine ) et l'Occitanie. Ox en celtique signifie « boeuf ». L'Occitanie
est-elle le pays des boeufs ? Elle est l'un des rares pays où se sont
perpétuées les courses de taureaux. Or le taureau est l'animal
terrestre de Vénus. Le plus important pèlerinage du Moyen-Âge par
le nombre de ses participants, celui de Saint-Jacques-de-
Compostelle, placé sous le signe de la coquille de Vénus, du gourdin
phallique et de la gourde vaginale et matricielle traversait toute
l'Occitanie et le nord de l'Ibérie, ce pays basque réfractaire au
christianisme sous Charlemagne. Nulle part au monde on ne trouve
dans les villages, les champs, les vignes une telle quantité de
colombiers. Or la colombe est l'oiseau de Vénus.

Le taureau, la colombe, la coquille Saint-Jacques, ou coquille de
Vénus, la belle princesse Pyrénè, amante d'Héraklès, les mythes de
la Magna Luna, les hauts lieux de la Sainte-Baume et des Saintes-
Maries-de-la-Mer projettent leur éclairage sur la naissance des cours
d'amour à Aix-en-Provence et Toulouse, ainsi que sur la chaîne,
mystique qui conduisait le compagnon du Devoir de la Sainte-Baume
à Saint-Jacques-de-Compostelle. Ce pèlerinage accumule les
éléments de l'emblématique païenne. Outre la coquille, le gourdin et
la gourde, il est aussi placé sous le signe du pédocca ( pied d'oie ).

Cette patte d'oie est la rune Eh ( ou pied de Dryades ), des
Wisigoths, des Vandales et de tous les Nordiques. Elle exprime
l'union conjugale et était utilisée comme signe de séduction
masculine dans la magie runique. Elle est aussi presque identique au
tribann des druides. Le personnage de Jacques a un rôle de la plus
haute importance. Maître Jacques est l'un des trois fondateurs
mythiques du compagnonnage. Le paysan est appelé Jacques
Bonhomme et sa révolte une jacquerie. La noblesse anglaise jalouse
de ses libertés se groupe dans l'Union-Jack. Jacques est donc une
figure de défense contre l'absolutisme et l'exploitation. Signalons
sous toutes réserves l'opinion de certains celtisants selon lesquels le
mot Jack aurait été l'onomatopée de l'éclair et le Jack, le grand
druide capable de se placer au centre de la cloche de l'éclair sans
être foudroyé. Sans conclure, signalons que cela concorde avec les
titres espagnols du saint : le Matamore ( tueur de Maures ) et Fils de
l'Éclair. Avant la récupération chrétienne, le pèlerinage n'avait pas
lieu à Saint-Jacques, mais à vingt-six kilomêtres de là, au dolmen de
Padron, passage encore obligé du rite compagnonnique et lieu de
culte resté ardent du Sant Iaguillo ( petit Saint-Jacques ).

Afin de mieux faire sentir quelle importante mission culturelle
les cours d'amour ont assumée et quelle fut la puissance de leur
rayonnement, il nous faut parler maintenant des chevaliers du Cygne.
Cet Ordre germanique est lié à l'Ordre celtique de la Table Ronde,
l'interpénétration des mythes de Lohengrin et de Parsifal est
révélatrice sur ce point. Lorsque le chevalier a trouvé sa Dame, celleci
vole au-dessus de lui sous forme d'un cygne et le rend
invulnérable. Un jour, un chevalier se laissa emporter par l'orgueil
que lui causait cette sécurité. Il dressa alors trop haut son épée et
transperça son cygne ; il périt dans le prochain combat. Parsifal, le fol
pur qui tue le cygne devant le château de Montsalvat, montre le
degré de vue profonde et de maturité nécessaires pour l'accès à
l'Ordre. Ce mythe enseigne donc que l'amour protecteur n'est au
service que de la justice, non de l'orgueil et de la brutalité. Lohengrin
arrive dans une nacelle tirée par un cygne pour protéger Elsa. Il
arrive sur l'eau, élément de Vénus, entraîné par sa Dame (le cygne)
sur le théâtre de sa mission. Le nom Lohengrin signifie « le
flamboiement vert, l'ardeur de Vénus ».

À propos de la Dame du troubadour et du chevalier, on a
beaucoup discuté pour savoir s'il s'agissait d'une figure idéale ou de
chair. La chose est simple: le premier temps de la réalisation
chevaleresque est celui de la générosité sans peur et sans reproche
qui s'exprime dans la devise des redresseurs de tort, « doux envers
les humbles, fier envers les forts ». Mars accompli, il reste à trouver
Vénus. Pour la reconnaître hors de soi-même, bien qu'étant un
chevalier pur et dur, il faut d'abord la porter en soi, la faire passer de
son inconscient dans son conscient. Cette seconde phase
surmontée, le chevalier portait en lui seul son propre cygne, tant qu'il
n'avait pas rencontré une femme qui en était la digne incarnation.
Celle-la découverte pouvait ne pas être en situation de lui accorder
ses faveurs charnelles. Mais s'il n'y avait pas d'obstacle le chevalier
n'était tenu par aucune règle de chasteté. La seule exigence à
laquelle il était intérieurement astreint était l'abstention de toute
copulation vile. L'amour concrètement réalisé était le point culminant
de l'idéal. Un adage disait : « Le baiser des femmes nobles porte
bonheur. ». Comme tous les êtres de grande santé, chevaliers et
dames des cours d'amour ne pouvaient manquer de ressentir en eux
l'incitation finale du poème de Stefan George les Templiers : « ...
diviniser les corps et incarner les dieux ».

Un point d'interrogation énorme est posé par le fait que des
Ordres chevaleresques, dans lesquels la chasteté était au moins
théoriquement exigée, aient eu la Vierge comme figure centrale de
leur culte. Ce fut le cas des Templiers, des chevaliers Teutoniques
dont la commanderie centrale, prêt de Gdañsk, s'appelait Marien
Burg ; une statue de Madone éclatante de vitalité surmontait l'autel ;
quand les Teutoniques quittèrent la Prusse devenue luthérienne,
donc hostile aux cultes de la Vierge et des saints, ils s'établirent en
Thuringe, à Marienthal, passant ainsi du « château de Marie » à la «
vallée de Marie ». Quant à l'Ordre espagnol de San Ildefonso, la
légende raconte à propos de son fondateur que la Vierge lui avait
accordé ses faveurs, ce qui est compris dans le peuple selon un sens
charnel.

Il est étrange que dans l'affaire cathare, si intimement liée au
destin de l'Occitanie, le camp cathare ait été considéré comme le
camp chevaleresque, par Dante notamment, tandis que Simon de
Montfort fut campé comme l'incarnation de l'anti-chevalier. Le
catharisme offre plus d'un paradoxe et il convient d'être extrêmement
prudent, car nous savons peu de choses fiables sur les cathares.
Que cathare vienne du grec catharsis, qui signifie « purification », ne
nous avance pas beaucoup. Plus significatif nous semble le fait que
les cathares soient contemporains des vaudois et de François
d'Assise qui prêchaient la pauvreté, et dénonçaient le luxe de l'Église
romaine. Les cathares ont donc trouvé en leur temps un esprit
critique généralisé et favorable à une partie de leur doctrine. Leurs
liens avec les bogomils sont évidents mais ne nous apprennent rien,
sinon leur origine orientale. Ceci a son importance car les liens noués
entre Perses et Wisigoths ont dû être profonds. En effet, les
Wisigoths transportèrent en Occitanie la terminologie de
l'administration perse : il y eut des satrapes à Seauve et à Lodève.

Les Wisigoths ont-ils accueilli avec le préjugé favorable une
secte manichéenne sans voir l'incompatibilité avec le culte de Vénus
qu'ils ressuscitaient par les cours d'amour et la littérature
chevaleresque ? Cela est peu vraisemblable, car la doctrine cathare
ne faisait pas dans la nuance ! Ses trois points fondamentaux étaient
; « L'esprit est de Dieu, le corps du démon, le péché suprême est la
procréation. ». Le mystère s'épaissit si on considère que les cathares
prirent pour emblème la colombe, l'oiseau de Vénus. Fut-ce une
réaction de l'inconscient comme celle qui fit choisir le vendredi, jour
de Vénus, comme jour saint dans le monde musulman qui écrase la
femme ? Les Wisigoths étaient-ils prêts à soutenir n'importe quel
courant anti-romain ? Ont-ils incité les cathares à choisir la colombe
comme emblème, manière de dire aux fines oreilles : « Ne combattez
pas les cathares ; nous sommes derrière eux, car ils sont ennemis de
Rome. » ? Ce n'est qu'une hypothèse, mais de loin la plus
vraisemblable de toutes.

Tout est trouble en ce XIIIe siècle pendant lequel se déchaîne
la fureur cléricale contre Abélard, les gibelins, les cathares. Tout
passe en langage codé dont nous ne percevons plus toujours les
allusions, langage utilisé par les porteurs de messages secrets que
sont les troubadours.

Les huguenots reprendront le même emblème et voudront y voir le
Saint-Esprit. Mais nous connaissons trop bien les coups fourrés de
l'inconscient pour accepter leur explication sans scepticisme. La carte
du monde huguenot recouvre à peu de choses près celle du monde
cathare.
Dans cette région de France, le protestantisme fut aussi
férocement persécuté qu'en Vendée : incendies de villages et de
forêts, vols, viols, déportations massives aux galères,
emprisonnements à vie, bûchers, enfants arrachés par milliers à leurs
parents sous prétexte que ceux-ci, n'étant pas catholiques, ne
pouvaient être légalement mariés et donnaient donc un exemple
scandaleux de concubinage, rien n'y manqua. Pourtant l'Occitanie tint
bon là où la Vendée avait cédé. Arienne d'abord, puis cathare, enfin
huguenote, l'Église d'Occitanie ne compte pas deux siècles de fidélité
forcée à Rome.

A l'époque cathare était née l'organisation secrète des Justiciers
d'Avignon pour tenter d'opposer une contre terreur à celle de
l'Inquisition et des troupes royales françaises. Dans la même ville
naîtront au XVIIIe siècle les Illuminés d'Avignon qui joueront un rôle
important dans le développement de la franc-maçonnerie en France,
qui seront ensuite les fondateurs de cette même franc-maçonnerie en
Suisse et en Suède.
Nous ignorons s'il y a encore un avenir pour le monde en
général et l'Europe en particulier. Mais si l'Europe réelle, c'est-à-dire
l'Europe culturelle, doit prendre naissance un jour, elle ne pourra le
faire sans l'Occitanie. De nombreux jeunes Européens qui ont tourné
le dos à la civilisation industrielle se sont installés sur cette terre
occitane qu'on aime d'un amour presque charnel. Et les Américains à
la recherche d'une culture campent en Avignon.



La désagrégation chrétienne
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Le christianisme est mort et pourrit pêle-mêle avec la dépouille
de la culture mort-née qu'il a engendrée. Nous ne sommes plus que
des vers qui grouillons sur les cadavres. Rappelons les grandes
composantes et étapes du phénomène chrétien. Une religion
vénérienne et élitiste naît en milieu galiléen et entre en conflit avec la
religion juive du désert. Un groupe de convertis décide d'utiliser cette
religion pour coloniser Rome de l'intérieur.

Le juif citoyen romain Paul de Tarse persécute d'abord les
chrétiens, puis se range à leur stratégie, opère le ralliement des
faibles de toutes les sectes hellénistiques, introduit le terme et l'idée
de Christ, jamais évoquée par le Galiléen, devient le véritable chef de
l'Église chrétienne à Éphèse. Paul de Tarse et Jean de Patmos sont
les artisans les plus connus de l'inversion du message du Galiléen
par le psychisme du désert. Les chrétiens réussissent en deux
siècles et demi leur travail de noyautage et imposent leur loi à
l'empereur qui fait du christianisme la religion d'État obligatoire. Ce
succès a un envers qui est la romanisation de l'Église et son
identification à l'Empire romain. Les citadins, peu religieux, se rallient
sans trop de mal à la nouvelle religion. Plus près de la nature, les
campagnards restent fidèles à leurs dieux. Le clergé chrétien les
désigne avec mépris sous le nom de païens.

Pour gagner les masses, l'Église adopte les masques des lieux
de culte et des rites des païens, leur calendrier de fêtes, leurs
symboles. Elle substitue des saintes et des saints aux divinités
antiques.
Les conflits de primauté entre papes et empereurs ruinent la
puissance des deux pouvoirs. Partout s'organise une résistance
acharnée sous les auspices de Mars et Vénus.
L'Église accouche de l'Inquisition et tente de détruire ses
ennemis avec une férocité sans égale dans l'histoire connue de
l'humanité.
Telle est la situation au début du XVIe siècle, alors que se
profilent les menaces nées de la découverte du monde contre les
absurdités du dogme.

Pendant un millénaire, l'Église a interdit sous peine de mort la
copie des textes religieux ; même les prêtres ont besoin d'une
autorisation épiscopale. Mais l'interdit est tombé dans l'oubli, car
l'imprimerie est apparue.
Heureusement le peuple ne lit pas le latin, ne lit généralement
même pas du tout.
La France est vaincue et le vieux rêve d'une Europe unie par le
Saint Empire romain germanique reprend corps. L'alliance des
Habsbourg et des papes semble solide. L'Orient orthodoxe est tombé
sous la coupe turque ; mais Rome préfère les non-chrétiens aux
hérétiques et schismatiques.
Et soudain tout bascule. Un moine à l'intelligence puissante,
mais lourde, érudit mais borné, va soulever le peuple en faveur d'une
religion que ce peuple refuse en majorité contre une Église en train
de se paganiser. Luther ne rendra pas l'empereur hérétique, car les
souverains n'ont que la religion de leur intérêt. Il entraînera pourtant
la moitié de l'Europe.

Il a déjà eu à Florence un prédécesseur aussi borné que lui,
aussi intolérant et persécuteur que l'Inquisition. Avec Savonarole,
Luther et Calvin s'évanouit l'espoir d'un édifice politique chrétien. Des
torrents de sang vont couler dans l'affrontement des nouvelles folies.
L'Inquisition va redoubler de rage et la fumée des bûchers obscurcira
le ciel de Madrid.
En même temps, l'Europe entière connaîtra une éclosion
scientifique avec les astronomes Copernic, Tycho Brahé, Kepler,
Galilée, avec Paracelse et Ulrich von Hutten. L'envers de la médaille
sera un regain de sorcellerie et d'astrologie charlatanesques.
Nostradamus n'en finit pas de berner ...

Dans tout cela, la renaissance religieuse de l'Antiquité ne
trouve guère son compte. Mais l'Église catholique y trouve le sien :
elle a des adversaires plus puritains et plus scabreux qu'elle-même et
pourra grâce à eux sembler charitable, tolérante et libre.
Dans ce complexe tourbillon d'idées monte un nouveau conflit.
L'Église oppose le dogme aux découvertes et à l'évidence. Galilée
est emprisonné, Descartes exilé. Les religions antiques ne survivent
guère que comme culte de la beauté, leur fonds bio-cosmique est
obscurci. Ne pouvant admettre ni les élucubrations de Nostradamus,
ni celles des théologiens catholiques ou protestants, les esprits libres
vont chercher refuge dans un vague panthéisme ou dans l'athéisme.
Dans cette tourmente, un seul génie vit vers quelles solitudes, vers
quel nihilisme l'homme s'acheminait, quelles valeurs traditionnelles et
vérités profondes la Renaissance devait préserver et ranimer, pour
elle-même et pour l'avenir. Ce génie fut Albrecht Dürer ; mais il ne fut
ni écouté, ni compris.

Logique et honnête, le protestantisme accentue la sémitisation
du christianisme. Pour se défendre, le catholicisme est obligé
d'emboîter le pas à la rigueur de la foi protestante. Il enfante
successivement le jésuitisme qui mettra au service de la domination
pontificale autant de fanatisme que les dominicains, puis le
jansénisme, aux frontières du calvinisme et que Rome rejette.
Les jésuites se sont parfois opposés au psychisme du désert
qui faisait rage chez les dominicains et livrait des milliers d'innocents
aux flammes. Mais ils ont tissé sur toute l'Europe un réseau secret de
domination par la corruption, le chantage, l'assassinat qui les a fait
haïr et interdire par de nombreux souverains catholiques. Ils ont porté
au maximum l'efficacité de ce prodigieux service de renseignements
dont l'Église dispose par la confession et qui peut même fonctionner
sans violer le secret de cet étrange « sacrement ». Des livres
seraient nécessaires pour exposer les innombrables crimes perpétrés
contre des membres du clergé gallican et des pouvoirs civils par les
jésuites au cours des années troubles qui conduisent de Louis XIV à
la Révolution française, jusqu'au jour où les guillotines de la terreur
ont mis d'accord gallicans et ultramontains.

Il est vrai que les jésuites font parfois preuve d'une réelle
subtilité dans la pénétration des religions étrangères. Aux frontières
d'un oecuménisme universel qui dépasse la notion romaine de
catholicisme, ils peuvent faire individuellement illusion. Ils sont
formés pour cela. Leur ouverture personnelle ne doit donc jamais
faire oublier leur voeu d'obéissance inconditionnelle à leurs officiers et
au pape. « Perinde ac cadaver - muet comme un cadavre », cette
devise avertit que toute ouverture personnelle d'un jésuite, si sincère
soit-elle, contient une potentialité de trahison, une acceptation
préalable de la trahison si les supérieurs l'exigent.

L'Église n'a pas de chance dans ses victoires : en triomphant
des empereurs elle sape son propre édifice politique, pour combattre
les protestants elle les imite ; et en voulant subordonner la science au
dogme, elle jette les savants dans le matérialisme.
La tare congénitale du christianisme historique est d'avoir démonisé
la matière et rejeté le divin dans l'abstrait. Ce dernier étant
imperceptible, le pas suivant, la négation de toute notion de divinité,
était facile et inévitable.

Ses instincts sexuels refoulés, orphelin dans un environnement
concret désacralisé que l'on prétend inerte, privé de la vision
rassurante du temps cyclique, réduit aux courtes perspectives d'une
vie terrestre précaire, l'homme est devenu furieusement matérialiste
dans le sens d'une exploitation effrénée de la matière et de ses
congénères.

Le capitalisme dit libéral est tout aussi matérialiste que le
marxisme. Les possédants soutiennent la religion comme instrument
d'asservissement du peuple, pour le rendre plus malléable, plus
patient, moins exigeant et revendicatif. Karl Marx a donc eu raison
d'appeler la religion, « l'opium du peuple », mais il n'a eu raison que
par rapport à ce christianisme dévoyé que nous dénonçons. Une
vraie religion doit contenir les références éthiques et le contrat social
spontané qui permettent à un individu de rappeler à l'ordre tout
mandataire coupable d'un abus de fonction. Un tel rappel à l'ordre
doit pouvoir compter sur un peuple prêt à se constituer spontanément
en force publique solidaire de toute victime d'un arbitraire. La
révolution culturelle, c'est cela. Mais avant qu'une révolution culturelle
puisse fonder et contrôler une société, il faut d'abord que naisse une
culture. Dès que disparaît le contrôle omniprésent et actif de l'opinion
publique sur les détenteurs du pouvoir, il n'y a plus de dignité
humaine, car même la justice, lorsqu'elle existe, n'est plus qu'un
cadeau fait par des classes dirigeantes visibles ou invisibles et qui
ont le pouvoir de la violer quand elles le veulent.

Le christianisme historique a donc engendré le matérialisme
scientifique et le matérialisme capitaliste, ce dernier engendrant à
son tour son pseudo-ennemi, le matérialisme prolétarien. Vouloir
combattre le matérialisme par le christianisme ne peut conduire qu'à
un échec, car cela revient à combattre un effet par sa propre cause !



Réalité de la culture « chrétienne »
****************************************
Nous avons vu que pendant plus d'un millénaire la copie des
textes religieux était interdite aux prêtres qui avaient besoin d'une
autorisation épiscopale. Rome entretenait sciemment l'ignorance de
ces textes de base qui lui auraient aliéné le peuple, la noblesse et
même une partie de son clergé. Au XIXe siècle encore un évêque
d'Einsiedeln avouera que « l'Église ne subsiste que grâce à
l'ignorance dans laquelle se trouvent ses fidèles à l'égard de ses
propres textes. ». Bien que les interdictions de reproduction soient
devenues inapplicables, l'ignorance des fidèles n'a guère changé.
L'incertain « sermon sur la montagne » reste l'essentiel, alors que les
aspects vénériens, élitistes et fanatiques des Évangiles sont presque
totalement inconnus.

Au Moyen-Âge, dans la mesure où il y avait une foi populaire,
exprimée surtout dans la légende dorée, cette foi perpétuait
consciemment ou inconsciemment les religions antiques.
Il faut faire ici justice de cette fable de la foi naïve qui emportait
les masses à travailler bénévolement à la construction des
cathédrales. Cette version des choses feint d'ignorer que les
cathédrales ont été édifiées alors que les bûchers de l'Inquisition
fumaient sur toute l'Europe, alors que des millions de crozats
trimballaient en permanence la croix dont on les avait affublés, sans
la moindre garantie juridique, sans savoir s'ils n'allaient pas connaître
les jours suivants la torture, le cachot, le cul de basse-fosse ou le
bûcher. Personne ne pouvait se soustraire aux corvées exigées par
les clercs sans courir les pires risques.

Mais d'où venait alors le génie éblouissant des merveilles
romanes et gothiques ? Au XIe siècle, les compagnons maçons
négocièrent avec le pape une charte de libertés : Ils s'engageaient à
construire dans toute l'Europe des édifices susceptibles de relever le
niveau religieux de la chrétienté, moyennant quoi ils étaient autorisés
à circuler partout, exempts d'impôts et de droits de douane. À cause
de ces franchises ils prirent le titre de francs-maçons. Initiés à des
secrets de métier à la fois techniques et religieux, ils utilisaient et
véhiculaient des connaissances bien antérieures à la colonisation
romaine et au christianisme. Tout en servant apparemment la
hiérarchie catholique, ces hommes ont rendu au monde un service
dont personne encore n'a mesuré l'importance. Par les merveilles de
l'art roman et gothique ils ont ramené le divin dans le concret,
préservant ainsi nos ancêtres du désespoir, de la folie, et
transmettant des connaissances venues de la nuit des temps et sans
lesquelles nos sciences modernes n'auraient sans doute pas pu
prendre le départ. Victor Hugo a eu raison d'écrire : « Tout ce que le
Moyen-Âge a pensé de grand, il l'a inscrit dans la pierre. ».

Deux faits historiques illustrent le degré de catholicisme de ces
compagnons maçons et charpentiers : sous les Hohenstaufen, ils ont
pris partie pour l'empereur excommunié contre le pape ; ils ont même
donné leur nom aux impériaux : les gibelins ; or les gibelins étaient
les plus habiles des charpentiers, ceux qui exécutaient et posaient
les pièces décorées de la façade, du pignon ( Giebel en allemand ) ;
nous retrouverons les compagnons clients des Templiers, et quand
cet Ordre sera détruit, la construction des cathédrales sera
suspendue pour plus de quatre siècles.

Cette persécution des Templiers nous amène au problème de
la chevalerie. Les manuels d'histoire catholique présentent l'Église
comme fondatrice de la chevalerie. Mais le rite d'adoubement est
décrit dans la Germania de Tacite et remonte donc à plus d'un
millénaire avant la chevalerie « chrétienne ». Les blasons également
viennent de l'époque pré-chrétienne et montrent des dragons, des
fauves, des rapaces, des chimères, des glaives, des croix païennes,
mais rien de chrétien.

Les mythes de la chevalerie nous parlent d'enchanteurs et de
fées, de la Toison d'or, d'astres, étoile polaire notamment ( Artus ), de
dragons, de Vénus et de magie. Là encore rien de chrétien.
Considérons l'éthique chevaleresque réelle, celle qui est restée
indépendante des règles d'Ordres au moins apparemment
christianisés : le chevalier a non seulement le droit, mais le devoir de
vengeance. Quiconque ne venge pas une insulte ou une spoliation
perd l'honneur. Nous voilà aux antipodes de la morale chrétienne,
dans une éthique de force et de fierté.

Nous avons vu que les Ordres chevaleresques monastiques,
ceux qui poussèrent le plus loin l'apparente soumission à l'Église,
rétablirent le culte marial interdit et firent même de la Vierge la figure
centrale de leur culte. Sans prétendre apporter des éléments
nouveaux, penchons-nous sur les données connues de l'énigme
templière après nous être lavé le cerveau de toutes les idées en
cours.
Le fondateur de l'Ordre s'appelait Hugues de Payns et sa mère
Adélaïde, prénom germanique resté courant ( Adelheide ) et signifiant
la noble païenne. La noble païenne de Payen, voilà beaucoup de
paganisme pour une seule famille ! Mais la chose prend du relief si
l'on songe que la dame en question avait épousé son propre frère,
selon la loi endogamique des clans royaux scandinaves et
contrairement à la loi chrétienne ...

Le drapeau de l'Ordre est le damier noir et blanc, drapeau
d'une ville hanséatique : Bauzen, et qui deviendra plus tard les
couleurs de la Prusse. Le Baucéant est la déformation de Bauzen
Hansa. Pensons à ce qui a été expliqué au sujet des hanses.
Si on en croit l'imagerie, les Templiers chevauchent à deux la
même monture. Or il est impossible de combattre ou même
d'effectuer de longs déplacements avec un cheval ainsi surchargé.
De telles chevauchées devaient être exceptionnelles et rituelles.
Curieusement, les quatre jambes des cavaliers et les quatre jambes
du cheval font penser aux huit jambes de ce cheval Bayart dont nous
avons précédemment révélé la nature réelle.
L'Ordre du Temple fait construire partout des tours à huit pans.
Or huit est le nombre fondamental de la magie runique qui a des
analogies avec le Tao, les deux étant basés sur les multiples de
deux, du couple universel Yin-Yang.

Un autre fait mérite l'attention : neuf chevaliers se sont
rassemblés à Gisors en Normandie. Ils forment le noyau du futur
Ordre du Temple. Tous sont normands ou champenois, donc
germains. On a dit qu'ils avaient pris le nom de Templiers en
Palestine. Mais ils n'ont utilisé que les sous-sols du temple de
Jérusalem comme écuries. Il est bien plus vraisemblable que ces
Germains aient voulu ressusciter le vieil ordre des Tempeleisen, ( ou
glaives du Temple ), le plus secret des Ordres du haut Moyen-Âge,
antérieur même aux Porte-Glaives de Livonie. Ces Tempeleisen
avaient pour mission de protéger contre le viol chrétien les
sanctuaires secrets et de venger la destruction de l'Irminsul et des
Eckensternesteine, ( ou pierres des étoiles d'angles, par
Charlemagne ).
Étrange de constater que ce ne sont pas les neuf chevaliers qui
se dérangent et recherchent l'alliance de l'Église. Ce sont le pape et
Bernard de Clairvaux qui viennent pour conclure un pacte avec cette
force apparemment infime, mais sans doute émergence d'une
puissance cachée.

Car la Chrétienté ne cesse de côtoyer l'abîme et il devient
urgent de battre le rassemblement de toutes les forces capables
d'éviter le pire. La grande peur de l'an mille, la date redoutée passée,
avait eu pour suite une aggravation de l'immoralité que la première
croisade avait encore accentuée. Il est probable que les Templiers
furent un ordre païen germanique directement issu des Tempeleisen
et qui, après l'accord passé avec l'Église, accepta des chevaliers
chrétiens dans ses grades inférieurs.

Cet Ordre se répand comme une traînée de poudre et trouve
des alliés même parmi les musulmans qui sont théoriquement ses
ennemis. Les conflits avec les Teutoniques en Palestine révèlent bien
une certaine forme de fidélité au pape, mais le duc de Saxe, Henri le
Lion, ennemi tenace des Hohenstaufen et chef du parti guelfe, était
aussi peu chrétien que les villes lombardes, elles aussi hostiles à
l'empereur. Bien des alliés des papes de cette époque avaient pour
seul but de casser les reins à une théocratie qu'elles jugeaient à tort
ou à raison plus dangereuse avec une tête impériale qu'avec une tête
pontificale.

Parvenu au point culminant de sa puissance militaire et
financière, cet Ordre va s'effondrer sans résistance devant Philippe le
Bel. Cette absence de résistance est sans doute le mystère le plus
indéchiffrable du Temple. Nous sommes aussi peu que quiconque en
mesure de répondre avec certitude. Mais l'hypothèse la plus
vraisemblable nous semble être la suivante : la tête de l'Ordre a
constaté le pourrissement par le bas, par les chevaliers chrétiens et
les moeurs ramenées d'Orient. Elle a décidé la liquidation de l'Ordre
et la mise en lieu sûr des trésors et secrets. Philippe le Bel n'a fait
que devancer une fuite massive des maîtres de l'Ordre et de leurs
richesses. Décontenancés par le lâchage de leurs instances
supérieures et les accusations officielles, les petits chevaliers et les
clients n'ont opposé aucune résistance. Les accusations reposaientelles
sur un fonds de vérité ? Impossible d'affirmer quoi que ce soit.
Mais des rites blasphématoires destinés au passage de chevaliers
d'abord chrétiens à des grades supérieurs seraient très
vraisemblables.

Ajoutons qu'un symbole du rite écossais, qui s'affirme héritier
des Templiers, est la rune Hagal, emblème de la connaissance des
Godes, prêtres païens nordiques. Dans le rite écossais, la
transposition de cette rune est la croix de Saint-André, en forme de
X, le corps du crucifié formant l'axe de la rune.
L'Église ne s'est pas trompée sur la nature de la chevalerie.
Elle a d'abord tenté de la domestiquer. Puis elle s'est alliée à Philippe
le Bel, ennemi du pape, pour détruire le Temple. Enfin, comme
Cervantès nous l'expose dans Don Quichotte, l'Inquisition s'est
attaquée à l'esprit même de la chevalerie, allant jusqu'à
perquisitionner dans les bibliothèques des nobles au mépris de l'édit
royal sur le privilège du sang, raflant et brûlant ces romans de
chevalerie dont elle redoutait à la fois l'éthique et les messages
codés. Cette lutte n'a pas cessé et l'Église s'efforce actuellement de
contrôler toutes les survivances et résurgences de l'esprit
chevaleresque, de contester la validité des Ordres qu'elle ne domine
pas, obtenant même en cela la complicité d'un gouvernement
socialiste.

S'il y a plus de terreur que de foi dans la présence populaire sur
les chantiers des cathédrales, si les artistes et artisans étaient des
héritiers de traditions antiques, des francs-maçons promis aux
interdits, calomnies grotesques et excommunications, si la chevalerie
sentait le fagot, si les croisades avaient la rapine pour but qu'y avait-il
donc de chrétien en ce Moyen-Âge qu'on nous présente comme le
sommet d'une culture chrétienne ?

Les saints ? sainte Élisabeth de Hongrie, saint Dominique, saint
Bonaventure, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d'Avila
furent bien chrétiens avec tout ce que le mot implique de psychisme
du désert. Mais maître Eckardt disparut dans Rome, saint François
d'Assise faillit être brûlé et plusieurs de ses disciples le furent, saint
Albert véhicula l'alchimie et autres sciences maudites. Quant au père
de la théologie moderne, saint Thomas d'Aquin il pose une question
énorme. Son père, qui s'appelait également Thomas d'Aquin, était
ami et conseiller de Frédéric II, l'empereur voltairien objet d'une pluie
d'anathèmes et d'excommunications. Il était aussi ami et admirateur
des Arabes, dispositions qu'il transmit au célèbre théologien.

N'oublions pas qu'à l'époque l'Inquisition faisait rage. On est donc en
droit de se demander si avec un père ami de Frédéric II et un maître
alchimiste ( saint Albert ), saint Thomas d'Aquin n'a pas voulu
assigner des domaines indépendants à la foi et à la raison non pour
mettre la foi à l'abri des attaques de la raison, comme il le prétend,
mais pour mettre les savants à l'abri des griffes de l'Inquisition.
Notre thèse d'une culture européenne historiquement parallèle
au christianisme, mais non chrétienne, n'est pas aussi nouvelle qu'il
n'y paraît et les Anglais ont bien senti l'abîme qui sépare les deux
courants. L'alternative entre Shakespeare et la Bible, entre la merry
England et le puritanisme rend compte de cet insoluble conflit. Nous
tranchons donc le noeud gordien en affirmant hardiment : « La Bible
et Shakespeare ? Impossible ! La Bible ou Shakespeare ! »
Shakespeare a réussi la gageure d'écrire une oeuvre théâtrale
incomparable, dans laquelle nous nous reconnaissons mieux que
dans aucune autre, alors que ses personnages et leur société sont
comme lavés du christianisme ; non pas antichrétiens, mais
achrétiens.

Ce survol de l'ère pseudo-chrétienne fait apparaître une
évidence encore intolérable à beaucoup, mais qui n'en reste pas
moins une évidence : l'Église judéo-romaine s'est développée et a
survécu par le mensonge, la tricherie, l'appel aux instincts
d'exploitation, de pillage et de mégalomanie des souverains, les plus
ignobles cruautés, et aussi par l'échec relatif de tout ce qui précède,
c'est-à-dire par la survie de tout ce qu'elle n'a pas réussi à détruire et
a du intégrer. Grosse de toutes les compromissions et de toutes les
équivoques, elle voit aujourd'hui sa meilleure sève, la survie d'une
partie de la religiosité antique, détruite par le monde matérialiste
qu'elle a engendré. Par ailleurs, une religion de renoncement au
monde ne peut logiquement prétendre sous-tendre un édifice
politique et affirmer, une doctrine sociale. C'est en vertu de cette
double contradiction interne, congénitale au christianisme, que
progressistes et intégristes s'affrontent dans une véritable bataille
d'aveugles.

Le renoncement au monde fait du christianisme une religion
socialement inapplicable. Or l'Église s'est identifiée à l'empire romain.
Cette contradiction a porté les tricheurs cyniques à tous les échelons
supérieurs du pouvoir, tricheurs qui ont installé les esprits bornés
dans tous les échelons inférieurs. Cette captation du pouvoir par les
cyniques et les crétins qui ne posent pas de questions a complété la
féroce sélection à rebours pratiquée par l'Inquisition. L'Europe est
donc malade par le christianisme, l'Europe frustrée de sa culture et
de ses véritables élites par le christianisme, et là encore Nietzsche a
trouvé la formule adéquate en nous incitant à guérir du christianisme.
« Opium du peuple » et responsable du déchaînement matérialiste,
cette antireligion est responsable de l'impasse écologique à laquelle
nous aurons à faire face soit dans une agonie de capitulation, soit
dans une révolution culturelle qui n'ira pas sans famines et un déluge
de sang.

Les hiérarques des Églises chrétiennes n'ont pas d'illusions à
se faire, leur Évangile les en avertit : « Le péché contre l'esprit » ne
recevra pas de pardon. Le jugement dernier n'est pas une invention
de théologiens, mais un mythe de l'inconscient collectif qui nous
prévient de l'aboutissement de nos erreurs consenties. Mais dans
l'histoire humaine toute liquidation catastrophique est aussi un
commencement. C'est pourquoi les Germains, restés plus païens
que nous, ne disent pas le jugement dernier , mais le plus jeune des
jours ( der jüngste Tag ). Les naïfs imaginent un juge faisant irruption
sur la scène du monde, comme un deus ex machina, une forme
quelconque de retour de leur Christ. Or le juge ils le portent en eux.
Le jugement dernier sera le jour où les évidences refoulées par
lâcheté reviendront irrésistiblement à la surface, où les somnambules
volontaires s'éveilleront de leur rêve et découvriront le néant dans
lequel ils se sont plongés. Une catastrophe planétaire, d'origine
militaire ou écologique pourrait être le détonateur matériel d'une prise
de conscience collective qui aurait l'intensité d'un « Jugement dernier».

Les élus ne seront pas emportés dans un paradis, ne seront
pas pris en charge par un sauveur suprême, ni dans le concret, ni
dans l'esprit. Ils erreront dans la puanteur des cadavres, à la
recherche de précaires abris et de pincées de nourriture non
empoisonnée. Ils mourront par légions, les tripes tordues par la faim.
Leur seul paradis sera la perspective d'une terre débarrassée de
l'homme, en train de reverdir, prometteuses de villes harmonieuses
surmontées de nouvelles acropoles et habitées de Surhommes.
La montée du suicide et de la drogue est le prélude de ce
jugement dernier, de cette prise de conscience collective intolérable à
la plupart.

Le christianisme oecuménique et la non-violence ne résoudront
rien. Ces épiphénomènes judéo-chrétiens se limitent aux religions du
désert et ne peuvent que parachever la destruction en livrant les
naïfs aux couteaux des fanatiques. Ils font partie de ces forces
liquidatrices de ce qu'elles croient protéger et qui, par là, oeuvrent
sans le savoir pour le véritable renouveau qu'elles n'osent pas
regarder en face.

Le christianisme adogmatique des hippies ( Que l'enfant Jésus vous
ouvre les yeux et vous ferme la bouche ! ) est bien une résurgence
partielle du message galiléen. Mais il est sans force et inadéquat à la
situation historique qui exige une énergie d'acier et une lucidité
impitoyable au service de l'amour du monde.
Cet éclatement du christianisme en plusieurs Églises, en
schismes et hérésies, ces tentatives ultimes et vaines de l'intégrisme,
du progressisme illustrent l'adage bouddhiste : « Il est dans la nature
de ce qui est composite de se décomposer. », adage que l'on
retrouve dans l'Évangile : « Toute maison divisée contre elle-même
périra. ».

Les mêmes causes ne pouvant manquer de produire les
mêmes effets, et à très brève échéance, compte tenu des sillons
tracés et de l'accélération de l'histoire, aucune fraction ancienne ou
actuelle ne peut servir à préparer l'avenir. L'Europe doit trouver
ailleurs son nouveau dynamisme. C'est un problème de renaissance
in extremis ou de mort imminente.

Il nous faut retrouver les perceptions et les états de conscience
nécessaires à l'éclosion des religions authentiques. Il y a là un
problème d'ascèse personnelle et de révision historique. Car on ne
construit pas sur des nuages. C'est pourquoi nous ne refusons pas
une synthèse du message nietzschéen et des aspects élitistes,
héroïques et généreux de l'Évangile, nous revendiquons les
cathédrales. Construites à la fois sous la direction de la vraie religion
et la terreur de la fausse religion, ces merveilles libératrices
d'envolées spirituelles appartiennent à ceux qui en sentent
l'enseignement. Fils de ceux qui les construisirent sous la terreur
cléricale, nous avons bien plus que les continuateurs de la folie du
désert le droit de nous en servir.

Avec Hölderlin, Schiller, Nietzsche, Lawrence, Giono, Walter
Otto, Steinbeck et bien d'autres penseurs, littérateurs et artistes de
toutes disciplines, le paganisme n'en est pas à son combat d'arrièregarde,
mais à sa résurgence. La science vient à son aide en révélant
la sensibilité des plantes à la musique et aux sentiments humains,
leur capacité de communiquer entre elles par les parfums, les
interdépendances des champs magnétiques des arbres, des humains
et de la terre, la puissance des courants telluriques sur les lieux de
culte antiques.
L'oecuménisme des religions du désert, les officiels qui violent
la laïcité de l'État, les congrès monothéistes des transfuges du
marxisme au christianisme, du christianisme à la franc-maçonnerie
judaïsée, de cette dernière à l'islam ne seront que des pétards
mouillés à travers la décadence et ne changeront rien au
déroulement inéluctable de l'histoire.

Il y a dix-huit siècles, un chrétien a pu braver un magistrat
romain en lui disant : « Si nous nous retirions, vous seriez effrayés de
votre solitude ; il ne vous resterait que vos temples. ». Nous sommes
aujourd'hui fondés à nous dresser dans les cathédrales, face au
clergé du désert et à lui lancer au visage ; « Si nous nous retirions,
vous seriez effrayés de votre solitude ; il ne vous resterait que vos
dogmes. ».

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