mercredi 21 juillet 2010

Les tricolores guerriers


André Lorulot, né Georges André Roulot, est un libre penseur et anarchiste individualiste français né le 23 octobre 1885 à Paris.


Les tricolores guerriers

Ils me dégoûtent, ces vieux séniles et tremblotants dont le sexe est desséché et dont le cœur est tricolore. Je les hais pour la facilité cruelle avec laquelle ils envoient au charnier des milliers et des milliers de victimes innocentes. [...]
« C’est pour la patrie », diront-ils, en manière d’excuse. Mais non, c’est pour leur égoïsme. Pour que leurs habitudes antiques ne soient pas dérangées. [...]
Pendant la guerre, ils ont multiplié les infamies, les Conseils de Guerre. Des milliers de pauvres types ont été condamnés et fusillés, à tort et à travers. Pour un pantalon sale, pour une réponse énervée aux provocations d’un salopard en galons pour un soupçon... au tourniquet. Il fallait faire des exemples, afin de maintenir le moral... Les généraux meurent dans leur lit... Parfaitement : Hindenbour, Foch, Lyautey, Joffre, Weygand, Ludendorff... A quatre-vingt ans. Baveux et diarrhéiques ; la prostate congestionnée ou le foie déliquescent ; le cerveau atrophié, comme Castelnau ; ou le cul rongé d’hémorroïdes, comme le Pape (encore un qui n’a pas fini sur les champs de bataille et qui s’est contenté de regarder... de loin, avec ses compères les maréchaux !)
Le simple soldat expose sa vie, en première ligne, sans savoir ni pourquoi ni pour qui... Le général s’amuse avec une carte d’état-major. « Ferai-je bousiller aujourd’hui la 23° division – ou la quatorzième ? Déclencherai-je la tuerie dans le secteur d’Amiens ou dans celui de Soissons ? » [...]
Comment des hommes, dignes de ce nom, peuvent-ils consentir à s’embrigader et à marcher au pas ? [...]
Endosser un uniforme, c’est renoncer à sa personnalité (il est vrai que ce mot n’a pas grande signification pour la plupart des humains).
Devenir semblable au voisin. Ressembler à tout le monde. C’est l’idéal de la platitude et de la médiocrité. C’est le triomphe de la paresse et de la veulerie. Penser comme les autres, cela épargne de penser par soi-même ; cela dispense de faire des efforts, c’est un idéal de moules. J’exècre aussi l’uniforme parce qu’il est le signe de la servilité, le symbole de l’obéissance et de la discipline. [...]

Les prêcheurs de résignation
La religion est une vieille guenille ; elle n’abrite plus guère que l’émoi des éternels déficients, le radotage des crétins irrémédiables, ou le calcul roublard des charlatans hideux, des tyrans durs et froids, des imposteurs répugnants. Ceux-là me dégoûtent, qui enseignent le mensonge, sciemment, volontairement, pour en tirer des subsides, et conserver une situation tranquille, privilégiée même...
« Pour mériter le Paradis, mes frères, il faut accepter la souffrance ici-bas. Patience ! Docilité ! Résignation ! La vie est une rude épreuve. Mais le bon Dieu, au prorata des larmes que vous aurez versées, ne manquera pas de vous récompenser ». Ayant ainsi parlé, l’Imposteur va se mettre à table, en galante et joyeuse compagnie. Vins fins et succulents perdreaux. Fruits savoureux. Ratatouilles raffinées. Liqueurs incendiaires. Pendant que le croyant pleurniche en regardant le ciel. Pendant que les larves d’église égrènent un chapelet illusoire. Pendant que la servitude et la pauvreté courbent les misérables dupes sous la cravache des maîtres enrichis. [...]
Quand ils se drapent dans leur soutane et dans les dogmes du Vatican pour effrayer les enfants avec de ridicules légendes, agitant l’Enfer et ses tourments, un Démon qui voudrait être effrayant et un Purgatoire imbécile. [...]
Ils me dégoûtent ceux qui, sachant que la religion est fausse, continuent, par intérêt, à l’enseigner. Quand aux croyants sincères, je me contente de les plaindre.
Je me ficherai volontiers en colère quand on me rabâche que la religion adoucit les mœurs. La religion, c’est le fanatisme – la chose la plus contraire à l’esprit de fraternité. La religion, c’est l’intolérance, la haine poussée jusqu’à la fureur. Au nom de Dieu, on a fait couler des fleuves de sang. Que de massacres, de croisades, de persécutions ! Et les guerres de religion ? Et l’Inquisition ? La curaille n’aime guère qu’on lui rappelle ces « gloires » féroces de l’Eglise... Et cela continue. Aux Indes, Musulmans et Bouddhistes s’égorgent à toute occasion. En Palestine, les Arabes et les Juifs donnent le spectacle d’une haine enragée [...[

Les andouilles
« Serai-je chrétien, parce que je serai de Londres ou de Madrid ? Serai-je musulman, parce que je serai né en Turquie ? Je ne dois penser que par moi-même et pour moi-même, le choix d’une religion est mon plus grand intérêt. Tu adores un dieu par Mahomet ; et toi par le Grand Lama ; et toi par le Pape. Eh ! malheureux... adore un dieu par ta propre raison. Un homme qui reçoit sa religion, sans examen, ne diffère pas d’un bœuf qu’on attelle. » Voltaire
Ce n’est pas un chapitre, c’est un volume entier, et un gros volume, qu’il faudrait écrire, si l’on voulait énumérer les différentes catégories de tourtes et de nouilles qui évoluent sur la planète, pour le plus grand profit des astrologues, évêques, cartomanciennes, sorcières, ratichons et aigrefins de tout acabit.
Il me suffirait d’ouvrir quelques bulletins paroissiaux catholiques pour donner à nos lecteurs un aperçu de la superstition des masses. En plein XX° siècle, il y a encore des dizaines de milliers d’andouilles qui adhèrent et qui cotisent à une foule d’associations guignolesques, pour sauver leur âme, échapper à Satan, tirer leur belle-mère de Purgatoire ou baiser (moralement) la Vierge Marie dans l’éternité de Paradis. [...]
Il y a même une Archiconfrèrerie de Sainte Barbe, pour éviter la mort subite. [...]
« Reconnaissance à Sainte Barbe, pour avoir converti M. A., qui ne pratiquait pas.
« Cinq francs à Sainte Barbe, pour avoir guéri plusieurs personnes et obtenu succès à un examen » [...]
C’est un vrai fleuve de pognon que les andouilles superstitieuses font couler dans les poches et dans les panses de ces voraces ensoutanés. [...]
« II. – On peut aussi demander de faire brûler des cierges ou des lampes devant les reliques, la statue et l’autel de Sainte Barbe.
« Lampes : un jour, 0 fr. 75 ; - neuf jours, 5 fr. ; un mois, 15 fr.
« Cierges : 1 franc et au-dessus.
« III. – Des médailles de Sainte Barbe, vierge et martyre, frappées spécialement pour les associés, sont vendues :
« Aluminium : 0 fr. 20 l’une ou 2 fr. la douzaine – Argent : 1 fr. 75 l’une ou 13 fr. la douzaine.
« IV. – Petites images en couleurs (très belles), avec prière des Associés au verso, franco : 0 fr. 50 l’une, 5 fr. la douzaine [...] »
Voyez la Sainte Enfance :
« Venez au secours de vos petits frères païens.
« Rachetez un bébé moribond, qui en votre nom sera baptisé (5 francs).
« Rachetez un enfant abandonné (15 francs) qui, grâce à vous, sera baptisé et élevé dans la religion catholique.
« Inscrivez-vous à la Légion de Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus : offrande 52 francs. [...] »
Ah ! ces petits Chinois ! Ce qu’ils ont pu en rapporter des millions au Vatican, avant que celui-ci ne favorise le massacre de la Chine par le Japon, pour embêter les Soviets... [...]
« Pour tout versement de 1000 fr., il sera envoyé la reproduction, sur très grand format d’un merveilleux pétale de rose, contenant l’image de la Sainte Face. »
Et dans les Annales de la Sainte Enfance (avril 1938), je lis : « Savez-vous que vous pouvez aider nos missions en nous envoyant les vieux bijoux, pendentifs, médailles d’or, montres, etc., qui sont au fond d’un tiroir ? De ces dons peut dépendre le salut de beaucoup d’âmes ! Envoyez-nous vos vieux bijoux : 44, rue du Cherche-Midi, Paris. » [...]
Il faut évidemment maintenir les poires dan la crédulité. Les charlatans s’efforcent, par tous les moyens, de tromper la clientèle. Les religions reposent uniquement sur des fausses reliques, des miracles inventés, des prodiges truqués, des légendes idiotes forgées de toutes pièces. L’ouaille est abêtie systématiquement, plongée dans l’imposture et le mensonge. Un simple exemple : le 28 juin 1938, 250 personnes ont été intoxiquées, à Jauldes (Charente), pour avoir mangé du « pain bénit » le jour de la première communion. Le lendemain, La Croix annonçait froidement que ces personnes avaient été empoisonnées par des gâteaux achetés à des forains, dans une fête locale. Or, ce n’était pas des forains, c’était un pâtissier d’Angoulême qui avait fourni le pain bénit (et non pas des gâteaux) et les badauds avaient avalé cette camelote coliqueuse, non pas sur le champ de foire, mais dans l’église, après la bénédiction du ratichon. [...]
L’exemple de La Croix [...] montre que ces messieurs [les journalistes] sont capables de tous les mensonges pour essayer de conserver à la religion son prestige d’autrefois – qui fout le camp de plus en plus. Car enfin, du pain bénit ne devrait pas donner la colique et rendre malade ! [...]
Quand une automobile ornée d’un « Saint Christophe » roule dans un ravin, quand une église brûle, [...] n’avons-nous pas la preuve que la protection divine n’est qu’une vaste blague ? La prétraille pratique la plus honteuse des escroqueries en dépouillant des nigauds, auxquels on a eu le soin de bourrer le crâne à fond quand ils étaient tout petits. [...]

Les saligauds totalitaires
Quels monstres que les biens pensants ! Quels hypocrites, quels tartufes, quels égoïstes ! Pour garder leur pognon, ils sont prêts aux pires atrocités – à condition, bien entendu, de ne pas exposer leur viande molle. Ils se battent par procuration et leur acharnement n’en est pas moins grand, au contraire. [à propos des bourgeois qui ont lynché des Communards] [...]
Et nos bons amis d’Amérique, s’amusant à lyncher les nègres, à les torturer, en les écorchant tout vifs, en les faisant brûler après les avoir arrosés de pétrole... Ils s’en vont ensuite au temple ou à l’église et se plongent avec dévotion dans la sainte bible. [...]

Les girouettes
Une belle girouette : le Pape ! Bien rares sont les gens qui osent attaquer le vieux sorcier du Vatican. [...] Pour sauver les privilèges de la curaille, le Pape est prêt à toutes les volte-face, à toutes les palinodies, à toutes les culbutes. In a béni Hitler, espérant que celui-ci, qui est catholique, allait le favoriser. Puis il l’a combattu de son mieux, quand il a vu que le Führer n’acceptait pas de lui retirer les marrons du feu. Il a organisé une croisade mondiale contre les Soviets, parce qu’ils avaient bousculé popes et ratichons. Il a fait de même contre le Mexique. Mais il lécherait demain les bottes à Staline et aux Mexicains, s’il y trouvait un quelconque intérêt. En 1934, il demandait aux catholiques espagnols de soutenir le gouvernement régulier contre les révoltés. Parce que le cafard Gil Roblès était au pouvoir et que les révoltés étaient des propos ! Mais trois ans plus tard, le même Pape a envoyé un ambassadeur officiel au révolté Franco – parce que le gouvernement régulier était laïque (le coup d’état fasciste a du reste été manigancé par le Vatican). [...]
Il bénit Mussolini, inspire Dollfuss et Salazar, intrigue avec Poincaré, Daladier et consorts. [...] Ca parle de paix – et ça bénit les Canons ! Ca se réclame d’un Jésus miséreux – et ça vit dans un palais merveilleux ! [....] Ca chante la Fraternité – et ça collabore avec tous les tyrans ! [...] En 1895, le Pape Léon XIII soutenait les Ethiopiens contre l’Italie, pour embêter le ministre Crispi, qui était franc-maçon. Quarante ans plus tard, Pie Onze a béni les massacreurs italiens, allant exterminer les Ethiopiens. [...]
Mais il y a des petites girouettes imbéciles, en quantité innombrable. Elles changent d’opinion sans savoir pourquoi ni comment, parce qu’on leur dit de changer. Le cerveau de ces gens-là doit ressembler à une éponge : il absorbe tout ce qu’on lui présente. [...]

Les prostitués de la plume
Le plus ignoble des tyrans a toujours trouvé une multitude de courtisans. Plus grande est sa cruauté, plus énorme sera la lâcheté de ses admirateurs. Ils rivaliseront d’obséquiosité pour chanter son génie, sa grandeur et son courage. Ils le couvriront de fleurs et le compareront aux hommes les plus illustres. [...]
Quel est le plus répugnant ? Est-ce le tyran cruel, qui mène les hommes à la cravache et qui fait torturer ou assassiner tous ceux qui gênent son ambition ? N’est-ce pas, plutôt, celui qui se prosterne devant lui, qui lèche le sang de ses bottes, qui flagorne et glorifie l’Assassin ? La platitude de l’esclave me révolte au moins autant que la folie sadique et ambitieuse du maître.

Le règne du « clinquant » et des cabotins
« C’est avec des hochets que l’on conduit les hommes. C’est avec un élixir de pompeuses fariboles et de breloques symboliques que l’on mène les hommes, comme l’on veut, jusqu’où l’on veut, au bout du monde...Soigner le cérémonial...des uniformes éblouissants, afin de frapper l’imagination de la foule imbécile » Napoléon Ier. [...]
Les idoles que vous contemplez ne vous en imposent que par le chiqué, la mise ne scène. [...]
Moi je ferme les yeux. Et je me la représente [la vedette] sur son pot de chambre, le lendemain matin. Adieu, ton auréole, ö mon impératrice ! [...]
Eblouir les autres ! Mâles ou femelles, ils ne pensent qu’à cela ; ils ne vivent que pour cela. En boucher un coin aux copains et surtout aux copines, avec une robe neuve, un chapeau dernier cri. Quand ils vont visiter des amis, ce n’est pas par amitié, c’est pour les faire bisquer en étalant un manteau « qu’ils n’avaient pas encore vu », des bottines et un sac à main inédits. Et les autres seront obligés d’admirer, ou de faire semblant, la mort dans l’âme. [...] Ils se rattraperont après votre départ, à belles dents, la crâneuse ! [...]
Quel plaisir peut-on éprouver à éblouir des imbéciles ? Des esprits superficiels, dont l’opinion ou le jugement n’ont absolument aucune importance et aucune valeur ? C’est au fond pour les dominer, leur faire croire qu’on a du pèze en masse et qu’on ne se refuse rien, se griser d’une supériorité factice – et souvent même inexistante. [...] Vous ne vivez pas pour vous-mêmes, mais pour les autres. [...]

Badauds, suiveurs et moutons
Parmi les actions quotidiennes de l’homme combien sont vraiment libres, spontanées, sincères ? Pas beaucoup. On obéit à la routine, à l’habitude, à la mode. [...] La servitude de la mode, jusqu’à présent, pesait surtout sur les femmes. Mais les hommes d’aujourd’hui, les jeunes surtout, se montrent aussi stupides, aussi moutons. Cela tient sans doute à leur médiocrité mentale, au vide désolant de leur cerveau ; à leur manque absolu de personnalité. Nos contemporains sont complètement privés d’originalité : L’humanité ressemble à un grand troupeau. On pense en série. On agit de même. [...]

Les perroquets
L’esprit moutonnier se manifeste dans le langage comme dans tous les autres domaines. Prêtez l’oreille aux conversations, dans un milieu social quelconque, et vous serez frappé par le fait suivant : les gens emploient une sorte d’argot, ils répètent des expressions à la mode. Ils pensent en série – et ils parlent comme des perroquets. [...]
Faire le perroquet, c’est bien moins fatigant ! Pas besoin de chercher, de réfléchir, de s’interroger soi-même. Il suffit de rabâcher comme un phonographe. [...]

Les tyrans d’en-bas
Peuple, méfie-toi des démagogues ! Ce sont tes pires ennemis. Ils ne te caressent que pour mieux te tondre. Au fond, ils te méprisent et se moquent de toi, mais tes épaules leur sont nécessaires pour décrocher la timbale (qui ne sera pas pour toi). Ils te haïssent et s’ils pouvaient te serrer la vis un bon coup, ce serait rapidement fait. Plus tard, peut-être. Pour le moment, ils ont besoin de tes voix, de ton suffrage et de ta cotisation. Ils te diront donc que tu es grand, que tu es noble et beau, et que tu as tous les droits en même temps que toutes les vertus. Si tu les crois, tu es un imbécile – et tu es perdu.
Dire la vérité à l’Ouvrier, toute la vérité, même quand elle est pénible à entendre, c’est peut-être le meilleur moyen de servir sa cause et de travailler à sa véritable libération. Ils me dégoûtent, ceux qui disent au Peuple qu’il arrivera au bonheur total et universel sans avoir besoin de faire des efforts et de se perfectionner. Ils mentent – volontairement. Ils ont d’ailleurs, intérêt, les maîtres, ou les aspirants-maîtres, à empêcher la masse de s’instruire. N’est-ce pas en se corrigeant qu’elle deviendrait capable de progresser et de prendre en mains la conduite de ses propres destinées ? Ce jour-là, devenus inutiles, les chefs et les dirigeants n’auraient plus qu’à disparaître. [...]
Autrefois, on disait : le Peuple. Aujourd’hui, on dit : la Masse. Autrefois, on disait : vos délégués. Maintenant, il y a la base et il y a le sommet ! ! ! Les délégués, secrétaires, etc., on les appelle des responsables. Est-ce à dire que les cotisants et les électeurs soient tous... des irresponsables ? c’est à dire des inconscients ?
Quels mépris pour l’Individu ! De plus en plus, le conformisme triomphe. La personnalité humaine est méconnue. Que dis-je : elle disparaît. Si elle existait, elle se montrerait, elle réagirait, elle grognerait. Elle n’est plus capable que de bêler des applaudissements et de suivre avec veulerie les chefs qui la conduisent à l’abattoir... Dans l’immense nivellement des troupeaux sociaux, l’HOMME devient de plus en plus rare. Et on lui fait la vie de plus en plus dure... [...]

L’ingratitude humaine
On n’est jamais poire quand on est sceptique ; on n’est vraiment jamais roulé quand on le sait, et qu’on en a conscience. Ce n’est pas être aveugle que de fermer volontairement les yeux. [...]
[...] l’ingrat est un égoïste rampant, sans ressort moral, sans courage... S’il avait été courageux, d’abord, aurait-il quémandé, supplié ? Avant d’en venir là, il aurait épuisé tous les moyens d’action, s’il a fait litière de sa dignité pour vous solliciter, c’était déjà mauvais signe. Je n’aime guère les amis qui me tendent la main. [...]
[...] je m’aime pas non plus ceux qui s’en vont crier sur tous les toits qu’ils ont rendu tel ou tel service à Durand ou à Dupont, qui se drapent dans leur générosité, qui étalent leur bonté à tous les coins de rue et qui prennent le ciel et la terre à témoin de la magnificence de leurs sentiments. [...]
L’ingrat a cru te dépouiller ? C’est lui qui est volé. Il perdra cent fois plus d’un côté qu’il n’aura gagné de l’autre. L’idiot ! Il perdra ton cœur, ta puissance d’amour et de bonté... Pour cent francs, il abandonnera la spontanéité de tes élans, la douceur de ton regard, le réconfort de vos conversations familières... [...]

Les sportifs
Football, boxe ou vélo, peu importe le genre de marotte. Mais le sportif est presque toujours un cerveau atrophié ou déformé. Il fera deux cents kilomètres pour donner des coups de pied dans un ballon, mais il ne fera pas vingt mètres pour entendre une conférence philosophique ou scientifique, qui lui permettrait de s’instruire un peu. [...] Les « performances » du jarret ou du biceps l’enthousiasment. Considéré comme un exercice rationnel de culture physique, le sport pourrait être bienfaisant, très bienfaisant même, en nos agglomérations ultra-civilisées. Mais quand ça tourne au championnat ; quand les gars de Sochaux font cinq cents kilomètres pour se mesurer avec ceux d’un autre patelin [...] alors on verse dans le crétinisme. Cette cohue ne pense plus qu’à triompher de l’adversaire. Ses instincts guerriers, plus ou moins barbares, se réveillent. On se grise d’une gloriole imbécile. Les véritables valeurs humaines sont totalement méconnues. Le sportif n’est qu’un polichinelle au cerveau creux. Il est mûr pour le fascisme, pour l’église, toutes les guignolades et toutes les exploitations.

Les moralistes
« Que celui qui n’a jamais pêché lui jette la première pierre ». Parmi les innombrables banalités que l’Eglise attribue à ce fantôme sympathique qui fut appelé Jésus-Christ, celle-ci est assurément une des moins plates et des moins vides. Aussi des générations entières se sont-elles extasiées devant cette parole, qui prétendait renfermer la plus haute leçon de sagesse et d’humanité.
Evidemment, celui qui a péché n’est pas qualifié pour jeter le pierre à autrui. Mais celui qui n’a pas péché, est-il davantage qualifié ? Toute la question est là.
Bien peu d’hommes ont eu le courage de la poser nettement et franchement. D’abord il faudrait s’entendre sur le signification du mot « pêché ». Qu’est-ce que c’est exactement ?
Si vous appelez péché et si vous considérez comme une chose honteuse un acte qui me paraît naturel et normal, comment pourrions-nous arriver à nous entendre ? Lorsque Jésus a prononcé (soi-disant) la parole plus haut relatée, c’était à propos d’une femme adultère, que l’on voulait lapider à coup de pierres, selon la douce coutume juive. « Que celui qui n’a jamais péché lui jette donc la première pierre. » Et personne n’osa se présenter. Ils s’esquivèrent les uns après les autres. Jésus resta seul avec la pêcheresse et lui donna son pardon (et rien d’autre ?)
Tous les gueulards étaient partis. Parce qu’ils avaient tous trompés leurs femmes. Dans ces conditions, ils ne pouvaient rien dire... Comment reprocher au voisin ce que l’on fait soi-même ?
Je pourrais épiloguer à ce sujet : tromper sa femme est-il vraiment un péché ? Le vrai crime ne consiste-t-il pas, précisement, à vouloir enfermer l’Amour dans un réseau de contraintes étouffantes et de réglementations sévères et tyranniques ? Celui qui commet l’adultère, c’est tout simplement un homme (ou une femme) qui manque de satisfactions, morales ou physiologiques et qui est dominé par ses aspirations amoureuses. Il peut se tromper, et cela n’est pas rare, mais cela ne nous regarde point, il obéit à la grande poussée universelle des êtres vers le bonheur. C’est un égoïste assurément (et les autres également !). Mais aussi longtemps qu’il respectera la personnalité du voisin et qu’il n’emploiera pour se satisfaire ni la tromperie, ni la brutalité, à quel titre aurions-nous le droit de donner une opinion – et surtout d’intervenir ?
Ceci étant dit, examinons à présent le cas du Monsieur ou de la Dame qui n’ont jamais péché – et qui auraient, de ce fait, le droit de me jeter des pierres. De deux choses l’une : ou il ont eu le désir de pécher ; ou ils ne l’ont jamais eu.
S’ils ne l’ont jamais eu, ils ne savent pas ce que c’est. De quel droit pourraient-ils, dans ces conditions, critiquer ceux qui sont constitués autrement qu’eux ?
Ont-ils éprouvé, au contraire, le désir de commettre un péché ? Dans ce cas, ils ont dû lutter pour ne pas suivre un penchant qu’ils croyaient dangereux (ou qui leur avait été présenté comme tel). Cette lutte a été plus ou moins pénible et ils sont parvenus à serrer les freins. Cette « victoire » sera-t-elle véritablement profitable, soit pour eux, soit pour autrui ? On peut se permettre d’en douter, mais la question n’est pas là ? Demandons-nous plutôt si le fait d’être parvenu à maîtriser son tempérament personnel confère à quelqu’un le droit d’exiger que son voisin adopte la même conduite que lui. Un tel raisonnement pourrait nous mener loin. S’ils ont pu triompher de leurs penchants, c’est parce qu’ils avaient la force de le faire. Tant mieux pour eux (ou tant pis, peut-être ?). Je ne comprends pas qu’ils puissent en tirer la moindre gloriole. Et qu’ils prennent un air pincé pour apprécier l’activité des autres. Chacun mange selon son appétit. Je n e forcerai personne à engouffrer une ration identique à la mienne, mais je ne puis admettre que cet ascète m’empêche de manger ou s’applique à cracher dans mon plat.
A ce compte, ce seraient les rétrécis, les ralentis, les congelés qui gouverneraient le monde. Ou les hypocrites : ceux qui prêchent l’abstinence, la chasteté, le renoncement et qui... bouffent en cachette. En public, ils font les dégoûtés. Mais quand ils s’abandonnent librement à leurs instincts, ils s’en fourrent... jusque là !
Il serait pourtant si simple de laisser la liberté à chacun. Mangez, buvez, fumez, chantez, jouez, baisez... à votre guise. Evitez simplement de déranger personne. J’en ferai autant que ça me plaira. Je ne veux pas qu’on m’oblige ni qu’on m’empêche. Je choisis librement mon heure, mon menu, mon partenaire. Si je fais un égard de régime et si j’en souffre, tant pis pour moi – et je n’irai pas m’en plaindre à tel constipé ou pisse-froid de ma connaissance.
...Non seulement ils me dégoûtent, les moralistes autocrates, mais ils me donnent une furieuse envie, pour obtenir la paix et garder ma liberté, de leur envoyer mon pied... quelque part (pour le réchauffer un peu). [...]
Tout le monde est hypocrite. L’ambiance nous y oblige. Moi comme les autres. Il est presque impossible d’être franc et sincère, dans toutes les circonstances et avec tous les individus. On ne peut pas toujours proclamer la vérité, dire carrément ce que l’on pense. On craint de déplaire ou de froisser. Alors on fait semblant d’approuver des choses qui nous répugnent. Une telle attitude n’est pas reluisante. Faute de mieux, efforçons-nous du moins de nous taire, quand nous ne pouvons parler hautement ! Ayons l’horreur du mensonge. Ne consentons jamais à nous diminuer moralement, à nous ravaler, à faire le pitre. Si quelqu’un nous dégoûte, n’allons pas lui passer de la pommade. Evitons-le poliment. Ce sera plus propre. [...]

Elever l’homme. Viser toujours plus haut. Voir toujours plus grand et plus beau... Tu ricanes ? Tu te complais dans la médiocrité mentale ? le contact de la fange ne te révolte plus ? Tu mérites alors ma pitié. Mais permets-moi de passer outre à tes objections. Depuis quand les aveugles montreraient-ils le chemin à ceux qui voient clair ? Celui qui a le nez bouché est-il qualifié pour déclarer que la puanteur n’existe pas ? Et celui dont le cerveau est engourdi viendra t-il s’insurger contre les grands mots qu’il ne comprend pas et les nobles idées qui le dépassent ?
Ce serait ridicule – et cela se voit pourtant tous les jours.
Régismanset a bien raison d’écrire : « Il est des gens qui ne sentent pas les mauvaises odeurs. De même, il en est qui ne voient pas le mal ».
Et ces incomplets ont la prétention de régenter les hommes sains, sensibles, virils, normaux.. [...]

Les vantards. Chercher à éblouir son prochain, c’est le prendre pour un imbécile – en se déconsidérant soi-même. Il faut un esprit bien médiocre pour se vanter de sa compétence professionnelle, de la grosseur de ses biceps, de la coupe de son pantalon, du nombre de ses décorations, de ses succès sportifs ou de ses diplômes universitaires. Un philosophe sait que l’idée de mérite personnel est contraire à la raison, à la fraternité : car un philosophe est avant tout déterministe.
Si je suis moins intelligent, moins fort, moins beau que mon voisin, est-ce ma faute ? Pourquoi cherche-t-il à me rabaisser en affichant sa supériorité d’une façon ostensible et prétentieuse ? [...]

En effet, si les types qui ne pensent qu’à faire l’amour du matin au soir me déplaisent, ceux qui affectent, sincèrement ou non, de mépriser les plaisirs de la chair, me répugnent davantage encore. Ce sont souvent des tartufes, se livrant en cachette aux plus viles turpitudes, tout en affirmant que le coït est une saleté. D’autres sont vraiment chastes. Ce sont des con-tinents ou des con-gelés, comme je l’ai dit plus haut. Ils ne ressentent rien, ne désirent rien et s’étonnent que les autres ne soient pas comme eux. N’ayant jamais faim, ils voudraient m’empêcher de manger. La prétention me paraît abusive. S’ils ont le cœur desséché et le sexe ratatiné, tant pis ou tant mieux pour eux, mais qu’ils fichent au moins la paix à ceux de leurs contemporains qui sont aptes à forniquer. Les Père-la-pudeur sont terriblement raseurs et encombrants. Ils expurgent la littérature et censurent le cinéma et le music-hall. Ils n’arrêtent pas de vitupérer contre le relâchement des mœurs et sont continuellement occupés à renifler le derrière de leurs contemporains (et de leurs contemporaines) pour y placer des... muselières ! Loin de sauver la morale, ils la font détester, en la rendant repoussante, contre-nature, immonde...

Culte des morts
Je n’aime pas beaucoup aller dans les cimetières. Mais le premier novembre, je n’y mets jamais les pieds, jamais. Il est tout naturel que nous pensions à ceux que nous avons perdu, mais pourquoi le faire à date fixe ?
Vous allez encore me trouvez original, pas « comme tout le monde » ! ! Mes sentiments ne sont pas réglés par la coutume. Je n’ai pas besoin de regarder le calendrier pour savoir qu’il faut penser aux morts aujourd’hui, plutôt que dans huit jours.
Je les observe avec pitié, coltinant leurs pots de chrysanthèmes, ces milliers d’automates qui se dirigent vers les lugubres endroits où pourrissent paisiblement les morts. [...]
Déposer quelques fleurs sur un tombeau est un geste puéril, mais non exempt d’une certaine poésie – à condition qu’il soit libre et spontané. Si le geste est commandé par le routine, il perd, à mes yeux, toute sa valeur.
Pensez davantage aux vivants ! Faîtes votre devoir envers eux ! N’attendez pas qu’ils aient quitté la vie pour leur manifester de l’attachement, de la patience, de la bonté... N’essayez pas de vous acquitter avec quelques fleurs et une visite annuelle au charnier. Votre conscience est peu exigeante, en vérité !
Combien d’hypocrites, au surplus, dans cette cohue de badauds ? [...]
Qui ont commis contre le mort les pires infamies – et qui versent ensuite des larmes mensongères, quand il n’est plus là... [...]
Les fleurs que vous leur portez, ils ne les verront point. En réalité, ce n’est pas pour eux que vous les portez, c’est pour vous – et pour la galerie. L’opinion publique, cette vieille et tyrannique maquerelle. « Il ne faut pas que l’on puisse croire que je ne pense pas à mes morts : » Toujours la crainte du qu’en dira-t-on.
Allez moins souvent dans les nécropoles. Dépensez moins d’argent en couronnes et autres inutilités funéraires. Donnez des jouets aux enfants au lieu de bâtir des tombeaux. Apprenez donc à vivre, ô vous qui larmoyez et tremblez devant la mort, parce que vous êtes incapables d’en comprendre la vraie grandeur.

La vie d’elle-même
Par moment la vie elle-même me dégoûte. Je la trouve tellement grise, monotone, quotidienne... Et sans issue. A quoi bon tant lutter, tant souffrir, tant peiner, puisqu’il faudra, bientôt peut-être (et très rapidement, de toutes façons) renoncer à tout et succomber devant la mort – encore une belle dégoûtation.
Répéter toujours les mêmes paroles, et refaire interminablement des gestes identiques, on s’en fatigue... Et certains jours, l’accablement est si grand que l’on cède à l’amertume. On est sur le point de lâcher pied et de renoncer à tout. [...]
On ne devrait pas trop demander à la vie. On ne devrait pas trop réfléchir, pas trop penser, pas trop rêver. Les exigences du cœur et de l’esprit, quand elles sont trop grandes, finissent par vous accabler.
Au fond, pourquoi les hommes tiennent-ils tant à la vie ? Je le comprends de moins en moins.
Ils s’ennuient. Ils souffrent. Ils n’arrêtent pas de récriminer et de geindre. [...]
Ils imaginent les amusements les plus variés et les plus cocasses et le lendemain d’une cuite répugnante, ils vous diront : « J’ai bien rigolé ! ». Mais ils ne donnent le change à personne. S’ils arrivent à s’étourdir, la tristesse et l’ennui les reprennent bien vite... [...]
Ils ne s’amusent guère, mais ils font semblant de s’intéresser à une foule de choses qui sont à la mode, pour faire comme les autres, pour ne pas avoir l’air d’être des arriérés. [...]
D’accord. Je suis déterministe. Je sais que les individus sont le produit du milieu dans lequel ils vivent et par lequel ils sont façonnés. C’est pour cela que je n’ai pas de haine contre eux. Du dégoût, oui. De la haine, non. Car ce n’est pas leur faute s’ils sont ridicules, égoïstes, jaloux et cruels.
La vipère non plus n’est pas responsable. Ce n’est pas sa faute si elle est née vipère et si elle possède un mortel venin. On l’écrase quand même, la vipère...
Moi je ne veux ni écraser ni violenter personne. Je m’écarte simplement. Je m’en vais à la recherche d’un air un peu moins vicié...

Ceux que j’admire
Un Ignorant peut être aussi noble qu’un Savant. Un miséreux peut être plus riche de fierté qu’un bourgeois. Un millionnaire peut avoir la mentalité d’un laquais. Ce qui fait la grandeur des hommes, c’est de pouvoir dire : Non ! C’est de se refuser à une mauvaise action, à une saleté quelconque – et si rémunératrice soit-elle.
Si l’on vous donnait un million, dix millions, cent millions... assassineriez-vous votre mère ? Est-il nécessaire de répondre Non ? Je dirai mieux : plutôt mourir cent fois moi-même que verser le sang d’un être humain, pour l’opprimer ou pour le dépouiller. [...]
Plutôt la misère dans ma vieillesse que la honte sur mon front ! Si je trahissais mon idéal et mes amis, je me dégoûterai moi-même.
Voilà les hommes que j’admire. Ceux qui sont incapables de sacrifier leur intérêt pour une Idée, pour un Amour, pour un But élevé. Si l’Idée est fausse, tant pis. Si l’être aimé est vil ; si le But est inaccessible ; si l’homme se dévoue pour une Erreur ; tant pis. N’obéissant qu’à la sincérité de sa raison et de son cœur ; je le classerai quand même, s’il est capable de rester désintéressé et pauvre, parmi les héros de notre monde si plat. [...]
Marcher vers la Lumière... Ne faire de mal à personne, travailler pour la Justice et la Raison... Ne jamais s’aplatir devant un maître ; refuser tous les avilissements, trafics et prostitutions où se complaisent les larves grimaçantes que nous côtoyons chaque jour... Voilà l’Idéal vers lequel il faut tendre, par delà les Partis et les Sectes. Réaliser et nettoyer notre Conscience. Résister aux influences d’un milieu corrompu. Repousser tous les mensonges et toutes les hypocrisies. Quel effort gigantesque à tenter ! Effort ardu – et toujours à recommencer... Pénible, décevant, c’est vrai ! Mais... trouvez-moi une autre raison intelligente pour continuer à vivre ! !

Pour conclure
« Vous-mêmes causez les maux dont vous vous plaignez. C’est vous qui encouragez la tyrannie par une lâche adulation de sa puissance, par un engouement imprudent des fausses bontés, par l’avilissement dans l’obéissance, par la licence dans la liberté, par l’accueil crédule de toute imposture. Sur qui punirez-vous les fautes de votre ignorance et de votre cupidité ? » Volney
J’ai cherché... J’ai tout essayé. J’ai mordu à tous les fruits. Mes déceptions ont été nombreuses. L’argent ? Cette ordure, qui fait commettre tant de vilenies... La gloire ? la notoriété ? Rêveries de pitres, qui s’imaginent éblouir d’autres pitres. L’ambition ? une fumée. L’égoïsme ? une bassesse. La religion ? Pitoyable expression de la frousse.
Je n’ai trouvé que trois sources de réconfort.
D’abord, l’Action. N’importe quelle action, aussi élevée, aussi esthétique que possible. Se dépenser. Œuvrer. Batailler. Les résultats sont-ils maigres ? Qu’importe ! L’Action est salvatrice parce qu’elle nous aide à sortir de nous- mêmes.
La Science. Etudier. Enrichir son cerveau. S’efforcer à connaître un peu mieux ce monde mystérieux et indifférent.
L’Amour. Se donner pour une tête chérie. Sans autre espérance que de cueillir un peu de soleil dans ses yeux et de la voir sourire. Oublier, en un baiser, la noirceur du monde et l’insipidité de la vie...
Non, ce n’est pas vrai : la vie ne me dégoûtent pas. Je l’ai toujours aimée passionnément. Même sans illusions, même sans espérance. Je continuerai, jusqu’à mon dernier souffle, à la chérir, à la chanter... La vie ! C’est l’amitié, fidèle et désintéressée, la fleur la plus rare, mais la plus précieuse aussi. C’est un baiser de la femme aimée, une pression de ses jolis doigts, un regard de ses yeux clairs... Etreindre sa chair superbe... Oublier toute la misère du monde en me plongeant dans ses cheveux parfumés... Prendre ensuite un bon livre... Oh les livres, eux aussi, je les ai passionnément aimés, beaucoup plus que les hommes. Les vieux livres poussiéreux, qui ne trahissent jamais et qui réconfortent de leur sagesse... Un bon livre... une femme adorée... Et là-haut, dans le ciel bleu, un nuage tout blanc qui flotte. Comme la vie pourrait être belle, si les humains étaient un peu moins égoïstes, un peu moins méchants...

André LORULOT

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